POMMES DITES DELICIOUS, RED DELICIOUS ET GOLDEN DELICIOUS, FRAÎCHES ET ENTIÈRES

Réexamens (article 76)


POMMES DITES DELICIOUS, RED DELICIOUS ET GOLDEN DELICIOUS, FRAÎCHES ET ENTIÈRES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, À L'EXCLUSION DES POMMES DITES DELICIOUS, RED DELICIOUS ET GOLDEN DELICIOUS, IMPORTÉES EN CONTENANTS NON STANDARD POUR ÊTRE CONDITIONNÉES
Réexamen no : RR-93-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 7 février 1994

Réexamen no : RR-93-002

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 3 février 1989, dans le cadre de l'enquête no CIT-3-88, concernant des :

POMMES DITES DELICIOUS, RED DELICIOUS ET GOLDEN DELICIOUS, FRAÎCHES ET ENTIÈRES, ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, À L'EXCLUSION DES POMMES DITES DELICIOUS, RED DELICIOUS ET GOLDEN DELICIOUS, IMPORTÉES EN CONTENANTS NON STANDARD POUR ÊTRE CONDITIONNÉES

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions de préjudice sensible qu'il a rendues le 3 février 1989 dans le cadre de l'enquête no CIT-3-88.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur, par la présente, annule les conclusions susmentionnées.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Lise Bergeron
_________________________
Lise Bergeron
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d'importation - Déterminer s'il y a lieu d'annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 3 février 1989, dans le cadre de l'enquête no CIT-3-88.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique)
Dates de l'audience : Les 2 et 3 décembre 1993

Date de l'ordonnance
et des motifs : Le 7 février 1994

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Charles A. Gracey, membre
Lise Bergeron, membre

Directeur de la recherche : Marcel J.W. Brazeau

Équipe de la recherche : Anis A. Mahli
Peter J. Rakowski
Richard Cossette

Économiste : Simon H. Glance

Préposé aux statistiques : Robert Larose

Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault

Agent à l'inscription et à
la distribution : Margaret J. Fisher


Participants : Marvin R.V. Storrow, c.r.
Margaret L. Eriksson
Anand Banerjee
pour Conseil canadien de l'horticulture

(organisme représentant les
pomiculteurs canadiens)

Darrel H. Pearson
pour Northwest Horticultural Council

(organisme représentant les
pomiculteurs-exportateurs de l'État
de Washington)

Témoins :

Martin Linder
Consultant
B.C. Tree Fruits Limited

Stephen Thomson
Directeur général
British Columbia Fruit Growers' Association

David Hobson
Président
British Columbia Fruit Growers' Association

Penny Gambell
Membre exécutif
British Columbia Fruit Growers' Association

T.C. «Crosby» Mitchell
Secrétaire
Commission ontarienne de commercialisation des pommes

James Campbell
Producteur
British Columbia Fruit Growers' Association

Robert W. Anderson
Fiscaliste-conseil

Errol McKibbon
Économiste
Division de la politique et des programmes
Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de l'Ontario

John Riel
Gestionnaire de la commercialisation des fruits et légumes
Canada Safeway Limited

Mike Hambelton
Directeur de la commercialisation
Stemilt Growers Inc.

Thomas J. Hale
Président
Washington State Apple Commission

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s'agit d'un réexamen, effectué aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI), des conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 3 février 1989, dans le cadre de l'enquête no CIT-3-88, concernant des pommes dites Delicious, Red Delicious et Golden Delicious (ci-après dénommées «pommes delicious [2] »), fraîches et entières, originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique, à l'exclusion des pommes dites Delicious, Red Delicious et Golden Delicious, importées en contenants non standard pour être conditionnées. Par l'avis d'expiration no LE-93-003, daté du 2 juin 1993, le Tribunal a donné avis que les conclusions expireraient le 2 février 1994. Le Tribunal a invité les parties intéressées qui désiraient un réexamen des conclusions ou qui s'y opposaient à déposer des exposés écrits traitant des facteurs pertinents concernant : 1) la probabilité de la reprise du dumping si le Tribunal permet aux conclusions d'expirer; 2) les volumes et les prix probables des importations sous-évaluées s'il y a reprise du dumping; 3) le rendement de l'industrie nationale depuis les conclusions; 4) la probabilité que l'industrie nationale subisse un préjudice sensible si le Tribunal permet aux conclusions d'expirer; 5) les autres circonstances qui influent, ou qui sont susceptibles d'influer, sur le rendement de l'industrie nationale; et 6) tout changement de situation, à l'échelle nationale ou internationale, y compris les changements qui ont trait à l'offre et à la demande des pommes delicious, ainsi que les changements de niveau et de sources d'importations au Canada.

Le 10 septembre 1993, en se fondant sur les renseignements disponibles, y compris les observations reçues des parties intéressées, le Tribunal a décidé, aux termes du paragraphe 76(3) de la LMSI, de procéder à un réexamen des conclusions. Un avis de réexamen a été envoyé à toutes les parties intéressées connues et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 18 septembre 1993.

Dans le cadre de ce réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires à cinq organismes représentant des pomiculteurs. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d'autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l'audience.

Le dossier de ce réexamen contient tous les documents pertinents, y compris les conclusions, l'avis de réexamen, les réponses aux questionnaires, les rapports du personnel préparés pour le réexamen, ainsi que tous les éléments de preuve et les témoignages produits lors des audiences publiques et à huis clos qui ont eu lieu à Vancouver (Colombie-Britannique) les 2 et 3 décembre 1993. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, alors que les pièces protégées ont été distribuées seulement aux avocats indépendants qui avaient remis un acte d'engagement concernant la non-divulgation des renseignements confidentiels.

Le Conseil canadien de l'horticulture (le CCH), un organisme qui regroupe les pomiculteurs canadiens, était représenté à l'audience par des avocats, a produit des éléments de preuve et a plaidé en faveur de la prorogation des conclusions. Le Northwest Horticultural Council (le NHC), un organisme qui représente les pomiculteurs et les exportateurs de l'État de Washington, était représenté à l'audience par un avocat, a soumis des éléments de preuve et a plaidé en faveur de l'annulation des conclusions.

Le Tribunal a aussi invité le gestionnaire responsable de la commercialisation des fruits et légumes de la société Canada Safeway Limited de Vancouver (Colombie-Britannique) à répondre aux questions des membres du Tribunal et des avocats des parties.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DU 3 FÉVRIER 1989

Les avocats du CCH, la partie plaignante et le seul représentant des pomiculteurs canadiens au moment de la première audience en janvier 1989, ont allégué que le dumping des pommes delicious avait causé et causait un préjudice sensible aux pomiculteurs canadiens sous la forme d'une compression des prix et d'une diminution des revenus. La réduction des revenus des pomiculteurs a eu un effet néfaste sur la productivité, la dette d'exploitation, l'emploi, la valeur foncière et la proportion de pommes fraîches vendues sur le marché. De plus, en raison de la diminution des revenus des pomiculteurs, les programmes de soutien à l'agriculture des gouvernements fédéral et provinciaux ont assumé une plus large part du fardeau financier.

Les avocats du CCH ont déclaré qu'en raison d'une augmentation subite de la production de pommes delicious aux États-Unis, tout particulièrement dans l'État de Washington en 1987-1988, qui était supérieure à la demande nord-américaine et étrangère des pommes delicious, les prix nord-américains ont chuté en deçà des coûts de production. Les emballeurs de l'État de Washington n'ont eu d'autre choix que d'exporter les pommes delicious vers tous les marchés possibles, y compris celui du Canada, et ce à des prix que le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) a considéré comme étant inférieurs aux valeurs normales. L'augmentation de la production de pommes delicious a été attribuée à d'importantes plantations effectuées en grande partie dans l'État de Washington à la fin des années 70 et au début des années 80. Selon les avocats du CCH, l'augmentation de la superficie consacrée à la culture des pommes delicious s'expliquait par les stimulants fiscaux et les projets d'irrigation financés par le gouvernement.

Les avocats du NHC ont fait valoir que plusieurs facteurs, autres que des questions d'offre et de demande, ont influé sur les prix des pommes delicious. Il s'agit du commerce international des pommes delicious, de l'offre mondiale, de la qualité locale, de la disponibilité et de la substituabilité d'autres fruits. Tout en concédant que la récolte de pommes en 1987-1988 dans l'État de Washington a été importante, la mauvaise qualité de ces pommes a fait chuter les prix. Les avocats ont déclaré au Tribunal que les pertes subies par l'industrie canadienne pendant une période de 10 ans avaient été causées par des facteurs autres que le dumping. En conclusion, ils ont affirmé que la campagne agricole de 1987-1988, qui a été caractérisée par un niveau de production supérieur à la moyenne et des pommes de qualité inférieure, ne devrait pas servir de fondement à une décision de préjudice sensible.

Le Tribunal a fait remarquer que sur une période de cinq ans (1983 à 1988), le marché intérieur des pommes fraîches a fluctué entre 5,5 et 6,8 millions de boîtes. Les pomiculteurs canadiens ont répondu à environ 70 p. 100 de la demande du marché, sauf en 1986-1987, période au cours de laquelle ils ont connu une maigre récolte, et ont vu leur part du marché tomber à 60 p. 100. Les importations en provenance des États-Unis se sont emparées du reste du marché. De plus, la production de l'État de Washington était tellement importante qu'elle pouvait approvisionner l'ensemble du marché canadien. Lorsque les prix canadiens ont atteint des niveaux supérieurs aux prix à quai des pommes en provenance de l'État de Washington, les acheteurs ont augmenté leurs importations. En raison de la disponibilité permanente des pommes en provenance de l'État de Washington et ce, à des prix très concurrentiels, la société B.C. Tree Fruits Limited (la BCTFL) et la Commission ontarienne de commercialisation des pommes ont tenu compte des prix à quai au Canada des pommes de l'État de Washington pour fixer leurs propres prix intérieurs.

De l'avis du Tribunal, les gains de la part du marché obtenus par les importations américaines étaient largement attribuables aux prix sous-évalués des pommes delicious à leur arrivée sur le marché canadien. Le Tribunal était convaincu que les pomiculteurs de la Colombie-Britannique avaient subi et subissaient toujours un préjudice sensible sous la forme d'une compression des prix qui avait entraîné une diminution marquée du revenu net.

Quant à l'avenir, le Tribunal a conclu que les pomiculteurs de l'État de Washington produisaient et continueraient de produire des pommes en quantités supérieures à la demande américaine. Les éléments de preuve présentés concernant les efforts déployés par les pomiculteurs pour accroître les installations de stockage et augmenter la demande sur le marché intérieur et les marchés d'exportation n'ont pas convaincu le Tribunal que ces efforts permettraient de contrer la production excédentaire qui avait entraîné les prix à la baisse aux États-Unis et au Canada. Par conséquent, le Tribunal a conclu qu'en l'absence de droits antidumping destinés à limiter les répercussions de la surproduction et du dumping, les pomiculteurs canadiens continueraient de subir le préjudice sensible causé par ces importations.

PRODUIT

Les produits qui font l'objet du réexamen sont des pommes dites Delicious, Red Delicious et Golden Delicious, fraîches et entières, originaires ou exportées des États-Unis d'Amérique, à l'exclusion des pommes dites Delicious, Red Delicious et Golden Delicious, importées en contenants non standard pour être conditionnées.

Les pommes Red Delicious et Golden Delicious ont une forme allongée, se terminant par une base à cinq pointes, et elles sont de couleur rouge et jaune vifs respectivement. Les pommes Delicious, la plus ancienne variété de pommes à partir de laquelle la Red Delicious est tirée, continuent d'être cueillies commercialement dans les vergers existants, mais elles sont remplacées par de nouveaux plants de la souche Red Delicious. De plus, au cours des cinq dernières années, de nouvelles variétés comme la Gala, la Jonagold et la Fuji ont été introduites par les pomiculteurs de la Colombie-Britannique.

L'aspect le plus important de la plantation d'un verger de pommes delicious est le choix de la bonne variété de cultivar ou de greffon et du porte-greffe. Au Canada, les porte-greffes de semis ont été utilisés abondamment par le passé, produisant des grands arbres ou des arbres standard qui pouvaient atteindre 6 m de hauteur et mesurer jusqu'à 10 m de largeur. Ces arbres venaient à maturité lentement et commençaient à produire des fruits après 10 à 12 ans. Depuis le milieu des années 80, les pomiculteurs canadiens ont commencé graduellement à remplacer les grands pommiers par des arbres plus petits produits à partir de porte-greffes clonaux. Ces arbres plus petits sont appelés «arbres nains».

Les arbres nains commencent à produire des pommes en quantités commerciales environ cinq à six ans après avoir été plantés et atteignent une hauteur qui permet la cueillette des pommes sans échelle. Grâce à leurs branches plus courtes, ces arbres se prêtent à une plantation à densité plus haute que celle des grands arbres. Même si les arbres nains ne produisent pas autant de pommes que les grands arbres, un hectare d'arbres nains produit la même quantité de pommes qu'un hectare de grands arbres. En outre, en raison de la plantation à densité plus haute, la surface basse et continue des arbres dans les vergers d'arbres nains facilite l'épandage, l'émondage et la cueillette, opérations qui permettent toutes aux pomiculteurs d'améliorer leur rendement et d'accroître la proportion de pommes de qualité supérieure.

Il est très important de cueillir les pommes au bon stade de maturité afin d'obtenir le meilleur goût, le meilleur arôme et d'autres caractéristiques souhaitables, et de maximiser la durée de stockage des pommes. Dans les vergers traditionnels, la cueillette à la main, dans des échelles, est la méthode la plus répandue qui donne les meilleurs résultats, étant donné qu'il faut prendre bien soin d'éviter de taler les pommes. La cueillette mécanique, qui se fait au moyen d'une attache qui saisit le tronc de l'arbre et l'agite pour en faire tomber les pommes, remplace parfois la cueillette à la main. Toutefois, étant donné que les pommes cueillies de cette façon subissent d'importants dommages, elles sont habituellement transformées en jus et en compote.

Après la récolte, les pommes sont expédiées aux usines de conditionnement où elles sont classées et emballées. Certaines pommes peuvent être enduites d'une fine couche de cire comestible destinée à améliorer l'apparence des pommes et à prolonger leur durée de stockage. Si les pommes doivent être gardées pendant quelque temps, elles sont placées dans des bacs de stockage et refroidies rapidement. Les méthodes d'entreposage les plus courantes utilisées pour garder les pommes dans leur meilleur état pendant de longues périodes sont l'entreposage à froid ou ordinaire et l'entreposage sous atmosphère contrôlée. Une troisième méthode, appelée l'entreposage sous concentration faible d'oxygène, est une variante de la méthode d'entreposage sous atmosphère contrôlée, la teneur en oxygène étant réduite davantage à environ 1 p. 100.

Lorsqu'elles sont gardées dans des entrepôts, les pommes sont refroidies à 0°C dans des chambres spéciales afin de ralentir le mûrissement et de prolonger la durée de stockage. Le taux d'humidité est maintenu entre 93 p. 100 et 95 p. 100 afin de réduire la perte d'humidité qui entraîne le flétrissement. Cette méthode d'entreposage permet d'offrir des pommes de qualité supérieure pendant toute l'année, tant que le produit est disponible. La plupart des catégories et des tailles de pommes delicious en provenance de l'État de Washington sont maintenant disponibles pendant toute l'année. Ce n'est généralement pas le cas des pommes de la Colombie-Britannique et de l'Ontario.

Les pommes sont classées aux termes de la Loi sur les normes des produits agricoles canadiens [3] dans les catégories suivantes : Canada Extra de fantaisie, Canada de fantaisie et Canada commercial. Même si toutes les provinces n'exigent pas le classement des pommes, la plupart ont établi des règlements semblables à ceux du gouvernement fédéral, p. ex. Extra de fantaisie de Colombie-Britannique, etc. Aux États-Unis, les pommes fraîches appartiennent aux catégories U.S. Extra Fancy et U.S. Fancy. Chaque État peut également appliquer ses propres normes de classement aux pommes qu'il produit, p. ex. Washington Extra Fancy, etc. Les pommes des catégories Extra de fantaisie de Colombie-Britannique et Washington Extra Fancy sont généralement reconnues comme des produits de qualité supérieure à celle des pommes Canada Extra de fantaisie et U.S. Extra Fancy. Les normes de classement des deux pays sont établies en fonction de l'uniformité de la taille et de la forme, des diamètres minimal et maximal, de la couleur, de la maturité, de l'absence de maladies, de meurtrissures ainsi que d'autres défauts et dommages, et de la propreté. Les pommes sont également soumises à une épreuve de pression visant à vérifier le degré de fermeté pour en établir la qualité interne.

Règle générale, les pommes classées ont un diamètre minimal de 5,7 cm. Cette mesure peut être établie à l'aide de compas ou de calibreurs automatisés à anneaux ou à poids. Étant donné que le nombre de pommes que peut contenir une boîte ou une caisse est déterminé en fonction de la taille, les grossistes commandent des boîtes de pommes selon leur grosseur, p. ex. 113, ce qui signifie qu'il y a 113 pommes par boîte de 42 lb. Les pommes de grosseur 56 à 88 sont habituellement vendues dans des magasins spécialisés, tandis que les pommes de grosseur 100 à 133 sont habituellement vendues au détail, au kilogramme ou dans des sacs de 1,36 et de 2,27 kg.

INDUSTRIE NATIONALE

Au Canada, les pommes delicious sont cultivées principalement en Colombie-Britannique et en Ontario qui interviennent pour environ 95 p. 100 de la production nationale. La Colombie-Britannique produit environ 65 p. 100 des pommes au pays, et l'Ontario environ 30 p. 100. Les pommes delicious représentent aussi près de 45 p. 100 de toutes les pommes cultivées en Colombie-Britannique, mais seulement 20 p. 100 de la production ontarienne totale de pommes. En Colombie-Britannique, les pommes Red Delicious représentent près de 75 p. 100 de la récolte annuelle de pommes delicious et les pommes Golden Delicious environ 25 p. 100 du total. En Ontario, les pommes Red Delicious représentent 90 p. 100 de la récolte totale de pommes delicious.

Les pomiculteurs de la Colombie-Britannique qui sont membres de la British Columbia Fruit Growers' Association (la BCFGA) exportent environ 50 p. 100 de leurs récoltes de pommes delicious fraîches et expédient environ 35 p. 100 de leurs récoltes vers d'autres provinces. Les pomiculteurs ontariens, par ailleurs, vendent dans leur province une proportion importante de leur récolte qui est constituée surtout de pommes Red Delicious Canada de fantaisie. Dans les deux provinces, le volume de pommes delicious transformées varie considérablement d'une année à l'autre.

En Colombie-Britannique, la BCFGA, un organisme cadre qui représente 85 p. 100 des pomiculteurs, est régie par la B.C. Tree Fruit Marketing Board. Elle est propriétaire de la BCTFL, qui commercialise les pommes à l'échelle mondiale, et elle fixe les prix de concert avec les organismes d'emballage qui conditionnent environ 80 p. 100 de la production de pommes delicious. Les prix des pommes locales à l'intérieur de la province sont établis selon la catégorie et la taille, principalement en fonction du prix à quai à Vancouver des pommes en provenance de l'État de Washington.

En Ontario, la Commission ontarienne de commercialisation des pommes délivre les permis aux pomiculteurs, fait la promotion du produit et fixe les prix minimaux auxquels les pommes classées et emballées de l'Ontario peuvent être vendues aux grossistes et aux détaillants de cette province. Les prix sont déterminés périodiquement au moyen de «Price Determination Orders» (décrets de détermination de prix) qui tiennent compte d'un certain nombre de facteurs, dont le prix des importations.

Bien qu'il y ait des similarités entre le fonctionnement des vergers et des installations d'emballage en Colombie-Britannique et en Ontario, il existe aussi de nombreuses différences régionales, tout comme entre l'État de Washington et les États de New York et du Michigan. La Colombie-Britannique doit avoir recours à un système d'irrigation mécanique, tandis que de nombreux vergers des régions de l'est dépendent de la pluie. La Colombie-Britannique ne compte que quelques organismes d'emballage qui sont des coopératives, alors qu'en Ontario, il y a plusieurs centaines d'organismes d'emballage privés, dont certains qui appartiennent aussi à des pomiculteurs.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES

Le tableau suivant résume les principaux indicateurs économiques de l'industrie canadienne.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES
(000 lb)

Industrie canadienne

1987-1988

1988-1989

1989-1990

1990-1991

1991-1992

1992-1993

Production totale (toutes variétés)

1 115 000

1 104 000

1 183 000

1 190 000

1 127 000

1 149 000

Production totale de pommes delicious

325 873

287 073

280 287

275 965

229 251

228 855

Proportion de pommes delicious par rapport à la production totale (%)

29

26

24

23

20

20

Pommes delicious fraîches

202 219

186 214

178 804

194 700

188 188

158 893

Pommes pour transformation

123 654

100 859

101 483

81 265

41 063

69 962

Proportion de pommes delicious fraîches par rapport à la production totale de pommes delicious (%)

62

65

64

71

82

69

Importations
États-Unis
Autres pays
Total des importations


85 340
-
85 340


55 117
1 587
56 704


71 455
687
72 142


76 994
77
77 071


74 476
90
74 566


61 935
6
61 941

Marché total

231 893

199 604

196 677

219 848

211 782

168 386

Part du marché
Pomiculteurs nationaux (%) Importations des É.-U. (%)


63
37


72
28


64
36


65
35


65
35


63
37

Remarque : La campagne agricole a lieu de juillet à juin.

La production canadienne de toutes les variétés de pommes fraîches et de pommes pour transformation est demeurée relativement stable pendant la période visée par le réexamen, soit entre 1 104 millions de livres en 1988-1989 et 1 190 millions de livres en 1990-1991.

La production totale de pommes delicious pendant la période qui a suivi les conclusions a diminué de façon constante, passant de 326 millions de livres en 1987-1988 à 229 millions de livres en 1992-1993, soit une diminution nette de 30 p. 100. La production de pommes delicious, par rapport à la production canadienne totale de pommes, a chuté de près d'un tiers, passant de 29 p. 100 en 1987-1988 à 20 p. 100 en 1992-1993.

De 1987-1988 à 1992-1993, les livraisons intérieures et les livraisons à l'exportation de pommes delicious, fraîches et entières, ont été irrégulières, passant d'un sommet de 202 millions de livres en 1987-1988 à un creux de 159 millions de livres en 1992-1993. Par rapport à la production totale de pommes delicious, les livraisons de pommes delicious fraîches ont varié entre 62 p. 100 en 1987-1988 et 82 p. 100 en 1991-1992, pour ensuite chuter de 13 points de pourcentage et s'établir à 69 p. 100 en 1992-1993.

Pendant la période visée par le réexamen, le marché national des pommes delicious, qui avait atteint plus de 200 millions de livres en 1987-1988, 1990-1991 et 1991-1992, a chuté à son niveau le plus bas en 1992-1993 avec 168 millions de livres. Pendant cette période, la part du marché des pomiculteurs nationaux a oscillé autour de 65 p. 100. Les pomiculteurs de la Colombie-Britannique ont fourni la majeure partie de la production nationale de pommes delicious pour consommation intérieure.

La part du marché détenue par les importations américaines (principalement en provenance de l'État de Washington) est passée de 37 p. 100 en 1987-1988 à 28 p. 100 en 1988-1989, pour s'établir ensuite en moyenne à environ 36 p. 100 au cours des quatre années suivantes.

Depuis 1988-1989, les ventes à l'exportation canadiennes de pommes delicious fraîches ont toujours augmenté dans l'ensemble par rapport à la production intérieure. Plus de 85 p. 100 de ces ventes ont été effectuées par la BCTFL, le reste des ventes provenant de l'Ontario.

L'état des résultats de l'industrie témoigne d'une amélioration marquée de la rentabilité pendant la période après 1987, bien qu'au cours des trois premières campagnes agricoles de cette période, les améliorations peuvent être attribuées en partie à l'aide financière accordée par les gouvernements fédéral et provinciaux.

Les données d'exécution fournies par le ministère du Revenu national (Revenu Canada) révèlent que le montant des droits antidumping perçus par Revenu Canada sur les importations de pommes delicious pendant la période qui a suivi les conclusions est négligeable.

INDUSTRIE DE LA POMME DELICIOUS AUX ÉTATS-UNIS

Le tableau suivant résume les principaux indicateurs économiques de l'industrie pour l'ensemble des États-Unis et l'État de Washington.

INDICATEURS ÉCONOMIQUES
(chargements)

Industrie américaine

1987-1988

1988-1989

1989-1990

1990-1991

1991-1992

1992-1993

Production totale (toutes variétés)

255 764

217 334

237 210

230 876

231 635

255 227

Production totale de pommes delicious

156 510

124 660

141 250

137 800

131 935

147 750

Proportion de pommes delicious par rapport à la production totale (%)

61

57

60

60

57

58

Industrie de l'État de Washington

Production totale (toutes variétés)

106 974

84 507

111 646

108 344

95 988

107 443

Livraisons totales de pommes fraîches (toutes variétés)

68 064

68 635

78 446

73 544

71 201

74 153

Proportion de pommes fraîches par rapport à la production totale (%)

64

75

70

68

74

69

Livraisons de pommes delicious fraîches

62 678

57 587

71 237

64 925

64 028

62 081

Livraisons d'autres variétés

5 386

6 048

7 209

8 619

7 173

12 072

Proportion des livraisons de pommes delicious fraîches par rapport aux livraisons totales de pommes fraîches (%)

92

90

91

88

90

84

Exportations totales (toutes variétés)

12 336

8 181

14 427

14 349

19 457

17 126

Proportion des exportations par rapport aux livraisons totales de pommes fraîches (%)

18

13

18

20

27

23

Prix F.A.B. des livraisons totales de pommes fraîches ($ US/42 lb)

9,64

12,22

10,25

14,20

16,32

13,41

Prix F.A.B. des livraisons de pommes Red Delicious ($ US/42 lb)

9,32

11,46

9,50

14,14

15,65

12,86

Prix F.A.B. des livraisons de pommes Golden Delicious ($ US/42 lb)

9,82

13,11

11,42

14,66

17,30

13,38

Remarques : Un chargement équivaut à 1 000 boîtes de 42 lb ou 21 t.

La campagne agricole a lieu d'août à juillet.

Les pommes delicious sont la principale variété de pommes cultivées aux États-Unis. Selon les données de 1992, elles représentent près de 60 p. 100 de la production totale de pommes aux États-Unis. L'ouest du pays, dominé par l'État de Washington, est de loin la principale région de culture des pommes avec près de 75 p. 100 de la production totale des États-Unis.

L'État de Washington produit toujours des pommes delicious fraîches de qualité supérieure en raison de son climat. Les pommes de la catégorie Extra Fancy représentent plus de 70 p. 100 de la production de pommes fraîches. Pendant la période qui a suivi les conclusions, la production de pommes Red Delicious a été en moyenne près de trois fois supérieure à celle des pommes Golden Delicious. Pendant cette même période, les pommes exportées au Canada appartenaient principalement à la catégorie Extra Fancy. L'État de Washington produit deux fois plus de pommes fraîches que de pommes pour transformation, tandis que le contraire est vrai pour l'État du Michigan qui vient au troisième rang des États producteurs de pommes. Dans l'État de New York, le deuxième producteur et le seul autre État producteur de pommes delicious d'importance, la production est divisée presque également entre les pommes fraîches et les pommes pour transformation. Fait encore plus important dans le cadre du présent réexamen, l'État de Washington est le seul État à exporter de façon significative au Canada. Il expédie ses produits vers toutes les régions du pays et ce, pendant toute l'année. Les importations en provenance des États du Michigan et de New York sont sporadiques et négligeables.

Le tableau précédent présente un résumé des données sur la production, les livraisons, les prix et les exportations de l'État de Washington. Bien que la production fluctue d'une année à l'autre, les prix varient selon l'importance de la récolte et la qualité des pommes. Les exportations totales ont été à la hausse et ont atteint un niveau record de 27 p. 100 des livraisons de pommes fraîches en 1991-1992 avant de connaître une baisse en 1992-1993. Les exportations à destination du Canada ont représenté moins de 5 p. 100 des livraisons de pommes delicious fraîches et sont en perte de vitesse par rapport aux exportations totales.

POSITION DES PARTIES

Conseil canadien de l'horticulture

Les avocats du CCH ont fait valoir que le Tribunal doit répondre à deux questions, à savoir s'il est probable qu'il y ait une reprise du dumping de pommes delicious au Canada si les conclusions sont annulées et, dans l'affirmative, si ce dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Les avocats ont soutenu qu'il incombe au NHC de démontrer que la conjoncture a changé, justifiant ainsi l'annulation des conclusions, et ont soutenu que le NHC a omis de fournir des éléments de preuve pour appuyer sa position.

Quant à la probabilité de dumping ou à la propension à pratiquer le dumping, les avocats du CCH ont suggéré au Tribunal d'examiner les niveaux de production et les prix dans l'État de Washington, ainsi que les facteurs liés au marché canadien comme la méthode de fixation des prix canadiens et l'incidence de l'offre et de la demande sur le marché. Les avocats ont soutenu que l'État de Washington est en mesure de produire de grandes quantités de pommes delicious. Au cours des six dernières années, les livraisons de pommes delicious fraîches en provenance de l'État de Washington ont été équivalentes ou supérieures à la récolte de 1987-1988 qui est à l'origine de la plainte relative au dumping. Les éléments de preuve montrent que les pommes Red Delicious demeureront la principale variété dans l'État de Washington, les récoltes moyennes au cours des cinq prochaines années étant encore plus élevées que celle de 1990-1991. Les avocats ont ajouté que la production de pommes Golden Delicious augmentera aussi de façon marquée au milieu des années 90. Ils ont soutenu, à cet égard, que la surproduction de récoltes périssables, comme les pommes, entraîne une compression des prix. Les avocats ont affirmé que les preuves montrent clairement que les prix américains ont chuté en deçà des valeurs normales au cours de trois des six dernières années, années au cours desquelles l'État de Washington a produit de grandes quantités de pommes delicious. Les avocats se sont fondés sur une étude américaine selon laquelle les revenus des pomiculteurs demeureront soumis à des pressions pendant toutes les années 90, particulièrement au cours des années où les rendements seront supérieurs à la moyenne. Selon cette étude, des rendements supérieurs à la moyenne sont enregistrés au moins trois années sur dix. Les avocats ont toutefois indiqué que les rendements moyens au cours des dernières années ont été suffisamment élevés pour faire baisser les prix américains.

Comme il est peu probable que l'excédent de pommes à faible prix soit consommé aux États-Unis, les avocats du CCH ont laissé entendre que les pomiculteurs américains devront vendre leurs produits périssables à des prix inférieurs au coût de production, probablement au Canada. Le marché canadien est un marché traditionnel, situé à proximité, avec l'un des taux de consommation de pommes par personne parmi les plus élevés au monde. Les avocats ont aussi fait valoir qu'afin de maximiser les revenus pour ses pomiculteurs, l'industrie de l'État de Washington tentera de déplacer les pommes des concurrents sur tous les marchés et qu'avec une production supérieure à la moyenne, réduire les prix constitue la seule façon de déplacer efficacement les concurrents et d'accroître la consommation. Par ailleurs, à un excédent dans l'État de Washington, s'ajoutera une réduction des prix pour toutes les pommes dans d'autres États comme les États de New York et du Michigan. Ces trois États tenteront alors de vendre des pommes delicious sur un autre marché, comme le Canada, à ces prix plus bas. De plus, comme c'est l'État de Washington qui fixe les prix, les pomiculteurs canadiens ne pourront vendre leurs pommes fraîches sur le marché à moins de rivaliser avec les prix américains des pommes delicious vendues au Canada, ce qu'ils ne peuvent faire sans la protection de droits antidumping. Les avocats ont ajouté que les pommes sont des produits périssables et qu'une réduction de la durée de stockage peut inciter les pomiculteurs de l'État de Washington à vendre les pommes à des prix leur permettant de recouvrer uniquement les coûts d'emballage et de commercialisation. Toutefois, comme les frais d'emballage et de commercialisation ne représentent qu'une fraction du coût total de production des pommes delicious, les avocats ont allégué que les prix seront probablement inférieurs au coût de production.

Par conséquent, si les conclusions sont annulées, les avocats du CCH ont fait valoir que les pommes delicious seront sous-évaluées de manière à causer un préjudice sensible. Ils ont soutenu que le préjudice sensible est un processus cumulatif dont la première étape est une diminution des revenus des pomiculteurs. Afin de vendre leur récolte et de conserver leur part du marché, les pomiculteurs canadiens devront offrir des produits aux mêmes prix que les pommes delicious sous-évaluées. Si des pommes delicious de qualité supérieure en provenance de l'État de Washington sont vendues à un prix sensiblement plus bas que celui des pommes de la Colombie-Britannique, les éléments de preuve montrent que les acheteurs canadiens importants opteront pour ces pommes. Les avocats ont soutenu, à cet égard, que pratiquement aucun droit antidumping n'a été versé parce que seules des pommes delicious de qualité supérieure ont été exportées au Canada au cours des cinq dernières années à des valeurs supérieures à la normale. En fait, selon les avocats, si les conclusions sont annulées, le NHC a admis que des pommes delicious de qualité inférieure de l'État de Washington pourraient être exportées vers le Canada à des prix inférieurs aux valeurs normales actuelles.

En conclusion, les avocats du CCH ont affirmé que sans la protection des droits antidumping, un préjudice sensible ne tardera pas à se manifester sous la forme d'une compression des prix et d'une diminution de la part du marché, ce qui entraînera une réduction du nombre de vergers, une diminution de la production et de la superficie de culture des pommes, un détournement des pommes fraîches vers les usines de transformation, une sous-utilisation du matériel et des installations et une diminution de l'emploi dans les vergers et dans l'industrie de la pomme en général. Ces conséquences entraîneront ensuite une capitalisation des dettes d'exploitation et, éventuellement, la disparition de l'industrie de la pomme commerciale. Les avocats ont mentionné la situation en Colombie-Britannique où les pomiculteurs n'auraient pu survivre au cours des cinq dernières années sans le prix de référence établi en fonction des valeurs normales qui leur a permis de réaliser un profit modeste. Pour ces raisons, les avocats ont exhorté le Tribunal à proroger les conclusions.

Northwest Horticultural Council

L'avocat du NHC a d'abord rejeté l'argument du CCH concernant le fardeau de la preuve. Selon lui, parce que le paragraphe 76(5) de la LMSI stipule que les conclusions de préjudice rendues par le Tribunal sont réputées avoir été annulées après cinq ans, à défaut d'un réexamen, il incombe à la partie qui souhaite la prorogation des conclusions d'en démontrer la nécessité.

Au regard de la première question, soit la propension à pratiquer le dumping, l'avocat du NHC a soutenu qu'aucun élément de preuve ne montre une telle tendance de la part des pomiculteurs de l'État de Washington. L'avocat s'est fondé sur les données d'exécution concernant les droits antidumping fournies par Revenu Canada qui, à son avis, démontrent que le montant des droits antidumping versés en tant que pourcentage de la valeur des pommes delicious importées est minime. Il a soutenu que pendant les cinq années qui ont suivi les conclusions, les exportateurs ont pu conserver leur part du marché en dépit des mesures antidumping. Quant à la question de l'établissement des prix, l'avocat a insisté sur le fait que les pomiculteurs de l'État de Washington n'ont jamais utilisé de pratiques discriminatoires en matière d'établissement de prix pour obtenir une part du marché au Canada et que les catégories comparables de pommes sont vendues au même prix sur le marché américain et sur le marché d'exportation au Canada.

L'avocat du NHC a traité de la question de déterminer si, dans un avenir prévisible, il est probable que le prix de vente des pommes delicious exportées au Canada soit inférieur au coût complet de production. Il a d'abord souligné le fait que l'argument des avocats du CCH selon lequel la plupart des pommes delicious de la récolte de 1992 ont été offertes à des prix inférieurs aux valeurs normales est un examen simpliste de la situation qui ne tient pas compte de la façon dont les valeurs normales ont été établies. À cet égard, l'avocat s'est référé à la décision définitive de dumping qui établissait deux valeurs normales selon que les pommes étaient entreposées de la façon habituelle ou sous atmosphère contrôlée, quelle que soit la variété de pommes, c.-à-d. les pommes Red ou Golden Delicious. L'avocat s'est également reporté à l'examen effectué par Revenu Canada le 20 novembre 1991 selon lequel deux nouvelles valeurs normales ont été établies pour les pommes Red et Golden Delicious. L'avocat a soutenu que toutes ces valeurs présentaient des lacunes puisqu'elles ne tenaient pas compte des différences entre les catégories, les qualités ou les grosseurs. Il a fait valoir en outre que, pendant la période qui fait l'objet du réexamen, les prix moyens établis par les pomiculteurs de l'État de Washington étaient supérieurs aux coûts de production ainsi qu'aux frais de commercialisation et de vente. Il a ajouté que des éléments de preuve versés au dossier montrent que, pendant cette période, les ventes ont été rentables. Cela démontre qu'en dépit de ce que l'avocat a qualifié de «valeurs normales arbitraires», les pomiculteurs de l'État de Washington ne sont pas portés à pratiquer le dumping de pommes delicious au Canada. L'avocat a soutenu que les résultats obtenus au niveau du marketing dans le passé et les initiatives entreprises actuellement pour exploiter de nouveaux débouchés appuient la thèse selon laquelle les récoltes seront vendues à profit dans un avenir prévisible. L'avocat s'est opposé à l'argument selon lequel l'État de Washington fait de la surproduction et a soutenu, à cet égard, que l'État a répondu à une augmentation de la demande sur les marchés d'exportation, créant ainsi un équilibre entre l'offre et la demande. L'avocat a déclaré que le fait que depuis 1986, les pomiculteurs ont écoulé 5 millions de livres de pommes sur de nouveaux marchés, et qu'ils comptent exploiter les marchés du Japon et de la République populaire de Chine, appuie sa thèse. De plus, des éléments de preuve montrent qu'il y a une réduction de la superficie de culture des pommes delicious, ce qui prouve que l'État de Washington n'a pas l'intention de recommencer à pratiquer le dumping.

Quant à la situation de la production de pommes Red et Golden Delicious au Canada, si le dumping devait reprendre, l'avocat du NHC a soutenu que l'industrie n'a pas réussi à faire valoir qu'elle est vulnérable au dumping. Il a laissé entendre plutôt que l'amélioration de la rentabilité de l'industrie pendant la période visée par le réexamen n'était pas attribuable à l'absence de dumping, mais à la capacité de l'industrie, notamment en Colombie-Britannique, de réduire sa production et d'accroître la proportion des pommes fraîches par rapport aux pommes de transformation. Il a aussi soutenu que, pendant cette période, l'industrie et plus particulièrement les pomiculteurs de la Colombie-Britannique ont bénéficié de revenus moyens supérieurs sur les marchés d'exportation. En conclusion, l'avocat a déclaré que ce ne sont pas les droits antidumping qui ont fait que l'industrie n'est plus vulnérable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes du paragraphe 76(5) de la LMSI, les conclusions de préjudice sensible sont réputées annulées après cinq ans à défaut de réexamen et de prorogation. Le Tribunal s'est toujours appuyé sur deux critères pour déterminer si des conclusions doivent être prorogées. Premièrement, il doit être convaincu qu'il y a probabilité de reprise du dumping si les conclusions sont annulées. Deuxièmement, le Tribunal doit être en mesure de conclure qu'une reprise du dumping est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. En d'autres termes, pour proroger les conclusions, le Tribunal doit être convaincu par les éléments de preuve que les exportateurs américains de pommes delicious fraîches ont une propension à pratiquer le dumping et que les pomiculteurs canadiens sont vulnérables face à un tel dumping.

Les conclusions de préjudice sensible rendues par le Tribunal en 1989 étaient largement fondées sur une augmentation subite de la production de pommes delicious dans l'État de Washington, le principal État producteur de pommes et le leader en matière de prix pour le marché nord-américain, lors de la campagne agricole de 1987-1988, la récolte étant supérieure à la demande aux États-Unis et sur les marchés d'exportation, ce qui a fait chuter les prix en deçà des coûts de production. À ce problème se sont ajoutés une récolte de qualité inférieure et un manque d'installations de stockage adéquates.

Les statistiques relatives aux importations et l'historique de la présente cause montrent que les États de New York et du Michigan, les deuxième et troisième plus importants États producteurs de pommes delicious, ne sont pas des intervenants sur le marché canadien. De plus, un examen attentif des données sur le déchargement des pommes de toutes variétés fournies par l'industrie pour les années 1985-1986 à 1990-1991 révèle que les importations en provenance des États de New York et du Michigan ont été négligeables pendant toute la période en cause. L'État de Washington est de loin le principal fournisseur de pommes delicious dans toutes les régions du Canada, tandis que l'État de la Californie se classe loin derrière au deuxième rang, mais avec d'autres variétés de pommes. D'autres sources étrangères d'approvisionnement ne sont pas des intervenants sur le marché des pommes delicious. Le principal fournisseur canadien de pommes delicious dans toutes les régions du pays est la Colombie-Britannique. Les pomiculteurs de l'Ontario répondent habituellement à moins de 25 p. 100 de la demande locale de pommes delicious. Les données disponibles indiquent que l'État de Washington est de loin le principal fournisseur de pommes Red et Golden Delicious sur le marché de la région de Toronto, l'un des dix plus grands marchés d'Amérique du Nord. De plus, les éléments de preuve montrent que les pommes originaires de l'État de Washington sont généralement de qualité supérieure à celle des pommes de l'Ontario et se vendent plus cher. En outre, l'État de Washington répond à la majeure partie de la demande de pommes Golden Delicious dans l'est du Canada, les pomiculteurs ontariens ne produisant que de faibles quantités de cette variété de pommes. La production de pommes Golden Delicious en Colombie-Britannique est écoulée principalement sur ce marché.

En examinant la question de la propension à pratiquer le dumping, le Tribunal s'est penché sur les éléments de preuve et les témoignages, y compris l'évolution de la situation sur les marchés canadien et américain des pommes delicious depuis 1988-1989, les prévisions pour plusieurs années à venir, tout particulièrement les tendances concernant la production, les importations, les exportations, la demande, les parts du marché, les prix et la rentabilité, l'accent étant mis sur l'État de Washington et la Colombie-Britannique, les principales régions productrices de pommes delicious dans chacun des pays.

Les principaux arguments invoqués par l'industrie sont que la situation n'a pas véritablement changé depuis 1987-1988, et que l'État de Washington surproduit toujours et continuera probablement dans cette voie dans un avenir prévisible. Cela exercera une pression sur les prix et les profits des pomiculteurs. De plus, les avocats du CCH ont soutenu que les exportateurs de l'État de Washington ont une propension à pratiquer le dumping et ont fondé cet argument sur le fait que les prix de vente moyens dans cet État ont souvent été inférieurs aux valeurs normales établies depuis les conclusions. Les niveaux élevés des stocks à l'heure actuelle dans l'État de Washington exerceront aussi une pression sur les prix.

L'avocat du NHC a répliqué que les pomiculteurs de l'État de Washington n'ont pas une propension à pratiquer le dumping. Leurs exploitations sont rentables depuis 1988-1989 et leurs exportations vers d'autres marchés ont connu une croissance remarquable. Ils disposent maintenant d'installations de stockage suffisantes et vendent leurs produits au Canada au même prix que sur le marché intérieur. De plus, les valeurs normales présentent des lacunes puisqu'elles sont fondées sur des moyennes et ne tiennent pas compte de facteurs comme la catégorie, la qualité et la grosseur.

Un examen de la situation de l'industrie dans l'État de Washington montre que les conditions ont changé à plusieurs égards depuis 1987-1988, année au cours de laquelle les pomiculteurs ont vendu leurs produits à des prix inférieurs aux coûts de production, la récolte ayant été surabondante et les pommes de piètre qualité. Les installations de stockage étaient aussi inadéquates, mais ce n'est plus le cas. Les éléments de preuve produits lors de l'audience, sous la forme du témoignage d'un pomiculteur important et de données réelles sur les coûts de production et la rentabilité pour 14 vergers typiques, indiquent que les pomiculteurs de l'État de Washington enregistrent des bénéfices depuis 1987-1988, en dépit du fait qu'au cours de trois des cinq dernières années, la récolte totale de pommes dans l'État de Washington a été plus importante qu'en 1987-1988. Même en 1989-1990, année record pour la récolte de pommes delicious au cours de laquelle les livraisons ont été plus de 10 p. 100 supérieures aux niveaux de 1987-1988, les prix sont demeurés supérieurs à ceux de 1987-1988. Cela ne signifie pas qu'à un moment donné, certaines tailles et catégories de pommes delicious n'ont pas été vendues en deçà des coûts de production. Sur la foi des éléments de preuve, il est toutefois raisonnable de conclure qu'au moins depuis 1990-1991, les pommes delicious ont été vendues, en moyenne, à profit. Cette conclusion est étayée par le calcul en 1991 des valeurs normales en fonction des prix de vente, effectué par le Sous-ministre aux termes de l'article 29 de la LMSI.

Le Tribunal fait remarquer que depuis 1990-1991, les livraisons totales de pommes delicious en provenance de l'État de Washington se sont maintenues à peu près aux mêmes niveaux qu'en 1987-1988, tandis que les livraisons d'autres variétés de pommes ont plus que doublé. Dans l'ensemble, les prix moyens sont tout de même demeurés bien au-dessus des niveaux de 1987-1988. Au cours des trois dernières années, les prix moyens des pommes Red Delicious ont été de 38 p. 100 à 68 p. 100 supérieurs à ceux de 1987-1988, alors que pour les pommes Golden Delicious, ils ont été supérieurs de 36 p. 100 à 76 p. 100.

Le NHC a aussi réalisé d'importants progrès sur les marchés d'exportation depuis 1987-1988. Les exportations totales de pommes, largement dominées par les pommes delicious, ont été de 40 p. 100 supérieures en 1992-1993 par rapport à 1987-1988, tandis que les livraisons à destination du Canada n'ont augmenté que de 9 p. 100. En fait, les livraisons de pommes delicious au Canada en 1992-1993 ont été environ de 15 p. 100 inférieures aux niveaux de 1987-1988, en dépit d'une meilleure récolte, et présentent une tendance à la baisse depuis 1990-1991. De nombreux nouveaux marchés se sont ouverts au cours des cinq dernières années, et les efforts se poursuivent pour obtenir un accès aux marchés du Japon, de la République populaire de Chine et de l'Indochine, pour n'en nommer que quelques-uns.

Les avocats du CCH se sont fondés sur une étude [4] précise pour démontrer la surproduction future et la propension des pomiculteurs de l'État de Washington à pratiquer le dumping. L'étude en question a conclu que la production de pommes delicious continuera d'augmenter jusqu'en 1995, au rythme d'environ 2 p. 100 par année, ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix. L'étude a aussi révélé que la production de pommes delicious devrait atteindre un sommet aux alentours de 1995, le prix des pommes Red Delicious étant alors à des niveaux sensiblement inférieurs à ceux de 1990.

Les éléments de preuve produits lors de l'audience appuient les conclusions selon lesquelles la production de pommes delicious a presque atteint son sommet. La surface en acres consacrée à la culture des pommes Red Delicious, soit le pourcentage d'acres totaux en production, se situe à 93 p. 100 comparativement à 72 p. 100 pour les autres variétés. De fait, le nombre d'acres consacrés à la culture de la pomme Red Delicious est en perte de vitesse, les plantations étant destinées à d'autres variétés. Le Tribunal constate aussi que 25 p. 100 des arbres produisant des pommes Red Delicious ont été plantés avant 1971.

L'auteur de l'étude susmentionnée n'avait pas en main le dernier sondage sur les acres consacrés à la culture des fruits de l'État de Washington, la Fruit Acreage Survey [5] , lorsqu'il a effectué son étude, et il ne semble pas avoir pris en considération l'importante croissance des exportations réelles et éventuelles qui pourraient avoir une incidence sur les prix. Le dernier sondage a aussi indiqué un déplacement marqué des pommes Red Delicious vers des variétés à prix plus élevé. Le Tribunal est d'avis que la croissance rapide de variétés nouvelles et plus chères, la stabilisation de la production de pommes Red Delicious et l'augmentation des exportations sont des facteurs qui se traduiront probablement par un meilleur équilibre entre l'offre et la demande et qui atténueront vraisemblablement la pression exercée sur les prix.

Le Tribunal a examiné les niveaux des stocks actuels dans l'État de Washington et est convaincu, à partir des éléments de preuve présentés, qu'ils n'exerceront pas de pression indue sur les prix, comme l'ont laissé entendre les avocats du CCH. Au 1er décembre 1993, les niveaux des stocks de pommes Red Delicious étaient sensiblement plus élevés qu'à pareille date l'année précédente, mais les niveaux des stocks des pommes Golden Delicious étaient moins élevés. Cette situation est largement attribuable au fait que la récolte a eu lieu deux semaines plus tard que l'année précédente. Le Tribunal fait également remarquer, en se fondant sur les éléments de preuve produits, que la récolte prévue pour l'année en cours dans l'État de Washington, tant pour les pommes Red Delicious que pour les pommes Golden Delicious, est quelque peu inférieure à celle de l'année précédente.

Le manque d'installations de stockage adéquates pour les volumes croissants de pommes dans l'État de Washington était un des problèmes soulevés lors des conclusions de 1989. Selon les éléments de preuve, il ne semble plus que ce soit le cas. Les pommes originaires de l'État de Washington, dans la plupart des catégories et des tailles, sont maintenant disponibles, en général, à longueur d'année à partir d'installations de stockage ordinaire ou à atmosphère contrôlée.

Les avocats du CCH ont insisté sur le fait que, dans l'ensemble, les prix de vente moyens dans l'État de Washington ont été souvent inférieurs aux valeurs normales établies par Revenu Canada pendant la période faisant l'objet du réexamen. Cela semble être le cas, du moins pour 1989 et une partie de 1992, pour les pommes entreposées dans des installations à atmosphère contrôlée. Toutefois, pendant la majeure partie de la période restante visée par le réexamen, les pommes delicious se sont vendues à des prix moyens correspondant aux valeurs normales ou supérieurs à celles-ci. De plus, les données d'exécution fournies par Revenu Canada indiquent que peu de dumping a été pratiqué depuis les conclusions. Cela laisse supposer que les prix des exportations à destination du Canada correspondaient ou étaient supérieurs aux valeurs normales.

Aux termes des dispositions de réexamen de la LMSI, le Tribunal n'a pas compétence pour examiner les valeurs normales établies par le Sous-ministre. Toutefois, le Tribunal doit déterminer lors d'un réexamen s'il est probable qu'il y ait reprise du dumping, et non si les valeurs normales doivent demeurer en place. Le Tribunal fait remarquer que l'article 2 de la LMSI définit l'expression «sous-évalué», par rapport à toute marchandise, comme signifiant que la valeur normale est supérieure au prix à l'exportation et que la LMSI prévoit différentes méthodes d'établissement des valeurs normales. De plus, les valeurs normales sont revues périodiquement.

De l'avis du Tribunal, les valeurs normales, et par extension la manière dont elles sont établies, ne sont qu'un des facteurs à prendre en compte pour déterminer la probabilité d'une reprise du dumping. Ces facteurs, en plus de ceux mentionnés précédemment, sont, entre autres, les données d'exécution, les positions concurrentielles relatives du produit canadien et des importations, ainsi que le comportement des exportateurs de pommes delicious pendant la période qui a suivi les conclusions.

En pondérant ces facteurs, le Tribunal constate que les dernières valeurs normales ont été établies le 20 novembre 1991, selon les modalités fixées par le ministre aux termes de l'article 29 de la LMSI, en fonction des renseignements publics disponibles. Ces valeurs normales reflètent les prix de vente moyens pondérés des pommes delicious pour la campagne agricole 1990-1991. Le Tribunal fait remarquer que, selon les renseignements versés au dossier, les prix de 1990-1991 ont été les deuxièmes en importance enregistrés à ce jour. Le Tribunal constate aussi que ces valeurs normales ne tiennent pas compte des différences qui existent entre les catégories, les qualités et les grosseurs, qui sont des facteurs influant sur les prix. Selon les éléments de preuve soumis au Tribunal, les pomiculteurs de l'État de Washington ont tendance à exporter au Canada leurs pommes de qualité supérieure qui sont plus chères. De plus, la majeure partie de ces ventes sont réalisées sur les marchés de l'Ontario et du Québec, où les pommes de la Colombie-Britannique se vendent aussi à des prix sensiblement plus élevés que sur le marché de la Colombie-Britannique où, proportionnellement, une plus grande quantité de pommes locales de qualité inférieure sont consommées.

Un témoin du Tribunal, qui a comparu pour le compte d'une importante chaîne de magasins alimentaires de la Colombie-Britannique, a affirmé que son programme de commercialisation était axé sur le produit national, dont l'industrie en Colombie-Britannique fait la promotion, et que des produits originaires de l'État de Washington ou d'ailleurs étaient achetés pour des raisons de taille ou de qualité. Ce témoin a déclaré que la qualité est un facteur plus important que le prix dans les décisions d'achat du secteur de la vente au détail et des consommateurs, et qu'il ne se rappelait pas avoir pris de décisions d'achat en se fondant sur les valeurs normales. Il s'est demandé si un écart de prix de l'ordre de 0,05 $/lb à 0,10 $/lb ferait une différence notable au niveau de la vente au détail et entraînerait un changement de source d'approvisionnement.

L'industrie craint, si les conclusions sont annulées, qu'il y ait une augmentation des importations de pommes delicious de valeur et de qualité inférieures, ce qui exercerait une pression sur les prix locaux. Peu d'éléments de preuve soutiennent une telle affirmation. Il est établi, à partir des éléments de preuve produits, que les exportations américaines de pommes delicious, originaires principalement de l'État de Washington, pendant la période faisant l'objet du réexamen, étaient composées presque exclusivement de pommes de qualité supérieure à prix plus élevé. Selon les données d'exécution, ces pommes entraient invariablement au Canada à des prix supérieurs aux valeurs normales et, par conséquent, ne faisaient pas l'objet de droits antidumping. Les éléments de preuve sont convaincants quant au fait que le marché canadien de la vente au détail a besoin de ces catégories et de ces qualités de pommes pour répondre aux préférences des consommateurs. Le Tribunal ne prévoit pas que les préférences des consommateurs changeront si les valeurs normales sont éliminées. Il convient, toutefois, que pour certaines pommes de catégorie et de qualité inférieures vendues sur le marché de la Colombie-Britannique, les valeurs normales ont peut-être contribué à l'établissement d'un prix plancher. Toutefois, pour la majeure partie des ventes sur le marché national, c.-à-d. les ventes effectuées en Ontario et au Québec, rien ne prouve que les valeurs normales ont joué un rôle important pour ce qui est de la fixation des prix. Le Tribunal ne peut proroger les conclusions en spéculant simplement sur le fait que des pommes à bas prix pourraient être importées au Canada. Si les inquiétudes de l'industrie à cet égard se matérialisaient, l'industrie pourrait alors demander l'adoption de mesures correctives appropriées.

Une analyse des événements des trois à cinq dernières années amène le Tribunal à conclure que les exploitations des pomiculteurs de l'État de Washington demeureront vraisemblablement rentables dans un avenir prévisible, et qu'il est peu probable que ces derniers exportent des pommes delicious au Canada à des prix sous-évalués. Cette conclusion tient nécessairement compte du fait qu'en raison des caprices de la nature, il peut arriver que pour une partie d'une année, la récolte soit à l'origine d'une chute des prix à un niveau se rapprochant des coûts de production ou en deçà de ces coûts. Cela ne s'est toutefois pas produit pour l'ensemble d'une récolte au cours des dernières années. Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut qu'il est peu probable qu'il y ait une reprise du dumping dans un avenir prévisible.

Ayant conclu qu'il est peu probable que le dumping reprenne, le Tribunal est également de l'avis, compte tenu des éléments de preuve produits, que l'industrie nationale est toujours vulnérable, mais que des facteurs autres que le dumping pratiqué par les États-Unis jouent un rôle important dans la situation financière de l'industrie. Les éléments de preuve montrent clairement que, dans le cas de la Colombie-Britannique, il existe une corrélation directe entre, d'une part, l'importance et la qualité de la récolte de pommes delicious, ainsi que le volume de pommes destinées à la transformation, et d'autre part, les prix des pommes fraîches sur le marché et les profits des pomiculteurs. De 1988-1989 à 1990-1991, les récoltes ont été abondantes, le volume de pommes destinées à la transformation a été élevé, les prix des pommes fraîches ont été bas et les profits des pomiculteurs ont été déficitaires en raison des déficits enregistrés avec les pommes de transformation. En 1991-1992 et en 1992-1993, les récoltes de la Colombie-Britannique ont été d'au moins 20 p. 100 inférieures aux récoltes des trois années précédentes et la proportion de pommes transformées a été beaucoup plus faible. Les prix des pommes fraîches sur le marché ont été beaucoup plus élevés et les pomiculteurs ont réalisé un profit, en dépit de certaines augmentations des coûts unitaires de production. Le Tribunal fait remarquer qu'afin d'améliorer leurs profits, les pomiculteurs de la Colombie-Britannique procèdent, depuis quelques années, à des plantations à densité haute et à la culture d'autres variétés de pommes qui se vendent actuellement plus cher sur le marché. Toutefois, contrairement à leurs homologues de l'État de Washington, les pomiculteurs de la Colombie-Britannique doivent faire face à des coûts de production plus élevés, en raison notamment du fait que leurs vergers sont beaucoup plus petits.

L'Ontario, la seule autre région productrice de pommes d'importance, a fourni peu d'éléments de preuve concernant sa vulnérabilité ou tout autre problème sur le plan de la concurrence causé par les pommes delicious importées des États-Unis. Premièrement, les pomiculteurs ontariens jouissent en quelque sorte d'un avantage comparativement aux pomiculteurs de l'État de Washington au niveau des coûts de transport. Deuxièmement, ils fournissent principalement des pommes delicious de la catégorie Fancy, alors que les pommes importées sont surtout de catégories supérieures. De plus, les pomiculteurs de l'Ontario sont davantage exposés aux caprices de la nature, ce qui a une incidence sur la qualité et entraîne des fluctuations importantes du volume annuel de pommes fraîches disponibles, mais non de la production totale de pommes delicious qui est demeurée stable pendant la période faisant l'objet du réexamen. En Ontario, les prix des pommes et les profits des pomiculteurs sont tout de même demeurés beaucoup plus stables qu'en Colombie-Britannique.

En dépit des mesures antidumping en place au cours des cinq dernières années, l'industrie nationale n'a pas accru sa part du marché. La production intérieure de pommes delicious a diminué régulièrement, tandis que les exportations sont demeurées relativement stables depuis 1989-1990, représentant par conséquent une proportion croissante de la production.

Les pommes delicious importées presque entièrement de l'État de Washington ont conservé une part relativement stable du marché canadien au cours des cinq dernières années. De plus, elles ont été concentrées principalement en Ontario et au Québec, dans les catégories supérieures de pommes qui se vendent plus cher et qui n'ont pas été importées à des prix sous-évalués.

Le Tribunal reconnaît que les valeurs normales ont établi un prix plancher pour certaines catégories de pommes delicious. Dans ce sens, les conclusions étant annulées, il est possible qu'une certaine catégorie de pommes delicious soit offerte en Colombie-Britannique à des prix inférieurs aux valeurs normales. Le Tribunal n'est toutefois pas convaincu, en supposant qu'il y ait dumping, que l'écart de prix serait tel qu'il causerait un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

En conséquence, le Tribunal annule par la présente les conclusions.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. L'expression «pommes delicious» sera utilisée pour l'ensemble des pommes Delicious, Red Delicious et Golden Delicious.

3. L.R.C. (1985), ch. A-7.

4. The Washington Apple Industry in the Year 2000 par A. Desmond O'Rourke, IMPACT Center, Information Series # 58, février 1993 (pièce A-43 du Tribunal).

5. Washington Agricultural Statistics Service, le 29 novembre 1993 (pièce B-16 du Tribunal).


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Publication initiale : le 26 août 1997