FEUILLES DE RECHANGE

Enquêtes (article 42)


FEUILLES DE RECHANGE, AUSSI APPELÉES FEUILLETS MOBILES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL
Enquête no : NQ-89-004

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 6 juillet 1990

Enquête no : NQ-89-004

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation au sujet des :

FEUILLES DE RECHANGE, AUSSI APPELÉES FEUILLETS MOBILES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication de décisions provisoires de dumping et de subventionnement datées du 8 mars 1990 et de décisions définitives de dumping et de subventionnement datées du 6 juin 1990 rendues par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, concernant le dumping au Canada et le subventionnement de feuilles de rechange, aussi appelées feuillets mobiles, originaires ou exportées de la République fédérative du Brésil.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada et le subventionnement de feuilles de rechange, aussi appelées feuillets mobiles, originaires ou exportées de la République fédérative du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

John C. Coleman
_________________________
John C. Coleman
Membre présidant


Sidney A. Fraleigh
_________________________
Sidney A. Fraleigh
Membre


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Robert J. Martin
_________________________
Robert J. Martin
Secrétaire

L'exposé des motifs sera émis d'ici 15 jours.

Ottawa, le lundi 23 juillet 1990

Enquête no : NQ-89-004

FEUILLES DE RECHANGE, AUSSI APPELÉES FEUILLETS MOBILES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping et le subventionnement des marchandises mentionnées ci-haut ont causé, causent ou sont susceptibles de causer un préjudice sensible, ou ont causé ou causent un retard sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur, par les présentes, conclut que le dumping au Canada et le subventionnement des marchandises mentionnées ci-haut ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l'audience : Les 11, 12 et 13 juin 1990
Date des conclusions : Le 6 juillet 1990

Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant
Sidney A. Fraleigh, membre
Charles A. Gracey, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy
Agent de la recherche : John O'Neill
Préposé aux statistiques : Margaret Saumweber
Préposé à l'inscription et
à la distribution : Molly C. Hay


Participants: Michael Vineberg
Juliette Champagne Bennet
pour Fanco Products
Division of H.J.M. Enterprises Inc.

Bruce Pollock
pour Hilroy
Division of Abitibi-Price

(parties plaignantes)
Peter Clark
Peter Burn
Chris Hines
pour Tilibra S.A. Comercio E Industria
Grafica

(exportateur)

Témoins :

Harvey Eidinger
Vice-président
Fanco Products Inc.
Division of H.J.M. Enterprises Inc.

Samuel Eidinger
Président
Fanco Products Inc.
Division of H.J.M. Enterprises Inc.

Bruce D. McIntyre
Vice-président exécutif
Hilroy

Gordon B. Hicks
Vice-président, Ventes et Marketing
Hilroy

João Machado Jr.
Directeur de l'exportation
Tilibra Paper Products

A.J. Hartt
Acheteur
K-Mart Canada Limited

Gabby Green
Gérant de la commercialisation
Sotal Ltd.

Peter Stupp
Propriétaire et acheteur pour St. Louis Distributors
Distributeurs et ventes R.P.S. Ltée

Adresser toutes communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

Cette enquête est menée pour déterminer si le dumping et le subventionnement de feuilles de rechange, aussi appelées feuillets mobiles, originaires de la République fédérative du Brésil (Brésil) ont causé et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de ces marchandises. Dans le cadre de son enquête, Revenu Canada a constaté que toutes les importations originaires du Brésil ont été sous-évaluées et subventionnées; la marge moyenne de dumping était de 32,5 p. 100 et le montant de subventionnement à l'exportation, 0,05 $ CAN les 100 feuilles.

Les fabricants nationaux, Hilroy et Les Produits Fanco Inc., division de Les Entreprises H.J.M. Inc. (Fanco), assurent la presque totalité de la production canadienne et celle de Hilroy dépasse largement la moitié. Le Tribunal estime que chacune de ces deux entreprises représente une partie importante de la production canadienne. Le Tribunal peut considérer qu'un préjudice sensible causé à l'un ou l'autre des fabricants à la suite de dumping et de subventionnement est suffisant pour émettre des conclusions de préjudice sensible à la production canadienne des ces marchandises.

La plainte a été logée par Fanco, mais Hilroy lui a accordé son appui. En 1989, Fanco a perdu un client de longue date : K mart Canada Limitée (K mart) décidait alors d'acheter ses feuilles de rechange chez Tilibra Paper Products (Tilibra), un exportateur brésilien. Bien que tout laisse croire que les relations entre Fanco et K mart n'étaient pas à leur meilleur à la fin de l'année 1988 et au début de 1989, le Tribunal constate que Fanco a perdu ce marché à la suite de son refus de ramener son prix pour ses feuilles de rechange à celui de débarquement demandé par Tilibra. Si des facteurs, autres que celui du prix, avaient été aussi importants, K mart n'aurait pas, quelques mois plus tard, procédé à de nouveaux achats de feuilles de rechange de Fanco pour elle-même ou pour une filiale. Fanco a réagi à la perte de la clientèle de K mart en se lançant de façon dynamique à la recherche d'autres marchés. Elle a réussi en soutirant deux importants clients à sa concurrente, Hilroy.

Fanco a prétendu avoir subi un préjudice sensible en raison de la perte d'une vente et de la compression des prix à la suite du dumping et du subventionnement. Le Tribunal est d'accord. Les ventes à K mart représentaient environ 5 p. 100 du marché canadien des feuilles de rechange. Selon le Tribunal, la compression des prix dont a souffert Fanco équivaut environ à son revenu net moyen avant impôt pour les trois années précédentes. Par contre, les ventes globales de feuilles de rechange par Hilroy ont augmenté en 1989 et il en fut ainsi des marges bénéficiaires. Hilroy a plutôt évoqué la possibilité d'un préjudice sensible, qu'un préjudice présent ou passé.

Comme Fanco représente une partie importante de la production canadienne, le Tribunal conclut à l'existence d'un préjudice passé et présent à la production canadienne de feuilles de rechange.

Le Tribunal conclut également à la possibilité d'un préjudice sensible à la production canadienne. L'Amérique du Nord est le marché principal pour ce produit et les producteurs brésiliens continueront probablement de tenter une percée de ce marché pour utiliser leur capacité excédentaire pendant la saison creuse, qui coïncide avec la saison de production en Amérique du Nord. Le témoin de Tilibra a confirmé que sa société vendait à perte des feuilles de rechange pour inciter les consommateurs à acheter d'autres produits de papier plus rentables. Le Tribunal considère que Tilibra et d'autres fabricants brésiliens auraient réalisé d'autres marchés importants en 1989, s'ils étaient devenus actifs plus tôt dans l'année, en tenant compte de la nature standardisée et de la sensibilité aux prix de ces «produits d'appel». La perte des ventes et la compression des prix seraient encore plus rigoureuses qu'en 1989 si les droits antidumping et compensateurs n'étaient pas imposés dans l'avenir.

Le Tribunal en arrive donc à la conclusion que le dumping et le subventionnement de feuilles de rechange originaires du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production canadienne de ces marchandises.

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Le Tribunal, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, a mené une enquête à la suite de la publication de décisions provisoires de dumping et de subventionnement datées du 8 mars 1990 et de décisions définitives de dumping et de subventionnement datées du 6 juin 1990, rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), concernant l'importation au Canada de feuilles de rechange, aussi appelées feuillets mobiles, originaires ou exportées du Brésil.

Les avis de décisions provisoires et de décisions définitives de dumping et de subventionnement ont été publiés dans la Partie I de la Gazette du Canada du 24 mars 2990 et du 23 juin 1990, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal émis le 14 mars 1990 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 24 mars 1990.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés aux fabricants canadiens et aux importateurs connus des marchandises en cause, afin d'obtenir des renseignements sur la production, sur la situation financière et sur le marché ainsi que d'autres renseignements pour la période allant du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1990. À partir des réponses obtenues et d'autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a rédigé des rapports préalables à l'audience, public et protégé, pour la période visée, soit la période d'examen aux fins de la présente enquête.

Le dossier de l'enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, les pièces à l'appui présentées par les parties lors de l'audience, de même que la transcription des audiences. Les parties ont pu consulter toutes les pièces publiques à l'appui, alors que seuls les avocats indépendants ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont eu lieu à Ottawa (Ontario) à partir du 11 juin 1990. Les participants, soit Fanco, la partie plaignante, et Hilroy, un fabricant qui appuie la plainte, ainsi que Tilibra, un exportateur brésilien des marchandises en cause, ont témoigné et ils étaient représentés à l'audience par des avocats. Les avocats de Fanco ont aussi convoqué un témoin de St-Louis Distributeurs, Distributeurs et ventes R.P.S. Ltée.

Le Tribunal a convoqué deux témoins : un acheteur de chez K mart, un important détaillant de feuilles de rechanges locales et importées, et le directeur des techniques marchandes de Sotal Ltd., un importateur-grossiste de feuilles de rechange.

Le 6 juillet 1990, le Tribunal a conclu que les importations de feuilles de rechange sous-évaluées et subventionnées, originaires du Brésil avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production canadienne de marchandises similaires.

LE PRODUIT

Le produit qui fait l'objet de cette enquête est décrit dans les décisions provisoires de dumping et de subventionnement comme étant des feuilles de rechange, aussi appelées feuillets mobiles, originaires ou exportées du Brésil. Les marchandises en cause se décrivent plus précisément comme du papier réglé ou ligné horizontalement, avec ou sans marge verticale, ou encore comme du papier millimétré ou du papier non imprimé qui compte habituellement de trois à cinq perforations permettant son insertion dans une reliure à anneaux. Les marchandises en cause peuvent aussi être importées au Canada sans être entièrement finies, c'est-à-dire soit en vrac, soit sans perforations ni lignes.

Les feuilles de rechange sont offertes en différents formats, au lignage et à la disposition des perforations variés. Le formate des feuilles varie de 3 po x 5 po à 8 1/2 po x 14 po et le papier peut être ligné verticalement, quadrillé ou millimétré, ligné avec colonnes ou laissé en blanc. La feuille la plus populaire mesure 8 1/2 po x 11 po, comprend des lignes horizontales, une marge verticale et trois perforations aux fins d'insertion dans une reliure à anneaux. Aux États-Unis, on utilise surtout un papier mesurant 8 po x 10 1/2 po. C'est celui qu'on exporte en particulier au Canada afin de concurrencer directement le papier 8 1/2 po x 11 po fabriqué au pays.

L'emballage de ce papier varie aussi beaucoup, passant du paquet de 20 feuilles à celui de 1 000 feuilles. Les paquets de 200 et de 400 feuilles sont les plus populaires; ils représentaient 59 p. 100 du marché en 1986, 65 p. 100 en 1987, 75 p. 100 en 1988 et 86 p. 100 en 1989. Au cours de la période d'enquête, les importations de paquets de 200 et de 400 feuilles représentaient, sauf en 1986, près de 80 p. 100 de l'ensemble des importations des marchandises en cause.

Les institutions d'enseignements sont les grands consommateurs de feuilles de rechange. Il s'ensuit donc qu'il s'agit d'un marché saisonnier puisque environ 95 p. 100 des ventes sont réalisées au cours de la saison de la rentrée des classes, soit du début d'août à la mi-septembre. Le démarchage s'effectue à la fin de l'automne et la livraison, l'été suivant. À la fin décembre, la plupart des clients les plus importants se sont engagés pour la saison à venir. En se basant sur leur carnet de commandes, les fabricants se lanceront dans la production de feuilles de rechange en janvier ou en février et cette activité durera jusqu'en août. Les livraisons commenceront en mars ou en avril et se poursuivront jusqu'en août. La grosse partie de la marchandise sera cependant livrée entre la fin juin et le mois d'août inclusivement.

Les marchandises en cause représentent souvent 50 p. 100 ou plus de la valeur totale des produits de papier compris dans le programme rentrée des classes d'un détaillant. De nombreux détaillants choisissent leurs fournisseurs pour les autres articles scolaires - cahiers à spirale, cahiers brochés, cartables, intercalaires et reliures - en se basant sur le prix des feuilles de rechange.

Le marché des feuilles de rechange est dominé par d'importants grossistes qui utilisent les feuilles de rechange comme produit d'appel dans leur programme rentrée des classes en août et en septembre. Il s'ensuit que ces marchandises sont très sensibles au prix, étant donné que chaque cent économisé réduit les pertes encourues sur ce produit. Ces importants grossistes représentent plus de 80 p. 100 du marché des produits en cause, également vendus dans les papeteries, dans les pharmacies, dans les magasins à rayons et dans les épiceries.

L'élément qui prédomine au moment d'établir le coût de production des feuilles de rechange est le prix du papier pour tablette. Les papeteries canadiennes constituent la principale source d'approvisionnement de ce papier de qualité, même si elles doivent affronter la concurrence des usines américaines, scandinaves et brésiliennes. Le papier pour tablette, tout comme le papier en vrac, est vendu au poids et le prix est régi par les conditions du marché international.

L'INDUSTRIE CANADIENNE

Quatre grands producteurs se partagent le marché des feuilles de rechange au Canada. Les deux principaux, Hilroy et Fanco, ont fabriqué la presque totalité des feuilles de rechange au Canada en 1989. Les deux autres fabricants sont Esselte Pendaflex Canada Inc. (Esselte) et Spiral Paper Products, une division de Belt Manufacturing Limited (Spiral).

Un cinquième fabricant, Williams Paper Co. Inc., a récemment vendu son matériel de fabrication de feuilles de rechange. DRG Stationery, un ancien fabricant, a fait de même et a cessé toute production de ces marchandises en 1987.

Fanco, a été fondée en 1947. La famille Eidinger de Montréal au Québec en est le propriétaire et en assure le contrôle. Fanco fabrique une vaste gamme de produits de papier destinés à la rentrée des classes comme les feuilles de rechange, les cahiers d'exercices, les intercalaires, les couvertures de rapports et les reliures à anneaux à son usine de Montréal. Les feuilles de rechange sont l'article simple le plus vendu dans cette gamme de produits.

Hilroy, le fabricant de feuilles de rechange et de produits de papier pour la rentrée des classes le plus important au Canada, a été fondée en 1918 par M. Roy C. Hill. L'entreprise fonctionne en tant que division de Abitibi-Price Inc., qui a acheté Hilroy de la famille Hill en 1968. Abitibi-Price Inc. est contrôlée par la famille Reichmann de Toronto par l'intermédiaire d'Olympia and York Developments Limited. Hilroy fabrique une vaste gamme d'articles pour le bureau, la maison et l'école, y compris les feuilles de rechange, les blocs à calcul, les cahiers d'exercices, le matériel de classement, les couvertures de rapports, les reliures à anneaux et les fournitures d'artistes. Hilroy exploite des usines à Toronto (Ontario) et à Joliette (Québec). Les feuilles de rechange sont fabriquées à l'usine de Toronto.

Esselte est un important fabricant de fournitures de bureau, y compris, entre autres, les feuilles de rechange, les systèmes de classement, les accessoires de bureau, les étiqueteuses Dymo et les reliures à anneaux. Esselte est contrôlée par Esselte Pendaflex Inc. des États-Unis, propriété de Esselte AB, une multinationale suédoise. Esselte fabrique ses feuilles de rechange à son usine de Vancouver.

Spiral est une division de Belt Manufacturing Limited, une entreprise privée dont l'usine de conversion du papier est situées à Mississauga (Ontario). Spiral fabrique des feuilles de rechange, des cahiers d'exercices, du papier manille et à construction, des blocs à calcul, des carnets à spirale et d'autres formes de papier réglé.

Les trois plus importants fabricants, Fanco, Hilroy et Esselte, vendent leurs produits directement aux détaillants, aux distributeurs-grossistes et à divers organismes gouvernementaux.

Le dernier fabricant, Spiral, exploite surtout le marché des commissions scolaires et d'autres clients institutionnels, bien qu'il fabrique des feuilles de rechange enveloppées sous poly destinées à la vente de détail.

Fanco a logé une plainte officielle auprès de Revenu Canada, alors que Hilroy a fourni de nombreux renseignements pour appuyer cette plainte. Fanco et Hilroy ont présenté des observations au Tribunal et les quatre fabricants canadiens ont répondu au questionnaire du Tribunal.

IMPORTATEURS ET EXPORTATEURS

On peut diviser les importateurs de feuilles de rechange en deux catégories : les importateurs-grossistes et les détaillants.

Jusqu'en 1989, les importateurs-grossistes assuraient la presque totalité des importations et la plus grande partie de toutes les importations brésiliennes. Ces entreprises importent les marchandises en cause et les revendent à des chaînes de détaillants plus petits et à des magasins.

Quelques importants grossistes qui représentent la presque totalité des ventes de feuilles de rechange au Canada importent directement ce produit d'exportateurs étrangers.

Mead School & Office Products, division de Mead Corporation (Mead), Dayton (Ohio), est un important fabricant américain de produits de papier, y compris les feuilles de rechange, Mead est un importateur non résident de feuilles de rechange au Canada qui vend directement à des chaînes de détaillants et à des magasins par l'intermédiaire d'un représentant canadien.

RÉSULTATS DES ENQUÊTES DU SOUS-MINISTRE

La période d'enquête déterminée par le Sous-ministre aux fins des décisions provisoire et définitive de dumping concernant l'importation de feuilles de rechange s'échelonnait du 1er janvier 1989 au 31 octobre 1989, tandis que l'enquête de subventionnement concernant l'importation des marchandises en cause portait sur la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 octobre 1989.

Comme les exportateurs brésiliens n'ont pas répondu à la demande de renseignements de Revenu national, les valeurs normales ont donc été basées sur les renseignements fournis par Fanco et par Hilroy. Les prix à l'exportation ont été basés sur les renseignements reçus des importateurs des marchandises en cause.

Le gouvernement du Brésil a présenté une réponse à la demande de renseignements de Revenu national concernant les subventions accordées aux fabricants de feuilles de rechange. Cependant, le retard apporté à cette r?E9‚ponse ne nous pas permis de procéder aux vérifications d'usage avant que ne soit prise la décision définitive. Le montant des subventions fut donc basé sur les renseignements fournis par Fanco et hilroy.

Les enquêtes ont permis de constater que 100 p. 100 des marchandises étaient sous-évaluées, la marge de dumping moyenne pondérée s'établissant à 32,5 p. 100 et que 100 p. 100 des marchandises expédiées au Canada au cours de la période visée par l'enquête ont profité de subventions à l'exportation estimées à 0,05 $ CAN les 100 feuilles.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le personnel de recherche du Tribunal a établi des statistiques en créant une unité de base de 1 000 feuilles de rechange. On a choisi ce nombre parce qu'il est facilement divisible par les différentes tailles des paquets qui existent sur le marché et parce que cette industrie n'a pas d'unité étalon.

En raison du nombre limité de fabricants nationaux et de l'importance de Fanco et de Hilroy, la plupart des renseignements touchant l'aspect financier, l'utilisation de la capacité et l'embauche parvenus au Tribunal demeurent confidentiels.

La production globale canadienne est passée de 2,8 millions d'unités en 1986 à 3,0 millions d'unités en 1987. Elle est par contre tombée à 2,9 millions en 1988 pour remonter à 3,2 millions en 1989.

Le marché canadien des marchandises en cause est demeuré plutôt stable avec 2,8 millions d'unités en 1986, 1987 et 1988 pour augmenter de quelque peu en 1989. Jusqu'à 1989, le marché des feuilles de rechange a été dominé par deux des quatres fabricants nationaux : Hilroy et, dans une moindre mesure, Fanco dont la croissance a été régulière.

L'importation de feuilles de rechange ne représentait pas une partie importante du marché canadien avant 1989. Au cours de la période visée par l'enquête, les importations brésiliennes ont augmentés de 7 246 unités en 1986 à 8 928 unités en 1987, pour descendre à 7 708 unités en 1988 et faire un bond pour atteindre 267 933 unités en 1989. Les importations originaires des États-Unis, l'unique autre source d'approvisionnement en feuilles de rechange au cours de la période visée par l'enquête, ont augmenté de 245 unités en 1986 à 133 078 unités en 1989, soit 3 p. 100, 79 p. 100, 69 p. 100 et 33 p. 100 des importations globales des années 1986, 1987, 1988 et 1989, respectivement.

Au cours de la période visée par l'enquête, Fanco a acheté puis installé du nouveau matériel de fabrication de feuilles de rechange, augmentant ainsi sa capacité de production de façon marquée alors que celle de Hilroy demeurait stable pendant ces quatre années d'enquête. La productivité, mesurée en unités de 1 000 feuilles produites en une heure-personne, est demeurée sensiblement la même au cours de la période visée par l'enquête. Fanco, confiant en son nouveau matériel, a augmenté sa production en 1989 par rapport aux deux années précédentes.

PROCLAMATION DU PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS

Le 20 octobre 1988, le président des États-Unis, en vertu d'une disposition de l'article 301 de la Trade Act de 1974, modifiée par l'Omnibus Trade and Competitiveness Act de 1988, a imposé des droits punitifs atteignant 100 p. 100 de leur valeur sur divers produits pharmaceutiques et de papier et sur des produits électroniques à la consommation originaires du Brésil. Cette initiative a été prise en guise de représailles envers le Brésil qui n'a pas accordé de protection sur les brevets et sur les processus de fabrication de produits pharmaceutiques et de produits chimiques raffinés américains. Les feuilles de rechange comptaient parmi les produits frappés d'une surtaxe de représailles. Cette décision fermait l'accès du marché américain aux papeteries brésiliennes.

LA PLAINTE

Bien que la plainte initiale ait été logée auprès de Revenu national par Fanco, Hilroy et Fanco étaient les parties plaignantes lors de l'audience devant le Tribunal.

Le point de vue de Fanco

Dans ses observations au Tribunal, Fanco a prétendu que le dumping et le subventionnement de feuilles de rechange originaires ou exportées du Brésil avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à l'industrie canadienne des feuilles de rechange en général et à Fanco en particulier. Elle a soutenu que la perte de son plus important client en feuilles de rechange, K mart, qui a préféré les feuilles de rechange sous-évaluées et subventionnées du Brésil, et les réductions de prix auxquelles elle a dû se soumettre pour soutirer les clients Jean Coutu et Coles Bookstores à Hilroy, ont entraîné un préjudice sensible sous forme de pertes de ventes, de compression de prix et de diminution des profits.

Les avocats ont reconnu qu'il y avait un certain chevauchement dans les demandes concernant les pertes de ventes et la compression des prix présentées par les deux plus importants fabricants canadiens. Cependant, ils croient que ces entreprises ont fait appel à leur bon jugement dans le choix des clients qui illustrent le mieux le préjudice qu'elles ont dû subir. Les avocats ont également ajouté que les calculs utilisés pour quantifier le préjudice subi contenaient certaines approximations. Ils ont suggéré que, somme toute, ces approximations s'annulaient les unes les autres, entraînant ainsi une «certaine justice». Ce qui importe, ont déclaré les avocats, c'est que les marchandises brésiliennes ont été un élément croissant sur le marché canadien depuis 1987 et ont eu un effet régressif sur les prix comme en ont témoigné certains intervenants au cours de audiences publiques.

Les avocats de Fanco ont fait remarquer que K mart était le plus important client de Fanco et que cette dernière avait toujours consenti les meilleurs prix possibles. Les avocats ont affirmé qu'il existait un lien direct entre le prix du papier pour tablette, le prix courant et le prix net des feuilles de rechange, et que le prix était le facteur influençant le plus le consommateur à l'achat. En réponse à l'allégation voulant que les relations entre Fanco et l'acheteur de K mart auraient pu s'être envenimées pendant la période en cause, les avocats ont souligné que le facteur déterminant de la perte de K mart avait été une question de prix, indépendamment des relations qu'entretenaient les deux intervenants. Comme preuve à l'appui, les avocats ont fait remarquer que Bargain Harold's, une filiale de K mart, avait acheté des feuilles de rechange de Fanco en juin 1989 et que K mart l'avait imité en 1990.

Les avocats ont souligné que quatre ou cinq clients représentaient environ 50 p. 100 du marché canadien et que les 15 plus importants s'accaparaient la presque totalité du marché. Si l'un des principaux détaillants pouvaient acheter des feuilles de rechange à des prix sous-évalués, il n'était qu'une question de temps avant que les autres n'emboîtent le pas. Les avocats ont poursuivi en affirmant que les clients cherchaient un produit au meilleur prix possible afin de réduire les coûts de ce produit d'appel.

Dans le cas de Mead (États-Unis), les avocats ont prétendu que ses exportations n'avaient pas eu de graves répercussions sur le marché canadien. Ils ont déclaré que Mead ne présentait pas une menace en ce qui concerne les prix. Son produit avait un format qui n'a pas su gagner la faveur du public canadien. En outre, un des principaux clients avait déclaré ne pas vouloir acheter de feuilles de rechange de Mead. Les avocats ont de plus déclaré que leur client ne craignait pas la concurrence honnête des produits importés, mais seulement celle engagée par des produits que le Sous-ministre jugeait sous-évalués et subventionnés.

Les avocats ont fait remarquer qu'un exportateur brésilien, Tilibra, avait déclaré qu'il ne cherchait pas à vendre seulement des feuilles de rechange, mais qu'il se servait plutôt de cet article pour lancer toute la gamme de ses produits de papier sur le marché canadien. En fait, l'exportateur a admis déborder d'enthousiasme à la pensée du marché conclu avec K mart. Il n'avait pas tenu compte de l'une de ses lignes directrices en acceptant que 70 p. 100 de la commande soit réservée à la vente de feuilles de rechange, alors que normalement, le pourcentage des feuilles de rechange n'aurait pas dépassé 30 p. 100. Si, d'après les avocats, les autres fabricants brésiliens adoptaient la même stratégie, ils s'accapareraient rapidement de plus de 50 p. 100 du marché canadien. Ce qui entraînerait la perte de leur client, le moins important des deux grands fabricants canadiens. Les avocats ont prétendu que la vente de rechange de Tilibra à K mart faisait partie d'un plan de diversification des autres marchés après son exclusion américaine.

En ce qui concerne l'allégation selon laquelle il y avait surcapacité sur le marché canadien et que cette situation avait entraîné une compression des prix, les avocats ont répondu que, dans l'industrie des feuilles de rechange, un équipement plus moderne signifiait une production accélérée, réduisant de ce fait les frais d'entreposage tout en répondant rapidement à la demande du client. En outre, la dépréciation ne jouait pas un rôle important dans l'ensemble des coûts de production.

Les avocats ont affirmé qu'avant l'arrivée massive de marchandises brésiliennes en 1989, la preuve n'a pas été faite que Fanco et Hilroy se livraient à des baisses importants de leurs prix pour s'attribuer une part du marché. Les avocats ont poursuivi leur intervention en ajoutant que le produit était générique, que la qualité du papier brésilien était acceptable et que le marché était très sensible au prix.

En ce qui concerne la question de préjudice futur, les avocats ont souligné que l'exportateur brésilien aimerait faire affaires au Canada, qu'il était enthousiaste à la suite de la vente à K mart et que d'autres clients importants allaient sûrement suivre l'exemple de K mart en achetant à faible prix des marchandises sous-évaluées à moins que le Tribunal ne conclut qu'il y a matière à préjudice.

Le point de vue de Hilroy

L'avocat de Hilroy a soutenu que le dumping et le subventionnement constatés par le Sous-ministre avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à Hilroy et à l'ensemble de l'industrie canadienne des feuilles de rechange. L'avocat a souligné que le préjudice subi par son client n'était que la «partie émergée de l'iceberg» et qu'il était vraisemblable que les marchandises sous-évaluées et subventionnées continueraient de causer un préjudice sensible à moins que des droits antidumping et compensateurs ne viennent protéger les fabricants canadiens.

Selon l'avocat, le marché des feuilles de rechange était un marché à double volet : celui des fabricants et celui des détaillants. Les feuilles de rechange constituaient un produit de base sur le marché de détail. Il devait être à un prix attrayant afin d'attirer la clientèle dans les magasins. Les détaillants négociaient âprement avec les fournisseurs afin d'obtenir les meilleurs prix possibles. En conséquence, le marché était très sensible au prix et était vulnérable face aux marchandises sous-évaluées. Si un détaillant obtenait un prix inférieur pour les feuilles de rechange, il pouvait offrir un meilleur prix pour cet article. Pour faire face à cette situation, les autres détaillants devaient soit acheter des marchandises sous-évaluées à prix réduits, soit forcer les fabricants canadiens à réduire leurs prix.

L'avocat a affirmé que le préjudice subi par son client était moins direct que pour Fanco. Néanmoins, Hilroy a perdu la clientèle de Jean Coutu en 1989 et de Zeller's en 1990 directement à cause des feuilles de rechange brésiliennes ou, si ce n'est pas le cas, lorsque Fanco a coupé ses prix après avoir perdu K mart au profit de Tilibra. L'avocat a soutenu que c'était le prix des feuilles de rechange qui avait incité K mart à s'approvisionner chez Tilibra. Il a ajouté que Hilroy avait souffert de la compression des prix sur le marché des feuilles de rechange et de la perte de ventes de produits connexes au profit des fournisseurs de feuilles de rechange.

L'avocat a fait remarquer que M. Machado de Tilibra avait déclaré qu'il était souhaitable de commencer sur le marché canadien et que les usines brésiliennes pouvaient facilement satisfaire à la demande.

Enfin, l'avocat a accepté les observations présentées par les avocats de Fanco en ce qui a trait à la nature non menaçante de la concurrence de Mead et a fait remarquer qu'il n'y avait aucune preuve que ce fournisseur avait fait perdre des clients.

LA RÉPONSE

Les avocats de Tilibra ont déclaré que les arguments des parties plaignantes étaient fondés sur des suppositions, des hypothèses et des présomptions et non sur des faits prouvés. La présence coïncidente des importations sur le marché ne serait pas suffisante pour conclure que les fabricants canadiens ont subi un préjudice.

Les avocats ont soutenu que le Tribunal devait s'arrêter sur trois points fondamentaux avant d'arrêter sa décision. Premièrement, y a-t-il eu dumping et subventionnement? Deuxièmement, l'industrie nationale a-t-elle subi un préjudice sensible? Troisièmement, existe-t-il un lien de cause à effet entre le dumping et le subventionnement, et la conclusion d'un préjudice sensible? Les avocats ont reconnu qu'étant donné que le Sous-ministre en était arrivé à une conclusion de dumping et de subventionnement, le Tribunal devait faire sienne cette décision. Cependant, les avocats ont prétendu que le préjudice sensible, si vraiment il existait, provenait d'un geste volontaire et qu'il n'y avait aucun lien entre le préjudice subi par l'industrie canadienne et le dumping et le subventionnement constatés par le Sous-ministre. Les avocats ont soutenu que Fanco avait perdu la clientèle de K mart en 1989 à cause de mauvaises relations commerciales plutôt qu'à cause des prix. D'après eux, Fanco a été «l'artisan de son propre malheur».

L'intensification de la concurrence entre Fanco et Hilroy, selon les avocats, provient d'une tentative désespérée de s'accaparer une part du marché afin de justifier des dépenses en capital. Les avocats ont soutenu que la compression des prix qui en a résulté ne pouvait être imputée à la présence de Tilibra ou à celle de tout autre fabricant brésilien.

En ce qui concerne la question de préjudice futur, les avocats ont déclaré que la menace d'importation de produits à bas prix proviendrait de Mead des États-Unis et non des fabricants brésiliens. Les avocats sont revenus à la charge avec le témoignage de leur client selon lequel Tilibra accordait sa priorité à des produits de papier plus rentables et non aux feuilles de rechange lors d'exportations. De plus, le gouvernement brésilien avait éliminé les subventions à l'exportation de feuilles de rechange. Les avocats ont également rappelé au Tribunal que les fabricants brésiliens, y compris certains qui n'avaient pas fait affaires au Canada, avaient tenté de négocier un prix avec Revenu Canada, mais que Fanco avait refusé ces négociations.

Enfin, les avocats ont affirmé que les critères évoqués à la faveur d'un préjudice futur n'avaient pas été suffisants et que tout préjudice que l'industrie canadienne avait subi à ce jour ne pouvait être imputé qu'à elle-même. Selon les avocats, le Tribunal devrait donc, pour les raisons mentionnées plus haut, conclure que le dumping et le subventionnement des marchandises en cause n'avaient pas causé, ne causaient pas et n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans cette enquête, le noeud de la question repose sur les éléments qui ont incité K mart à acheter, en 1989, ses feuilles de rechange pour la saison de la rentrée des classes d'un exportateur brésilien, Tilibra. Par le passé, Fanco et K mart terminaient leurs négociations au début de décembre pour les approvisionnements de l'année suivante. Fanco consentait un prix favorable à K mart car cette dernière signait l'entent tôt et prenait elle-même livraison de son produit. Fanco bénéficiait donc de livraisons hâtives et d'importantes ventes régulières. Au cours de l'été 1988, Fanco a cru que le prix du papier pour tablette augmenterait de façon marquée au cours de la prochaine saison. Fanco a averti K mart qu'il serait souhaitable d'en arriver tôt à une entente afin d'éviter la forte augmentation éventuelle des prix. En août 1988, Fanco a obtenu un engagement écrit de K mart concernant son programme rentrée des classes 1989. Fanco passa une commande de papier pour tablette afin de garantir le prix demandé à K mart. Au cours de l'automne 1988, Fanco a communiqué avec K mart dans le but de finaliser la commande. K mart a alors essayé d'obtenir une réduction sur le prix déjà fixé, ce qui Fanco refusa. Les négociations se sont poursuivies jusqu'au début de 1989. Pendant ce temps, K mart négociait un achat de feuilles de rechange avec Tilibra. Enfin, à la fin janvier 1989, comme K mart ne pouvait obtenir la réduction demandée à Fanco, il a annulé sa commande et l'a passée à Tilibra. Lorsque K mart annonça à Fanco qu'il ne prendrait pas livraison de la commande de feuilles de rechange passée en 1989, Fanco a dû trouver d,autres clients pour écouler les stocks de papier pour tablette qu'il avait achetés, suivant les directives de K mart et sur la présomption d'une commande part cette dernière. Fanco a commencé à réduire le prix de son produit pour soutirer ainsi deux clients à Hilroy, Jean Coutu et Coles Bookstores.

M. Machado de Tilibra a confirmé lors de son témoignage qu'il cherchait activement à faire affaires au Canada. Il a déclaré que son entreprise perdait de l'argent dans le commerce des feuilles de rechange, mais qu'elle ne pouvait faire autrement si elle voulait accaparer l'autre marché des fournitures scolaires qui est plus lucratif. Malgré l'objectif global de Tilibra de maintenir ses ventes de feuilles de rechange à 30 p. 100 de la valeur globale des ventes d'articles pour la rentrée des classes, la vente de feuilles de rechange à K mart représentait 70 p. 100 de l'ensemble des ventes de Tilibra à K mart en 1989. Le Tribunal juge que cette importante vente à perte, survenue si tôt après que les produits de papier brésiliens eurent été bannis du marché américain, constitue une preuve suffisante que Tilibra désirait établir au Canada une «tête de pont» pour l'ensemble de ses produits et que les feuilles de rechange seraient l'article tout désigné.

Le Tribunal a étudié les arguments de Tilibra selon lesquels tout préjudice subi par les fabricants canadiens était volontaire ou origine des problèmes de relations entre Fanco et K mart. Malgré la forte concurrence qui existait au sein de cette industrie, il semble que les deux principaux fabricants en soient arrivés avec le temps à un certain modus vivendi. Alors que hilroy est le mieux connu des fabricants et que sa raison commerciale invite à de petites concessions sur les prix, et que Fanco est l'entreprise la plus dynamique; la concurrence entre les deux fabricants semble se faire selon les règles de l'art. On n'a pu prouver au Tribunal que Fanco et Hilroy s'étaient lancées dans une guerre des prix avant l'apparition de feuilles de rechange sous-évaluées et subventionnées du Brésil.

Le Tribunal accepte que K mart ait acheté les feuilles de rechange de Tilibra principalement pour une question de prix. Pendant que les relations entre Fanco et K mart se détérioraient à la fin de 1988 et au début de 1989, les témoignages au cours des audiences publiques ont persuadé le Tribunal que Fanco aurait pu obtenir la commande de K mart pour la saison de la rentrée des classes 1989 si elle avait accepté la dernière offre de K mart, offre sensiblement équivalent à celle du prix de débarquement offert par tilibra. Le Tribunal remarque que, malgré ses problèmes avec Fanco, K mart, agissant pour son propre compte et par l'intermédiaire d'une filiale qui lui appartient à 100 p. 100, a continué d'acheter, en 1989, des feuilles de rechange et d'autre produits de papier de Fanco. C'est encore chez Fanco que K mart s'approvisionne en feuilles de rechange pour son programme rentrée des classes 1990. Lorsque Revenu Canada a lancé des enquêtes de dumping et de subventionnement à l'encontre des fournisseurs de feuilles de rechange brésiliens à la mi-décembre 1989, enquêtes qui ont entraîné l'exclusion du Brésil sur le marché canadien en 1990, K mart aurait pu s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur canadien si elle ne désirait pas traiter avec Fanco en raison de facteurs économiques autres que celui du prix.

Fanco a également prétendu, qu'en plus de perdre la vente de K mart, elle a souffert d'une importante compression de prix en raison de la présence sur le marché canadien de produits brésiliens sous-évalués et subventionnés. Le Tribunal s'est sérieusement penché sur la preuve du coût et du prix présentée lors de l'audience; cette preuve a été vérifiée à l'aide de questions et d'un contre-interrogatoire par les membres du Tribunal. Ceux-ci reconnaissent qu'au cours de l'année 1989, Fanco n'a pu transférer à ses clients les hausses de coûts. Cette compression des prix équivalait au revenu net moyen des trois années précédentes avant impôt. Le Tribunal conclut que le préjudice subi par Fanco à la suite de la perte de ventes à K mart et de la compression des prix en raison d'importations sous-évaluées et subventionnées était sensible.

En ce qui concerne l'autre grand fabricant, Hilroy, sa situation en 1989 était toute autre. Hilroy a perdu deux clients au profit de Fanco. Ces pertes peuvent être attribuées indirectement aux importations sous-évaluées et subventionnées, mais aussi à la recherche dynamique de nouveaux clients par Fanco qui désirait remplacer la perte de K mart. Cependant, Hilroy a quand même pu augmenter l,ensemble de ses ventes de feuilles de rechange et ces deux pertes n'eurent pas de répercussions sensibles sur le rendement de l'entreprise en 1989. Les éléments de preuve présentés par Hilroy montrent que, dans l'ensemble, cette entreprise a maintenu ses prix en 1989 et qu'elle a même amélioré sa marge bénéficiaire par rapport aux deux années précédentes. En 1989, la position de Hilroy sur le marché était meilleure qu'entre 1986 et 1988. De plus, l'avocat de Hilroy a reconnu que sont argument se limitait essentiellement à un préjudice sensible futur. Le Tribunal conclut donc que Hilroy n'a subi aucun préjudice sensible dans le présent ou dans le passé.

Des deux fabricants qui ont témoigné devant le Tribunal, Fanco a été la seule à démontrer clairement qu'elle avait subi un préjudice sensible des importations sous-évaluées et subventionnées. Fanco et Hilroy, réunies, représentent la presque totalité de la production canadienne, et Hilroy, à elle seule, en assume plus de la moitié. Le Tribunal estime donc que Fanco ou Hilroy prise séparément, représentent une partie importante de l'industrie canadienne. En conséquence, le Tribunal conclut que les importations sous-évaluées et subventionnées de feuilles de rechange originaires du Brésil ont causé un préjudice passé et présent à l'industrie canadienne de marchandises similaires et que ce préjudice est sensible.

En ce qui touche la question de préjudice futur, le Tribunal estime qu'il est fort probable que les fabricants canadiens de feuilles de rechange subiraient un préjudice sensible des marchandises sous-évaluées et subventionnées originaires du Brésil si ces marchandises n'étaient pas assujetties aux droits antidumping et compensateurs. Alors que les droits punitifs imposés par la proclamation d'octobre 1988 des États-Unis ont été récemment abandonnés par l'administration des États-Unis, l'Amérique du Nord est le principal marché de feuilles de rechange et il est vraisemblable de croire que les fabricants brésiliens continueront à s'intéresser énergiquement aux marchés canadien et américain. À toute fin pratique, M. machado, le témoin de Tilibra, a souligné que les fabricants brésiliens disposaient des installations nécessaires pour satisfaire à la demande nord-américaine de la rentrée des classes puisque le calendrier scolaire de son pays était différent du nôtre. M. Machado a admis que s'il n'y avait pas de droits antidumping ou compensateurs, son entreprise continuerait d'approvisionner à perte le marché canadien en feuilles de rechange afin d'avoir accès au marché plus lucratif des produits de papier.

La perte répétée d'un important client comme K mart, qui a accaparé plus de 5 p. 100 du marché canadien en 1989, entraînerait de graves répercussions sur le rendement financier d'un fabricant. La nature standardisée et la sensibilité aux prix de ces produits d'appel permet à plus de grands détaillants de se tourner vers les produits brésilien. Ces pertes de ventes futures entraîneraient une important compression des prix et une baisse des profits pour tous les fabricants canadiens puisqu'ils lutteraient agressivement pour conserver leur clientèle. Le Tribunal croit que c'est seulement le moment choisi pour l'incursion qui a limité le préjudice causé à l'industrie canadienne en 1989. En effet, ces feuilles de rechange originaires du Brésil n'ont été offertes aux grands clients qu'à la toute fin de la saison de la rentrée des classes 1989 alors que l'ensemble des détaillants s'étaient déjà engagés envers d'autres fournisseurs. Le Tribunal est convaincu qu'il existe une possibilité évidente de préjudice sensible causé par les importations sous-évaluées et subventionnées des feuilles de rechange brésiliennes.

CONCLUSIONS

Le Tribunal conclut que le dumping et le subventionnement de feuilles de rechange originaires ou exportées de la République fédérative du Brésil ont causé, causent et sont susceptibles de causer un préjudice sensible à la production canadienne des ces marchandises.


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Publication initiale : le 23 juillet 1997