PRODUITS DE TÔLE D'ACIER LAMINÉS À FROID

Enquêtes (article 42)


CERTAINS PRODUITS DE TÔLE D’ACIER LAMINÉS À FROID, ORIGINAIRES OU EXPORTÉS DE L’ARGENTINE, DE LA BELGIQUE, DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE, DE LA RÉPUBLIQUE SLOVAQUE, DE L’ESPAGNE ET DE LA TURQUIE
Enquête no : NQ-99-001

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 30 juin 1999

Enquête no : NQ-99-001

EU ÉGARD À une requête déposée par les sociétés Francosteel Canada Inc. et Sollac, Aciers d’Usinor pour une ordonnance visant à mettre fin à l’enquête no NQ-99-001 en ce qui concerne certains produits de tôle d’acier laminés à froid, originaires ou exportés de l’Espagne;

ET EU ÉGARD à une enquête menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation en ce qui concerne certains produits de tôle d’acier laminés à froid, originaires ou exportés de l’Argentine, de la Belgique, de la Nouvelle-Zélande, de la Fédération de Russie, de la République slovaque, de l’Espagne et de la Turquie.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette par la présente la requête pour une ordonnance visant à mettre fin à l’enquête no NQ-99-001 en ce qui concerne les marchandises susmentionnées originaires ou exportées de l’Espagne, laquelle requête suggérait également que le Tribunal canadien du commerce extérieur élargisse la portée de l’ordonnance aux marchandises originaires ou exportées de la Nouvelle-Zélande et ce, pour les mêmes motifs.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Richard Lafontaine
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Richard Lafontaine
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Les motifs de la décision du Tribunal seront publiés à une date ultérieure.

Ottawa, le jeudi 15 juillet 1999

Enquête no : NQ-99-001

EU ÉGARD À une requête déposée par les sociétés Francosteel Canada Inc. et Sollac, Aciers d’Usinor pour une ordonnance visant à mettre fin à l’enquête no NQ-99-001 en ce qui concerne certains produits de tôle d’acier laminés à froid, originaires ou exportés de l’Espagne;

ET EU ÉGARD À une enquête menée aux termes de l’article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation en ce qui concerne certains produits de tôle d’acier laminés à froid, originaires ou exportés de l’Argentine, de la Belgique, de la Nouvelle-Zélande, de la Fédération de Russie, de la République slovaque, de l’Espagne et de la Turquie.

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 24 juin 1999, l’avocat des sociétés Francosteel Canada Inc. (Francosteel) et Sollac, Aciers d’Usinor (Sollac) a déposé auprès du Tribunal une requête pour une ordonnance visant à mettre fin à l’enquête concernant certains produits de tôle d’acier laminés à froid, originaires ou exportés de l’Espagne, pour le motif que le volume des importations de ce pays était négligeable, selon les données contenues dans le rapport du personnel préalable à l’audience (rapport du personnel) du Tribunal, daté du 21 juin 1999.

Le 24 juin 1999, l’avocat de la société BHP New Zealand Steel Limited (BHP New Zealand) a appuyé la requête et demandé, pour le même motif, qu’il soit mis fin à l’enquête concernant la Nouvelle-Zélande.

Le 25 juin 1999, le Tribunal a reçu une position préliminaire conjointe de l’avocat de la société Stelco Inc. (Stelco), au nom de cette dernière, des sociétés Dofasco Inc. (Dofasco) et Ispat Sidbec Inc. (Sidbec), concluant, notamment, que la requête était « anticipée » et que les parties demandaient des directives au Tribunal.

Par ailleurs, le 25 juin 1999, l’avocat de la société Siderar S.A.I.C. (Siderar), producteur argentin des marchandises en question, a répondu à la requête en concluant qu’elle devrait être rejetée parce qu’elle était prématurée et sans fondement.

Le même jour, étant donné la position préliminaire adoptée par certaines parties à l’enquête et le fait que certaines d’entre elles avaient demandé au Tribunal des directives concernant la requête, ce dernier a avisé les parties que, pour donner suite à ce qui précède et conformément aux articles 5 et 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, d’autres parties à la présente enquête qui désiraient faire des observations sur la requête devaient présenter lesdites observations au secrétaire du Tribunal au plus tard le mardi 29 juin 1999. Le Tribunal a également fait savoir aux parties que, le cas échéant, d’autres directives seraient envoyées sans délai à toutes parties par la suite. Le 30 juin 1999, le Tribunal a publié une décision rejetant la requête.

QUESTION SAISIE PAR LE TRIBUNAL

La question présentée par la requête consiste à déterminer si le Tribunal doit accueillir la requête et immédiatement clore l’enquête en ce qui concerne l’Espagne ainsi que la Nouvelle-Zélande, étant donné leur volume d’importations négligeable, conformément au paragraphe 42(3) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (la LMSI), ou si la requête est prématurée.

POSITION DES PARTIES

Dans son exposé écrit appuyant la requête, l’avocat de Francosteel et Sollac a fait valoir, notamment, que, puisque le Tribunal avait déterminé dans son rapport du personnel que le volume des marchandises en question importées de l’Espagne était négligeable, le Tribunal devrait immédiatement clore par ordonnance son enquête de dommage dans la mesure où elle a trait auxdites marchandises. L’avocat a fondé ses arguments sur la définition de l’expression « négligeable » figurant au paragraphe 2(1) de la LMSI, qui, a-t-il mentionné, a été ajoutée à la suite de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 [2] (Accord antidumping) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout spécialement son article 5:8. Comme seulement deux des pays visés, c’est-à-dire l’Espagne et la Nouvelle-Zélande, ont un volume des marchandises sous-évaluées inférieur à 3 p. 100, soit 2,2 p. 100 et 1,9 p. 100 respectivement, l’exception à une décision de négligeabilité contenue dans ledit document ne s’applique pas.

Par conséquent, de l’avis de l’avocat de Francosteel et Sollac, le Tribunal doit sans délai clore par ordonnance son enquête de dommage concernant un pays dont le volume des marchandises sous-évaluées est négligeable. À cet effet, l’avocat a fait valoir que l’article 5:8 de l’Accord antidumping prévoit la clôture immédiate de l’enquête concernant un tel pays, que ladite disposition a été intégrée dans la loi canadienne en vertu du paragraphe 42(3) de la LMSI, qu’il est raisonnable que le Tribunal se reporte au GATT (maintenant l’Accord de l’OMC) afin d’interpréter la LMSI lorsque la loi est obscure ou ambiguë et, par conséquent, qu’il est convenable et souhaitable que le Tribunal interprète le paragraphe 42(3) de la LMSI en s’inspirant de l’article 5:8 de l’Accord antidumping. Par ailleurs, l’avocat s’est référé au paragraphe 35(1) de la LMSI, qui prévoit que le Sous-ministre doit clore une enquête lorsqu’il est convaincu que le volume de marchandises sous-évaluées d’un pays visé est négligeable, et il a avancé que le Tribunal peut faire de même, à la lumière de la décision qu’il a rendue dans l’affaire Barres rondes en acier inoxydable [3] .

L’avocat de Francosteel et Sollac a également fait valoir la nécessité de prendre une décision accélérée, dans l’intérêt de la justice, afin que les exportateurs et les importateurs des marchandises en question de l’Espagne n’aient pas à assumer des frais pour la préparation ou la présentation de leur cause devant le Tribunal, ni à contester la cause de plainte alors que le volume des marchandises en question de l’Espagne est négligeable. L’avocat a souligné qu’une telle décision accélérerait l’audience du Tribunal sur la question du dommage causé par les autres marchandises sous-évaluées. Toujours dans l’intérêt de la justice, l’avocat a ajouté que la clôture par ordonnance de l’enquête concernant l’Espagne devrait également s’appliquer à la Nouvelle-Zélande.

Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, l’avocat de BHP New Zealand a appuyé la requête, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans les exposés écrits présentés par l’avocat de Francosteel et Sollac. L’avocat de BHP New Zealand a néanmoins ajouté, notamment, que « l’application du qualificatif négligeable » à la Nouvelle-Zélande et à l’Espagne était conforme à la politique canadienne sur les relations commerciales et la libéralisation du commerce.

Dans ses commentaires préliminaires conjoints déposés au nom de Stelco, Dofasco et Sidbec, la branche de production nationale dans la présente affaire, l’avocat de Stelco a fait remarquer que, dans la requête, le Tribunal était prié de statuer sur la question de la négligeabilité avant d’avoir complètement terminé son enquête de dommage et avant que le Sous-ministre n’ait rendu une décision définitive concernant le dumping. L’avocat a ajouté que la requête était « anticipée » puisque, au moment où elle avait été déposée, les pièces du Tribunal, y compris le rapport du personnel, venaient tout juste d’être signifiées aux parties à l’enquête, à des fins d’examen et d’analyse, et que le Tribunal n’avait toujours pas reçu, au 29 juin 1999, la « position du fabricant/du producteur » de la branche de production nationale. À cet effet, l’avocat a signalé que le Tribunal et toutes les parties à l’enquête auront amplement l’occasion d’ajouter des éléments de preuve et de présenter des observations sur les questions soulevées dans la requête à l’audience. En outre, la pratique du Tribunal est de rendre sa décision, à savoir si un pays donné doit être exclu, à la conclusion de son enquête, c’est-à-dire une fois que tous les éléments de preuve pertinents et que tous les exposés lui ont été présentés. Selon l’avocat, la mesure corrective demandée dans la requête aurait pour effet de rendre nul et inapplicable le mécanisme réglementaire de l’article 41 de la LMSI qui prévoit l’examen de la négligeabilité au moment où le Sous-ministre rend une décision définitive.

L’avocat de Siderar a mentionné que la requête était prématurée et sans fondement puisqu’il n’y avait pas suffisamment de données fiables au dossier pour permettre au Tribunal de rendre une décision. Soulignant que les importations de l’Argentine sont négligeables selon la décision provisoire du Sous-ministre, l’avocat a toutefois indiqué que ce dernier ne pouvait clore l’enquête pour cause de négligeabilité parce que les pays dont le volume des importations était négligeable, notamment l’Argentine, avaient des importations qui, dans l’ensemble, dépassaient à peine 7 p. 100 des importations totales. Néanmoins, l’avocat a-t-il ajouté, cela ne signifie pas que le Sous-ministre ou le Tribunal ne peut en arriver à une conclusion différente. Cependant, puisque l’apport et l’accumulation d’information sont constants, il ne serait pas convenable, à son avis, que le Tribunal rende une décision sur des questions aussi importantes en l’absence de données complètes. Par ailleurs, l’avocat a souligné à cet effet qu’il reste une question à résoudre, à savoir quelle période doit être considérée pour déterminer la négligeabilité, et qu’une période plus appropriée pourrait être désignée par le Sous-ministre dans le cadre de sa décision définitive ou par le Tribunal en présence de données complètes.

DÉCISION

La présente requête soulève deux questions importantes : la première est une question de fait, concernant les données sur lesquelles ladite requête est fondée; la seconde, juridique, concernant la bonne interprétation du paragraphe 42(3) de la LMSI.

En ce qui concerne les faits sur lesquels la requête est fondée, le Tribunal remarque que la requête renvoie aux données contenues dans le rapport du personnel. Un rapport du personnel constitue un outil essentiel et une partie intégrante d’une enquête ou d’un réexamen du Tribunal aux termes de la LMSI. Néanmoins, le Tribunal signale que ces rapports sont préparés par le personnel du Tribunal préalablement à l’audience et que les données qu’ils contiennent sont habituellement soumises à l’examen des participants à l’enquête jusqu’à l’audience, et durant celle-ci. Par ailleurs, il n’est pas rare que les données contenues dans ces rapports soient mises à jour jusqu’au jour de l’audience, parce que le Tribunal reçoit des réponses tardives aux questionnaires, que des révisions sont apportées aux réponses déjà soumises ou par suite du processus de vérification et d’examen interne du personnel. Contrairement aux exposés faits par l’avocat de Francosteel et Sollac [4] , aucune décision n’a encore été rendue relativement à la négligeabilité des importations des marchandises en question de l’Espagne et il ne peut pas non plus y avoir de décision puisqu’il s’agit ici uniquement d’un rapport préparé par le personnel du Tribunal et non d’une décision du Tribunal. En réalité, même si les données de l’Espagne, et de la Nouvelle-Zélande demeuraient les mêmes à cet égard, celles de l’Argentine pourraient changer. Par conséquent, si la requête devait être accueillie avant que l’audience ne soit terminée, certains participants à l’enquête pourraient s’en trouver lésés. Le fait de rendre cette conclusion maintenant pourrait, par exemple, empêcher l’application de l’« exception de sept pour cent » [5] prévue dans la définition de l’expression « négligeable » à l’article 2 de la LMSI, si les données confirmaient éventuellement que le volume des importations de l’Argentine tombait sous le seuil des 3 p. 100. Pour les seules raisons susmentionnées, la requête semblerait être prématurée.

En ce qui a trait à la question juridique, le Tribunal fait remarquer que la question de la négligeabilité à l’étape de son enquête de dommage est soulevée uniquement aux fins de l’application du paragraphe 42(3) de la LMSI, c’est-à-dire lorsque, dans le contexte de son évaluation, le Tribunal décide de cumuler ou non les effets des importations sous-évaluées ou subventionnées.

Le paragraphe 42(3) se lit comme suit :

(3) Le Tribunal peut, lors de l’ouverture ou de la poursuite de l’enquête, évaluer les effets cumulatifs du dumping ou du subventionnement des marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance de plus d’un pays, s’il conclut à la fois que :

a) relativement aux importations de marchandises de chacun de ces pays, la marge de dumping ou le montant de subvention n’est pas minimal et que le volume des importations n’est pas négligeable;

b) l’évaluation des effets cumulatifs est indiquée compte tenu des conditions de concurrence entre les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance d’un de ces pays et :

(i) soit les marchandises, visées par la décision provisoire, importées au Canada en provenance d’un autre de ces pays,

(ii) soit les marchandises similaires des producteurs nationaux.

En réalité, le paragraphe 42(3) autorise le Tribunal à évaluer les effets cumulatifs du dumping de marchandises en provenance de plus d’un pays, pourvu que certaines conditions soient remplies. Parmi ces conditions sont celles mentionnées à l’alinéa 42(3)a), qui prévoit que la marge de dumping ne doit pas être minimale et que, la question présentement en litige, le volume des marchandises de chacun de ces pays ne doit pas être négligeable. Par ailleurs, l’alinéa 42(3)b) impose une autre condition ayant trait à l’existence des conditions de concurrence entre les marchandises en question elles-mêmes et entre les marchandises en question et les marchandises similaires.

Le paragraphe 42(3) demeure muet sur la capacité du Tribunal à clore une enquête relativement à un pays dont le volume de marchandises sous-évaluées est négligeable (par opposition aux paragraphes 35(1) et 41(1) de la LMSI, dans le cas de décisions provisoire et définitive du Sous-ministre).

De l’avis du Tribunal, le paragraphe 42(3) ne lui ordonne pas de clore une enquête pour cause de négligeabilité. Le Tribunal rappelle à cet effet que, dans l’affaire Sucre raffiné [6] , le volume « négligeable » des marchandises sous-évaluées de la Corée n’a pas été considéré dans l’évaluation des effets cumulatifs que le Tribunal a rendue relativement aux autres pays visés, mais qu’il a fait l’objet d’une analyse de dommage distincte [7] . Le Tribunal a conclu, en fin de compte, qu’aucun dommage n’était causé relativement à la République de Corée.

Le Tribunal ne convient pas que la LMSI soit ambiguë en ce qui concerne la négligeabilité. Il est clair, à la lecture des paragraphes 35(1) et 41(1) de la LMSI, que le Sous-ministre a le pouvoir et le devoir de clore une enquête s’il y a un volume « négligeable » de marchandises sous-évaluées ou subventionnées d’un pays donné, conformément à l’article 5:8 de l’Accord antidumping. En outre, il est clair, à la lecture du paragraphe 42(3) de la LMSI, que le Tribunal peut, à sa discrétion, faire une évaluation des effets cumulatifs des importations de marchandises sous-évaluées ou subventionnées en respectant les conditions susmentionnées, notamment la négligeabilité, conformément à l’article 3:3 de l’Accord antidumping.

Même si, de toute évidence, il y a un lien entre l’article 3:3 et 5:8 de l’Accord antidumping et les paragraphes 35(1), 41(1) et 42(3) de la LMSI, puisque ces dispositions renvoient toutes à la négligeabilité, cela ne signifie pas que le Tribunal peut déduire que la mesure corrective énoncée aux paragraphes 35(1) et 41(1) s’applique à son enquête de dommage et qu’il a le pouvoir de clore une enquête à cette étape-ci de son enquête. Le Tribunal convient que la LMSI doit être interprétée dans le contexte des accords commerciaux pertinents, mais, lorsque la loi n’est pas ambiguë et que le gouvernement a indiqué clairement la manière dont il interprète ses obligations internationales, le Tribunal n’a d’autre choix que d’appliquer telles quelles les dispositions de la LMSI.

Le Tribunal mentionne ici que son interprétation des paragraphes 35(1), 41(1) et 42(3) de la LMSI est fondée sur l’Énoncé canadien de mise en œuvre [8] de l’OMC, où le gouvernement du Canada a précisé son interprétation générale des droits et obligations contenus dans les accords de l’OMC. Au sujet des modifications apportées aux articles 35 et 41 de la LMSI (qui, tel qu’il a été mentionné, s’appliquent uniquement aux enquêtes du Sous-ministre), le gouvernement a déclaré qu’une enquête pouvait être close relativement à des marchandises d’un pays où le volume de marchandises sous-évaluées est négligeable [9] . Toutefois, dans ses observations sur les modifications de l’article 42, le gouvernement n’a rien dit à ce titre en ce qui a trait au Tribunal; il a simplement mentionné que le pouvoir spécifique de faire une évaluation des effets cumulatifs des marchandises sous-évaluées avait été ajouté à l’article 42 de la LMSI [10] .

En réalité, le mécanisme réglementaire par lequel les articles 3:3 et 5:8 de l’Accord antidumping ont été intégrés dans la LMSI illustre non seulement les distinctions susmentionnées entre les pouvoirs du Sous-ministre et ceux du Tribunal, mais dénote aussi certains écarts entre les données que le Tribunal peut examiner dans sa décision relative à l’accumulation et à la négligeabilité, et celles dont peut s’inspirer le Sous-ministre. Comme le Tribunal l’a indiqué dans l’affaire Barres rondes en acier inoxydable, les sous-alinéas 35(1)a)(iii) et 41(1)a)(ii.1) de la LMSI prévoient que le Sous-ministre peut examiner le volume « actuel et éventuel » de marchandises sous-évaluées. Comme cette expression ne figure pas au paragraphe 42(3), le Tribunal a conclu dans cette affaire qu’il pouvait uniquement examiner le volume actuel des importations [11] , mais qu’il n’avait pas à se limiter aux mêmes données sur les importations que celles utilisées par le Sous-ministre, dans la mesure où elles coïncident avec une période qui est identique à la période d’enquête du Sous-ministre ou qui se situe dans cette période [12] . Une fois encore, ces différences étayent l’interprétation du Tribunal voulant que les paragraphes 35(1) et 41(1), d’une part, et le paragraphe 42(3), d’autre part, soient différents.

La requête ne devrait pas non plus être accueillie en raison du pouvoir du Sous-ministre lorsqu’il rend une décision définitive de dumping aux termes du paragraphe 41(1) qui prévoit qu’il peut clore une enquête pour un pays donné dans le cas d’un volume négligeable d’importations sous-évaluées. Si le Tribunal accueillait la requête, son ordonnance mettant immédiatement fin à son enquête relativement à l’Espagne et à la Nouvelle-Zélande retirerait au Sous-ministre le pouvoir qu’il a de prendre une telle décision selon le volume actuel ou éventuel des importations sous-évaluées, en utilisant les données de son choix. De l’avis du Tribunal, ni le gouvernement, en imposant les obligations internationales du Canada, ni le Parlement, en promulguant les modifications de la LMSI, n’aurait souhaité une telle situation sans la préciser clairement.

Le Tribunal est conscient de la déclaration qu’il a faite dans l’affaire Barres rondes en acier inoxydable, mentionnée par l’avocat de Francosteel et Sollac, et signale que, dans l’affaire Barres rondes en acier inoxydable, lesdites déclarations ont été faites alors que le Tribunal examinait la question précise, à savoir la période de temps qu’il devait prendre en compte pour décider si le volume des marchandises sous-évaluées d’un pays était négligeable [13] . Les observations faites dans l’affaire Barres rondes en acier inoxydable ont été rendues à la fin de l’enquête du Tribunal, après que ce dernier eut examiné l’ensemble des données. De toute évidence, le Tribunal voulait simplement dire qu’il pouvait « clore » son enquête de dommage relativement à un pays dont le volume est « négligeable » uniquement après avoir entendu toutes les preuves et tous les arguments. De l’avis du Tribunal, ces observations vont dans le sens de la décision du Tribunal dans la présente requête, selon laquelle il ne peut décider de la question de la négligeabilité qu’à la fin de l’étape de l’enquête de dommage de ses délibérations.

Pour tous les motifs qui précèdent, la requête est rejetée.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Signé à Marrakech le 15 avril 1994.

3. Barres rondes en acier inoxydable d’un diamètre de 25 mm à 570 mm inclusivement, originaires ou exportées de la République fédérale d’Allemagne, de la France, de l’Inde, de l’Italie, du Japon, de l’Espagne, de la Suède, de Taïwan et du Royaume-Uni, Exposé des motifs (le 21 septembre 1998) NQ-98-001 (T.C.C.E.) aux p. 12-15.

4. Exposés écrits à l'appui de la requête, paragr. 1.

5. Selon cette définition, lorsque l'ensemble des marchandises sous-évaluées provenant de trois ou plusieurs pays (le volume des marchandises sous-évaluées de chacun d'eux est inférieur à 3 p. 100 du volume total des marchandises et serait autrement négligeable) représente plus de 7 p. 100 du volume total de ces marchandises, le volume des marchandises sous-évaluées de l'un de ces pays n'est pas négligeable.

6. Le dumping au Canada du sucre raffiné originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique, du Danemark, de la République fédérale d'Allemagne, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la République de Corée, et le subventionnement du sucre raffiné originaire ou exporté de l'Union européenne, Conclusions (le 6 novembre 1995), Exposé des motifs (le 21 novembre 1995) NQ-95-002 (T.C.C.E.).

7. Ibid. aux p. 23, 37 et 43.

8. Le 31 décembre 1994, Gazette du Canada Partie I, extrait, à la p. 4845.

9. Ibid. à la p. 4903.

10. Ibid.

11. Supra note 3 à la p. 15.

12. Ibid.

13. Ibid. à la p. 13.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 3 août 1999