BARRES RONDES EN ACIER INOXYDABLE

Enquêtes (article 42)


CERTAINES BARRES RONDES EN ACIER INOXYDABLE ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE
Enquête no : NQ-98-003

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le vendredi 18 juin 1999

Enquête no : NQ-98-003

EU ÉGARD À une enquête aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation concernant :

CERTAINES BARRES RONDES EN ACIER INOXYDABLE ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

C O N C L U S I O N S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à une enquête, aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, à la suite de la publication d’une décision provisoire de dumping datée du 18 février 1999 et d’une décision définitive de dumping datée du 19 mai 1999, rendues par le sous-ministre du Revenu national, concernant l’importation au Canada de barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre variant de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République de Corée, à l’exclusion : 1) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon les normes ASN-A3380 et ASN-A3294; et 2) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon la norme 410QDT (par trempe à l’huile), c’est-à-dire de nuance 410, par trempe et double revenu en milieu huileux.

Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada des marchandises susmentionnées originaires ou exportées de la République de Corée a causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

Pierre Gosselin
_________________________
Pierre Gosselin
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Richard Lafontaine
_________________________
Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

L’exposé des motifs sera publié d’ici 15 jours.

Ottawa, le lundi 5 juillet 1999

Enquête no : NQ-98-003

CERTAINES BARRES RONDES EN ACIER INOXIDABLE ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer si le dumping des marchandises susmentionnées a causé un dommage sensible ou un retard à la branche de production nationale ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

DÉCISION : Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par les présentes, que le dumping au Canada de barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre variant de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République de Corée, à l’exclusion : 1) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon les normes ASN-A3380 et ASN-A3294; et 2) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon la norme 410QDT (par trempe à l’huile), c’est-à-dire de nuance 410, par trempe et double revenu en milieu huileux, a causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : Le 26 mai 1999

Date des conclusions : Le 18 juin 1999
Date des motifs : Le 5 juillet 1999

Membres du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant
Peter F. Thalheimer, membre
Richard Lafontaine, membre

Directeur de la recherche : Selik Shainfarber

Agent principal de la recherche : Don Shires

Économiste : Dennis Featherstone

Préposés aux statistiques : Margaret Saumweber
Joël J. Joyal

Avocats pour le Tribunal : Philippe Cellard
Marie-France Dagenais

Agent à l’inscription et

à la distribution : Gillian E. Burnett


Participants : Ronald C. Cheng
Gregory O. Somers
Benjamin P. Bedard
pour Atlas Specialty Steels, A Division of Atlas Steels Inc.

(producteur national)

Témoins :

David G. Pastirik
Directeur, Ventes et Marketing
Atlas Specialty Steels, A Division of
Atlas Steels Inc.

Larry Kusiak
Directeur du Marketing
Atlas Specialty Steels, A Division of
Atlas Steels Inc.

Don Cody
Contrôleur
Atlas Specialty Steels, A Division of
Atlas Steels Inc.

D. Keith Fehr
Vice-président
British Steel Alloys

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a procédé à une enquête aux termes des dispositions de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (la LMSI), à la suite de la publication d’une décision provisoire de dumping [2] , datée du 18 février 1999, et d’une décision définitive de dumping [3] , datée du 19 mai 1999, rendues par le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre), concernant le dumping au Canada de barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre variant de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République de Corée (la Corée), à l’exclusion : 1) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon les normes ASN-A3380 et ASN-A3294; et 2) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon la norme 410QDT (par trempe à l’huile), c’est-à-dire de nuance 410, par trempe et double revenu en milieu huileux.

Il s’agit de la deuxième enquête tenue par le Tribunal au cours des 12 derniers mois concernant le dumping de certaines barres rondes en acier inoxydable. Le 4 septembre 1998, dans le cadre de l’enquête no NQ-98-001 [4] , le Tribunal a rendu des conclusions de dommage sensible concernant certaines barres rondes en acier inoxydable, originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Inde, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taïwan et du Royaume-Uni. Dans l’exposé des motifs des conclusions susmentionnées, le Tribunal a avisé le Sous-ministre, aux termes de l’article 46 de la LMSI, que les éléments de preuve au dossier indiquaient que certaines barres rondes en acier inoxydable, originaires ou exportées de la Corée, faisaient l’objet de dumping sur le marché canadien et qu’ils indiquaient de façon raisonnable que le dumping desdites marchandises menaçait de causer un dommage à la branche de production canadienne.

Par la suite, le 16 novembre 1998, la société Atlas Specialty Steels, A Division of Atlas Steels Inc. (Atlas), a déposé une plainte de dumping auprès du Sous-ministre concernant les marchandises en question. Ayant déterminé que le dossier de la plainte était complet, le Sous-ministre a fait ouvrir une enquête le 3 décembre 1998. À la suite de l’enquête, le Sous-ministre a rendu une décision provisoire de dumping, le 18 février 1999.

Le 18 février 1999, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête [5] . Dans le cadre de l’enquête, le Tribunal a envoyé des questionnaires détaillés à Atlas, aux importateurs, aux exportateurs et aux acheteurs de certaines barres rondes en acier inoxydable. Les répondants ont fourni des renseignements sur la production, l’aspect financier, les importations, les ventes, l’établissement des prix et le marché, ainsi que d’autres renseignements concernant certaines barres rondes en acier inoxydable, pour la période du 1er janvier 1997 au 31 janvier 1999. Ils ont aussi fourni des renseignements sur leurs importations de certaines barres rondes en acier inoxydable durant la période d’enquête du Sous-ministre, soit du 1er novembre 1997 au 31 octobre 1998. À partir des réponses aux questionnaires et des renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience.

Le dossier de la présente enquête comprend toutes les pièces du Tribunal, y compris les réponses publiques et protégées aux questionnaires, toutes les pièces déposées par Atlas, la seule partie à la procédure, et la transcription de toutes les délibérations. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition d’Atlas. Seuls les conseillers qui ont déposé auprès du Tribunal un acte de déclaration et d’engagement concernant l’utilisation, la divulgation, la reproduction, la protection, l’entreposage et la disposition de renseignements confidentiels au dossier à la fin de la procédure ou advenant un changement de conseiller, ont eu accès aux pièces protégées.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues le 26 mai 1999. Atlas a été représentée par des conseillers à l’audience. Le Tribunal a entendu les déclarations des témoins d’Atlas et de la société British Steel Alloys (BSA), une société qui distribue certaines barres rondes en acier inoxydable et qui a comparu à la demande du Tribunal. Le Tribunal a tenu l’audience à Ottawa (Ontario) le matin du 26 mai 1999, pour recevoir les éléments de preuve d’Atlas, puis a repris l’audience à Hull (Québec) en après-midi, par voie de vidéoconférence, pour recevoir les éléments de preuve de BSA, de Vancouver (Colombie-Britannique).

RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DU SOUS-MINISTRE

L’enquête du Sous-ministre a porté sur toutes les importations de marchandises en question durant la période du 1er novembre 1997 au 31 octobre 1998. Les exportateurs [6] et les importateurs [7] recensés par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) n’ont pas fourni suffisamment de renseignement sur les ventes et sur les coûts pour permettre d’établir les valeurs normales. Par conséquent, les valeurs normales ont été établies en majorant le prix à l’exportation de 110 p. 100 [8] . Revenu Canada a examiné toutes les exportations des marchandises en question au Canada durant la période d’enquête et a constaté que 100 p. 100 desdites marchandises avaient fait l’objet de dumping selon une marge moyenne pondérée de 52,4 p. 100 [9] . Des droits antidumping provisoires ont été imposés selon un taux de 110 p. 100 du prix à l’exportation des importations des marchandises en question, à partir du 18 février 1999.

Avant de rendre une décision provisoire de dumping, le Sous-ministre doit déterminer que la quantité véritable ou éventuelle de marchandises sous-évaluées n’est pas négligeable. Lorsque le volume des marchandises sous-évaluées provenant d’un pays donné est inférieur à 3 p. 100 de la totalité des marchandises similaires importées de tous les pays, le volume est considéré comme étant négligeable. Le Sous-ministre a conclu que les importations sous-évaluées originaires de la Corée représentaient 5,2 p. 100 de la totalité des importations, soit plus que le seuil de négligeabilité. Par conséquent, le Sous-ministre a conclu que le volume des marchandises sous-évaluées originaires de la Corée n’était pas négligeable. Aux termes de la LMSI, le Tribunal doit aussi examiner la question de la négligeabilité. Les données à l’importation recueillies par le Tribunal, qui correspondent aux données recueillies durant la période d’enquête du Sous-ministre, confirment que le volume des marchandises sous-évaluées originaires de la Corée n’est pas négligeable [10] .

Dans le cadre de la décision définitive de dumping du Sous-ministre, trois exportateurs coréens des marchandises en question et quatre exportateurs des produits coréens depuis les États-Unis ont été recensés. Le tableau suivant résume les marges moyennes pondérées de dumping, par exportateur, exprimées en pourcentage de la valeur normale.

SOMMAIRE DES MARGES DE DUMPING

Marchandises originaires ou exportées de la Corée

Marge de dumping
(en p. 100)

Changwon Specialty Steel Co., Ltd.

52,4

Dong Bang Special Steel Co. Ltd.

52,4

Ssangyong Corp.

52,4

Marchandises originaires de la Corée et exportées
des États-Unis

British Steel Alloys

52,4

Energy Steel Products

52,4

Federal Steel Supply, Inc.

52,4

Green Bay Supply Co. Ltd.

52,4

Source : Ministère du Revenu national, Décision définitive de dumping et Énoncé des motifs, le 19 mai 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-4, dossier administratif, vol. 1 aux p. 75.1-75.40.

PRODUITS

Les produits qui font l’objet de l’enquête du Tribunal sont définis comme étant certaines barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre variant de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la Corée, à l’exclusion : 1) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon les normes ASN-A3380 et ASN-A3294; et 2) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon la norme 410QDT (par trempe à l’huile), c’est-à-dire de nuance 410, par trempe et double revenu en milieu huileux. Les marchandises en question comprennent toutes les nuances, sauf celles des deux exclusions susmentionnées, coupées à longueur, ayant des diamètres variés et divers finis.

L’acier inoxydable est un alliage d’acier résistant à la corrosion ou à la chaleur, ou aux deux à la fois, dont la teneur maximale en carbone, en poids, est de 1,2 p. 100 et dont la teneur en chrome est d’au moins 10,5 p. 100. Il y a de nombreuses compositions chimiques distinctes ou nuances pour l’acier inoxydable. Ces compositions comprennent généralement d’autres éléments d’alliage que le chrome (le nickel et le molybdène, entre autres) et elles peuvent être adaptées de façon à répondre aux exigences mécaniques et physiques particulières d’applications finales données. Les compositions les plus populaires des barres en acier inoxydable sont les types AISI (American Iron & Steel Institute) 303, 304, 304L, 316, 316L, 410, 416, 420, 430F, et 630 ou la nuance de durcissement par précipitation 17Cr-4Ni.

Une charge de ferraille est fondue dans un four électrique à arc, versée dans une poche de coulée et transférée à la zone d’affinage où l’acier est soumis à un traitement sous vide de décarburation à l’oxygène; la composition chimique de l’acier est ensuite vérifiée et divers éléments sont ajoutés pour la production de la composition chimique voulue. Une fois la composition finale confirmée, le mélange est transféré à une machine de coulée en continu ou de coulée en source dans une lingotière. Après leur solidification, les lingots sont ensuite transférés à un four de réchauffage avant d’être déformés à chaud. L’acier inoxydable liquide peut aussi être solidifié directement sous forme de demi-produits (blooms ou billettes) dans des installations de coulée continue, puis être transféré à des fours de réchauffage pour y être laminé à chaud. Dans certains cas, les normes de qualité exigent l’utilisation du procédé de refonte sous vide, après la solidification initiale, avant les étapes du réchauffage et de la déformation à chaud.

Après le chauffage, les lingots ou les ébauches sont retirés de la lingotière et transférés au laminoir de blooms ou de billettes pour y être laminés à chaud sous la forme de demi-produits (blooms ou billettes). Après un refroidissement approprié, les blooms ou les billettes peuvent être conditionnés ou rectifiés, pour améliorer la qualité de leur surface, puis réchauffés et laminés à chaud dans le laminoir à billettes ou à barres pour produire une barre en acier inoxydable. Tous les produits de barre en acier inoxydable sont acheminés pour être recuits. Les barres laminées à chaud sont inspectées, mises en paquets et expédiés. Les barres tournées ou écroûtées, rectifiées sans pointe, ainsi que d’autres barres finies à froid, sont acheminées vers la zone de finition avant leur inspection finale et l’expédition.

POSITION DES PARTIES

Producteur national

Atlas

Les conseillers d’Atlas ont soutenu que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage sous forme de perte de ventes et de part de marché, d’érosion des prix et de compression des prix et que le dumping menace de causer un dommage à la production au Canada de marchandises similaires.

Selon les conseillers, les éléments de preuve dans la présente enquête devraient être examinés dans le contexte des conclusions de dommage rendues par le Tribunal en 1998 dans le cadre de l’enquête no NQ-98-001 concernant le dumping de certaines barres rondes en acier inoxydable originaires de neuf autres pays. Après les conclusions de 1998 concernant les neuf pays désignés, les importateurs se sont tournés vers d’autres sources pour obtenir certaines barres rondes en acier inoxydable. Cet état des choses a mené à la présente enquête de suivi. Dans un tel contexte, la présente affaire est semblable à une autre affaire, où une enquête initiale avait été suivie peu après d’une deuxième enquête portant sur les mêmes marchandises, à savoir, l’enquête no ADT-10-83 [11] qui a précédé, de quelques mois, l’enquête no ADT-13-83 [12] .

La deuxième enquête a porté sur une seule expédition de marchandises qu’il n’avait pas été possible d’inclure dans la décision provisoire de dumping du Sous-ministre dans le cadre de la première enquête, les marchandises étant entrées au Canada un mois et demi ou deux mois après que la décision provisoire de dumping avait été rendue. Les conseillers ont souligné que le Tribunal antidumping avait rendu des conclusions de dommage dans la deuxième enquête, même si l’expédition représentait moins de 1 p. 100 du marché canadien et que la branche de production ne disposait pas de suffisamment de temps pour présenter des éléments de preuve de dommage distincts.

Les conseillers ont soutenu que des conclusions de dommage devraient être également rendues relativement aux marchandises visées dans la présente enquête, comme dans le cadre de l’enquête no ADT-13-83. Le volume des marchandises sous-évaluées originaires de la Corée visées dans la présente enquête a représenté un pourcentage du marché plus élevé que dans l’enquête no ADT-13-83 et, contrairement à ce qui s’est passé dans l’enquête no ADT-13-83, la branche de production a, en l’espèce, soumis des éléments de preuve de dommage et de menace de dommage distincts.

Selon l’exposé des conseillers, le dumping des importations originaires de la Corée a constitué une poursuite du dumping et de la situation de dommage qui ont donné lieu aux conclusions rendues par le Tribunal en 1998. À cet égard, les conseillers ont souligné que la part du marché canadien détenue par Atlas était en recul de 1995 à 1996, puis a augmenté en janvier 1998, après l’ouverture de la première enquête du Sous-ministre, en décembre 1997, et a continué d’augmenter au cours de 1998, à la suite des conclusions de 1998. Cependant, même si la part de marché détenue par les pays désignés dans la première enquête a diminué à la suite des conclusions de 1998, celle détenue par les importations originaires de la Corée a augmenté. De ce fait, les importations originaires de la Corée ont fait perdre des commandes à Atlas.

Les conseillers ont souligné que les prix moyens d’Atlas ont constamment baissé de 1996 à 1998. Entre mars 1996 et mars 1998, la disponibilité d’importations à bas prix a obligé Atlas à consentir des rabais lors de transactions spécifiques, à conclure des ententes de rabais des prix courants pour des périodes déterminées et à offrir diverses remises. Les bas prix ont d’abord été associés aux importations originaires des pays désignés dans le cadre de la première enquête, mais, au fur et à mesure que progressait la première enquête visant les pays susmentionnés, de plus en plus d’offres à bas prix originaires de la Corée ont été recensées sur le marché. Au deuxième semestre de 1997, les prix moyens des importations originaires de la Corée avaient baissé au niveau des prix moyens des importations originaires des pays désignés dans le cadre de la première enquête et, en fait, étaient inférieurs au prix d’Atlas pour certaines nuances destinées à certains clients. Cet état des choses s’est poursuivi jusqu’en 1998 et a contribué à empêcher Atlas d’augmenter ses prix durant cette période.

Les conseillers ont soutenu que les importations originaires de la Corée menaçaient de causer un dommage. À cet égard, ils ont souligné que le Tribunal a récemment conclu que la reprise du dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées de la Corée était susceptible de causer un dommage, à la lumière de la conjoncture du marché à laquelle les producteurs coréens de tôles d’acier au carbone laminées à chaud étaient confrontés [13] . Les facteurs dont le Tribunal a alors fait mention dans son exposé des motifs comprenaient, notamment, la capacité excédentaire de production de la Corée, la faiblesse de la demande sur le marché intérieur coréen, la faiblesse de la demande sur ses marchés à l’exportation traditionnels et ses activités d’exportation. Les conseillers ont soutenu que les producteurs coréens de certaines barres rondes en acier inoxydable sont confrontés aux mêmes circonstances, comme le démontrent les données sur sa production, sa capacité et ses exportations qu’a soumises au Tribunal la société Changwon Specialty Steel Co. Ltd, un producteur coréen de certaines barres rondes en acier inoxydable.

Importateurs, exportateurs et utilisateurs finals

Aucun importateur, exportateur ou utilisateur final n’a été une partie à l’enquête.

ANALYSE

Le terme « dommage » est défini au paragraphe 2(1) de la LMSI comme étant le « dommage sensible causé à une branche de production nationale ». La définition de l’expression « branche de production nationale » précise, entre autres, qu’il s’agit de « l’ensemble des producteurs nationaux de marchandises similaires ou les producteurs nationaux dont la production totale de marchandises similaires constitue une proportion majeure de la production collective nationale des marchandises similaires ». Par conséquent, pour rendre sa décision dans le cadre de la présente enquête, le Tribunal déterminera d’abord quelles marchandises fabriquées au Canada sont des « marchandises similaires » aux barres rondes en acier inoxydable importées et déterminera ensuite quels sont les producteurs nationaux des marchandises en question, c’est-à-dire les producteurs qui constituent la branche de production nationale. Le Tribunal déterminera par la suite si la branche de production nationale a subi un dommage et, le cas échéant, s’il existe un lien de causalité entre ce dommage et le dumping des marchandises en question. Si le Tribunal rend des conclusions d’absence de dommage, il examinera ensuite la question de savoir si le dumping des marchandises en question menace de causer un dommage.

Marchandises similaires

Le paragraphe 2(1) de la LMSI définit les « marchandises similaires », par rapport à toutes autres marchandises, de la façon suivante :

a) marchandises identiques aux marchandises en cause;

b) à défaut, marchandises dont l’utilisation et les autres caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

Le Sous-ministre a défini les marchandises qui font l’objet de la présente enquête du Tribunal comme étant des barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre de 25 mm à 570 mm inclusivement, à l’exclusion des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon les normes ASN-3380 et ASN-A3294, et celles fabriquées selon la norme 410 QDT (par trempe à l’huile) [14] . Pour décrire lesdites marchandises, le Sous-ministre a inclus toutes les nuances de barres rondes en acier inoxydable (autres que les exclusions indiquées) coupées à longueur, ayant des diamètres variés et divers finis. Toutes les barres rondes en acier inoxydable ne sont pas identiques. Par exemple, elles peuvent présenter diverses compositions chimiques, diamètres ou finis. Cependant, les barres rondes produites selon les mêmes normes peuvent être substituées les unes aux autres et les barres rondes, d’une façon générale, présentent les mêmes caractéristiques et utilisations finales, peu importe où elles sont produites. Par conséquent, comme lorsqu’il a rendu ses conclusions de 1998, le Tribunal conclut que les barres rondes en acier inoxydable de production nationale dans les nuances et les diamètres établis dans la définition du Sous-ministre constituent des « marchandises similaires » aux marchandises importées de même description.

Branche de production nationale

Ayant déterminé que les barres rondes en acier inoxydable de source nationale décrites par le Sous-ministre sont des « marchandises similaires » aux marchandises importées de même description, le Tribunal doit maintenant déterminer quels producteurs constituent la branche de production nationale aux fins de l’évaluation du dommage. Les éléments de preuve indiquent qu’Atlas est le seul producteur national de ces marchandises et que sa production constitue 100 p. 100 de la production collective nationale. Ici encore, comme dans les conclusions de 1998, le Tribunal, par conséquent, conclut qu’Atlas constitue la branche de production nationale aux fins de la présente enquête.

Dommage

Ainsi qu’il a déjà été fait observer, la présente enquête suit de près une autre enquête concernant, essentiellement, les mêmes marchandises qui, le 4 septembre 1998, a donné lieu à des conclusions de dommage sensible causé par le dumping de marchandises originaires ou exportées de neuf pays. En vérité, dans les conclusions de 1998, même si la Corée n’était pas un pays désigné, le Tribunal a conclu ce qui suit : « […] certaines barres rondes en acier inoxydable en provenance de la Corée font présentement l’objet de dumping sur le marché canadien et qu’il existe des éléments qui indiquent, de façon raisonnable, que le dumping menace de causer un dommage » [15] . À la lumière des conclusions susmentionnées, le Tribunal a renvoyé la question des importations coréennes à Revenu Canada aux termes de l’article 46 de la LMSI. Par la suite, Atlas a déposé auprès de Revenu Canada une plainte concernant les importations coréennes, ladite plainte ayant finalement mené à la tenue de la présente enquête.

En résumé, la présente affaire découle directement de l’enquête précédente. La période qui fait, en l’espèce, l’objet de l’examen du Tribunal recoupe celle visée dans l’enquête précédente et beaucoup d’événements et de circonstances pertinents dans le cadre de la première enquête sont également pertinents à la présente affaire. Compte tenu de la conjoncture actuelle, le Tribunal est d’accord avec les conseillers d’Atlas sur le fait que la présente affaire doit être examinée à la lumière du contexte de la première enquête.

Dans ses conclusions de 1998, le Tribunal a constaté que, de 1995 jusqu’au premier trimestre de 1998, les importations à bas prix ayant fait l’objet de dumping originaires des neufs pays désignés avaient fait perdre à Atlas des ventes et une part du marché, et avaient contraint cette dernière à baisser ses prix et à appliquer un programme de remises. Plus précisément, entre 1995 et 1997, le volume des ventes d’Atlas a diminué de plus de 10 p. 100, les recettes qu’elle tirait de ses ventes ont baissé de 20 p. 100 et sa rentabilité a chuté de près de 50 p. 100. En même temps, les prix de vente moyens nationaux d’Atlas ont baissé d’environ 400 $ la tonne, soit un recul de plus de 10 p. 100, masquant la baisse encore plus prononcée, d’environ 20 p. 100, sur le prix de certains de ses produits clés.

Dans l’ensemble, à l’occasion de l’enquête de 1998, le Tribunal a constaté que, durant la période d’enquête, Atlas avait subi une baisse de revenu et de rentabilité de l’ordre de plusieurs millions de dollars par rapport à ses résultats de 1995. Selon le Tribunal, l’ampleur du dommage en faisait un dommage sensible.

En ce qui concerne la présente affaire, le personnel du Tribunal a recueilli des données portant sur une période d’enquête qui a englobé les années 1997 et 1998 ainsi que le premier mois de 1999. Les données recueillies démontrent que, en 1998, les ventes des importations originaires des neuf pays désignés qui, durant presque toute la même année, ont été l’objet d’analyse dans le cadre de la première enquête ont baissé d’environ 69 p. 100 par rapport à 1997 [16] . Dans la foulée du recul des ventes susmentionné, la part du marché détenue par l’ensemble des pays désignés a chuté, passant de 31 à 9 p. 100. La part de marché et les ventes ainsi perdues sont revenues à des pays non désignés dans l’enquête, y compris la Corée, ainsi qu’à la branche de production nationale. Plus précisément, les données révèlent que, de 1997 à 1998, les ventes des importations et la part de marché de pays non désignés, y compris la Corée, ont doublé. Les ventes coréennes, à elles seules, ont augmenté de 70 p. 100, à partir, cependant, de niveaux relativement faibles [17] . Les gains sur les ventes remportés par Atlas en 1997-1998 ont également été considérables. En fait, les ventes et la part de marché d’Atlas, en 1998, ont dépassé les seuils qu’Atlas avait atteints en 1995 avant le dumping pratiqué par les pays désignés dans les conclusions de 1998 [18] . Cependant, au premier mois de 1999, Atlas a perdu une partie des gains de part de marché susmentionnés, ces pertes étant causées par les importations originaires de la Corée et d’autres sources.

En ce qui a trait aux prix qui ont prévalu durant la même période, les données révèlent que les prix annuels moyens d’Atlas ont baissé de 1997 à 1998 et que cette baisse s’est poursuivie au premier mois de 1999 [19] . Le recul susmentionné s’est produit même après l’ouverture, le 3 décembre 1997, de l’enquête du Sous-ministre associée à la première enquête du Tribunal, et s’est poursuivi malgré les conclusions de dommage du Tribunal, le 4 septembre 1998 [20] . Le même profil de baisse soutenue et persistante des prix annuels moyens ressort également des prix établis par Atlas pour ses principaux clients [21] . Quant aux prix coréens, les données révèlent le même profil de recul constant durant la période. Plus précisément, les prix coréens en 1998 et au premier mois de 1999 ont été inférieurs à ce qu’ils étaient aux périodes correspondantes en 1997 et au premier mois de 1998. Dans l’ensemble, les prix moyens coréens ont baissé d’environ 13 p. 100 entre 1997 et le premier mois de 1999 [22] .

Ainsi, même si Atlas a augmenté le volume de ses ventes en 1998 par rapport à 1997, ces ventes ont été faites à des prix moyens moindres, ce qui a sapé la croissance des recettes qui aurait normalement accompagné la croissance du volume des ventes. Néanmoins, malgré une baisse de ses recettes nettes la tonne, la rentabilité d’Atlas s’est améliorée quelque peu en 1998 par rapport à 1997. Une telle amélioration a découlé de ce qu’Atlas a pu réduire ses coûts unitaires dans une proportion supérieure au recul de ses recettes unitaires. Cependant, même étant donné l’amélioration susmentionnée, les résultats financiers d’Atlas en 1998 demeurent bien en-dessous du niveau atteint en 1996 [23] .

Le Tribunal fait observer que, dans le cadre de la première enquête, le recul du rendement financier d’Atlas, qui ressortait dans une grande mesure du recul survenu entre 1996 et 1997, a représenté un dommage dont l’ampleur se traduisait en un dommage sensible. En 1998, malgré l’enquête de dumping qui a débouché sur des conclusions de dommage en septembre de la même année, Atlas n’a pu faire mieux que stabiliser son rendement financier à peu près au niveau atteint en 1997. Autrement dit, elle n’a pas été capable de se rapprocher sensiblement de ses niveaux de rendement antérieurs au dumping et au dommage, comme la suppression de la cause du dommage aurait pu permettre de le prévoir. Plutôt, elle a subi une érosion et une compression des prix. Le Tribunal est d’avis que cette incapacité à redresser son rendement ou à tirer un avantage sensible des conclusions de 1998 constitue un dommage sensible à la branche de production nationale.

Causalité

Ayant déterminé que la branche de production nationale a subi un dommage sensible, le Tribunal doit ensuite examiner s’il existe un lien de causalité entre le dommage et le dumping des marchandises en question. Dans la présente affaire, la question se résume à celle de savoir pourquoi Atlas n’a pas pu hausser ses prix ou, même, empêcher qu’ils continuent de baisser, malgré le fait qu’elle ait réussi à obtenir une protection antidumping en 1998, à la suite d’une procédure qu’elle avait entreprise en 1997. Atlas affirme que l’érosion et la compression des prix qu’elle continue de subir sont attribuables à la disponibilité sur le marché canadien des importations sous-évaluées originaires ou exportées de la Corée [24] .

Dans le cadre de son examen de la question susmentionnée, le Tribunal a premièrement tenu compte des données que son personnel avait recueillies sur les volumes et sur les prix nationaux et à l’importation relativement à quatre clients clés, dont les achats collectifs représentent environ 36 p. 100 du marché national [25] . Deuxièmement, le Tribunal a examiné les éléments de preuve soumis par Atlas et, plus particulièrement, certains rapports de visite-client qui donnent des renseignements à jour à partir de cas spécifiques où des produits coréens ont été soit vendus soit offerts à des clients d’Atlas ou désignés par ces derniers comme étant des marchandises qu’ils pourraient se procurer à moindre prix. Troisièmement, le Tribunal a tenu particulièrement compte de la déclaration du témoin de BSA qui a comparu à l’audience à la demande du Tribunal.

En premier lieu, les données du Tribunal font ressortir, dans le cadre d’un examen global des quatre clients clés, que les ventes d’importations coréennes aux clients susmentionnés ont augmenté durant les 25 mois visés par l’examen, pendant que les prix moyens des importations originaires de la Corée ont baissé de 28 p. 100 [26] . Pendant la majeure partie de la période susmentionnée, les prix moyens coréens ont été inférieurs aux prix moyens d’Atlas. Les prix des importations coréennes ont également été inférieurs aux prix de tous les autres groupements d’importations examinés [27] à plusieurs reprises durant la période, y compris la plus récente période pour laquelle il existe des données, à savoir, le premier mois de 1999. Les prix coréens de janvier 1999 sont particulièrement étonnants, puisqu’ils suivent l’ouverture, en décembre 1998, de l’enquête de Revenu Canada associée à la présente affaire.

Un des quatre clients clés était l’acheteur individuel le plus important de marchandises coréennes et un acheteur important de produits d’Atlas. Les données disponibles sur ce client démontrent que le volume de ses achats d’importations coréennes a augmenté au moment où les prix baissaient durant la période d’enquête. De plus, à partir du deuxième semestre de 1997 et de façon soutenue par la suite, à chaque période examinée, les prix coréens étaient, en moyenne, inférieurs aux prix établis par Atlas pour l’acheteur susmentionné et, d’une façon générale, aux prix des barres en acier inoxydable des nuances les plus en demande directement comparables [28] .

Quant aux éléments de preuve soumis par Atlas, le Tribunal fait observer que cette dernière a soumis des rapports de visite-client qui documentent des cas d’offres à bas prix faites par les aciéries coréennes à des clients canadiens d’Atlas, dès mars 1996. À cette époque, Atlas était la propriété de la société Sammi de la Corée. Selon les témoins d’Atlas, avant mars 1997, à titre de filiale de Sammi, Atlas était en mesure d’exercer une certaine influence sur l’ampleur et sur la nature de l’activité coréenne sur le marché canadien. Par conséquent, l’activité coréenne ne la préoccupait pas particulièrement [29] . Cependant, au début de 1997, Sammi, qui éprouvait des difficultés financières, a demandé protection à l’endroit de ses créanciers [30] . À son tour, Atlas en a fait de même au Canada aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies [31] en mars 1997, une protection dont elle est finalement ressortie, le 31 mars 1998, après être passée aux mains de nouveaux propriétaires nord-américains [32] .

Des administrateurs d’Atlas ont déclaré que, au moment où les liens entre cette dernière et Sammi prenaient fin, ils ont constaté une augmentation de l’activité coréenne sur le marché canadien [33] . À cet égard, Atlas a soumis de nombreux rapports de visite-client qui décrivent des communications qui ont eu lieu en 1997 et, de plus en plus souvent, en 1998, entre le personnel de vente d’Atlas et un grand nombre de ses principaux clients. Les rapports de visite-client susmentionnés établissent que, durant toute la période, les clients d’Atlas ont reçu des offres d’importations à bas prix de diverses sources, ou en ont eu connaissance, y compris en provenance de la Corée, et qu’ils se servaient de ces offres pour soutirer des concessions de prix d’Atlas. De même, Atlas a tenté d’augmenter ses prix en février 1998. Cependant, à cause des offres à bas prix susmentionnées, la tentative d’Atlas a été infructueuse [34] .

Selon les rapports de visite-client, l’écart entre les prix d’Atlas et ceux des autres sources d’importation, y compris la Corée, a souvent dépassé 10 p. 100 et était parfois supérieur à 20 p. 100 [35] . Atlas a perdu au moins un client qui est passé aux importations coréennes, même si, pour le retenir, elle a baissé son prix [36] . De plus, un rapport de visite-client concernant une offre faite en mars 1999, soit un mois après la décision provisoire de dumping rendue par le Sous-ministre en février 1999, donne un exemple manifeste de la vigueur des efforts consentis par les importateurs coréens pour attirer des clients canadiens [37] .

En ce qui a trait aux éléments de preuve présentés par le témoin de BSA, le Tribunal constate que la déclaration de ce dernier correspond pleinement aux données sur les prix recueillies par le personnel du Tribunal ainsi qu’aux renseignements contenus dans les rapports de visite-client d’Atlas. Plus précisément, le témoin a indiqué que les prix d’Atlas avaient été et continuaient d’être soumis à des contraintes issues des importations à bas prix, y compris celles en provenance de la Corée, et que, dans beaucoup de cas, l’écart de prix était important. Il a déclaré que les produits de la Corée étaient des articles de qualité de base et que la raison principale motivant leur achat était les bas prix auxquels ils étaient offerts. Il a ajouté que BSA avait cessé d’acheter le produit coréen au deuxième semestre de 1998 à cause de la possibilité qu’une mesure antidumping soit appliquée contre la Corée. Malgré tout, BSA a continué de recevoir des offres à bas prix des fournisseurs coréens même après la décision provisoire de dumping contre la Corée en février 1999 [38] .

Le Tribunal fait observer que, malgré l’augmentation marquée du volume des importations coréennes, en pourcentage, de 1997 à 1998 ainsi qu’en janvier 1999 par rapport à janvier 1998, la proportion du marché canadien qu’elles représentent est faible. Le Tribunal est d’avis que ce volume pourrait être plus important, et l’aurait été, si ce n’est de deux facteurs. En premier lieu, les éléments de preuve montrent qu’Atlas a choisi de défendre sa part de marché en alignant ses prix sur ceux des importations concurrentes à bas prix originaires de la Corée et d’ailleurs [39] . Cette stratégie a freiné la croissance des importations en provenance de la Corée et d’ailleurs, mais au prix d’une baisse de sa rentabilité et de ses recettes unitaires. Atlas n’a pas pu augmenter ses prix de beaucoup au-dessus des prix comprimés qui avaient suivi le premier cycle de dumping par les pays désignés dans les conclusions de 1998. En deuxième lieu, ainsi que l’a souligné le témoin de BSA, au cours de 1998, le marché canadien a découvert la possibilité qu’une mesure antidumping soit appliquée contre la Corée, ce qui peut fort bien avoir jeté un froid sur les intentions d’importer.

En ce qui concerne la décision d’Atlas de défendre sa part de marché, les éléments de preuve montrent qu’Atlas ne pouvait pas se permettre de prendre à la légère les prix offerts par la Corée. Atlas était bien au fait de la capacité considérable de production de marchandises en acier inoxydable de la Corée, particulièrement par rapport à la taille du marché canadien [40] , et savait que cette capacité avait augmenté au cours des dernières années [41] . Atlas savait également qu’un important fournisseur coréen des marchandises en question sur le marché canadien, la société Changwon Specialty Steel Co., Ltd., connaissait sans nul doute très bien les opérations et l’activité de marketing d’Atlas, puisque le fournisseur coréen susmentionné avait acquis l’ancien propriétaire d’Atlas, Sammi, après la faillite de cette dernière [42] . De plus, la branche de production coréenne est très axée sur les exportations, et ses exportations vers l’Amérique du Nord avaient augmenté considérablement au cours des quelques années précédentes [43] . En outre, la faiblesse de la demande sur le marché coréen et sur certains marchés à l’exportation traditionnels de la Corée, en conséquence de la crise en Asie, augmentait le risque que des volumes considérables du produit coréen entrent au Canada si Atlas ne tenait pas compte des prix coréens. En résumé, le Tribunal est d’avis qu’Atlas n’avait guère d’autres choix que de réagir aux prix coréens et de subir un dommage sous forme d’érosion et de compression des prix.

Le Tribunal fait observer que, comme c’est habituellement le cas, d’autres facteurs ont influé sur les prix sur le marché canadien durant la période visée. Plus particulièrement, la demande était déprimée sur certains marchés des utilisations finales, comme le secteur du pétrole, ce qui a certainement suscité une pression à la baisse sur les prix [44] . En outre, la Corée n’était pas le seul pays à émerger en tant que source d’approvisionnement du marché canadien, les pays désignés dans les conclusions de 1998 commençant à réduire leur activité au Canada. En fait, Atlas a nommé plusieurs nouvelles sources de marchandises à bas prix qui se sont manifestées après les conclusions de 1998 [45] . Atlas a aussi indiqué que l’Inde, un des neuf pays désignés dans le cadre de l’enquête de 1998, était une source persistante de marchandises à bas prix [46] . Selon les éléments de preuve, le prix des marchandises originaires de chacune de ces sources est aussi bas que les produits coréens [47] . Cependant, après avoir examiné attentivement les facteurs susmentionnés, le Tribunal est convaincu par les éléments de preuve que les importations sous-évaluées coréennes ont causé une érosion des prix et empêché Atlas d’augmenter ses prix et, de ce fait, ont causé un dommage sensible à la branche de production nationale.

CONCLUSION

Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que le dumping au Canada de certaines barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre variant de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République de Corée, à l’exclusion : 1) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon les normes ASN-A3380 et ASN-A3294; et 2) des barres rondes en acier inoxydable fabriquées selon la norme 410QDT (par trempe à l’huile), c’est-à-dire de nuance 410, par trempe et double revenu en milieu huileux, a causé un dommage sensible à la branche de production nationale.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Gazette du Canada Partie I, vol. 133, no 10, le 6 mars 1999 à la p. 628.

3. Ibid. no 23, le 5 juin 1999 à la p. 1666.

4. Barres rondes en acier inoxydable d'un diamètre de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de l'Inde, de l'Italie, du Japon, de l'Espagne, de la Suède, de Taïwan et du Royaume-Uni, Tribunal canadien du commerce extérieur, Conclusions, le 4 septembre 1998, Exposé des motifs, le 21 septembre 1998.

5. Supra note 2, no 9, le 27 février 1999 à la p. 531.

6. Le ministère du Revenu national a recensé trois exportateurs des marchandises en question de la Corée et cinq exportateurs, des États-Unis.

7. Le ministère du Revenu national a recensé 12 importateurs des marchandises en question.

8. Il s'agit là de la marge de dumping la plus élevée constatée durant l'enquête précédente chez les exportateurs qui avaient collaboré en fournissant des renseignements.

9. Les marges de dumping appliquées à chaque exportateur sont les mêmes, étant donné la méthode d'établissement de la valeur normale.

10. Selon les données dont disposait le Tribunal, le volume des marchandises sous-évaluées en question représentait 8,8 p. 100 de la totalité des importations de marchandises similaires originaires de tous les pays. Protected Pre-hearing Staff Report, le 12 avril 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-7A (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 20.

11. Tôles d'acier au carbone, y compris les tôles d'acier allié qui n'ont subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage ou le traitement à chaud, peu importe si elles sont en rouleaux ou qu'elles possèdent une surface laminée, à l'exclusion des sections de base de jantes de roues, de l'acier au carbone et de l'acier allié pour outils, de l'acier inoxydable, de l'acier à mouler, des tôles à bord tombé ou des tôles embouties, des tôles ouvrées ou enduites, de l'acier rapide, des tôles pour scies et des tôles plaquées d'acier inoxydable, originaires ou exportées de la Belgique, du Brésil, de la Tchécoslovaquie, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de la République de l'Afrique du Sud, de la République de Corée, de la Roumanie, de l'Espagne et du Royaume-Uni, Tribunal antidumping, Conclusions, le 7 décembre 1983, Exposé des motifs, le 29 décembre 1983.

12. Tôles d'acier au carbone, y compris les tôles d'acier résistant à basse teneur; et les tôles d'acier allié, qui n'ont subi aucun autre complément d'ouvraison que le laminage ou le traitement à chaud, peu importe si elles sont en rouleaux ou qu'elles possèdent une surface laminée, mais à l'exclusion des tôles skelp, des tôles pour plancher à surface façonnée, des sections de base de jantes de roue, de l'acier au carbone et de l'acier allié pour outils, de l'acier inoxydable, de l'acier à mouler, des tôles à bord tombé ou des tôles embouties, des tôles ouvrées ou enduites, de l'acier rapide, des tôles pour scies et des tôles plaquées d'acier inoxydable, originaires ou exportées des Pays-Bas, Tribunal antidumping, Conclusions et Exposé des motifs, le 26 janvier 1984.

13. Certaines tôles d'acier au carbone laminées à chaud et certaines tôles d'acier allié résistant à faible teneur, originaires ou exportées de l'Italie, de la République de Corée, de l'Espagne et de l'Ukraine, réexamen no RR-98-004, Ordonnance, le 17 mai 1999, Exposé des motifs, le 25 mai 1999.

14. La définition des marchandises est identique à celle énoncée dans le cadre de l'enquête no NQ-98-001, à l'exception des exclusions dont il est fait mention.

15. Supra note 4, Exposé des motifs à la p. 35.

16. Protected Pre-hearing Staff Report, le 12 avril 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-7A (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 24.

17. Ibid.

18. Ibid. et pièce du fabricant A-3 (protégée), pièce jointe A-1, dossier administratif, vol. 14.

19. Protected Pre-hearing Staff Report, le 12 avril 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-7A (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 71 et 96.

20. Ibid. à la p. 71.

21. Ibid. à la p. 37.

22. Ibid. à la p. 71.

23. Ibid. à la p. 96.

24. Atlas a nommé d'autres pays non désignés, ainsi que l'Inde, comme étant des sources persistantes de marchandises à bas prix.

25. Protected Pre-hearing Staff Report, le 12 avril 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-7A (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 38. Les quatre clients clés ont été les sociétés Atlas Ideal, ASA Alloys Inc., Avesta Sheffield Inc. et BSA.

26. Protected Pre-hearing Staff Report, le 12 avril 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-7A (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 38 et 40.

27. Les groupements d'importations ont été établis d'après les désignations du pays d'origine suivantes : 1) la Corée; 2) les neuf pays désignés dans le cadre de l'enquête précédente, considérés collectivement; 3) tous les autres pays, considérés collectivement.

28. Protected Pre-hearing Staff Report, le 12 avril 1999, pièce du Tribunal NQ-98-003-7A (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 37-56.

29. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 aux p. 11 et 12.

30. Pièce du fabricant A-5 (protégée) à la p. 2, dossier administratif, vol. 14.

31. L.R.C. (1985), ch. C-36.

32. Pièce du fabricant A-5 (protégée) à la p. 3, dossier administratif, vol. 14.

33. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 à la p. 12.

34. Ibid. aux p. 68 et 69.

35. Pièce du fabricant A-3 (protégée), pièce jointe 2, dossier administratif, vol. 14.

36. Pièce du fabricant A-3 (protégée), pièce jointe F, dossier administratif, vol. 14.

37. Pièce du fabricant A-3 (protégée), pièce jointe P, dossier administratif, vol. 14.

38. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 aux p. 82-120; et Transcription de l'audience à huis clos, le 26 mai 1999 aux p. 50-78.

39. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 aux p. 22 et 23; Transcription de l'audience à huis clos, le 26 mai 1999 aux p. 34 à 36.

40. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 à la p. 12; pièce du fabricant A-2 à la p. 27, dossier administratif, vol. 13.

41. Pièce du fabricant A-2, pièces jointes 3 à 5, dossier administratif, vol. 13.

42. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 à la p. 12.

43. Ibid. à la p. 13.

44. Ibid. aux p. 11 et 15.

45. Pièce du fabricant A-3 (protégée), pièce jointe 2, dossier administratif, vol. 14.

46. Ibid.

47. Transcription de l'audience publique, le 26 mai 1999 aux p. 102 et 116.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 23 août 1999