CHOU-FLEUR FRAIS

Enquêtes (article 42)


CHOU-FLEUR FRAIS ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Enquête no : NQ-92-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 4 janvier 1993

Enquête no : NQ-92-003

EU ÉGARD À une enquête en vertu de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant le :

CHOU-FLEUR FRAIS ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, en vertu des dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, à la suite de la publication d'une décision provisoire de dumping datée du 3 septembre 1992 et d'une décision définitive de dumping datée du 2 décembre 1992 rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, concernant l'importation au Canada du chou-fleur frais originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping des marchandises susmentionnées originaires des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L'exposé des motifs sera publié d'ici 15 jours.

Ottawa, le mardi 19 janvier 1993

Enquête no : NQ-92-003

CHOU-FLEUR FRAIS ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping des marchandises susmentionnées originaires des États-Unis d'Amérique n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique)
Dates de l'audience : Les 10 et 11 décembre 1992

Date des conclusions : Le 4 janvier 1993
Date des motifs : Le 19 janvier 1993

Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Marcel J.W. Brazeau
Gestionnaire de la recherche : Don Shires
Agent de la recherche : Nancy Ross

Préposé aux statistiques : Gilles Richard

Avocats pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Brenda C. Swick-Martin

Agent à l'inscription et
à la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : Marvin R.V. Storrow, c.r., et
Maria A. Morellato
pour B.C. Vegetable Marketing Commission

partie plaignante)
Marion I. Quesenbery
pour Western Growers Association
Irvine (Californie)

(association commerciale)
Michael Youngquist
Skagit Growers
Mount Vernon (Washington)

(exportateur)

Témoins :

Charles (Chuck) Amor
Directeur général
B.C. Vegetable Marketing Commission

George B. Rush
Directeur général
Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative

Keith T. Maddocks
Agriculteur
Maddocks Farms Ltd.

Michael J. Bose
Directeur
Medomist Farms Ltd.

Murray L. Driediger
Directeur des opérations
Driediger Brothers Farms Ltd.

Lorne Owen, P.Ag.
Spécialiste en gestion d'exploitation agricole de la province
Direction générale de la gestion des exploitations horticoles
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

Wayne Odermatt, B.S.A., P.Ag.
Spécialiste de l'industrie des légumes frais de la province
Développement et extension
Région côtière du sud
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

R.J. (Jim) Alcock
Gestionnaire de secteur
Fruits et légumes
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

Mark E. Sweeney
Spécialiste des cultures maraîchères
Développement et extension
Région côtière du sud
Ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation
Province de la Colombie-Britannique

Kenneth C. Gilliland
Gestionnaire
Transport et Commerce international
Western Growers Association

Michael Youngquist
Skagit Growers

Harry Tom
Président
Tom Yee Produce Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
20e étage
Immeuble Journal sud
365, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE

Conformément aux dispositions de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête après que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) eut rendu une décision provisoire de dumping datée du 3 septembre 1992 et une décision définitive de dumping datée du 2 décembre 1992, concernant l'importation de chou-fleur frais originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique. L'enquête du Sous-ministre sur le dumping a porté sur les importations de marchandises en question entre le 1er juillet et le 30 septembre 1991.

Les avis de décisions provisoire et définitive de dumping ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 12 septembre et du 19 décembre 1992, respectivement. L'avis d'ouverture d'enquête publié par le Tribunal le 14 septembre 1992 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 26 septembre 1992. L'avis du Tribunal concernant l'heure, le lieu et le changement de date de l'audience publique publié le 29 octobre 1992 a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 7 novembre 1992.

Dans le cadre de l'enquête, le Tribunal a fait parvenir des questionnaires détaillés à la B.C. Vegetable Marketing Commission (la Commission) et aux coopératives de producteurs (les coopératives) ainsi qu'aux principaux importateurs des marchandises en question. À partir des réponses aux questionnaires et d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé un rapport public préalable à l'audience.

Le dossier de cette enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par les parties à l'audience, ainsi que la transcription intégrale des délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties, mais seuls les avocats indépendants qui avaient remis un acte d'engagement ont eu accès aux pièces protégées.

Une audience publique a eu lieu à Vancouver (Colombie-Britannique) à compter du 10 décembre 1992. La partie plaignante, soit la Commission, était représentée à l'audience par des avocats qui ont présenté des éléments de preuve et plaidé en faveur de conclusions de préjudice. L'avocate de la Western Growers Association (la WGA) a déposé des éléments de preuve et plaidé en faveur de conclusions de non-préjudice. Un producteur de l'État de Washington a également pris part à l'audience, et le Tribunal a fait témoigner un grand importateur-distributeur de la Colombie-Britannique.

Le 4 janvier 1993, le Tribunal a rendu des conclusions selon lesquelles le dumping des marchandises en question n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

PRODUIT

Dans la décision provisoire de dumping, le Sous-ministre décrit le produit qui fait l'objet de la présente enquête comme du chou-fleur frais originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique. Le chou-fleur en question est une variété de chou comportant une grande pomme à fleurs blanches. Le chou-fleur brocoli (brocochou-fleur), produit étroitement lié, n'est pas visé par la définition des marchandises en question.

Plus de 85 p. 100 de la récolte de chou-fleur du Canada est destinée au marché des légumes frais. Le chou-fleur peut également être congelé ou utilisé comme ingrédient pour la préparation de marinades ou d'autres aliments. La définition des marchandises en question adoptée par le Sous-ministre aux fins de la présente enquête ne tient pas compte du chou-fleur destiné à la transformation.

Le production de chou-fleur exige des conditions climatiques très précises : temps frais, beaucoup d'eau et un degré d'humidité élevé. Ces conditions limitent la saison de production de même que les régions d'Amérique du Nord qui se prêtent à sa culture. Au Canada, le chou-fleur est produit en quantités commerciales surtout en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec pendant l'été.

La Californie est la principale région productrice de chou-fleur des États-Unis, intervenant pour plus de 75 p. 100 de la production originaire des États-Unis et destinée au marché des légumes frais. En 1990, les districts de Salinas-Watsonville et de Santa Maria ont représenté environ 84 p. 100 de la production totale de la Californie. Dans le district de Santa Maria, la production est continue. Dans le district de Salinas-Watsonville, elle débute en mars. Ces deux districts desservent le marché pendant la saison de vente en Colombie-Britannique.

La récolte du chou-fleur mûr doit se faire en un à trois jours. Le chou-fleur doit ensuite être refroidi pour en retirer la chaleur accumulée. Non refroidi, le chou-fleur ne se conserve que pendant quelques jours, mais s'il est bien préréfrigéré, il peut être stocké pendant environ 14 jours dans une installation frigorifique. En Colombie-Britannique, le chou-fleur est en grande partie cueilli et placé dans des bacs, puis acheminé par camion à une coopérative d'emballage où il est refroidi à l'eau, classé et placé dans des boîtes de carton. Une partie de la récolte de cette province est transférée vers une usine d'emballage située à la ferme, qui ne possède toutefois pas d'installations de préréfrigération. Dans la région de Cloverdale, les emballages des exploitations agricoles sont acheminés par camion à la Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative aux fins de refroidissement sous vide avant la distribution. Sur l'île de Vancouver, le chou-fleur est emballé à la ferme puis transféré directement au client ou conservé pendant une très courte période dans l'entrepôt frigorifique de la Island Vegetable Co-operative Association avant d'être distribué. En Californie, le chou-fleur est recouvert d'une pellicule de polyéthylène et placé dans des boîtes de carton immédiatement après la récolte, au moyen d'une chaîne d'emballage mécanique mobile. Des installations de refroidissement sont situées à proximité des champs.

En règle générale, le chou-fleur frais est emballé et vendu en boîtes de carton (cartons) de dimensions standard, selon la taille du chou-fleur. Il y a quatre unités d'emballage communes sur le marché nord-américain. La norme de l'industrie est le carton de 12 sacs de polyéthylène, c'est-à-dire une boîte de carton renfermant 12 pommes recouvertes d'une pellicule de polyéthylène; le poids moyen d'une boîte est d'environ 23 lb. Parmi les autres unités d'emballage, mentionnons les cartons de 9, 16 et 20 pommes nues ou recouvertes de polyéthylène. Plus de 95 p. 100 du chou-fleur vendu en Colombie-Britannique est recouvert de polyéthylène. Toutes les unités d'emballage pèsent environ 23 lb.

En raison de sa nature périssable, le chou-fleur fraîchement cueilli peut donner lieu à des surplus ou à des pénuries à court terme, d'où d'importantes fluctuations de prix, parfois en quelques jours seulement.

IMPORTATEURS ET EXPORTATEURS

Les importateurs des marchandises en question sont des grossistes de fruits et légumes frais indépendants, des divisions d'achats en gros des grandes chaînes d'épicerie de détail et les centres de préparation de services d'alimentation. Le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a recensé 20 importateurs, la plupart étant membres de la B.C. Fruit Wholesalers' Association. Les grossistes indépendants sont les principaux fournisseurs du secteur de l'hôtellerie, de la restauration, des institutions et des services d'alimentation.

La Californie représente le principal État exportateur pour la Colombie-Britannique. Dans l'Énoncé des motifs, Revenu Canada précise que 70 exportateurs des États-Unis desservent le marché de la Colombie-Britannique, soit 67 de la Californie et 3 de l'État de Washington. Les éléments de preuve présentés à l'audience publique tenue par le Tribunal révèlent qu'il y a maintenant un seul producteur de chou-fleur dans l'État de Washington.

La WGA représente presque tous les producteurs, emballeurs et expéditeurs de chou-fleur implantés en Californie et en Arizona. Elle a pris part à la présente enquête.

RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

L'enquête menée par le Sous-ministre a porté sur les importations de marchandises en question entre le 1er juillet et le 30 septembre 1991. Cette période est comprise dans la campagne agricole de la Colombie-Britannique, qui va du 20 juin au 31 octobre. Dans sa décision provisoire de dumping datée du 3 septembre 1992, le Sous-ministre a conclu que 99,3 p. 100 des marchandises en question exportées vers la Colombie-Britannique ont fait l'objet de dumping. Le Sous-ministre a également déclaré que «[c]e pourcentage des importations sous-évaluées serait aussi valide pour les expéditions à destination du reste du Canada, étant donné que les mêmes prix à l'exportation et les mêmes valeurs normales s'appliquent à toutes les expéditions canadiennes [2] ».

Dans sa décision définitive de dumping datée du 2 décembre 1992, le Sous-ministre a conclu que 99,6 p. 100 des marchandises en question exportées vers la Colombie-Britannique ont été sous-évaluées selon une marge moyenne pondérée de 50 p. 100.

INDUSTRIE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

L'industrie du chou-fleur de la Colombie-Britannique se compose de quelque 23 producteurs situés dans la région Lower Mainland (basses terres continentales) et dans la région de Vernon, de même que sur l'île de Vancouver. Ces producteurs, qui interviennent pour environ 85 p. 100 du marché du chou-fleur frais, vendent leurs produits par l'entremise de trois agences autorisées, la Cloverdale Lettuce & Vegetable Co-operative (Cloverdale), la Island Vegetable Co-operative Association (Island) et la Interior Vegetable Marketing Agency Co-operative (Interior).

Tous ces producteurs pratiquent la polyculture et ils cultivent habituellement le chou-fleur en complément d'autres cultures, comme la pomme de terre, les carottes, la laitue, les fraises et les framboises. Dans la plupart des cas, les superficies consacrées au chou-fleur sont relativement faibles par rapport à celles d'autres cultures. Ce ne sont pas tous les producteurs qui ensemencent leurs champs pour la production du chou-fleur au début de la campagne agricole. Le chou-fleur est donc récolté et vendu par des producteurs différents à des périodes différentes de la campagne. Aucun producteur important ne vend son produit pendant toute la période de récolte. En conséquence, il se peut qu'à un moment donné pendant la période de récolte un très petit nombre de producteurs écoulent en même temps leurs produits sur le marché du fait que chacun décide d'ensemencer ses champs en vue de récolter au début, au milieu ou à la fin de l'été. Le Tribunal fait remarquer qu'une très petite quantité de chou-fleur frais produit en Colombie-Britannique est vendue avant le début de juillet et qu'au cours des périodes où la récolte est nulle en Colombie-Britannique, le marché est entièrement approvisionné par le chou-fleur importé des États-Unis.

Outre les producteurs qui desservent le marché des légumes frais, on dénombre une vingtaine d'agriculteurs qui produisent une variété différente de chou-fleur aux termes d'ententes contractuelles conclues avec des entreprises de transformation. Comme il a déjà été mentionné, le chou-fleur destiné à la transformation n'est pas pris en compte dans la présente enquête. Les motifs de cette exclusion sont énoncés à la rubrique «Marchandises similaires».

Les pouvoirs des coopératives proviennent de la Commission qui, en vertu du B.C. Vegetable Scheme adopté en 1980 aux termes de la Natural Products Marketing (BC) Act [3] , est habilitée à promouvoir, à contrôler et à réglementer la production, le transport, l'emballage, l'entreposage et la commercialisation des légumes dans la province. La Commission délègue certains de ses pouvoirs aux coopératives, qui font fonction d'agents de vente des producteurs dans leurs régions respectives. Le chou-fleur est assujetti à un régime de contingentement qui vise à réglementer le débit du produit sur le marché, et non pas sa production.

C'est la Commission qui établit le prix du chou-fleur frais. Elle est abonnée à «Pronet», service d'information électronique qui transmet quotidiennement des données sur les points d'expédition disponibles et sur les prix des fruits et légumes des États-Unis. Elle utilise également des renseignements sur les prix F.A.B. aux États-Unis qu'elle peut obtenir en tout temps au téléphone en communiquant avec un bureau du United States Department of Agriculture situé à Salinas (Californie). Grâce à ces services, la Commission peut établir les fourchettes de prix et la disponibilité du chou-fleur américain, et ce, sur une base quotidienne et hebdomadaire. En intégrant au prix les droits de douane, les frais de transport et d'autres coûts d'importation, ainsi que le taux de change, elle peut estimer à tout moment un prix franco dédouané à Vancouver. Une fois le prix à l'importation déterminé, la Commission et ses agences de vente autorisées discutent de la situation du marché dans la province et conviennent d'un prix final pour le chou-fleur de la Colombie-Britannique, habituellement pour la semaine suivante. Ce prix se fonde principalement sur le prix franco dédouané à Vancouver du chou-fleur originaire du district californien de Salinas à son arrivée en Colombie-Britannique. Il s'agit du prix déclaré aux producteurs dans les listes de prix des coopératives. Les prix de vente véritables peuvent être inférieurs aux prix figurant sur les listes, et ce, pour diverses raisons, comme les activités de publicité attribuables à la situation de l'offre à l'échelle locale et les efforts de commercialisation des clients des agences de vente.

Les coopératives vendent la quasi-totalité du chou-fleur à des grossistes qui, à leur tour, desservent le secteur des détaillants d'épicerie. Les grandes chaînes de magasins d'alimentation, qui représentent une partie importante du marché, peuvent facilement passer du chou-fleur local au chou-fleur importé, selon la disponibilité et les prix. Le Tribunal a entendu les dépositions de la partie plaignante, selon laquelle les types de chou-fleur cultivés en Colombie-Britannique sont les mêmes que ceux de la Californie, ou leur ressemblent, et qu'il n'y a pas de différence en ce qui touche la qualité. Le seul producteur de chou-fleur frais de l'État de Washington a déclaré que les conditions de culture dans cet État sont presque identiques à celles de la Colombie-Britannique, plus particulièrement en ce qui a trait aux précipitations de pluie. Ce témoin a reconnu que les pluies d'octobre réduisent la période d'entreposage du chou-fleur de l'État de Washington et de la Colombie-Britannique par rapport à celui de la Californie au moment de la récolte. Un important grossiste de la Colombie-Britannique a indiqué que certains clients croient que la qualité du chou-fleur de la Californie est supérieure à celle du chou-fleur de la Colombie-Britannique et exigent le produit de la Californie lorsqu'ils commandent des légumes frais.

PLAINTE

Les avocats de la partie plaignante ont soutenu que le Tribunal devrait conclure que le dumping du chou-fleur frais en question a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de marchandises similaires dans la province de la Colombie-Britannique. Ils ont affirmé que le préjudice découlant du dumping s'est manifesté sous la forme d'une érosion des prix et d'une perte de rentabilité, d'une baisse des volumes et de la valeur des ventes, d'une diminution de la production, d'une sous-utilisation de la capacité et d'une perte d'emplois et de matériel.

Les avocats ont déclaré que la preuve de préjudice concernant le chou-fleur frais n'est pas différente de celle entendue par le Tribunal dans des causes antérieures portant sur les pommes de terre, les oignons, les pommes et la laitue, à l'issue desquelles le Tribunal a rendu des conclusions de préjudice. Les avocats ont fait valoir que le chou-fleur importé de la Californie a permis de fixer le prix du chou-fleur frais en Colombie-Britannique et qu'il est probable que cette pratique se maintiendra. Les droits antidumping n'ont pour effet que de rendre équitables les règles du jeu et n'affectent pas les forces du marché concurrentiel. Toujours selon les avocats, il en va de la survie de l'industrie, et l'imposition de droits antidumping ne peut nuire aux producteurs américains.

Les avocats ont prétendu que la Colombie-Britannique est un marché régional aux termes du paragraphe 42(3) de la LMSI et que toutes les conditions énoncées à l'article 4 du Code antidumping [4] du GATT (le Code) ont été satisfaites. Ils ont ajouté que le chou-fleur originaire de la Colombie-Britannique et des États-Unis sont des marchandises similaires au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI, car les deux produits présentent les mêmes caractéristiques et les mêmes qualités, ils ont la même utilisation finale et ils sont interchangeables.

Pour ce qui est de la question des marchandises similaires, les avocats ont demandé au Tribunal de se reporter aux dépositions des témoins au sujet du repiquage de plants de la Californie par les producteurs de la Colombie-Britannique aux fins de culture dans cette province, de la similitude des divers types de chou-fleur, de leurs caractéristiques et qualités, et de la possibilité d'interchanger le chou-fleur des États-Unis et celui de la Colombie-Britannique. Les avocats ont soutenu également que le chou-fleur destiné à la transformation n'est pas un produit similaire, car il ne peut être vendu sur le marché des légumes frais, et ils se sont reportés aux dépositions des témoins, qui ont décrit les différences entre le chou-fleur frais et celui destiné à la transformation, plus particulièrement au chapitre des caractéristiques, de l'utilisation finale et des méthodes de commercialisation et d'établissement des prix.

Les avocats ont fait valoir que les prix F.A.B. aux États-Unis pendant les campagnes agricoles allant de 1988 à 1992 en Colombie-Britannique étaient souvent inférieurs à la valeur normale de 11,11 $ US le carton établi par Revenu Canada. Pour ce qui est des niveaux de prix, les avocats se sont reportés à la déposition d'un témoin de l'industrie qui a décrit les périodes de faiblesse des prix au cours de chacune des campagnes agricoles des années 1988 à 1992, en insistant plus particulièrement sur 1991 : au cours de la dernière semaine de juin et entre la dernière semaine de juillet et la mi-août, les prix ont oscillé entre 3,00 $ et 4,00 $ US le carton et, à la suite d'une reprise partielle pendant la semaine du 17 août 1991, ils sont demeurés dans la fourchette comprise entre 4,00 $ et 6,50 $ US pendant le reste de la période de récolte en Colombie-Britannique. Les avocats ont fait remarquer que ce témoin a déclaré qu'il y a eu tendance vers de longues périodes de faiblesse des prix sur le marché des États-Unis pendant la période de récolte de la Colombie-Britannique entre 1988 et 1992 et que les ventes effectuées en deçà du coût de production (CDP) prouvent que les producteurs de chou-fleur des États-Unis ont trop produit.

Les avocats ont fait valoir que le prix de vente F.A.B. aux États-Unis est passé de 6,47 $ US le carton en 1990 à 4,94 $ US en 1991, tandis que le prix de vente moyen du chou-fleur de la Colombie-Britannique est passé de 10,85 $ à 8,04 $ le carton au cours de la même période à cause des importations sous-évaluées.

Les avocats ont fait remarquer qu'à 8,04 $ le carton, le prix de vente de 1991 était inférieur au CDP des producteurs de la Colombie-Britannique, évalué à 9,92 $ le carton par le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation de la province de la Colombie-Britannique (le Ministère).

À un prix F.A.B. de 4,94 $ US le carton, le chou-fleur de la Californie se vend (franco dédouané) environ 8,51 $ en Colombie-Britannique. Les avocats ont soutenu qu'à ce prix, les producteurs subissent une perte considérable par carton.

En 1989 et 1990, selon les avocats, les producteurs de la Colombie-Britannique ont enregistré de faibles bénéfices. En 1991, l'industrie a subi des pertes qui ont neutralisé les bénéfices enregistrés au cours des deux années précédentes.

Les avocats ont prétendu que les pertes subies en 1991 sont attribuables au fait que les producteurs de la Colombie-Britannique ont dû concurrencer les importations sous-évaluées originaires des États-Unis. Selon eux, les prix de vente moyens en Colombie-Britannique ont diminué de 2,81 $ le carton, c'est-à-dire 25 p. 100, ce qui a entraîné une perte de 1,81 $ le carton en 1991. Les avocats ont également déposé des éléments de preuve indiquant que certains producteurs ont subi des pertes en 1991. Les avocats ont soutenu que si ce n'était des droits antidumping provisoires imposés en septembre 1992, les producteurs de la Colombie-Britannique qui ont effectué une récolte à l'automne auraient subi des pertes.

Les avocats ont fait valoir que la production et les volumes de vente ont diminué entre 1985 et 1992, passant de plus de 189 000 cartons à 116 000 cartons. La valeur totale des ventes est passée de plus de 1,4 million de dollars en 1989 à un peu plus de 1,0 million de dollars en 1991. En outre, les avocats se sont reportés aux dépositions de certains producteurs selon lesquelles la superficie consacrée au chou-fleur a diminué au cours de la dernière décennie. Ils s'en sont remis également aux dépositions des témoins de l'industrie, qui ont précisé que ces réductions sont imputables à une érosion des prix sur le marché de la Colombie-Britannique et qu'elles découlent des importations à faibles prix en provenance des États-Unis. Les avocats ont ajouté que ces producteurs sont disposés à accroître leur production de chou-fleur si des droits antidumping sont imposés à l'égard du chou-fleur importé des États-Unis. Selon les avocats, les preuves de sous-utilisation de la capacité concordent dans une certaine mesure avec le concept du retard.

Pour ce qui est du préjudice futur, les avocats ont soutenu que la production de chou-fleur en Californie est contrôlée par de grandes sociétés qui, selon la déposition de l'un des témoins de l'industrie, ont amorcé une guerre de prix interne pour accroître leur part du marché aux États-Unis et au Canada, ce qui a entraîné une surproduction. Selon les avocats, le dumping enregistré en 1991 s'inscrit dans le cadre d'un modèle historique bien ancré qui se serait maintenu si des droits antidumping n'avaient pas été imposés, ce qui aurait causé un préjudice.

RÉPONSE

Dans sa plaidoirie et au cours de l'audience, la WGA a fait valoir que ce n'est pas l'importation des marchandises en question qui cause un préjudice aux producteurs de la Colombie-Britannique, mais plutôt d'autres facteurs qui influent sur la production et la commercialisation du chou-fleur frais de cette province.

L'avocate de la WGA a prétendu que la non-rentabilité des producteurs de la Colombie-Britannique au cours de la campagne agricole de 1991 est inhabituelle si on la compare à la tendance relevée entre 1988 et 1992. Elle a fait remarquer qu'avant 1991, la production en Colombie-Britannique était rentable et qu'elle l'est redevenue en 1992.

Selon l'avocate, les producteurs de la Colombie-Britannique ont trop produit en 1991. Elle s'est reportée au témoignage d'un producteur de l'État de Washington selon lequel le mauvais temps du printemps de 1991 a désorganisé le calendrier d'ensemencement, ce qui a entraîné le regroupement des plants et des surplus périodiques de chou-fleur de la Colombie-Britannique sur le marché au cours de certaines semaines.

L'avocate a fait valoir que la partie plaignante n'a déposé aucune preuve selon laquelle le chou-fleur importé de la Californie provient d'exploitations agricoles appartenant à de grandes sociétés. Elle a soutenu que les éléments de preuve indiquent uniquement que le chou-fleur importé est originaire de la Californie.

L'avocate a prétendu que même si la production de chou-fleur de la Californie est sensiblement plus importante que celle de la Colombie-Britannique, les producteurs de la Californie n'ont pas trop produit en 1991.

Selon l'avocate, le CDP établi par le Ministère est trop élevé et le prix franco dédouané du chou-fleur importé calculé par les témoins de l'industrie est trop bas.

Pour ce qui est du CDP, l'avocate a plaidé que certains éléments de coût, comme le loyer, ont été surestimés, car bon nombre de producteurs sont propriétaires des terres qu'ils exploitent. Elle a déclaré que le CDP ne tient pas compte du chou-fleur nu produit en Colombie-Britannique, dont le CDP est inférieur de 1 $ à celui établi par le Ministère à partir du chou-fleur recouvert de polyéthylène. En outre, elle a soutenu que 30 p. 100 du chou-fleur produit et vendu en Colombie-Britannique n'est pas pris en compte dans le CDP établi par le Ministère et que l'on ne possède pas de renseignements sur le CDP d'Island ni d'Interior. Elle s'est reportée à la déposition d'un témoin de l'industrie, qui a confirmé que le CDP est fondé sur le coût d'exploitation de sa ferme, qui est membre de Cloverdale.

Pour ce qui est du prix franco dédouané des marchandises importées, l'avocate s'est reportée au témoignage d'un grossiste qui a fourni des estimations plus élevées du coût de transport, de palettisation et de refroidissement, et de courtage que celles des témoins de l'industrie.

Selon l'avocate, ce sont en grande partie les producteurs de la Colombie-Britannique qui s'imposent des prix bas. Elle a rejeté l'argument des producteurs de la Colombie-Britannique selon lesquels l'industrie est forcée d'accepter des prix. Elle a soutenu que les prix de vente en Colombie-Britannique sont établis bien avant le prix F.A.B. réel aux États-Unis et que, semble-t-il, les activités de commercialisation du chou-fleur de la Colombie-Britannique sont très peu nombreuses. Par exemple, l'industrie n'invoque pas la fraîcheur du produit de la Colombie-Britannique comme outil de promotion. L'avocate a prétendu que les producteurs de la Colombie-Britannique ont décidé de fixer un prix inférieur au prix franco dédouané du chou-fleur originaire de la Californie alors qu'ils pourraient obtenir une prime pour le chou-fleur local. En outre, elle a soutenu que les faibles prix, comme ceux établis en 1991, témoignent des variations du marché des fruits et légumes frais et elle s'est reportée à la déposition d'un témoin de l'industrie qui a reconnu qu'il y a de bonnes et de mauvaises années, 1991 en étant une mauvaise pour tous les intervenants, tandis que l'année suivante, 1992, a été fructueuse. L'avocate a déclaré que les faibles prix enregistrés en 1991 étaient inhabituels si on les compare à la tendance enregistrée au cours de la période de cinq ans écoulée entre 1988 et 1992.

L'avocate a affirmé que les pertes financières des producteurs de la Colombie-Britannique en 1991 étaient imputables à la surproduction et à des méthodes d'établissement des prix, comme la vente en deçà du prix franco dédouané des importations originaires des États-Unis.

En 1992, certains producteurs ont réduit la superficie réservée au chou-fleur. Ils ont ainsi choisi de se sortir du marché du chou-fleur. L'avocate a fait remarquer que le plus important producteur de la Colombie-Britannique a accru sa superficie ensemencée et a connu de très bons résultats en 1992. En outre, elle a prétendu que la diminution du nombre de producteurs de chou-fleur ne découle pas uniquement de la faiblesse des prix enregistrée en 1991, mais qu'elle pourrait également être attribuée a certains autres facteurs.

Pour ce qui est du préjudice futur, l'avocate était d'avis qu'il convient d'examiner le rendement de l'industrie au cours de la période de cinq ans sur laquelle porte l'enquête du Tribunal. Selon elle, les éléments de preuve révèlent que 1991 fut la seule année où il n'y a pas eu de bénéfices et que s'il y a eu préjudice au cours de cette année, il ne s'est pas prolongé en 1992 et il n'y a pas lieu de croire qu'il se répétera en 1993.

Enfin, l'avocate n'a pas partagé le point de vue de l'industrie voulant que celle-ci soit une industrie régionale. Elle a prétendu que les données concernant la concentration sont trompeuses parce qu'elles englobent les importations du mois de juin qui, selon elle, doivent en être exclues parce que la Californie dessert une très grande partie du marché de la Colombie-Britannique au cours de ce mois, au moment où les producteurs de la Colombie-Britannique ont peu de chou-fleur à vendre. En outre, elle a prétendu que les ventes effectuées par les producteurs de la Colombie-Britannique à d'autres provinces atteignent depuis fort longtemps jusqu'à 22 p. 100 du chiffre de vente total de l'industrie et qu'elles pourraient un jour se rétablir à ce niveau. L'avocate a fait remarquer également qu'il existe des éléments de preuve indiquant que du chou-fleur originaire d'autres provinces a été vendu en Colombie-Britannique.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Les principaux indicateurs du rendement de l'industrie du chou-fleur frais de la Colombie-Britannique sont résumés dans le tableau ci-après.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES DE L'INDUSTRIE DU CHOU-FLEUR FRAIS DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Campagne agricole 1

1988

1989

1990

1991

Juin et juillet
1991

Juin et juillet
1992

Marché total apparent (000 cartons)

343

365

396

366

162

147

Producteurs de la Colombie-Britannique

Volume (000 cartons)

119

114

114

118

43

44

Part du marché (%)

34,8

31,3

28,7

32,2

26,7

30,0

Importations des États-Unis

Volume (000 cartons)

224

251

282

248

119

103

Part du marché (%)

65,2

68,7

71,3

67,8

73,3

70,0

Prix de vente moyens en Colombie-Britannique ($ par carton)

Producteurs de la Colombie-Britannique

10,52

10,43

10,85

8,04

s.o.

12,492

Importations des États-Unis (franco dédouané en $ CAN)

9,79

10,50

10,16

8,51

s.o.

14,502

Producteurs de la Colombie-Britannique

Superficie ensemencée

445

421

337

411

s.o.

3922

Production totale (000 cartons)

150

142

129

127

s.o.

1162

Coût de production ($ par carton)

9,92

9,92

9,92

9,92

9,92

9,922

Bénéfice ou (perte) ($ par carton)

0,60

0,50

0,93

(1,88)

s.o.

2,572

s.o. : Sans objet.

1. La campagne agricole des producteurs de la Colombie-Britannique va du 20 juin au 31 octobre. Cependant, les importations sont déclarées pour la période comprise entre le 1er juin et le 31 octobre.

2. Les données portent sur toute la campagne agricole de 1992.

Source : Rapport public préalable à l'audience et éléments de preuve déposés à l'audience publique.

Entre 1988 et 1990, le marché total apparent du chou-fleur de la Colombie-Britannique a connu des variations, passant d'un seuil de 343 000 cartons à un sommet de 396 000 cartons. Les producteurs de la Colombie-Britannique ont expédié entre 114 000 et 119 000 cartons.

Les importations en provenance des États-Unis, en grande partie de la Californie, sont destinées à combler le vide de la production de la Colombie-Britannique. Ces importations ont enregistré un seuil de 224 000 cartons en 1988 et un sommet de 282 000 cartons en 1990.

Au cours de la période visée par la présente enquête, les producteurs de la Colombie-Britannique ont conservé entre 27 et 35 p. 100 du marché, tandis que les importations en provenance des États-Unis ont atteint un sommet en 1990, dépassant les 70 p. 100. En fait, la part du marché revenant aux importations a régressé de plus de trois points de pourcentage en 1991, et cette tendance semble se maintenir en 1992.

Au cours de la période visée par la présente enquête, le prix de vente moyen F.A.B. aux États-Unis par carton, en dollars américains, s'est établi à 5,68 $ en 1988, à 6,52 $ en 1989, à 6,47 $ en 1990, à 4,94 $ en 1991 et à 7,17 $ en 1992.

Les prix de vente moyens des producteurs de la Colombie-Britannique ont sensiblement diminué en 1991, à la suite d'une baisse du prix des importations, mais ils ont remonté en 1992 pour se situer à leur plus haut niveau des cinq dernières années, soit 12,49 $ le carton.

Le CDP moyen d'un carton ordinaire de 23 lb de chou-fleur recouvert de polyéthylène a été évalué par le Ministère à 9,92 $ pour la campagne agricole de 1991, en fonction d'un rendement cible de 700 cartons à l'acre. Ce coût comprend les frais de culture et de récolte (5,51 $), les droits de coopérative (y compris la préréfrigération) et de mise en carton (3,18 $), et les frais de main-d'oeuvre à l'usine d'emballage (1,23 $ le carton). Ce modèle se fonde en grande partie sur des données fournies par un producteur et englobent une estimation du coût d'amortissement, du loyer et de certains frais, entre autres, les intérêts et la main-d'oeuvre, qui peuvent ou non s'appliquer à tous les producteurs, ou qui peuvent varier d'un producteur à l'autre selon la situation propre à chacun.

L'industrie du chou-fleur de la Colombie-Britannique a réalisé un bénéfice au cours de quatre des cinq années de la période allant de 1988 à 1992, selon le CDP estimatif établi par le Ministère.

En 1991, les États-Unis ont produit 617 millions de livres de chou-fleur destiné au marché des légumes frais; plus de 80 p. 100 provenait de la Californie. Entre 1989 et 1991, la superficie réservée au chou-fleur en Californie a reculé de près de 5 p. 100, tandis que la production réelle a diminué de 7 p. 100. Au cours de la même période, la valeur à la ferme du chou-fleur produit en Californie est passée de près de 150 millions à 127 millions de dollars américains, en baisse de plus de 15 p. 100. Cette même tendance a été notée dans d'autres régions productrices.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 42 de la LMSI, le Tribunal est tenu d'établir si le dumping du chou-fleur frais, selon la décision du Sous-ministre, a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

Le Tribunal doit aborder trois grandes questions dans cette enquête. D'abord, il doit établir si le chou-fleur destiné au marché des légumes frais et le chou-fleur destiné à la transformation sont des marchandises similaires. Ensuite, il doit établir si les producteurs de chou-fleur de la Colombie-Britannique représentent une industrie régionale distincte et, dans l'affirmative, si les deux exigences du paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code en ce qui touche le préjudice sont respectées. Enfin, il doit déterminer si le dumping des importations en question a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production nationale de marchandises similaires.

MARCHANDISES SIMILAIRES

Aux termes du paragraphe 42(1) de la LMSI, le Tribunal est tenu d'établir si le dumping de marchandises cause un préjudice sensible à la «production au Canada de marchandises similaires». En conséquence, dans le cadre de ses travaux visant à déterminer si un préjudice sensible a été causé à la production au Canada, le Tribunal doit préciser ce que sont les marchandises similaires au sens du paragraphe 42(1) de la LMSI.

Avant l'audience, le Tribunal a demandé aux parties en cause d'examiner la question à savoir si le chou-fleur destiné au marché des légumes frais et le chou-fleur destiné à la transformation sont des «marchandises similaires».

Les avocats de la partie plaignante ont fait valoir que les marchandises en question destinées à ces deux marchés ne représentent pas des «marchandises similaires». Les éléments de preuve déposés à l'appui de cette affirmation portaient sur les différences suivantes entre les marchandises et les marchés sur lesquels elles sont écoulées. D'abord, les entreprises de transformation du chou-fleur doivent, en vertu de la loi, n'acheter que du chou-fleur visé par un marché conforme au règlement régissant leurs rapports avec les producteurs. Ce règlement exige, entre autres, que les entreprises de transformation achètent leurs produits à un prix équivalant au moins au prix de contrat négocié avec les producteurs de chou-fleur destiné à la transformation avant l'ensemencement. En deuxième lieu, en raison de différences au chapitre des variétés, des besoins en main-d'oeuvre, des calendriers d'utilisation des usines et des techniques de récolte, le chou-fleur frais n'est acheminé aux usines de transformation que dans des circonstances exceptionnelles. Enfin, les caractéristiques des variétés produites pour les deux marchés sont telles que ces dernières ne doivent pas être considérées comme des substituts. Les éléments de preuve déposés révèlent que la lignée «Matra», principale variété utilisée dans l'industrie de la transformation, se prête bien à la transformation parce qu'elle est dense et qu'elle résiste à l'effritement. Cette variété ne convient pas au marché des légumes frais à cause des particules qui la recouvrent et parce que les feuilles poussent dans la pomme du chou-fleur. Par ailleurs, le chou-fleur de la lignée «White Rock», principale variété destinée au marché des légumes frais, ne convient pas à la transformation parce qu'il a tendance à s'effriter lorsqu'il est coupé en fleurets avant la transformation.

Le Tribunal fait remarquer qu'un témoin a déclaré que le chou-fleur destiné à la transformation peut être vendu sur le marché des légumes frais et que c'est parfois le cas. Cependant, ce témoin n'a pas étayé sa déposition de statistiques. En outre, les éléments de preuve de la partie plaignante qui sont résumés ci-dessus n'ont pas été contestés par l'avocate de la WGA.

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit comme suit les «marchandises similaires» :

Selon le cas :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l'utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

De l'avis du Tribunal, le chou-fleur destiné à la transformation n'est pas identique à tous les égards au chou-fleur destiné au marché des légumes frais selon l'alinéa a) de la définition de l'expression «marchandises similaires» donnée au paragraphe 2(1) de la LMSI. Le Tribunal doit donc tenter de déterminer si l'utilisation et les autres caractéristiques du chou-fleur destiné au marché des légumes frais et du chou-fleur destiné à la transformation sont très proches, y compris pour ce qui est du degré de substituabilité de ces deux produits.

Selon le Tribunal, les différentes variétés utilisées sur les deux marchés ne partagent pas les mêmes caractéristiques physiques, les acheteurs de ces produits sont différents, car ils préfèrent des variétés différentes, et ces variétés ne se concurrencent que dans un nombre limité de cas. En conséquence, le Tribunal est d'avis que l'utilisation et les caractéristiques du chou-fleur destiné à la transformation et de celui destiné au marché des légumes frais ne sont pas très proches et que ces deux produits ne sont pas des «marchandises similaires» au sens du paragraphe 2(1) de la LMSI.

INDUSTRIE NATIONALE

Avant d'aborder la question du préjudice sensible causé à la production au Canada, le Tribunal doit décider si la production de chou-fleur frais de la Colombie-Britannique satisfait aux exigences relatives à l'industrie régionale, à l'article 4 du Code, dont le Tribunal doit tenir compte aux termes de l'alinéa 42(3)a) de la LMSI. Le paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code prévoit ce qui suit :

[D]ans des circonstances exceptionnelles, le territoire d'une Partie pourra, en ce qui concerne la production en question, être divisé en deux ou plusieurs marchés compétitifs et les producteurs à l'intérieur de chaque marché pourront être considérés comme constituant une branche de production distincte si a) les producteurs d'un tel marché vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production du produit en question sur ce marché, et si b) la demande sur ce marché n'est pas satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs du produit en question implantés dans d'autres parties du territoire. Dans de telles circonstances, il pourra être constaté qu'il y a préjudice même s'il n'est pas causé de préjudice à une proportion majeure de la branche de production nationale totale, à la condition qu'il y ait une concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur un de ces marchés isolés, et qu'en outre les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production à l'intérieur de ce marché.

De l'avis du Tribunal, le paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code comporte une analyse en deux volets. D'abord, les producteurs d'une région particulière peuvent être considérés comme une industrie régionale : i) s'ils vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production sur ce marché; et ii) si la demande sur ce marché n'est pas satisfaite dans une mesure substantielle par des producteurs de l'extérieur du marché. En d'autres termes, on peut constater l'existence d'une industrie régionale distincte à condition qu'il y ait un marché isolé. En deuxième lieu, lorsqu'il existe un marché isolé, on peut constater l'existence d'un préjudice seulement si, outre le préjudice sensible, il est déterminé que : i) il y a une concentration d'importations faisant l'objet d'un dumping sur le marché isolé; et que ii) les importations faisant l'objet d'un dumping causent un préjudice aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production à l'intérieur de ce marché.

Pour ce qui est de déterminer s'il existe un marché isolé, le tableau suivant indique que, depuis 1988, les producteurs de la Colombie-Britannique ont écoulé plus de 80 p. 100 de leur production de chou-fleur frais en Colombie-Britannique. Au cours de la campagne agricole de 1991, ces ventes ont représenté 92 p. 100 de leur chiffre d'affaires. En ce qui touche la deuxième exigence relative au marché isolé, les éléments de preuve révèlent qu'à l'exception d'une petite quantité de chou-fleur produite au Manitoba en 1992, aucune quantité de chou-fleur produit dans les autres régions du Canada n'a été expédiée à la Colombie-Britannique au cours de la période visée par l'enquête. En conséquence, ces deux exigences étant respectées, les producteurs de chou-fleur frais de la Colombie-Britannique sont considérés comme une industrie distincte aux fins de la présente enquête.

FACTEURS LIÉS AU MARCHÉ ISOLÉ

Campagne agricole

1988

1989

1990

1991

1992

Ventes totales issues de la production de la Colombie-Britannique

Volume (en cartons)

152 780

142 256

128 702

127 256

116 000

Pourcentage des ventes totales

100

100

100

100

100

Ventes en Colombie-Britannique

Volume (en cartons)

119 436

114 417

113 770

117 720

109 0401

Pourcentage des ventes totales

78

80

88

92

941

Ventes à d'autres provinces

Volume (en cartons)

33 344

27 799

14 932

8 612

5 8001

Pourcentage des ventes totales

22

19

12

7

51

Exportations

Volume (en cartons)

aucun

40

aucun

924

1 1601

Pourcentage des ventes totales

nul

1

nul

1

11

Ventes effectuées par d'autres provinces en Colombie-Britannique

Volume (en cartons)

aucun2

aucun2

aucun2

aucun2

négligeable3

1. Estimation fondée sur la répartition en pourcentage des réponses au questionnaire de la Commission, appliquée aux ventes totales estimatives de la partie plaignante en 1992.

2. À partir des données d'Agriculture Canada sur les débarquements annuels.

3. Réponses au questionnaire à l'intention des importateurs et témoignages recueillis à l'audience publique.

Source : Rapport public préalable à l'audience, réponses aux questionnaires et éléments de preuve déposés à l'audience publique.

Le Tribunal examine ensuite les deux exigences ou conditions énoncées au paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code, qui ont trait au préjudice et qui doivent être respectées pour que soient rendues des conclusions de préjudice.

La première des deux conditions énoncées dans la deuxième partie de l'analyse portant sur l'industrie régionale consiste à déterminer s'il y a concentration d'importations sous-évaluées. Par le passé, le Tribunal et son prédécesseur, le Tribunal canadien des importations, ont utilisé plusieurs critères pour établir s'il y a ou non concentration. Ces critères ont été qualifiés de critères de «densité», de critère de «distribution» et de critère de «ratio», une variante du critère de distribution.

Dans le cas du critère de densité, on compare le volume des importations sous-évaluées sur le marché régional et le volume total du marché régional. Pour le critère de distribution, on compare le volume des importations en question sur le marché régional et le volume des importations en question sur le territoire national. Dans le cas du critère de ratio, on compare la part de la Colombie-Britannique des importations en question au Canada et sa part de la consommation totale de chou-fleur frais au Canada.

Dans le cas présent, l'application de ces trois critères révèle qu'au cours de la campagne agricole de 1991, 68 p. 100 du chou-fleur consommé en Colombie-Britannique a été sous-évalué (critère de densité), que 30 p. 100 du chou-fleur frais importé au Canada a été consommé en Colombie-Britannique (critère de distribution) et que la part des importations en question en Colombie-Britannique était 3,6 fois supérieure à la part de la Colombie-Britannique pour ce qui est de la consommation canadienne (critère de ratio).

Compte tenu des décisions antérieures, le Tribunal est d'avis qu'il existe une concentration d'importations de chou-fleur frais sous-évalué sur le marché régional quel que soit le critère appliqué.

Pour ce qui est de la dernière exigence, énoncée au paragraphe 1 ii) de l'article 4 du Code, le Tribunal est convaincu que la partie plaignante représente «la totalité ou la quasi-totalité de la production» en Colombie-Britannique. Les producteurs représentés par la partie plaignante interviennent pour la totalité de la production intérieure de marchandises similaires en Colombie-Britannique. La question à savoir si la totalité ou la quasi-totalité de ces producteurs a subi un préjudice en raison des importations sous-évaluées est étudiée ci-après par le Tribunal, dans son analyse du préjudice sensible.

PRÉJUDICE SENSIBLE

Le Tribunal ayant établi l'existence d'un marché isolé, déterminé qu'il y a concentration d'importations sous-évaluées sur ce marché et établi que la partie plaignante représente la totalité ou la quasi-totalité de la production sur ce marché, la prochaine étape consiste à déterminer si cette industrie a subi un préjudice sensible imputable aux importations sous-évaluées. Le Tribunal entend aborder les questions de préjudice sensible et de causalité en examinant les événements survenus sur le marché de la Colombie-Britannique depuis 1988. Il doit procéder à cet examen pour discerner les mouvements et les tendances des parts du marché, des prix et de la rentabilité. Certaines autres questions sont en cause et elles seront débattues aux pages suivantes.

Dans le cadre de l'étude de ces questions, le Tribunal a examiné certains événements survenus au cours de la période écoulée entre juin et octobre de chacune des années, qui englobe la campagne agricole de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire du 20 juin au 31 octobre. Le Tribunal a mesuré la rentabilité de l'industrie en se fondant sur un modèle de CDP créé par le Ministère pour la campagne agricole de 1991 et il l'a appliqué à chacune des cinq campagnes agricoles visées par la présente enquête. Les données relatives au marché de l'industrie sont fondées sur les volumes de vente déclarés par la Commission et par Cloverdale. Les renseignements sur la part du marché de 1992 n'ont été obtenus que pour les mois de juin et juillet de cette année parce que les données disponibles à l'égard des importations se limitaient à ces deux mois. Les données sur le marché sont établies en fonction du carton de 23 lb, qui constitue l'unité d'emballage courante dans l'industrie et qui représente la grande majorité des ventes effectuées par les trois agences commerciales autorisées par la Commission à commercialiser le chou-fleur en question en Colombie-Britannique.

Le Tribunal reconnaît que la Californie est l'État qui fixe les prix du chou-fleur frais pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, car elle est de loin la première région productrice sur le continent. En Colombie-Britannique, comme ailleurs, le prix du produit local est établi généralement en fonction du coût franco dédouané du produit importé de la Californie, corrigé pour tenir compte de la situation du marché local. Le Tribunal constate également que les prix de la Californie sont soumis aux conditions de l'offre et de la demande qui ont cours dans une économie de marché libre et qu'ils peuvent fluctuer considérablement sur de très courtes périodes, en raison de l'évolution des conditions de culture, de récolte et de commercialisation.

En 1988, les producteurs de chou-fleur de la Colombie-Britannique ont produit et vendu plus de 152 000 cartons de chou-fleur frais, dont 78 p. 100 sur le marché de la Colombie-Britannique. L'industrie détenait environ 35 p. 100 du marché. Les importations en provenance des États-Unis intervenaient pour le reste, dont plus de 70 p. 100 de la Californie. Le prix de vente moyen du chou-fleur produit en Colombie-Britannique était de 10,52 $ le carton en 1988. Les prix américains oscillaient entre 4,00 $ US et 6,00 $ US, s'établissant en moyenne à 5,68 $ US le carton la même année. Sur des recettes de vente de plus de 1,6 million de dollars, l'industrie de la Colombie-Britannique a réalisé un bénéfice d'environ 0,60 $ le carton.

En 1989, la production vendue en Colombie-Britannique a diminué de plus de 10 000 cartons, soit d'environ 7 p. 100, pour s'établir à un peu plus de 142 000 cartons. Les producteurs de cette province ont vendu environ 114 000 cartons sur le marché local, ce qui représente une légère baisse par rapport à l'année précédente. Les importations américaines provenant d'autres États que la Californie ont augmenté de plus de 50 p. 100, tandis que les importations originaires de la Californie ont quelque peu fléchi. Le marché total a progressé d'environ 6 p. 100, atteignant environ 365 000 cartons. Dans ces circonstances, la part du marché détenue par les producteurs de la Colombie-Britannique a légèrement diminué pour se fixer à un peu plus de 31 p. 100. Les prix pratiqués aux États-Unis se sont raffermis en 1989, plus particulièrement de la mi-août à octobre. Ils ont oscillé entre 4,00 $ US et un peu plus de 9,00 $ US, se fixant en moyenne à 6,50 $ US pendant cette période. Bien que les prix des États-Unis et le prix franco dédouané du chou-fleur importé en Colombie-Britannique aient augmenté, les prix de vente moyens dans cette province ont régressé d'environ 0,10 $ pour s'établir à 10,43 $ le carton. Les recettes de vente de la Colombie-Britannique ont diminué en 1989 pour s'établir à un peu moins de 1,5 million de dollars, ce qui a entraîné un bénéfice de 0,50 $ le carton pour l'industrie.

En 1990, l'industrie a réduit sa production, commercialisant quelque 13 000 cartons de moins que l'année précédente. Cette réduction des ventes a principalement touché les marchés extérieurs, car les ventes en Colombie-Britannique n'ont pas changé par rapport à celles de 1989. Les importations en provenance de la Californie ont augmenté de plus de 40 p. 100 en 1990, tandis que celles des autres États américains ont diminué. Le marché de la Colombie-Britannique a progressé de 8 p. 100 environ, ce qui a eu pour effet de réduire de deux points de pourcentage la part du marché de la Colombie-Britannique détenue par l'industrie, qui est passée à environ 29 p. 100. Les prix de vente aux États-Unis en 1990 étaient inférieurs à ceux de 1989, en juin et en juillet, mais ils ont augmenté entre août et octobre, ce qui a entraîné une faible diminution du prix moyen F.A.B. aux États-Unis, qui est passé à un peu moins de 6,50 $ US le carton. Le prix franco dédouané moyen des importations sur le marché de la Colombie-Britannique a régressé pour passer à 10,16 $ le carton. Les prix de vente moyens des producteurs de la Colombie-Britannique ont augmenté à 10,85 $ le carton en 1990. Bien que les recettes totales provenant des ventes aient diminué de près de 6 p. 100, pour s'établir à un peu moins de 1,4 million de dollars, les bénéfices totaux de l'industrie à l'égard des ventes sont passés d'environ 72 000 $ à près de 120 000 $, soit une augmentation de 66 p. 100, et l'industrie a accru de plus de 85 p. 100 son bénéfice par carton, ce dernier passant de 0,50 $ à 0,93 $ le carton entre 1989 et 1990.

En 1991, la production de la Colombie-Britannique a subi une diminution négligeable pour s'établir à un peu plus de 127 000 cartons. Comme en 1990, la réduction des ventes a surtout touché les marchés extérieurs. Ces ventes ont diminué de plus de 40 p. 100 comparativement à l'année précédente. Les ventes sur le marché de la Colombie-Britannique ont en fait augmenté en 1991, passant à environ 118 000 cartons. Les importations en provenance de la Californie ont régressé d'environ 13 p. 100 et le marché global de la Colombie-Britannique a connu une baisse d'un peu moins de 8 p. 100, d'où une augmentation de la part du marché des producteurs de la Colombie-Britannique en 1991, qui est passée d'environ 29 p. 100 à un peu plus de 32 p. 100.

En juin 1991, les prix pratiqués aux États-Unis étaient sensiblement plus élevés que ceux enregistrés au cours de la même période des trois années précédentes. Cependant, en juillet, les prix F.A.B. aux États-Unis ont chuté pour osciller entre 3,00 $ US et 4,00 $ US le carton et sont demeurés à ce niveau jusqu'à la dernière semaine d'août, où ils ont dépassé les 8,00 $ US. Cette reprise partielle fut de très courte durée, car les prix ont fléchi en septembre pour osciller entre 4,00 $ US et 6,00 $ US et sont demeurés à ce niveau pour le reste de la campagne agricole de 1991. Cette faiblesse des prix a eu un effet désastreux sur le prix du chou-fleur produit en Colombie-Britannique, qui suit les prix en vigueur aux États-Unis. Le prix franco dédouané moyen des importations américaines sur le marché de la Colombie-Britannique a diminué pour atteindre environ 8,50 $ le carton. Le prix de vente moyen du chou-fleur de la Colombie-Britannique a perdu plus de 2,00 $ le carton en 1991 pour s'établir à 8,04 $ le carton. Cette érosion de prix a entraîné une perte financière de plus de 239 000 $, soit 1,88 $ le carton, selon les données du Ministère sur le CDP, c'est-à-dire 9,92 $ le carton.

En 1992, les producteurs de la Colombie-Britannique ont réduit d'environ 8 p. 100 leur production totale commercialisée pour cette campagne agricole, c'est-à-dire environ 116 600 cartons. Les données sur le marché pour juin et juillet 1992 révèlent que le volume de vente de l'industrie n'a pratiquement pas changé par rapport à celui de la même période en 1991. Cependant, les importations ont diminué pendant cette période de deux mois en 1992, contractant le marché d'un peu plus de 9 p. 100. La part du marché détenue par les producteurs de la Colombie-Britannique en 1992 est passée d'environ 28 p. 100 à 30 p. 100.

Les prix F.A.B. aux États-Unis ont monté en flèche en 1992, atteignant entre 10,00 $ US et 13,00 $ US le carton en juin et au début de juillet, mais ils ont ensuite chuté pour se situer entre 4,50 $ US et 6,50 $ US le carton jusqu'à la fin de la première semaine d'août. À la mi-août, les prix des États-Unis ont connu une forte augmentation pour atteindre 11,00 $ US à 12,00 $ US le carton, chutant encore une fois aux environs de 7,00 $ le carton au début de septembre. Des droits antidumping provisoires ont été imposés le 3 septembre 1992. Le prix F.A.B. moyen aux États-Unis pour la campagne agricole de 1992 a été fixé à 7,17 $ US le carton. À ce prix, le prix franco dédouané moyen des importations américaines sur le marché de la Colombie-Britannique a dépassé 14,00 $ le carton. Le Tribunal constate que le prix franco dédouané moyen pour la période de trois mois précédant l'imposition des droits antidumping dépassait 12,00 $ le carton. Les prix de vente en vigueur en Colombie-Britannique ont augmenté en 1992 à la suite de l'imposition de ces prix en devise américaine et ils ont oscillé entre 12,00 $ et 14,00 $ le carton en juin, et dans la fourchette des 11,00 $ à 12,00 $ le carton pendant toute la période précédant l'imposition des droits antidumping provisoires. Le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels le prix de vente en vigueur en Colombie-Britannique était tellement élevé que la demande totale de chou-fleur a diminué, ce qui a empêché les producteurs de la Colombie-Britannique de tirer profit des droits antidumping par l'intermédiaire d'une nouvelle hausse des prix. Le prix de vente moyen en Colombie-Britannique pendant la campagne agricole de 1992 a été de 12,49 $ le carton, ce qui a permis aux producteurs d'obtenir un bénéfice moyen de 2,57 $ le carton.

La partie plaignante a déposé des éléments de preuve selon lesquels la superficie consacrée au chou-fleur a été réduite en 1992. Le Tribunal a entendu des éléments de preuve voulant que les réductions effectuées par certains producteurs découlaient de graves pertes financières subies en 1991, soi-disant en raison d'importations sous-évaluées. Cependant, le Tribunal fait remarquer que le plus important producteur de la Colombie-Britannique, qui avait porté à quelque 50 acres sa superficie ensemencée en 1991, a ensemencé la même superficie en 1992, car selon lui les prix du chou-fleur devaient s'améliorer. Les prix ont effectivement augmenté en 1992, ce qui appuie la thèse de ce producteur, selon lequel l'industrie horticole connaît de bonnes et de mauvaises années.

Le Tribunal est d'avis que le risque lié à la production du chou-fleur oblige les producteurs à subir temporairement les contrecoups des variations inévitables de prix qui ont cours de temps à autre. Selon le Tribunal, la production de chou-fleur en Colombie-Britannique est l'affaire de producteurs qui se sont engagés à l'égard de ce produit. En effet, le Tribunal a entendu des dépositions concernant la composition des cultures horticoles des producteurs, qui révèlent que la plupart des producteurs accordent beaucoup moins d'importance au chou-fleur qu'à d'autres cultures. Le fait qu'un grand producteur continue de produire du chou-fleur après la chute des prix enregistrée en 1991 porte le Tribunal à croire que le rétablissement des prix enregistré en 1992 n'était pas entièrement imprévu et que la chute de 1991 a été perçue comme une situation inhabituelle si l'on se reporte à la tendance des prix entre 1988 et 1990. Compte tenu des éléments de preuve déposés, le Tribunal croit que 1991 fut une année inhabituelle au chapitre des niveaux de prix et qu'elle ne doit pas être considérée comme une indication de la tendance à long terme des prix du chou-fleur.

Dans le cadre de son analyse de la rentabilité de l'industrie de la Colombie-Britannique au cours de la période visée par la présente enquête, le Tribunal s'est reporté au modèle de CDP du Ministère en vertu duquel le CDP en 1991 a été évalué à 9,92 $ le carton. Ce modèle tient essentiellement compte des coûts d'un seul producteur de la Colombie-Britannique établi dans la région de Cloverdale. De l'avis du Tribunal, certains coûts peuvent différer d'un groupe de producteurs réunis en coopérative à un autre, par exemple, les droits de coopérative, les frais généraux et les dépenses liées à la location des terrains. Le Tribunal constate qu'aucun producteur membre des coopératives Island et Interior n'a comparu. En outre, le seul producteur qui emballe le produit à la ferme n'a pas témoigné à l'audience publique, ce qui aurait permis d'établir le CDP réel du produit emballé. En outre, le CDP du chou-fleur nu est d'environ 1,00 $ le carton inférieur à celui du chou-fleur recouvert de polyéthylène, ce dernier constituant la base du modèle. De même, un producteur de l'État de Washington a déclaré que son CDP est inférieur aux estimations du Ministère à l'égard des producteurs de la Colombie-Britannique, même si les conditions de culture dans l'État de Washington et en Colombie-Britannique sont très semblables. Bien que le modèle du Ministère ait été adopté à des fins d'analyse, le Tribunal fait remarquer que les éléments de preuve déposés au cours de l'audience publique révèlent que le CDP établi par le Ministère n'est pas applicable à tous les producteurs de la Colombie-Britannique.

Au cours de l'audience, un témoin de la partie plaignante a soutenu que les producteurs de chou-fleur de la Californie ont trop produit en 1991 et que cette situation a contribué à la faiblesse des prix F.A.B. aux États-Unis. Cependant, le dossier révèle que pour l'ensemble de la campagne agricole de 1991, la superficie totale de récolte en Californie a diminué de 1 300 acres, soit plus de 2 p. 100, que les rendements moyens ont régressé de 8 p. 100 et que la production totale du marché du chou-fleur frais a chuté de plus de 50 millions de livres, soit environ 9 p. 100, comparativement à 1990. En outre, la superficie de récolte en Californie entre juillet et septembre 1991, qui coïncide avec environ 75 p. 100 de la campagne agricole de la Colombie-Britannique, a diminué de 20 p. 100 par rapport à la même période de 1990. Le témoin a prétendu en outre que les prix F.A.B. aux États-Unis étaient périodiquement inférieurs au CDP des États-Unis établis par le Sous-ministre parce que l'offre a dépassé la demande de chou-fleur originaire de la Californie. Cependant, aucun élément de preuve n'a été déposé pour étayer l'écart prétendu entre l'offre et la demande, aux États-Unis, de chou-fleur frais produit en Californie.

En résumé, entre 1988 et juillet 1992, l'industrie du chou-fleur de la Colombie-Britannique a perdu deux points de pourcentage au chapitre de la part du marché au profit des importations originaires des États-Unis. En soi, cette situation n'est pas suffisante pour causer un préjudice sensible, compte tenu du fait que le marché est demeuré relativement stable au cours de la période visée par la présente enquête. Les prix pratiqués sur le marché ont dépassé le CDP des producteurs de la Colombie-Britannique lors de chacune des campagnes agricoles comprises entre 1988 et 1990, et l'industrie a enregistré des bénéfices à chacune de ces années. En 1991, les prix F.A.B. aux États-Unis ont chuté, ce qui a entraîné l'érosion des prix de vente en Colombie-Britannique, de même que la non-rentabilité de l'industrie. Les prix de vente aux États-Unis et en Colombie-Britannique ont remonté en 1992, même avant l'imposition des droits antidumping et ils ont permis à l'industrie d'enregistrer des bénéfices intéressants.

Selon un prix de vente moyen de 12,49 $ le carton en Colombie-Britannique et le CDP de 9,92 $ établi par le Ministère, l'industrie a enregistré un bénéfice de 20 p. 100 au chapitre des ventes en 1992.

La partie plaignante a fait valoir que les producteurs de la Colombie-Britannique ont subi un préjudice en raison d'une baisse du volume des ventes et de leur valeur au cours de la période visée par la présente enquête. Cependant, le dossier de l'enquête révèle qu'en 1991, les volumes de vente de l'industrie de la Colombie-Britannique ont augmenté pour s'approcher très près des niveaux de 1988 et que la part du marché détenue par les producteurs de la Colombie-Britannique est passée d'un peu plus de 28 p. 100 en 1990 à plus de 32 p. 100. Ce n'est qu'en 1988 que la part du marché détenue par l'industrie a dépassé celle de 1991; elle avait alors atteint près de 35 p. 100. Il convient de faire remarquer que l'amélioration de la part du marché de l'industrie en 1991 est survenue au moment où le marché a perdu près de 8 p. 100.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que le dumping des importations en question n'a pas causé et ne cause pas un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

Pour ce qui est de l'avenir, le Tribunal est persuadé, à la lumière des éléments de preuve relatifs aux prix, qu'un préjudice sensible ne sera vraisemblablement pas causé. Le dossier révèle que pendant chaque campagne agricole depuis 1988, à l'exception de 1991, les prix de vente pratiqués en Colombie-Britannique ont dépassé le CDP estimatif. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'interruption de cette tendance au cours d'une campagne agricole sur cinq constitue un élément de preuve suffisant révélant l'imminence d'un dumping préjudiciable, plus particulièrement en raison de la forte reprise des prix de vente enregistrée en 1992. Le Tribunal constate que l'imposition de droits antidumping provisoires en 1992 n'a pas conféré d'avantages à l'industrie de la Colombie-Britannique, car les prix avaient déjà augmenté et avaient atteint un niveau où le marché ne pouvait soutenir une hausse de coût qui découlerait du fait que les producteurs ont redressé les prix jusqu'au niveau du prix franco dédouané intégral des marchandises importées, droits antidumping compris. Le Tribunal est d'avis qu'en l'absence de droits antidumping, un dumping préjudiciable de la part des exportateurs américains n'est ni imminent ni vraisemblable dans un avenir rapproché. En conséquence, le Tribunal conclut que le dumping des marchandises en question n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.

CONCLUSION

Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que le dumping du chou-fleur frais originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, pour utilisation ou consommation dans la province de la Colombie-Britannique, n'a pas causé, ne cause pas et n'est pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production de la Colombie-Britannique de marchandises similaires.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Énoncé des motifs, décision provisoire de dumping concernant le chou-fleur frais originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, ministère du Revenu national, 3 septembre 1992, à la p. 7.

3. R.S.B.C. 1979, ch. 296.

4. Accord relatif à la mise en oeuvre de l'Article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.


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Publication initiale : le 16 juillet 1997