PLACOPLÂTRE

Réexamens (article 76)


PLACOPLÂTRE, PRINCIPALEMENT COMPOSÉ D’UNE ÂME EN GYPSE SUR LAQUELLE EST COLLÉ DU PAPIER, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
Réexamen no : RR-97-004

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 19 janvier 1998

Réexamen no : RR-97-004

EU ÉGARD À un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 20 janvier 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004, concernant le :

PLACOPLÂTRE, PRINCIPALEMENT COMPOSÉ D’UNE ÂME EN GYPSE SUR LAQUELLE EST COLLÉ DU PAPIER, ORIGINAIRE OU EXPORTÉ DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

O R D O N N A N C E

Conformément aux dispositions du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur a procédé à un réexamen des conclusions qu’il a rendues le 20 janvier 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004.

Aux termes du paragraphe 76(4) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, le Tribunal canadien du commerce extérieur annule les conclusions susmentionnées.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire

Loi sur les mesures spéciales d’importation - Déterminer s’il y a lieu d’annuler ou de proroger, avec ou sans modification, les conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur le 20 janvier 1993, dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Dates de l’audience : Du 12 au 14 et du 17 au 20 novembre 1997

Date de l’ordonnance et
des motifs : Le 19 janvier 1998

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Robert C. Coates, c.r., membre
Charles A. Gracey, membre

Directeur de la recherche : Peter Welsh

Agent principal de la recherche : Tom Geoghegan

Agents de la recherche : Audrey Chapman
Shiu-Yeu Li

Économistes : Dennis Featherstone
Simon Glance

Préposés aux statistiques : Marcie Doran
Beverly Paratchek

Avocat pour le Tribunal : John L. Syme

Agent à l’inscription et
à la distribution : Joël J. Joyal


Participants : Lawson A.W. Hunter, c.r.
Randall J. Hofley
Susan M. Hutton
Tamra A. Alexander
pour Georgia-Pacific Canada, Inc.
Georgia-Pacific Corporation

(producteur national – producteur étranger)
Denis Gascon
Brenda C. Swick-Martin
Katherine Evans
pour Westroc Inc.

J. Wayne Trask
Atlantic Group Limited

Colin L. Campbell, c.r.
Riyaz Dattu
John W. Boscariol
Brian E. Cohen
pour CGC Inc.

(producteurs nationaux)
Peter A. Magnus
James D. McAnsh
Graeme Mew
Corina O. Zatreanu
pour National Gypsum Company

Greg A. Tereposky
P. John Landry
Kirsten M. Goodwin
pour James Hardie Gypsum, Inc.

(producteurs étrangers)

Témoins :

Stephen E. Carlier
Directeur de district du groupe, Canada
Georgia-Pacific Canada, Inc.

Alan H. Thielemann
Directeur, Ventes et Commercialisation, Produits de placoplâtre
Georgia-Pacific Corporation

Terry A. Elliott
Vice-président
Delroc Industries Ltd.

Garry W. Nelson
Président
The WINROC Corporation

O.E. (Gene) Burch
Consultant
Georgia-Pacific Corporation

J.B. (Jim) Holmes
Président
Builders’ Supplies Limited

Bruce White
Directeur national, Division des matériaux de construction
Home Hardware Stores Limited

John MacDougall
Président
A.W.A.R.D. Wholesale and Retail Distributors Limited

Barrie J. Sali
Président-directeur général
Tim-BR-Marts Ltd.

Robert J. Morrow
Directeur, Planification générale
Westroc Inc.

Brent R. Thomson
Vice-président et Directeur financier
Région centrale
Westroc Inc.

David J. Hull
Directeur des ventes de secteur
Westroc Inc.

Keith C. Campbell
Directeur, Services financiers
Westroc Inc.

Frederick L. Joutz
Professeur agrégé d’économique
The George Washington University

Richard D. Boltuck
Expert-conseil, Économie internationale
Trade Resources Co.

J. Wayne Trask
Président-directeur général
Atlantic Group Limited

Rick Lowes
Vice-président et Directeur financier
CGC Inc.

Andrew R. Wechsler
Directeur non associé et Directeur général
Law & Economics Consulting Group, Inc.

Craig D. Weisbruch
Vice-président directeur, Ventes et Commercialisation
National Gypsum Company

Don M. Taylor
Président
James Hardie Gypsum, Inc.

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Il s’agit d’un réexamen, aux termes du paragraphe 76(2) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [1] (LMSI), des conclusions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans le cadre de l’enquête no NQ-92-004 [2] , concernant le placoplâtre, principalement composé d’une âme en gypse sur laquelle est collé du papier, originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique.

Aux termes du paragraphe 76(2) de la LMSI, le Tribunal a entrepris un réexamen de ses conclusions et a publié un avis de réexamen [3] le 18 juin 1997. L’avis a été envoyé à toutes les parties intéressées connues.

Dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a envoyé des questionnaires à des fabricants canadiens et américains, à des acheteurs canadiens et à la Gypsum Association. À partir des réponses à ces questionnaires et de renseignements obtenus d’autres sources, le personnel de la recherche du Tribunal a préparé des rapports public et protégé préalables à l’audience.

Le dossier du présent réexamen comprend tous les documents pertinents, y compris les conclusions de l’enquête no NQ-92-004, l’avis de réexamen et les réponses publiques et confidentielles aux questionnaires du réexamen de 1997 ainsi que les rapports public et protégé préalables à l’audience de l’enquête de 1992. Toutes les pièces publiques ont été mises à la disposition des parties intéressées, tandis que les pièces protégées n’ont été distribuées qu’aux avocats indépendants qui avaient déposé auprès du Tribunal des actes de déclaration et d’engagement en matière de confidentialité.

Des audiences publiques et à huis clos ont été tenues du 12 au 14 et du 17 au 20 novembre 1997 à Ottawa (Ontario).

Au cours de son réexamen, le Tribunal a traité de diverses questions de procédure. L’une d’entre elles a été soulevée quant aux demandes de renseignements signifiées par Westroc Inc. (Westroc) et Georgia-Pacific Corporation (GPC) à CGC Inc. (CGC), dont certaines visaient des documents en la possession et sous le contrôle de USG Corporation (USG), la société américaine mère de CGC. CGC a indiqué que, de ce fait, elle n’était pas en mesure de répondre aux questions liées à USG. Westroc et GPC ont présenté une requête demandant que le Tribunal exige que CGC réponde aux demandes de renseignements. Après réception d’exposés élaborés, le Tribunal a ordonné à CGC de répondre à ces demandes de renseignements. Dans sa décision, le Tribunal a conclu que, aux termes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [4] , il a le pouvoir d’ordonner à des parties de produire des documents. Il a aussi conclu qu’il a le pouvoir d’ordonner la production de renseignements « par implication » [5] .

Le Tribunal a publié des décisions qui ont eu pour effet de limiter la portée de certaines demandes de renseignements, de rejeter une demande d’ajournement de l’audience ou, accessoirement, de supprimer du dossier le rapport d’un témoin expert, et, dans les causes pertinentes, d’ordonner aux parties de fournir le texte complet de documents qu’ils avaient déposés, par opposition à des extraits choisis. Le Tribunal a aussi ordonné à l’avocat d’une des parties de lui « exposer les motifs » qui justifieraient que le Tribunal accepte une déclaration d’un témoin déposée presque deux semaines après la date limite prévue. Après réception de l’exposé de l’avocat, le Tribunal a accueilli le dépôt de la déclaration [6] .

PRODUIT

Le produit qui fait l’objet du présent réexamen est décrit comme étant du placoplâtre (désigné « plaque de plâtre » dans les conclusions et l’exposé des motifs de l’enquête no NQ-92-004 conformément à la norme CAN/CSA-A82.27-M91 de l’ACNOR), principalement composé d’une âme en gypse sur laquelle est collé du papier, originaire ou exporté des États-Unis d’Amérique à l’exception du :

i) placoplâtre à surface en relief;

ii) placoplâtre à rives biseautées d’une épaisseur de 5/8 po et d’une largeur de 23 po, de 24 po, de 29 po ou de 30 po;

iii) placoplâtre à rives équarries de type uni ou à revêtement de vinyle d’une épaisseur de 3/8 po ou de 5/16 po.

Le placoplâtre est utilisé depuis longtemps comme matériau de construction à des fins diverses, y compris la construction de murs intérieurs, de cloisons et de plafonds. Il constitue un matériau de revêtement durable, économique, incombustible et facile à décorer. En outre, il résiste très bien à la compression et a une masse volumique relativement faible par rapport à celle des autres produits de type ciment.

La production de placoplâtre commence par l’extraction minière du gypse et son transport à l’usine de fabrication de plaques où il est concassé et broyé en une poudre fine. La poudre de gypse est ensuite chauffée, les trois quarts de l’eau à laquelle ce minerai est chimiquement combiné étant alors éliminée, dans un processus appelé grillage ou calcination. La poudre de gypse calciné (plâtre de Paris) sert ensuite à fabriquer l’âme de la plaque. Le placoplâtre est fabriqué en coulant une boue de gypse calciné (stuc), mélangé à de l’eau, de la mousse, de la pulpe, de l’amidon et de régulateurs de prise, entre deux rouleaux de papier absorbant qui, en se déroulant, forment un « sandwich » continu humide reposant sur un convoyeur à courroie continue. Pendant le déplacement de la plaque sur le convoyeur, le gypse calciné se réhydrate et se recristallise, prenant une forme solide; le papier est alors fermement collé à cette âme de gypse réhydraté. Plus loin sur la chaîne, la plaque continue est coupée à longueur et le tout est transporté vers des séchoirs qui enlèvent l’humidité excédentaire. Les plaques sont ensuite transportées, toujours sur le convoyeur, jusqu’au dispositif de tirage où elles sont regroupées, empilées et transportées pour fins d’entreposage.

Certaines usines canadiennes et américaines se servent de gypse synthétique [7] plutôt que de gypse extrait à l’état naturel. Les producteurs dont les usines sont situées dans l’est du pays, tant au Canada qu’aux États-Unis, ont de plus en plus tendance à employer comme matière première le gypse synthétique, de moindre coût, plutôt que le minerai naturel. Les éléments de preuve révèlent que plusieurs des usines propres de l’Est des États-Unis dont la construction a récemment été annoncée utiliseront le gypse synthétique comme matière première. Il s’agit d’un matériau produit par les centrales thermiques alimentées au charbon, lesquelles sont situées uniquement dans l’Est du Canada et des États-Unis. Les producteurs de l’Ouest du Canada et des États-Unis ne peuvent avoir accès au gypse synthétique à des prix commercialement intéressants et, par conséquent, la plupart des entreprises de ces régions se servent de gypse extrait des mines situées à proximité.

Le placoplâtre est généralement produit en largeur standard de 4 pi (ou l’équivalent métrique) et en diverses longueurs. La longueur la plus courante est 8 pi. L’épaisseur varie de 1/4 po à 1 po, 1/2 po étant de loin l’épaisseur la plus courante. Le placoplâtre d’une épaisseur supérieure à 1/2 po est généralement utilisé dans les montages où il y a beaucoup de circulation et où l’absorption du bruit est un facteur important, ou encore lorsque le règlement relatif aux incendies exigent du placoplâtre plus épais. De plus, le placoplâtre peut avoir des rives équarries, biseautées ou coniques.

Le placoplâtre le plus vendu est le placoplâtre standard de 1/2 po à rives biseautées, suivi du placoplâtre ignifugé de 5/8 po, qui sert presque exclusivement dans les constructions commerciales.

D’autres matériaux servant à la construction des murs et des plafonds, comme les panneaux de bois et les enduits, peuvent être substitués au placoplâtre. Cependant, ces autres produits sont plus coûteux et moins résistants au feu et, par conséquent, ne font pas généralement concurrence au placoplâtre.

Par le passé, le placoplâtre était produit et vendu sur des marchés régionaux circonscrits en raison de son poids unitaire élevé et de l’importance des frais de transport par rapport à sa valeur unitaire. La friabilité [8] du placoplâtre est aussi une contrainte quant à son transport. Pour ces raisons, les consommateurs ont généralement tendance à s’approvisionner auprès des producteurs les plus proches. Cependant, depuis le début de la déréglementation de l’industrie du transport routier, au milieu des années 80, les taux de fret ont baissé, permettant le transport des marchandises vers des marchés plus éloignés. De même, l’évolution de la technologie du transport ferroviaire a aussi contribué à l’accroissement des distances d’expédition.

Au Canada et aux États-Unis, certains producteurs ont obtenu l’aménagement d’une voie ferrée jusqu’à leur usine et passé des contrats avec les sociétés de transport ferroviaire pour réduire les coûts du transport à longue distance. Il est ainsi possible aux producteurs canadiens et américains d’expédier, à moindre coût, leurs produits vers un ou plusieurs marchés régionaux du Canada ou des États-Unis. Le rail sert au transport à longue distance, tandis que le transport routier est retenu pour les distances plus courtes, y compris les livraisons du juste-à-temps.

DISTRIBUTION ET COMMERCIALISATION

Il existe deux principaux circuits de distribution au Canada. Le premier se compose des détaillants de produits spéciaux de placoplâtre, qui approvisionnent les entrepreneurs en construction commerciale et résidentielle. Le deuxième se compose des détaillants de matériaux de construction qui tiennent des stocks limités de placoplâtre et approvisionnent le marché de détail (les bricoleurs et les petits entrepreneurs).

En plus du placoplâtre vendu par l’entremise des deux grands circuits de distribution susmentionnés, une faible quantité est fournie directement à des constructeurs de matériel qui sont principalement des constructeurs de maisons préfabriquées.

Au Canada, on a constaté un mouvement considérable de regroupement des acheteurs, ces derniers adhérant à des consortiums d’achat. Ces consortiums d’achat peuvent comprendre à la fois des commerçants de produits spéciaux et des détaillants.

La promotion des ventes de placoplâtre se fait de diverses façons. Elle peut se faire par l’intermédiaire de commis-voyageurs qui sont en communication directe avec les acheteurs, d’annonces dans les publications professionnelles, de la publicité directe et d’activités conjointes avec les clients.

BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE

Il existe présentement quatre producteurs de placoplâtre au Canada. Ce sont Westroc, CGC, Georgia-Pacific Canada, Inc. (GP Canada) et Atlantic Group Limited (Atlantic).

Westroc

Westroc, auparavant connue sous l’appellation Les Industries Westroc Limitée, est indirectement une filiale en propriété exclusive de BPB plc, du Royaume-Uni, et le plus important producteur de placoplâtre au Canada.

Westroc exploite six usines de placoplâtre et deux mines de gypse au Canada. Ces usines sont situées à McAdam (Nouveau-Brunswick), Ville Sainte-Catherine (Québec), Mississauga (Ontario), Winnipeg (Manitoba), Calgary (Alberta) et New Westminster (Colombie-Britannique). Les mines de gypse de Westroc sont situées à Amaranth (Manitoba) (une carrière) et à Windermere (Colombie-Britannique) (une carrière). L’usine de placoplâtre de Westroc de Mississauga a remplacé le gypse naturel par le gypse synthétique en 1995. Elle achète ce matériau de la centrale Lambton d’Ontario Hydro.

Au Canada, Westroc vend son placoplâtre à des consortiums d’achat, des commerçants de produits spéciaux de placoplâtre, des distributeurs de matériaux de construction, des détaillants et des constructeurs de matériel.

Westroc vend aussi du placoplâtre aux États-Unis. Ses ventes à l’exportation ont augmenté de façon marquée durant la période visée par le réexamen et, en 1996, représentaient une proportion importante de ses ventes globales de placoplâtre.

CGC

CGC, le deuxième plus grand producteur canadien de placoplâtre, est située à Mississauga. Elle est le plus grand fournisseur de placoplâtre de l’Est du Canada. L’entreprise est la propriété de USG, dont le siège social est situé à Chicago (Illinois). CGC est constituée en trois divisions commerciales : Canadian Gypsum Company, Limited, CGC Interiors et CGC Industries. CGC est de plus propriétaire d’Economy Drywall Supplies. Canadian Gypsum Company, Limited représente une grande partie des ventes globales de CGC.

CGC vend du placoplâtre principalement dans l’Est du Canada; elle a récemment intensifié son effort de commercialisation dans l’Ouest canadien. Ce projet fait suite à l’aménagement d’une nouvelle installation de chargement ferroviaire à Hagersville (Ontario). CGC exploite deux usines de placoplâtre : l’une à Montréal (Québec), qui fabrique du placoplâtre et des produits de jointoiement, et l’autre à Hagersville, qui fabrique du placoplâtre, des produits de jointoiement et des produits texturés. L’usine d’Hagersville est située sur le site de sa mine de gypse. L’usine de Montréal se procure le gypse de la nouvelle usine de traitement du gypse synthétique de CGC, située à Belledune (Nouveau-Brunswick); cette dernière est entrée en exploitation en novembre 1995 et transforme le gypse synthétique fourni par les centrales Dalhousie et Belledune de la Société d’énergie du Nouveau-Brunswick.

Au cours de la période du réexamen, le volume des exportations aux États-Unis de placoplâtre de CGC s’est accru. En 1996, les exportations ont représenté une proportion importante de ses ventes globales de placoplâtre.

GP Canada

GP Canada est le troisième plus grand producteur de placoplâtre au Canada. GP Canada est une filiale de GPC. GPC se situe aux premiers rangs des fabricants et distributeurs américains d’une vaste gamme de produits de papier et de construction, y compris une gamme complète de produits de placoplâtre, des produits de systèmes de jointoiement et divers produits de gypse spéciaux. Au printemps 1996, GPC a acheté toutes les installations de fabrication de produits de placoplâtre de Domtar Inc. (Domtar). Domtar était l’un des plaignants initiaux lors de l’enquête du ministère du Revenu national de 1992 sur le dumping.

GPC possède et exploite toutes les anciennes installations de production de placoplâtre de Domtar au Canada, situées à Caledonia (Ontario), Winnipeg (Manitoba), Edmonton (Alberta) et Surrey (Colombie-Britannique). GPC demeure propriétaire et continue d’exploiter, par l’intermédiaire de sa filiale G-P Gypsum, Inc., plusieurs usines de placoplâtre aux États-Unis.

Au cours de la période du réexamen, les exportations aux États-Unis de placoplâtre de GP Canada se sont accrues.

Atlantic

Atlantic, le quatrième et plus petit producteur de placoplâtre au Canada, a été libérée de sa mise sous séquestre en février 1993 après avoir fermé ses portes en juin 1992. Elle exploite présentement une usine à Corner Brook (Terre-Neuve) et une carrière à Fischell’s (Terre-Neuve). Cette entreprise vend ses produits de placoplâtre à Terre-Neuve et dans les provinces Maritimes.

Gypsum Association

Tous les producteurs canadiens et américains de placoplâtre sont membres de la Gypsum Association, dont le siège social est situé à Washington, D.C. Cette association fournit des données sur les expéditions, la capacité de production et les exportations pour ses membres canadiens et américains. La Gypsum Association a répondu au questionnaire du Tribunal.

IMPORTATEURS NON RÉSIDANTS ET PRODUCTEURS ÉTRANGERS

Le Tribunal a reçu des réponses de 5 des 11 producteurs américains de placoplâtre auxquels il avait fait parvenir un questionnaire de réexamen. Un profil sommaire de chacune de ces sociétés américaines figure ci-après.

USG

USG est le plus grand producteur mondial de placoplâtre. Son siège social est situé à Chicago. Son activité est répartie en deux groupes principaux : 1) North American Gypsum, y compris United States Gypsum Company, CGC Inc. et Yeso Panamericano, S.A.; 2) Worldwide Ceilings. La société L & W Supply Corporation, chargée de la distribution chez USG, sert à la fois les deux groupes principaux et des clients externes.

USG exploite présentement 22 usines aux États-Unis. Elle extrait le gypse de ses 11 mines et carrières situées aux États-Unis et au Canada. USG est aussi le plus grand utilisateur de gypse synthétique en Amérique du Nord. Elle exploite quatre usines de papier, situées au Texas, en Ohio, en Floride et dans l’État de New York.

National Gypsum Company

National Gypsum Company (National) est le deuxième plus grand producteur de produits de gypse aux États-Unis. Il s’agit d’une société privée, constituée en 1993, dont le siège social est à Charlotte (Caroline du Nord). Delcor Inc. détient la plus grande partie des actions ordinaires de National.

National possède présentement 18 usines de placoplâtre, réparties aux États-Unis. Elle est un producteur et fournisseur intégré de divers autres produits de gypse, y compris des panneaux finis en usine et des panneaux pour maisons mobiles, des enduits, des produits de jointoiement, des produits de papier et de métal destinés aux marchés de la construction et de la rénovation résidentielles et commerciales.

La société exploite huit mines et carrières, y compris la plus grande carrière de gypse au monde qui est située en Nouvelle-Écosse. Une proportion d’environ 2 p. 100 des matières premières de l’entreprise est constituée de gypse synthétique provenant des entreprises de services publics qui utilisent des combustibles à haute teneur en soufre.

National se procure le papier dont elle a besoin pour la fabrication de placoplâtre auprès de trois usines qu’elle possède, ainsi que de sources externes.

GPC

GPC, une société ouverte des États-Unis, est le troisième plus grand producteur de produits de gypse aux États-Unis. Elle est le deuxième plus grand producteur de produits de gypse en Amérique du Nord. Par l’entremise de ses filiales, GPC fabrique et distribue une vaste gamme de produits de papier et de construction, y compris une gamme complète de produits de placoplâtre, des produits de systèmes de jointoiement et divers produits de gypse spéciaux. Les produits de gypse ont représenté une faible proportion de ses ventes globales en 1996.

GPC a commencé à exploiter les produits de gypse en 1965, année où elle a acquis la société Bestwall Gypsum Company. En 1996, elle a acheté les éléments d’actif liés à la production de produits de gypse de Domtar, y compris les usines de placoplâtre que cette dernière possédait au Canada et aux États-Unis.

GPC possède présentement 17 usines de placoplâtre réparties dans l’ensemble des États-Unis. Toutes les usines produisent du placoplâtre, sauf une, qui est inutilisée. GPC a annoncé qu’elle fermera de façon permanente cette usine, située à Florence (Colorado), la démontera et la vendra. Des 17 usines susmentionnées, 9 sont celles que GPC a récemment achetées à Domtar.

GPC a vendu à Lafarge Corporation deux usines de placoplâtre au troisième trimestre de 1996. Le Department of Justice (département de la Justice) des États-Unis a exigé que GPC accepte de vendre les usines susmentionnées comme condition, dans le cadre des lois antitrusts, de l’autorisation d’acheter les installations américaines de production de produits de gypse à Domtar.

James Hardie Gypsum, Inc.

James Hardie Gypsum, Inc. (James Hardie) est le quatrième plus grand producteur de placoplâtre aux États-Unis. Son propriétaire est James Hardie (USA), Inc. qui, à son tour, est la propriété de James Hardie Industries Limited, une société internationale multimilliardaire dont le siège social est à Sydney (Australie). James Hardie (USA), Inc. compte deux groupes commerciaux : 1) celui des produits de construction, qui fabrique et vend des produits de fibro-ciment; 2) celui des produits de gypse, qui fabrique une gamme complète de placoplâtre de 1/4 po à 1 po d’épaisseur.

James Hardie possède présentement trois usines de placoplâtre aux États-Unis. Ces usines sont situées à Seattle (Washington), Las Vegas (Nevada) et Nashville (Arkansas). James Hardie a acheté sa troisième usine de placoplâtre, celle de l’Arkansas, le 31 janvier 1997, afin d’accroître son activité globale de produits de gypse et de donner à l’entreprise une portée nationale aux États-Unis, en lui permettant de desservir les marchés de la Nouvelle-Angleterre, de l’Atlantique Centre, du Centre Nord-Est, du Centre Nord-Ouest, de l’Atlantique Sud, du Centre Sud-Est et du Centre Sud-Ouest des États-Unis.

Lafarge Gypsum, A Division of Lafarge Corporation

Lafarge Gypsum, A Division of Lafarge Corporation (Lafarge Gypsum), située à Reston (Virginie), est une filiale en propriété partielle de Lafarge S.A., Paris (France). Le 16 septembre 1996, Lafarge Gypsum est entrée sur le marché nord-américain du placoplâtre, en achetant deux usines de placoplâtre à GPC. Cet achat lui a permis de se positionner sur les marchés du Nord-Est et de l’Atlantique Centre des États-Unis. Les usines sont situées à Buchanan (New York) et à Wilmington (Delaware). Lafarge Gypsum se sert de transport routier à contrat pour livrer le placoplâtre fini. De plus, l’usine de Wilmington est dotée de toutes les installations nécessaires pour expédier ses produits par rail. Lafarge Gypsum fabrique et vend une gamme complète de produits de placoplâtre, y compris des panneaux hydrofuges et ignifugés de diverses tailles.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS DE 1993

Le 20 janvier 1993, le Tribunal a conclu que le dumping du placoplâtre, à l’exclusion de certains produits, originaire ou exporté des États-Unis avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires [ [Note du réviseur] Maintenant désigné « dommage sensible » causé à la « branche de production nationale » conformément aux modifications apportées à la LMSI. Toutefois, les expressions « préjudice sensible » et « industrie nationale » seront utilisées pour toute référence aux décisions antérieures du Tribunal.] .

Les trois producteurs nationaux, CGC, Westroc et Domtar, produisaient globalement environ 98 p. 100 de tout le placoplâtre fabriqué au Canada.

Le Tribunal a fait observer que le placoplâtre présentait des caractéristiques d’un produit de base et que les fournisseurs qui ne baissaient pas leurs prix risquaient de perdre leur part du marché. Les éléments de preuve ont montré que les producteurs nationaux avaient choisi d’aligner leurs prix sur ceux des importations en provenance des États-Unis et que, de ce fait, leur rendement financier s’était détérioré progressivement. Les marges brutes avaient diminué de 76 p. 100, et leur revenu net avait diminué de façon constante jusqu’à se transformer en perte de 5,5 millions de dollars au cours des huit premiers mois de 1992.

Le Tribunal a souligné que d’autres facteurs que le dumping avaient contribué au préjudice subi par l’industrie nationale. Cependant, ces autres facteurs, pris individuellement ou collectivement, ne suffisaient pas à expliquer l’ampleur de la chute des prix canadiens du placoplâtre durant la période visée par l’enquête. Le Tribunal a considéré que la marge moyenne de dumping de 28 p. 100 était fort importante sur un marché de produits de base comme le placoplâtre. Le Tribunal était d’avis que le dumping avait très probablement causé une chute des prix de plus de 10 points de pourcentage, ce qui a représenté des pertes annuelles de dizaines de millions de dollars pour l’industrie. Par conséquent, le Tribunal a conclu que le dumping du placoplâtre avait causé et causait un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le Tribunal a aussi conclu que toutes les conditions qui avaient donné lieu au dumping américain, y compris la faiblesse de la demande et une capacité excédentaire de production considérable, allaient probablement persister et, de ce fait, a conclu que le dumping du placoplâtre était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

POSITION DES PARTIES

Parties appuyant une prorogation des conclusions

Trois des quatre producteurs nationaux, Westroc, GP Canada et Atlantic, appuient la prorogation des conclusions rendues par le Tribunal en 1993. Les sociétés susmentionnées ont soutenu qu’il y aurait probablement reprise du dumping du placoplâtre fabriqué aux États-Unis advenant l’annulation des mesures antidumping en vigueur, et que la branche de production canadienne de placoplâtre est extrêmement vulnérable au dommage sensible qui résulterait d’un tel dumping.

Les parties qui appuient la prorogation des conclusions ont soutenu que les circonstances sur le marché nord-américain du placoplâtre sont pratiquement les mêmes qu’en 1987-1988, c.-à-d. au début d’une phase de repli du cycle économique de la branche de production américaine de placoplâtre et l’addition d’une capacité de production considérable aux États-Unis au moment même où la branche de production canadienne connaît une reprise.

Westroc et GP Canada ont souligné que, même s’il y a croissance du secteur de la construction aux États-Unis depuis 1993, il est prévu qu’au cours des années qui viennent cette activité fléchira ou, au mieux, que l’économie en général, et le secteur de la construction en particulier, plafonnera. Puisque la demande de placoplâtre découle de l’activité de construction, Westroc et GP Canada ont soutenu qu’il est manifeste, à la lumière des prévisions susmentionnées, que la branche de production américaine de placoplâtre doit prévoir qu’il y aura, de 1997 à l’an 2000, une baisse de la demande, de la production et des taux d’utilisation de la capacité. Elles ont fait valoir que, selon les prévisions, la conjoncture qui a aidé la branche de production américaine de placoplâtre à atteindre les niveaux caractéristiques des années 1995 à 1997 est sur le point de changer, ouvrant la voie à une diminution des expéditions et de l’utilisation de la capacité des producteurs des États-Unis. Il a été avancé qu’un tel ralentissement de la demande est déjà amorcé dans les régions du Centre Sud et du Midwest.

Beaucoup d’éléments de preuve ont été présentés relativement aux plans d’augmentation de capacité qu’ont annoncés les producteurs de placoplâtre des États-Unis. Westroc et GP Canada ont soutenu que, comme l’expérience des années 80 et 90 l’a démontré, le marché américain a coutume de ces décisions d’augmentation de capacité prises au moment où le marché est en croissance, les nouvelles installations étant mises en place à la fin d’un cycle à la hausse.

Les parties qui appuient la prorogation des conclusions ont présenté des éléments de preuve qui montrent que les producteurs américains de placoplâtre prévoient augmenter leur capacité de production d’environ 4,5 à 5,0 Gpi² [9] entre 1997 et 2000. Il a été fait observer qu’une telle augmentation de capacité de production représente presque le double de la capacité annuelle globale dont ont fait état les producteurs canadiens de placoplâtre en 1996. GP Canada a associé cet important volume de capacité supplémentaire à l’exposé des motifs de 1993 du Tribunal dans lequel ce dernier a dit estimer que « l’importance réelle des ventes américaines ne tient pas tant à leur volume qu’à leur effet sur les prix nationaux [10] » et qu’un petit volume de placoplâtre sous-évalué peut avoir des répercussions considérables sur le rendement de la branche de production nationale.

Les parties qui appuient la prorogation des conclusions ont soutenu que, étant donné l’accroissement prévu de la capacité des producteurs américains, il y aura une importante baisse de l’utilisation de la capacité, dans une branche de production de capital où le maintien de la rentabilité est lié à des seuils élevés d’utilisation de la capacité. Des incitations financières et fonctionnelles poussent les fabricants de placoplâtre à faire rouler leurs usines à pleine capacité. Westroc et GP Canada ont aussi souligné qu’il est particulièrement important pour les producteurs indépendants et les producteurs régionaux d’utiliser leur capacité de production.

Invoquant les prévisions plutôt pessimistes quant à la demande de placoplâtre sur le marché américain pour les années 1998 à 2000, les avocats des parties qui appuient la prorogation des conclusions ont fait valoir que les nouvelles installations annoncées aux États-Unis causeront d’importantes perturbations sur le marché des États-Unis. Les avocats ont soutenu que les taux d’utilisation de la capacité chuteront en bas du seuil de 90 p. 100 et ont fait valoir que l’expérience démontre qu’une diminution de l’utilisation de la capacité entraîne une baisse des prix.

Les avocats des parties qui appuient la prorogation des conclusions ont aussi déclaré que d’autres facteurs laissent croire à une reprise probable du dumping des producteurs américains. Ces facteurs comprennent le niveau d’endettement des producteurs américains, la péréquation du fret ou les ventes de placoplâtre au-delà des zones « logiques » d’expédition, et la valeur des ventes à l’exportation.

GP Canada a souligné que plusieurs producteurs américains sont encore aux prises avec d’importantes obligations relatives au service de la dette. En outre, il est vraisemblable que les producteurs s’endetteront davantage pour financer une augmentation agressive de la capacité, comme en ont notamment entreprise USG, National, James Hardie, Republic Gypsum Company et Temple-Inland Forest Products Corporation. Cette dette, a-t-il été souligné, incite considérablement à maintenir des taux élevés d’utilisation de la capacité et, de ce fait, à maintenir ou à augmenter le volume des ventes.

De plus, Westroc et GP Canada ont présenté des témoignages sur la présence soutenue de placoplâtre dans des régions des États-Unis situées bien au-delà de la distance d’expédition logique des usines des fabricants et qui est vendu à des prix n’offrant pas le rendement net tiré de la majorité des ventes de ces mêmes usines. Compte tenu du fret vers les régions où les entreprises des États-Unis ne sont pas des fabricants résidants de placoplâtre, il a été suggéré que ces fabricants américains vendent souvent leurs produits sur des marchés distants à des prix inférieurs aux prix établis pour leurs marchés locaux. Westroc et GP Canada ont soutenu que cela laisse croire à une forte propension des fabricants américains à rechercher d’autres marchés (y compris les marchés d’exportation comme le Canada) à des prix moindres et que, ce faisant, les prix sur les marchés visés baissent inévitablement, causant un dommage aux producteurs locaux. Par conséquent, pour maintenir leur niveau d’utilisation, les producteurs américains de placoplâtre expédient les produits à des marchés distants. L’usage croissant du transport ferroviaire permet d’accéder à des marchés encore plus éloignés, où le produit est soit entreposé soit vendu à des centres de rechargement.

Westroc et GP Canada ont soutenu que, depuis 1993, les producteurs américains ont continué d’exporter vers des marchés étrangers beaucoup plus éloignés que le Canada malgré les importants frais de transport. Selon elles, les éléments de preuve indiquent que la rentabilité de certaines exportations des producteurs des États-Unis vers les marchés tiers a parfois été sensiblement inférieure à la rentabilité des ventes sur le marché américain durant 1995-1997. Westroc et GP Canada ont soutenu qu’une telle activité d’exportation reflète la tendance naturelle au dumping des fabricants américains de placoplâtre.

À l’appui de l’argument selon lequel il y aura probablement reprise du dumping au Canada par les producteurs américains, les parties qui appuient la prorogation des conclusions ont soutenu que la prévision d’une baisse de la demande combinée à l’importante augmentation de capacité annoncée porte à croire à une forte probabilité d’une baisse précoce et durable des taux d’utilisation de la capacité aux États-Unis. Il s’ensuivra une pression à la baisse sur les prix du placoplâtre aux États-Unis et une propension des exportateurs des États-Unis à recommencer leurs expéditions de placoplâtre au Canada à des prix sous-évalués.

Abordant les arguments relatifs à la probabilité de dommage sensible, Westroc et GP Canada ont soutenu que, sans le dumping en provenance des États-Unis, l’amélioration prévue de la conjoncture au Canada devrait avoir des répercussions positives sur la production, l’utilisation de la capacité, les ventes intérieures et, peut-être, le niveau des prix des producteurs canadiens. Westroc et GP Canada sont d’avis que, advenant la reprise du dumping du placoplâtre au Canada, la branche de production canadienne de placoplâtre subira les mêmes types de dommage sensible constatés par le Tribunal de 1990 à 1992, ces répercussions étant cependant plus dévastatrices, étant donné la vulnérabilité de la branche de production canadienne de placoplâtre à la suite du rendement terne qu’elle a connu entre 1993 et 1995.

Westroc et GP Canada ont soutenu que le fléchissement prévu de la demande aux États-Unis combiné à la diminution des taux d’utilisation de la capacité aura une incidence double sur la branche de production canadienne. En premier lieu, les producteurs américains tenteront d’effectuer de nouvelles ventes au Canada en offrant des prix inférieurs aux prix de vente canadiens. Les producteurs canadiens ne pourront donc pas toucher les profits de la reprise, longtemps attendue, du marché intérieur.

En deuxième lieu, et il s’agit là d’une incidence encore plus importante, les avocats des parties en faveur d’une prorogation des conclusions ont soutenu que le repli prévu de la demande aux États-Unis aura une incidence négative sur les ventes à l’exportation de la branche de production nationale. Il en résultera une baisse des exportations vers les États-Unis de la branche de production nationale. Les ventes à l’exportation aux États-Unis ont été un des principaux moteurs de l’amélioration des affaires de la branche de production canadienne de placoplâtre entre 1993 et 1996. La perte de ces ventes rendra les producteurs canadiens davantage vulnérables à une reprise du dumping. Elle se traduira aussi par une baisse sensible de l’utilisation de la capacité et une hausse des coûts unitaires. N’eut été du volume considérable des ventes à l’exportation entre 1993 et 1997, les taux d’utilisation de la capacité des producteurs canadiens auraient été faibles au point d’être inacceptables.

Les parties qui appuient la prorogation des conclusions ont soutenu que, selon l’exposé des motifs de 1993 du Tribunal, une simple baisse du prix du placoplâtre de un point de pourcentage a réduit le chiffre d’affaires annuel de la branche de production canadienne de plusieurs millions de dollars et une baisse de 10 p. 100 des prix du placoplâtre a causé un dommage sensible. Il a été soutenu qu’une baisse de 10 p. 100 des prix causerait encore un dommage sensible puisque, dans la conjoncture actuelle, une telle baisse de 10 p. 100 des prix amènerait la branche de production très près du seuil de rentabilité. Il a de plus été soutenu qu’une baisse des prix inférieure à 10 p. 100 causerait aussi un dommage sensible.

Un témoin de Westroc a tenté de mettre en contexte la question de la vulnérabilité. Il a souligné qu’une baisse des prix de seulement 10 p. 100 ferait pratiquement disparaître les bénéfices de la branche de production de placoplâtre. Cela se produirait au moment où les producteurs nationaux envisagent une modeste reprise de la demande de placoplâtre au Canada, ce qui ne s’est pas vu depuis environ une décennie. Le témoin de Westroc a soutenu que cette amélioration nécessaire des ventes et de la rentabilité est menacée par la reprise probable du dumping. Il a en outre été avancé que, puisque le placoplâtre est un produit de base, l’entrée sur le marché canadien du placoplâtre des États-Unis se fera par l’offre de prix moindres, ce qui entraînera une baisse des prix au Canada au moment où les producteurs nationaux sont extrêmement vulnérables.

En outre, les parties qui appuient la prorogation des conclusions ont soutenu que la consolidation du pouvoir d’achat au Canada et l’émergence des détaillants de type « entrepôt », comme The Home Depot Canada, en tant qu’acheteurs importants de placoplâtre augmentent la vulnérabilité de la branche de production nationale. Les parties ont ajouté que ces acheteurs n’hésiteront pas à se procurer du placoplâtre fabriqué aux États-Unis si les prix y sont inférieurs à ceux des producteurs nationaux.

En résumé, les parties en faveur d’une prorogation des conclusions ont soutenu que les éléments de preuve au dossier concernant ce qui est arrivé dans le passé nous indiquent ce qui se passera à l’avenir. Plus précisément, lorsque la branche de production américaine ou des producteurs particuliers ont eu un excédent de capacité de production, du placoplâtre fabriqué aux États-Unis a été expédié vers le marché canadien à des prix rapportant un gain net inférieur à celui réalisé sur les ventes effectuées à proximité des installations américaines.

Parties appuyant une annulation des conclusions

CGC, le deuxième plus grand producteur canadien de placoplâtre, ainsi que James Hardie et National, deux producteurs américains de placoplâtre, ont plaidé en faveur d’une annulation des conclusions. Il a été soutenu que la conjoncture qui caractérisait les marchés canadien et américain du placoplâtre de 1990 à 1992 ne se reproduira plus. Elles ont d’abord fait valoir que la situation qui a donné lieu aux conclusions de 1993 a suivi une baisse persistante des mises en chantier aux États-Unis et de la demande aux États-Unis de placoplâtre durant six ans, de 1986 jusqu’en 1991 y compris, et une baisse persistante du nombre de mises en chantier et de la demande au Canada durant quatre ans, de 1987 jusqu’en 1991 y compris.

En deuxième lieu, les parties susmentionnées ont souligné que les conclusions ont été rendues à une époque où l’économie des États-Unis et celle du Canada commençaient à peine à sortir d’une profonde récession, les producteurs des États-Unis réalisant des prix de vente moyens nationaux inférieurs à 70 $US/kpi² [11] en 1992 par rapport à plus de 120 $US/kpi² au point culminant du cycle, en 1986. Présentement, le prix moyen national du placoplâtre de USG dépasse 120 $US/kpi².

En troisième lieu, les exportations canadiennes de placoplâtre aux États-Unis, qui ont atteint un sommet de 800 Mpi² [12] en 1986, ont chuté abruptement à 93 Mpi² en 1991. Présentement, les exportations aux États-Unis de placoplâtre des producteurs canadiens atteignent des volumes records, ce qui laisse à penser que, avant qu’il y ait dumping au Canada de placoplâtre américain, les exportations canadiennes devraient cesser. Il a été soutenu que rien de tel n’est prévu au cours des deux prochaines années.

Il a en outre été soutenu que la branche de production de placoplâtre a connu d’importants changements depuis les conclusions rendues en 1993 par le Tribunal. Il a été fait mention de la croissance considérable persistante de l’économie des États-Unis, de la grande vigueur des mises en chantier tant de bâtiments résidentiels que de bâtiments commerciaux et des bons résultats du secteur de la rénovation aux États-Unis. Ces facteurs se sont traduits par une croissance considérable du marché américain du placoplâtre depuis 1993.

Le niveau d’utilisation de la capacité de la branche de production américaine de placoplâtre se situe présentement à 95 p. 100, et certains producteurs des États-Unis répartissent leur production entre leurs clients. Les prix de vente américains du placoplâtre connaissent un sommet historique et sont plus élevés que les prix au Canada. De ce fait, et en raison de la forte demande sur le marché américain, les parties en faveur d’une annulation des conclusions ont soutenu que les producteurs américains ne sont pas intéressés à vendre du placoplâtre sur le marché canadien.

D’un point de vue structurel et financier, la branche de production américaine s’est réorganisée en profondeur et est maintenant rentable. CGC, James Hardie et National ont soutenu que les producteurs marginaux à ligne unique ne sont pas un facteur majeur de la branche de production et que les conséquences de décisions fondées sur des considérations comme les « rentrées d’argent » et l’« utilisation de la capacité » ne posent donc plus de problème. À l’époque des conclusions, le Tribunal a accordé une importance considérable à l’endettement marqué des producteurs des États-Unis et au déséquilibre régional de l’offre et de la demande. Il a été soutenu que ni l’une ni l’autre de ces conditions n’existe aujourd’hui.

Les parties en faveur d’une annulation des conclusions ont soutenu que l’excellente conjoncture du marché américain du placoplâtre, caractérisée par de forts taux d’utilisation de la branche de production américaine et des niveaux élevés des prix aux États-Unis sont des indicateurs positifs qui devraient persister, au moins à court terme.

CGC, James Hardie et National ont déclaré que des études menées aux États-Unis prévoient que les prix américains continueront d’augmenter légèrement. Selon les prévisions, les taux d’utilisation de la capacité des producteurs des États-Unis devraient demeurer élevés malgré les annonces d’augmentations considérables de la capacité de production de placoplâtre des usines américaines.

Étant donné la vigueur soutenue de la demande, il n’y aura probablement qu’une modeste baisse des prix supérieurs établis lorsque la branche de production fonctionnait presque à la limite de sa capacité. Les parties qui appuient une annulation des conclusions ont indiqué que la branche de production peut maintenir les prix tant que les taux d’utilisation demeurent au-dessus de 90 p. 100. Cependant, puisque aucun ralentissement de l’économie n’est prévu, les taux d’utilisation de la branche de production américaine ne devraient pas connaître de baisse soudaine [13] .

Quant à l’établissement des prix sur les marchés d’exportation, National a soutenu que les ventes à l’exportation représentent moins de 1 p. 100 des expéditions globales des États-Unis. En outre, rien n’indique que les producteurs américains de placoplâtre ont agressivement tenté de maintenir leur présence sur d’autres marchés d’exportation depuis 1993. De plus, National a soutenu que la comparaison des prix de vente bruts nationaux et des prix de vente à l’exportation peut mener à des conclusions fort trompeuses. Ces ventes sont conclues à des prix départ usine ou à quai, National n’ayant alors à assumer aucun frais de transport, de manutention ou de rechargement. Puisque National consacre peu ou pas d’efforts pour attirer de telles commandes, les frais de vente et les frais généraux associés à de telles transactions sont beaucoup plus faibles.

En réponse à l’affirmation selon laquelle les producteurs américains continuent de vendre dans des régions situées bien à l’extérieur de la zone logique d’expédition de leurs usines, National a soutenu qu’elle aligne les prix du placoplâtre sur les prix qui prévalent dans la région servie. Elle a soutenu qu’il s’agit là d’une pratique naturelle pour tout fournisseur sérieux. Il a été soutenu que, dans la majorité des cas, le prix facturé est supérieur au prix facturé sur le marché intérieur.

Les parties qui appuient une annulation des conclusions ont déclaré que les prévisions les plus récentes sont positives, ce qui permet de croire qu’une récession serait peu probable aux États-Unis et qu’on peut s’attendre à une activité vigoureuse dans le domaine de l’habitation ainsi qu’à une augmentation continue des revenus. En outre, les prévisionnistes augmentent les valeurs estimées pour 1998 à cause de la demande plus forte que prévue pour le placoplâtre au troisième trimestre de 1997, associée au rendement robuste soutenu des secteurs de la construction résidentielle et commerciale. Les prix prévus de 1998 ont aussi été révisés à la hausse.

En ce qui a trait aux augmentations de capacité annoncées, les parties qui appuient une annulation des conclusions ont soutenu que ces annonces doivent être remises en contexte. À cet égard, de 1992 à 1997, le taux de l’augmentation nette de la capacité a atteint 9,6 p. 100, ce qui est bien inférieur au taux de croissance de 35,7 p. 100 du marché des États-Unis au cours de la même période. Il a aussi été soutenu que les augmentations de capacité mentionnées par GP Canada et Westroc ne tiennent pas compte des fermetures, qui sont rarement annoncées. Par conséquent, ces données pourraient surestimer de façon importante les augmentations réelles de capacité.

James Hardie et National ont souligné que les décisions des fabricants sur l’emplacement de leurs nouvelles usines sont fortement influencées par les analyses des régions non desservies du marché qui recèlent un bon potentiel de croissance de part du marché. Elles ajoutent qu’un tel fait limite aussi la possibilité d’un déplacement de nouvelles capacités vers le Canada. En outre, étant donné les mécanismes complexes d’octroi de licence et d’autorisation, ainsi que le degré de risque associé à une date de lancement annoncée, certaines décisions d’investissement peuvent être reportées, et le sont souvent.

Il a été soutenu que les données dont fait état la Gypsum Association ne sont pas publiées de façon uniforme. Les données sur les expéditions, comme l’expression l’indique, portent sur les produits véritablement expédiés. Elles représentent donc une gamme de produits mélangés comprenant à la fois des plaques de plâtre standard et spéciales de diverses tailles. La capacité, d’autre part, est une valeur plutôt théorique, puisqu’elle représente la production potentielle dans le cas où uniquement des plaques standard de 1/2 po seraient fabriquées. Les parties qui appuient une annulation des conclusions ont soutenu que les données sur la capacité surestiment donc la capacité pratique de production.

Les parties qui appuient une annulation des conclusions ont souligné que les divers producteurs américains appliquent un facteur de « rajustement pour mélange » aux données sur la capacité publiée par la Gypsum Association. Bien que ce facteur de rajustement ne modifie pas les tendances générales quant à l’utilisation de la capacité, il modifie les taux d’utilisation effectif et réduit sensiblement les augmentations de capacité annoncées par la branche de production américaine, ainsi que les prévisions sur la capacité excédentaire lorsqu’elles sont exprimées en kpi².

Étant donné tous ces développements, les parties soutiennent que les producteurs américains continueront d’approvisionner la demande croissante de placoplâtre des États-Unis et établiront leurs plans futurs sans tenir compte du marché canadien. Enfin, étant donné la valeur actuelle du dollar canadien, la branche de production américaine préfère servir ses clients des États-Unis, ces ventes étant plus rentables que sur le marché canadien.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

Dans le cadre de leur plaidoirie dans la procédure, les avocats de Westroc ont abordé l’application de la norme « nettement prévu et imminent » dans le contexte d’un réexamen aux termes de l’article 76 de la LMSI.

Les avocats de Westroc ont souligné que la norme « nettement prévu et imminent » est établie à l’article 3 de l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 [14] (l’Accord), qui régit la détermination de l’existence d’un dommage et d’une menace de dommage, alors qu’elle n’est pas comprise dans l’article 11 de l’Accord, qui régit la procédure de réexamen. Les avocats ont soutenu que le critère pour décider d’une prorogation des conclusions est énoncé au paragraphe 3 de l’article 11 de l’Accord, qui prévoit que des droits antidumping seront supprimés cinq ans au plus tard à compter de la date à laquelle ils auront été imposés, à moins qu’il ne soit déterminé « qu’il est probable que le dumping et le dommage subsisteront ou se reproduiront » si les droits sont supprimés. Les avocats ont soutenu que le Tribunal ne devrait pas appliquer la norme « nettement prévu et imminent » dans le cadre du présent réexamen.

Relativement à la question susmentionnée, les avocats de CGC ont renvoyé le Tribunal à son exposé des motifs du réexamen no RR-89-009 [15] . Dans ce réexamen, le Tribunal a conclu qu’il existait des similarités entre les questions à étudier lorsqu’il examine la possibilité d’une menace de préjudice et celles à étudier lors d’un réexamen. Le Tribunal a conclu que le paragraphe 6 de l’article 3 du Code antidumping du GATT [16] , qui comprenait alors la norme « nettement prévu et imminent », « facilite l’interprétation de la notion de menace de préjudice [17] ». Les avocats ont soutenu que le Tribunal devrait appliquer cette norme dans le cadre du présent réexamen.

L’article 3 de l’Accord s’intitule « Détermination de l’existence d’un dommage ». Le paragraphe 7 de l’article 3, qui traite de la menace de dommage, prévoit, notamment, que « [l]e changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un dommage doit être nettement prévu et imminent ».

Lorsque l’Accord a été appliqué à la loi canadienne, le paragraphe 2(1.5) a été ajouté à la LMSI. Le paragraphe se lit comme suit :

Pour l’application de la présente loi, pour qu’il puisse être décidé que le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage ou cause une menace de dommage, il faut que les circonstances dans lesquelles le dumping ou le subventionnement est susceptible de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes.

Bien que les avocats aient fait principalement porter leur plaidoirie concernant la présente question sur certaines dispositions de l’Accord, le Tribunal est d’avis que le paragraphe 2(1.5) de la LMSI prévoit clairement que le Tribunal doit appliquer la norme « nettement prévu et imminent » uniquement lorsqu’il examine la question de menace de dommage dans une enquête aux termes de l’article 42. À cet égard, le Tribunal observe que la LMSI ne comprend aucune disposition analogue au paragraphe 2(1.5) quant aux réexamens effectués aux termes de l’article 76.

Le point de vue du Tribunal est conforme à la structure de l’Accord. Dans l’Accord, en conformité avec le paragraphe 7 de l’article 3, la norme « nettement prévu et imminent » ne s’applique qu’à la question de menace de dommage. De plus, l’article 11 de l’Accord énonce une norme différente quant au réexamen et à la prorogation des conclusions et des ordonnances. Le paragraphe 1 de l’article 11 prévoit que les droits antidumping « ne resteront en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le dumping qui cause un dommage ». De plus, ainsi que l’ont souligné les avocats de Westroc, le paragraphe 3 de l’article 11 prévoit que des droits antidumping seront supprimés cinq ans au plus tard à compter de la date à laquelle ils auront été imposés, à moins qu’il ne soit déterminé au cours d’un réexamen « qu’il est probable que le dumping et le dommage subsisteront ou se reproduiront » si les droits sont supprimés.

Nonobstant ce qui précède, le Tribunal fait observer que, du point de vue pratique, étant donné la tendance des prévisions économiques à perdre de leur fiabilité dans la mesure où leur horizon est plus lointain, lors d’un réexamen, le Tribunal s’est habituellement fié davantage ou a accordé plus d’importance aux éléments de preuve concernant ce qui est susceptible d’arriver à court ou à moyen terme sur le marché, plutôt que ce qui peut arriver à long terme. Par exemple, dans le cadre du réexamen no RR-90-001 [18] , le Tribunal a déclaré :

Il est impossible, pour le Tribunal et les fournisseurs, de prévoir de façon précise ce qui se passera sur le marché des tubes à moyen et à long terme. Le marché et le secteur technologique pourraient changer, et une telle situation pourrait donner lieu à une forte hausse ou à une forte baisse de la demande potentielle [19] .

En réalité, ainsi qu’il est discuté ci-après, dans le cadre du présent réexamen, le Tribunal a accordé plus de poids aux prévisions jusqu’à la fin de 1999, qu’à celles concernant l’an 2000 et au-delà.

ANALYSE

Aux termes de l’article 76 de la LMSI, le Tribunal doit, à la fin d’un réexamen, annuler ou proroger une ordonnance ou des conclusions, avec ou sans modification. Pour arriver à sa décision, le Tribunal doit examiner deux questions fondamentales. En premier lieu, il doit décider de la probabilité d’une reprise du dumping si les conclusions sont annulées. S’il conclut à la probabilité d’une reprise du dumping, le Tribunal doit alors déterminer si ce dumping est susceptible de causer un dommage sensible à la branche de production nationale. Avant d’examiner les deux questions fondamentales susmentionnées, le Tribunal a étudié les changements de la conjoncture du marché des branches de production canadienne et américaine de placoplâtre, depuis la période qui a donné lieu aux conclusions initiales. Le Tribunal a considéré qu’il s’agissait là d’un exercice utile, puisque les parties qui appuient une prorogation des conclusions ont soutenu que la conjoncture actuelle du marché ressemble de près à celle qui prévalait avant les conclusions rendues par le Tribunal en 1993, tandis que les parties qui appuient une annulation des conclusions ont défendu le point de vue opposé.

Changement de la conjoncture du marché

Pour examiner dans quelle mesure les circonstances peuvent avoir changé sur le marché depuis les conclusions initiales, le Tribunal a examiné l’accumulation d’éléments de preuve au dossier concernant les branches de production canadienne et américaine de placoplâtre. Dans son analyse, le Tribunal a d’abord examiné les facteurs qui ont mené au dumping du placoplâtre avant ses conclusions de 1993. Il a ensuite examiné la question de savoir si ces facteurs continuent d’exister aujourd’hui.

Canada

Lorsque le Tribunal a rendu ses conclusions en 1993, l’économie canadienne se remettait lentement de la récession. Cette récession a été plus marquée au Canada qu’aux États-Unis. Elle a aussi duré plus longtemps au Canada, et plus particulièrement dans le secteur de l’habitation qui est demeuré faible bien après la fin de la récession générale. Cette faiblesse a eu une incidence négative sur la demande de placoplâtre. La récession a aussi été plus grave dans l’Est du Canada que dans l’Ouest canadien, où elle a débuté plus tard et a été moins prononcée que dans le reste du Canada.

La gravité de la récession au Canada a eu une incidence directe et négative sur la demande de placoplâtre et sur le rendement de la branche de production nationale de placoplâtre. Le marché canadien du placoplâtre a connu une baisse de 18 p. 100 entre 1989 et 1991. En 1991, le taux de la capacité totale de la branche de production nationale était de 57 p. 100, en baisse par rapport à 86 p. 100 en 1989. Les prix de vente moyens du placoplâtre ont baissé de 20 p. 100 entre 1990 et septembre 1992. Les exportations vers les États-Unis ont chuté de 76 p. 100 et ne représentaient que 4 p. 100 des ventes globales de placoplâtre, en baisse par rapport à 13 p. 100 en 1989. Le revenu net de la branche de production nationale a chuté, passant de 58,0 millions de dollars en 1989 à moins de 1,0 million de dollars en 1991. Durant les huit premiers mois de 1992, la perte rapportée par la branche de production a été de 5,5 millions de dollars.

Depuis les conclusions du Tribunal, l’économie canadienne a connu une croissance modeste, mais soutenue. Cependant, les mises en chantier ont accusé un long retard par rapport à la croissance économique globale. Le nombre de mises en chantier a baissé, passant de 168 000 unités en 1992 à 111 000 unités en 1995, leur nombre le plus bas en 30 ans. Bien que le nombre de mises en chantier ait augmenté à 125 000 unités en 1996, il est demeuré bien au-dessous des niveaux des années 1992-1994. Cette faible activité a entraîné une baisse de 17 p. 100 du marché national du placoplâtre entre 1992 et 1996.

Bien que le marché national du placoplâtre n’ait pas été robuste au cours des cinq dernières années, la branche de production nationale a connu un très bon rendement. La rentabilité de la branche de production nationale s’est nettement améliorée au cours de la période, la marge bénéficiaire brute atteignant 28 p. 100 en 1996, en hausse par rapport à 8 p. 100 en 1992. Au cours de la même période, les revenus nets ont atteint presque 39,0 millions de dollars par rapport à une perte de 5,5 millions de dollars. La branche de production nationale fonctionnait à 86 p. 100 de sa capacité en 1996, une amélioration considérable par rapport au taux d’utilisation de 64 p. 100 en 1992. Ces résultats positifs ont largement été attribuables à la capacité de la branche de production nationale d’accroître le volume de ses exportations de placoplâtre aux États-Unis. Les exportations vers les États-Unis ont atteint 835 Mpi² en 1996, en hausse par rapport à 126 Mpi² en 1992, c.-à-d. une augmentation de 563 p. 100. En 1996, les ventes à l’exportation représentaient 28 p. 100 des ventes globales de produits de gypse, par rapport à seulement 5 p. 100 en 1992.

Le tableau 1 présente un aperçu des résultats consolidés de la branche de production nationale pour le placoplâtre dans cette cause. Il montre le niveau de réussite atteint par la branche de production depuis la publication des conclusions au début de 1993. La manifestation la plus évidente de cette réussite est le rendement financier de la branche de production nationale au cours de la période visée par le réexamen, celui-ci s’étant amélioré à cause de la forte activité d’exportation et de l’augmentation du niveau des prix du placoplâtre au Canada.

TABLEAU 1

RÉSULTATS CONSOLIDÉS DE LA BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE
POUR LE PLACOPLÂTRE

(000 $)

 

 

 

 

 

 

De janvier à juin

 

1992

1993

1994

1995

1996

1996

1997

Ventes nettes

260 410

285 163

331 722

298 386

309 272

140 161

155 686

Coût des marchandises
vendues


236 121


238 508


261 205


240 121


223 768


104 860


115 893

Marge bénéficiaire
brute


24 289


46 655


70 517


58 265


85 504


35 301


39 793

(en pourcentage)

 

 

 

 

 

 

 

 

De janvier à juin

 

1992

1993

1994

1995

1996

1996

1997

Ventes nettes

100

100

100

100

100

100

100

Coût des marchandises
vendues


91


84


79


80


72


75


74

Marge bénéficiaire
brute


9


16


21


20


28


25


26

Nota :

1. GP Canada n’a pas pu extraire les dépenses à l’exportation de ses dépenses globales de production de gypse; elles sont donc incluses.

2. L’exercice financier de CGC et de GP Canada se termine le 31 décembre. L’exercice financier de Westroc se termine le 31 mars. Les données de l’exercice financier de 1993 de Westroc (avril 1992 à mars 1993) sont ajoutées aux données de l’année civile 1992 de CGC et de GP Canada.

Source : Protected Pre-Hearing Staff Report, le 23 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-004-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 21.29.

La branche de production nationale de placoplâtre a connu d’importants changements, tant structurels qu’organisationnels, depuis 1992. En 1996, GPC a acheté les actifs canadiens de production de placoplâtre de Domtar. Westroc a augmenté sa capacité en achetant Nova Gypsum, située à MacAdam, et a rouvert l’usine qui avait mis fin à ses activités en 1991. USG, qui possédait auparavant 67 p. 100 des actions en circulation de CGC, a acheté toutes les autres actions en circulation. La mise sous séquestre d’Atlantic, le plus petit producteur national, a pris fin en février 1993, après sa fermeture en juin 1992.

États-Unis

La récession de la fin des années 80 et du début des années 90 aux États-Unis, combinée à la crise financière des institutions d’épargne et de prêts aux États-Unis, a entraîné une baisse de 12 p. 100 de la demande de placoplâtre entre 1989 et 1991. Le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production américaine de placoplâtre a baissé, passant de 87 p. 100 à 75 p. 100, tandis que les prix de vente ont baissé, passant de 85 $US/kpi² à 70 $ US/kpi², soit une baisse de 18 p. 100.

Au cours de la même période, des producteurs américains représentant 60 p. 100 de la capacité de production de la branche de production américaine de placoplâtre étaient engagés dans la procédure de faillite en vertu du chapitre onzième. USG, le plus grand producteur de placoplâtre aux États-Unis, et National, le deuxième plus grand producteur, ont émergé de la procédure de faillite en vertu du chapitre onzième en 1993. Celotex Corporation, un troisième producteur américain, a cessé de faire l’objet de la protection de la procédure de faillite en 1996.

Les obligations croissantes relatives au service de la dette et les restrictions de crédit correspondantes se sont combinées pour faire des rentrées de fonds un impératif pour les producteurs américains de placoplâtre. Ces sociétés ont donc vendues du placoplâtre pour répondre à leurs besoins de liquidité, et ce, même à des prix non rentables [20] .

Il convient de mentionner qu’au cours de la même période les usines n’ayant qu’une seule ligne de produits étaient exploitées à pleine capacité malgré l’important repli de l’économie américaine et ont contribué à l’offre excédentaire de placoplâtre.

Une telle situation a débordé sur le marché canadien où les ventes des produits américains ont été faites par l’intermédiaire de ventes directes effectuées par des producteurs américains, des agents et des courtiers en marchandises. À cette époque, les fournisseurs américains ont contourné les consortiums d’achat canadiens, qui représentaient une proportion importante des ventes nationales, et ont vendu directement aux membres de ces consortiums.

L’intervention de courtiers était une chose nouvelle sur le marché canadien et a eu un effet particulièrement perturbateur. Le placoplâtre offert par les courtiers américains provenait d’un vaste éventail de producteurs américains, y compris ceux du Centre Sud des États-Unis, ainsi que des grands producteurs nationaux. Les courtiers se procuraient le placoplâtre, non pas en l’achetant directement aux fabricants, mais en l’achetant à des tiers sur le marché libre. C’est ainsi que les courtiers ont pu offrir aux acheteurs canadiens du placoplâtre provenant de producteurs, comme National, qui ne faisaient normalement pas affaires avec eux.

Dans les conclusions qu’il a rendues en 1993, le Tribunal a conclu que les importations de placoplâtre des États-Unis ont comprimé les prix canadiens vers des prix toujours plus bas à cause du dumping. Le Tribunal a fait observer que le sous-ministre du Revenu national avait déterminé que la marge moyenne de dumping était légèrement supérieure à 27 p. 100, ce qui, de l’avis du Tribunal, constituait une énorme marge de réduction sur un marché de produits de base où même une petite différence de prix peut entraîner d’importants déplacements des achats des clients.

Par opposition à la période de 1989 à 1991, il y a eu d’importants changements au cours des cinq dernières années aux États-Unis dans l’économie, le marché du placoplâtre et la structure de la branche de production de gypse. Durant cette période, l’économie des États-Unis a connu une croissance soutenue. La vigueur du secteur de l’habitation et de l’activité commerciale, y compris la croissance du secteur de la rénovation et de la réparation, a eu une incidence considérable sur le marché du placoplâtre comme en témoigne l’augmentation de 28 p. 100 de la demande durant cette période. La demande croissante a mené à une augmentation soutenue de l’utilisation de la capacité de la branche de production américaine de produits de gypse et, en 1996, le taux d’utilisation a atteint 95 p. 100.

Les prix de vente du placoplâtre aux États-Unis ont constamment augmenté depuis leur bas niveau record en 1991-1992. En 1997, ces prix de vente étaient d’environ 40 p. 100 plus élevés que ceux de 1992. L’escalade rapide des prix reflète trois majorations de prix apportées en 1997. La stabilité des prix s’est par ailleurs améliorée sur le marché des États-Unis. Cette situation est attribuable en partie au fait que plusieurs producteurs ont cessé de vendre du placoplâtre par l’intermédiaire des courtiers.

En ce qui concerne son rendement financier, la branche de production américaine de placoplâtre a de nouveau dépassé le seuil de rentabilité après avoir subi des pertes considérables en 1991-1992. Beaucoup de producteurs des États-Unis ont profité de ces résultats positifs en réduisant considérablement leur dette depuis 1992. Un grand producteur des États-Unis a récemment indiqué qu’il prévoit appliquer 50 p. 100 de ses gains à la réduction de la dette et le reste, à l’amélioration des immobilisations.

Depuis 1992, la branche de production américaine de placoplâtre s’est regroupée et restructurée. Le nombre de producteurs américains a baissé de 2, et se chiffre maintenant à 11. Le nombre d’entreprises exploitant une seule ligne de produits a baissé de moitié. Certaines entreprises de ce type, comme Boral Gypsum et Eagle, ne possèdent plus d’usines (Boral Gypsum a été achetée par James Hardie, tandis que Centex a acheté Eagle). Boral Gypsum était l’un des grands exportateurs de placoplâtre au Canada au cours des années antérieures à 1993.

D’importants changements de propriété sont survenus dans la branche de production américaine de placoplâtre en 1995 et en 1996. En 1995, Delcor Inc. a acheté National, le deuxième plus grand producteur américain de placoplâtre. En 1996, GPC a acheté les actifs de placoplâtre de Domtar aux États-Unis. Grâce à cet achat, GPC est devenue le troisième plus grand producteur de placoplâtre aux États-Unis et le deuxième plus grand producteur en Amérique du Nord. En outre, à la fin de 1996, Lafarge Gypsum a fait son entrée dans le secteur du placoplâtre des États-Unis en achetant deux des anciennes usines de Domtar.

Situation actuelle aux États-Unis

Depuis six ou sept ans, l’économie des États-Unis connaît une croissance soutenue. Présentement, l’économie des États-Unis est florissante, et la demande de placoplâtre, forte. Les taux d’intérêt et d’inflation sont faibles, et peu d’indices laissent présager une récession aux États-Unis [21] . Les prix de vente du placoplâtre aux États-Unis sont présentement à leur plus haut, comme l’indique le tableau 2. Les résultats de la branche de production américaine de placoplâtre au cours de la période la plus récente, soit le troisième trimestre de 1997, ont dépassé les attentes générales.

Le tableau 2 montre aussi que la branche de production américaine de placoplâtre a atteint un taux d’utilisation de 95 p. 100 de sa capacité durant le premier semestre de 1997. De fait, les éléments de preuve montrent que, dans certaines régions des États-Unis, les producteurs américains opèrent à pleine capacité et appliquent un système de répartition de leurs produits entre leurs clients. De plus, la principale source de placoplâtre sous-évalué en 1992, le Centre Sud des États-Unis, abrite maintenant des installations exploitées à des seuils élevés de leur capacité, à des niveaux de prix relativement rentables.

TABLEAU 2

DONNÉES COMPARATIVES
BRANCHES DE PRODUCTION CANADIENNE ET AMÉRICAINE
DE PLACOPLÂTRE

 

 

 

 

De janvier à juin

 

1994

1995

1996

1996

1997

Capacité canadienne (Mpi²)

3 296

3 390

3 403

1 703

1 781

Taux d’utilisation canadien (%)

 

 

 

 

 

Pour les ventes canadiennes

76

61

62

57

67

Pour les ventes à l’exportation

13

18

24

19

25

Pour les ventes globales

89

79

86

76

92

Capacité américaine (Mpi²)

24 640

25 180

25 900

12 950

13 065

Taux d’utilisation américain (%)

94

92

95

93

95

Prix de vente moyens ($CAN/ kpi²)

 

 

 

 

 

Placoplâtre standard de 1/2 po

 

 

 

 

 

Canada

n.d.

133

138

138

131

États-Unis

n.d.

143

139

135

157

Placoplâtre de 5/8 po de type X

 

 

 

 

 

Canada

n.d.

162

169

169

164

États-Unis

n.d.

162

156

153

173

Mpi² = million de pieds carrés.

kpi² = millier de pieds carrés.

n.d. = non disponible.

Source : Protected Pre-Hearing Staff Report, le 23 septembre 1997, pièce du Tribunal RR-97-004-6 (protégée), dossier administratif, vol. 2 aux p. 21.44, 21.80 et 21.89. Les taux d’utilisation canadiens pour les valeurs estimées des ventes canadiennes et des ventes à l’exportation sont calculés d’après les données sur les ventes reçues de Westroc, CGC et GP Canada.

En résumé, la branche de production américaine a fait l’objet de restructuration et de rationalisation au cours des cinq dernières années. Le marché des États-Unis a connu une forte croissance et demeure florissant. Les prix de vente du placoplâtre aux États-Unis sont maintenant sensiblement supérieurs aux prix canadiens, et le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production américaine est élevé et, présentement, aucun panneau de placoplâtre n’est exporté au Canada. Les producteurs américains considèrent le marché des États-Unis plus attrayant que le marché canadien. Cette situation ne changera vraisemblablement pas bientôt étant donné la forte demande et les prix élevés qui prévalent aux États-Unis. Le Tribunal est d’avis que, à la lumière de cette évolution, la situation du marché d’aujourd’hui est bien différente de ce qu’elle était au moment des conclusions de 1993.

Probabilité de reprise du dumping

Ayant examiné les nouvelles circonstances de la branche de production de placoplâtre tant au Canada qu’aux États-Unis ainsi que la situation actuelle de la branche de production américaine, le Tribunal aborde maintenant l’examen de la question de savoir s’il y a probabilité de reprise du dumping si les conclusions sont annulées. À cet égard, le Tribunal porte son attention sur les trois principaux arguments présentés au cours de la procédure de réexamen.

Les parties qui appuient une prorogation des conclusions ont soutenu que le dumping qui a eu lieu à la fin des années 80 reprendra à la fin des années 90. Plus précisément, la branche de production américaine de placoplâtre est à un point de son cycle économique qui est très similaire à sa situation en 1987. Westroc et GP Canada sont d’avis que la branche de production américaine est au sommet du cycle. La demande est sur le point de diminuer durant une période où il y aura une forte augmentation de capacité supplémentaire et, par conséquent, les sociétés susmentionnées s’attendent à une baisse très marquée du prix du placoplâtre, comme en 1987. Étant donné la proximité géographique du Canada et le fait que les producteurs américains connaissent bien le marché canadien, ces derniers tenteront vraisemblablement de vendre leurs produits sur le marché canadien.

Pour quantifier le lien entre l’utilisation de la capacité et le prix du placoplâtre aux États-Unis, les parties en faveur d’une prorogation des conclusions ont chargé deux experts en économie [22] d’élaborer un modèle économétrique (le rapport Boltuck). À partir d’un éventail d’hypothèses associées à plusieurs variables économiques externes, les économistes ont appliqué le modèle pour établir des projections de la demande, de l’utilisation de la capacité et des prix du placoplâtre aux États-Unis jusqu’à l’an 2000.

Les prévisions présentées indiquent de façon générale que les augmentations de la capacité de production de la branche de production seront plus rapides que les augmentations de la demande de placoplâtre durant la période allant de 1998 à 2000. Une baisse d’utilisation de la capacité est donc prévue. À partir des résultats dans le passé, Westroc et GP Canada ont soutenu que la baisse du taux d’utilisation de la capacité entraînera une diminution du prix du placoplâtre et une reprise du dumping.

Les parties qui appuient une annulation des conclusions ont soutenu que les circonstances ont changé depuis les conclusions initiales. Elles ont invoqué la croissance appréciable du marché américain du placoplâtre, les taux élevés d’utilisation de la capacité de la branche de production américaine et la stabilité financière acquise par la branche de production de placoplâtre. Tout en admettant les prévisions sur la mise en place d’une nouvelle capacité, elles soutiennent que cette nouvelle capacité ne donnera lieu à aucun dumping au Canada.

CGC a chargé deux experts en économie [23] de répondre au rapport Boltuck. D’une façon générale, les auteurs du rapport de réfutation [24] soutiennent que le rapport Boltuck souffre de défauts aux plans conceptuel et empirique. Les principales conclusions énoncées dans le rapport de réfutation sont les suivantes : en premier lieu, le rapport Boltuck est fondé sur des prévisions externes indûment pessimistes; en second lieu, il n’intègre pas les changements de capacité en tant que variable dépendante du rendement dans son modèle; en troisième lieu, il ne reconnaît pas l’importance des écarts entre les divers rendements économiques régionaux.

Le Tribunal est d’avis que la structure de base du modèle présenté dans le rapport Boltuck et les orientations de ses résultats sur les prix du placoplâtre sont cohérentes avec les indications générales qui sous-tendent d’autres éléments de preuve soumis par les parties. D’une façon générale, ces éléments de preuve indiquent que, dans certains intervalles, une baisse de l’utilisation de la capacité est suivie d’une baisse du prix du placoplâtre et qu’une hausse de l’utilisation de la capacité est suivie d’une hausse du prix. Étant donné les intentions déclarées des producteurs américains d’augmenter de façon importante la capacité de production, le Tribunal estime qu’il est crucial de répondre à la question de savoir quelles seront les répercussions probables de la demande et d’autres facteurs sur l’ampleur et l’échéancier de l’augmentation de la capacité. Le modèle économique n’a pas été conçu pour saisir le mécanisme qu’appliquent les producteurs de placoplâtre pour décider le moment d’augmenter ou de diminuer la capacité, l’ampleur d’une telle modification et le lieu pertinent. Pour répondre aux questions susmentionnées, le Tribunal s’est appuyé sur les éléments de preuve présentés par les représentants des branches de production canadienne et américaine de placoplâtre, plutôt que sur le modèle économique.

Pour examiner la question de savoir s’il y a probabilité de reprise du dumping, le Tribunal a d’abord analysé les prévisions soumises quant à la demande de placoplâtre aux États-Unis. En deuxième lieu, il a examiné l’augmentation de la capacité annoncée. En troisième lieu, le Tribunal a considéré les répercussions que la demande et les augmentations de capacité prévues pourraient avoir sur les taux d’utilisation de la capacité. Enfin, le Tribunal a pris en compte les répercussions potentielles d’une modification des taux d’utilisation de la capacité sur l’évolution des prix du placoplâtre aux États-Unis.

De nombreux plans et prévisions, préparés par les producteurs canadiens et américains de placoplâtre, ont été mis à la disposition du Tribunal, tout comme diverses prévisions préparées par des tiers. Le tableau 3 résume certaines des prévisions concernant la capacité, les expéditions et le taux d’utilisation de la capacité de la branche de production américaine de placoplâtre. Les prévisions ont été établies d’après les prévisions soumises par les parties qui appuient une prorogation des conclusions et celles qui appuient une annulation des conclusions. De plus, le résumé tient compte des prévisions préparées par des tiers, comme F.W. Dodge, Morgan Stanley et Dillon Read.

TABLEAU 3

EXPÉDITIONS, CAPACITÉ ET UTILISATION AMÉRICAINES
(1992-2000)

 

1992

1993

1994

1995

1996

Données historiques

 

 

 

 

 

Gypsum Association

 

 

 

 

 

Capacité (Gpi²)

24,11

24,19

24,64

25,18

25,90

Expéditions (Gpi²)

20,18

21,38

23,20

23,07

24,72

Utilisation (%)

84

88

94

92

95

Prévisions

 

1997

1998

1999

2000

Capacité (Gpi²)

 

 

 

 

 

Minimale

 

26,19

27,14

28,40

29,80

Maximale

 

27,90

29,46

30,60

32,40

Moyenne

 

27,05

28,30

29,50

31,10

Expéditions (Gpi²)

 

 

 

 

 

Minimales

 

24,94

24,48

24,10

24,30

Maximales

 

25,90

26,57

27,52

27,61

Moyennes

 

25,42

25,53

25,81

25,955

Utilisation (%)

 

 

 

 

 

Minimale

 

91

88

83

79

Maximale

 

97

96

94

91

Moyenne

 

94,0

92,0

88,5

85,0

Nota : Les prévisions « minimales » et « maximales » qui figurent au tableau représentent les valeurs les plus faibles et les plus élevées des prévisions soumises par les parties pour une année donnée. Elles ne représentent pas les prévisions d’une société en particulier. La même chose s’applique aux valeurs minimales et maximales du taux d’utilisation, qui représentent les valeurs minimales et maximales présentées par les parties pour une année donnée, plutôt qu’une valeur calculée à partir des autres valeurs du tableau. Les prévisions « moyennes » qui figurent au tableau représentent la moyenne des prévisions relatives à huit sociétés particulières concernant la capacité, les expéditions et l’utilisation.

Gpi² = milliard de pieds carrés.

Source : dossier du réexamen no RR-97-004.

Le tableau 3 montre que la valeur moyenne prévue de la nouvelle capacité augmente de près de 15,0 p. 100 de 1997 à 2000. De plus, il montre que la valeur moyenne des expéditions de placoplâtre augmente de très peu de 1997 à 2000 [25] . La valeur moyenne des prévisions des taux d’utilisation de la capacité baisse légèrement, passant à 92,0 p. 100 en 1998, avant de baisser jusqu’à 88,5 p. 100 en 1999 et 85,0 p. 100 en l’an 2000.

Selon le Tribunal, la demande de placoplâtre est principalement attribuable à la demande issue des nouvelles habitations et des mises en chantier de bâtiments commerciaux et, dans une mesure moindre mais de plus en plus, à la demande liée à la rénovation et à la réparation de bâtiments existants [26] , tant résidentiels que commerciaux. Une économie globale forte et en croissance est en général accompagnée d’un marché de l’habitation ferme et d’une demande croissante de placoplâtre. Une économie faible et en décroissance est en général accompagnée d’un marché de l’habitation déprimé et d’une baisse de la demande de placoplâtre. Ainsi, les prévisions sur l’économie et sur la construction de bâtiments résidentiels [27] sont un élément crucial des perspectives de la demande de placoplâtre.

Un grand nombre d’organismes préparent des prévisions sur l’économie dans son ensemble. Un éventail d’hypothèses et de méthodologies sous-tendent leurs prévisions. Elles sont habituellement révisées en cours d’année pour tenir compte des nouvelles données statistiques disponibles et refléter les hypothèses révisées sur les facteurs externes susceptibles d’avoir une incidence sur les prévisions. De même, la fiabilité des prévisions varie généralement en termes de l’exactitude avec laquelle elles prévoient des agrégats économiques ou industriels spécifiques comme la production et les prix. Le Tribunal est d’avis qu’il convient d’accorder plus d’importance à la moyenne des prévisions présentées. De même, le Tribunal croit qu’il convient d’accorder plus d’importance aux prévisions portant jusqu’à la fin de 1999, plutôt qu’aux prévisions concernant l’an 2000 et au-delà.

Comme il est indiqué au tableau 3, la moyenne des prévisions sur les expéditions de placoplâtre en 1998 et 1999 indique la poursuite d’une croissance minime, depuis le sommet enregistré en 1997. Il s’agirait là d’une poursuite de la tendance à la hausse qui s’est maintenue aux États-Unis la plupart des années depuis 1992. Si le ralentissement de la croissance économique globale aux États-Unis devait se transformer en baisse de l’activité globale, alors les prévisions sur les expéditions de placoplâtre accuseraient aussi probablement une baisse, comme l’indiquent les plus faibles prévisions sur les expéditions qui figurent au tableau 3. Le Tribunal fait observer que, même dans une telle éventualité, la baisse des expéditions de placoplâtre en 1999 par rapport à 1997 serait d’environ 3 p. 100, c.-à-d. sensiblement moindre que la baisse d’environ 12 p. 100 des expéditions des États-Unis survenue au cours de la période allant de 1989 à 1991 [28] .

À cet égard, le Tribunal a entendu un témoin de Westroc et de GP Canada et un témoin de James Hardie, selon lesquels les prévisions portant sur les 12 à 18 prochains mois ne laissent pas présager une répétition de la baisse marquée de la demande de placoplâtre aux États-Unis qui s’est produite au cours de la période de 1989 à 1991, et selon lesquels il y aurait un taux de croissance modéré de 2 p. 100 à 3 p. 100 [29] ,[30] . À la lumière des éléments de preuve et de son examen des diverses prévisions déposées dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal est d’avis que le scénario le plus probable est que la demande de placoplâtre aux États-Unis continuera de croître, au moins légèrement, en 1998 et en 1999.

Ayant examiné les perspectives de la demande aux États-Unis, le Tribunal examinera maintenant la question des plans d’augmentation de la capacité. Westroc et GP Canada ont soumis de nombreux éléments de preuve au sujet d’annonces faites par les producteurs des États-Unis concernant leur intention d’augmenter la capacité. Les éléments de preuve au dossier indiquent que la capacité supplémentaire prévue pour la période de 1997 à 2000, combinée avec la quantité d’« augmentation rampante de la capacité » [31] , est estimée à entre 4,5 et 5,0 Gpi².

Le Tribunal est d’avis que la valeur estimative de 4,5 à 5,0 Gpi² d’augmentation de capacité prévue annoncée pour la période de 1997 à 2000 pourrait être quelque peu exagérée puisque le nombre de nouvelles installations qui seront effectivement mises en place peut être influencé par un certain nombre de facteurs, y compris l’échéancier de mise en place de ces nouvelles installations, l’emplacement régional de ces nouvelles installations, les prévisions de croissance régionale, la proximité d’autres usines plus anciennes à prix de revient plus élevé, ainsi que la structure et le comportement de la branche de production de placoplâtre des États-Unis présentement en place.

Divers facteurs peuvent influencer l’échéancier de mise en place des nouvelles installations et ils peuvent entraîner des retards quant au volume réel de la capacité fonctionnelle disponible pour la fabrication de placoplâtre de 1997 à l’an 2000. Ces facteurs comprennent l’obtention de sources fiables de matières premières, l’existence d’un mécanisme complexe d’octroi de licence et d’autorisation, la localisation et l’acquisition des terrains, la commande et l’installation du matériel nécessaire, les questions liées à l’environnement et le climat économique au moment prévu de la mise en service comme telle des nouvelles installations. Ces facteurs accentuent tous le degré de risque associé au respect des dates de démarrage annoncées. À cet égard, le Tribunal est d’avis que les dates de démarrage annoncées de plusieurs des projets représentent la date la plus hâtive possible et que, pour diverses raisons, des retards pourraient se produire.

En plus des retards possibles du démarrage des nouvelles installations, le Tribunal est d’avis que certains facteurs régionaux peuvent amoindrir les répercussions de la capacité additionnelle sur le marché américain du placoplâtre. Les membres de la Gypsum Association reçoivent des données nationales et régionales sur les expéditions et sur la capacité [32] . Les données régionales procurent des renseignements précieux sur les neuf régions des États-Unis reconnues par les membres de la Gypsum Association. Ces renseignements régionaux permettent aux membres de demeurer au fait des taux de croissance régionale, ainsi que de la mesure de leur participation sur chacun de ces marchés. Les renseignements susmentionnés aident aussi les producteurs à mieux planifier les augmentations de capacité sur les marchés régionaux.

À cet égard, les éléments de preuve montrent que certaines nouvelles installations annoncées se situent sur des marchés déficitaires ou à proximité de tels marchés. Par exemple, le témoin de James Hardie a expliqué que la décision d’augmenter la capacité dans la région Pacifique Nord-Ouest a été motivée par le fait qu’environ 50 p. 100 du marché était desservi par des producteurs à prix de revient élevé de l’extérieur de la région et que James Hardie ne pouvait satisfaire la demande du marché [33] . Même après l’achèvement des nouvelles installations de James Hardie à Seattle en 1997, une part du marché doit toujours être approvisionnée par des producteurs de l’extérieur de la région.

En outre, pour plusieurs marchés régionaux, les projections continuent d’indiquer une croissance économique soutenue [34] . Les éléments de preuve laissent croire qu’une part considérable de la capacité supplémentaire projetée est destinée à combler l’insuffisance actuelle et prévue de l’offre de placoplâtre sur certains marchés régionaux comme celui du Pacifique Nord-Ouest, de la Californie et du Centre Sud-Ouest.

De plus, le Tribunal a entendu des témoignages selon lesquels un certain nombre des nouvelles installations seront situées près d’usines plus anciennes à prix de revient élevé. La déclaration du témoin de GPC indique que l’emplacement stratégique des nouvelles installations permettra aux sociétés de choisir de réduire la production pour répondre à la demande, de remplacer la production à prix de revient élevé, d’arrêter et de mettre sous gardiennage des usines ou des lignes de production (dans des circonstances extrêmes) ou de réaménager les installations pour la fabrication d’autres produits selon des avantages économiques de la décision à un moment donné. Sur un marché à forte demande et à prix élevés, les sociétés garderont toutes leurs usines ouvertes, et même les usines à prix de revient élevé. Cependant, advenant une décroissance du marché et la baisse des prix, elles peuvent réduire la production à prix de revient élevé ou, s’il le faut, cesser d’exploiter les installations plus anciennes, une fois que les nouvelles installations à prix de revient moindre seront à même de fonctionner à plein.

Un autre facteur qui peut atténuer l’incidence de la nouvelle capacité se rapporte à la structure davantage consolidée de la branche de production américaine de placoplâtre d’aujourd’hui (c.-à-d. la présence de sociétés intégrées et de plus grande taille ainsi que la disparition d’usines à ligne unique). Une telle consolidation porte le Tribunal à croire que les producteurs américains de placoplâtre ont amélioré leur possibilité et leur capacité, par rapport à 1992, de réduire la production à l’occasion d’un repli de la demande, plutôt que de baisser les prix de beaucoup tout en continuant à produire.

En outre, les producteurs américains ont soutenu que la branche de production américaine de placoplâtre se compose maintenant de sociétés dont l’action sur les marchés est davantage raisonnée en termes économiques [35] . Après avoir survécu aux difficultés du début des années 90, les grands producteurs américains, selon le Tribunal, seront moins enclins à perturber le marché sur lequel ils évoluent tous présentement à des nivaux rentables. À cet égard, le Tribunal est d’accord avec les avocats des exportateurs qui ont soutenu que les producteurs américains s’appliqueront à réduire leurs plans d’expansion en fonction du niveau réel de la demande émergente [36] . De plus, si, comme il a été indiqué, le cycle de la branche de production a tendance à évoluer vers des sommets et des creux moins prononcés et épouse plutôt une courbe plus douce et progressive [37] , le Tribunal considère qu’un tel état des choses appuierait l’affirmation selon laquelle les producteurs américains seront peut-être dans une meilleure position pour gérer les augmentations de leur capacité en fonction des besoins du marché. À cet égard, le Tribunal estime que la branche de production américaine est mieux placée pour gérer la mise en œuvre de ses plans d’augmentation de capacité.

Comme il a été indiqué précédemment, la demande américaine de placoplâtre est présentement élevée, et le taux d’utilisation de la capacité nationale est de 95 p. 100, et même de 100 p. 100 pour certaines sociétés, selon la région. Une telle situation, alliée à la croissance de la demande du marché du placoplâtre au cours des 12 à 18 prochains mois, signifie qu’une certaine partie de la nouvelle capacité est nécessaire pour suivre l’évolution de la demande. Manifestement, les producteurs doivent investir dans de nouvelles installations pour satisfaire aux besoins du marché. Le Tribunal reconnaît que, sur un marché en croissance, la nécessité de conserver sa part du marché est l’un des facteurs qui sous-tend les décisions d’augmenter la capacité de production. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que seule une proportion relativement faible des nouvelles installations dont la mise en place est prévue au cours des 12 à 18 prochains mois pourrait constituer une capacité excédentaire à la demande au cours de la même période.

Ayant examiné les perspectives de la capacité de production américaine de placoplâtre, le Tribunal se penche maintenant sur les taux prévus d’utilisation de la capacité pour la période de 1998 à 2000. Les parties qui appuient une prorogation des conclusions sont d’avis que, même avec une demande stable pour le placoplâtre, le nombre de nouvelles installations annoncées entraînera un niveau beaucoup plus faible de l’utilisation de la capacité aux États-Unis au cours des deux ou trois prochaines années. Certaines données estimatives indiquent que le taux d’utilisation sera de 90 p. 100 en 1998 et baissera jusqu’à 79 p. 100 en l’an 2000.

Les producteurs américains et CGC, d’autre part, soutiennent que, étant donné les nombreux facteurs susceptibles de diminuer le nombre réel de nouvelles installations qui seront mises en place, les taux d’utilisation seront bien au-delà de 90 p. 100 en 1998 et baisseront légèrement en 1999 et en 2000 jusqu’à un pourcentage se situant à un peu moins de 90 p. 100.

Le Tribunal est d’avis que, d’une façon générale, le niveau de la capacité de la branche de production de placoplâtre a tendance à s’accroître pour répondre à la demande réelle et à la demande future prévue. Lorsque la demande fléchie, les ventes diminuent et il s’ensuit naturellement une capacité de production non utilisée. Par conséquent, la capacité nécessaire pour répondre aux besoins de la demande dans les périodes de pointe devient une capacité excédentaire durant une phase de repli. Dans une branche de production comme celle du placoplâtre, où la demande est étroitement liée aux cycles des affaires et au climat économique en général, il s’agit là d’une situation à laquelle il est normal de s’attendre.

Selon le Tribunal, étant donné les niveaux modérés de la croissance de la demande prévue pour le placoplâtre aux États-Unis et étant donné la capacité prévue de la branche de production américaine de placoplâtre au cours de la période de 1998 à 1999, les niveaux moyens d’utilisation de la capacité aux États-Unis ne sont pas susceptibles de chuter abruptement. Comme l’indique le tableau 3, les taux moyens d’utilisation de la capacité aux États-Unis devraient s’établir à environ 92,0 p. 100, en 1998, et glisser jusqu’à 88,5 p. 100, en 1999, un taux qui, selon le Tribunal, n’est pas démesurément faible par rapport aux taux d’utilisation de la capacité aux États-Unis d’environ 75,0 p. 100, en 1991, et 83,0 p. 100, en 1992 [38] . Le Tribunal observe que les valeurs estimatives susmentionnées ne tiennent pas compte de la possibilité que des producteurs des États-Unis ferment certaines installations ou réduisent la production au moyen de la réduction du nombre de quarts de travail [39] pour soutenir le marché et le prix du placoplâtre advenant, de fait, une baisse de la demande.

Même s’il pouvait y avoir une certaine capacité excédentaire par rapport à la demande prévue, le Tribunal est d’avis que le marché américain du placoplâtre, particulièrement au cours des 12 à 18 prochains mois, sera capable d’absorber la majeure partie de la nouvelle production issue des nouvelles installations qui seront vraisemblablement mises en place au cours de la même période. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il est probable que les taux d’utilisation de la capacité aux États-Unis baisseront sensiblement à court terme.

Ayant tiré ses conclusions à l’égard des perspectives de l’utilisation de la capacité aux États-Unis, le Tribunal porte maintenant son attention sur les perspectives des prix américains du placoplâtre. Le Tribunal a entendu le témoignage de producteurs canadiens et de producteurs américains selon lesquels, si la branche de production peut maintenir des taux d’utilisation de la capacité voisins des 90 p. 100, les prix du placoplâtre devraient demeurer relativement stables. Lorsque les niveaux d’utilisation tombent sous les 90 p. 100, les prix aussi commencent à baisser [40] . À cet égard, étant donné les hauts taux d’utilisation de la capacité actuels, le Tribunal est d’avis qu’il existe une certaine marge de manœuvre et qu’une certaine modération de la demande pourrait se produire sans avoir d’incidence considérable sur les prix du placoplâtre. De plus, à la lumière du témoignage selon lequel les producteurs américains reconnaissent que leurs usines à prix de revient élevé limitent leur efficience, ces usines pourraient être les premières à être exploitées à des taux d’utilisation moindres, ou même à faire l’objet d’un arrêt de production, au moment où le besoin ou l’occasion se présentera.

Bien que les parties qui appuient une prorogation des conclusions aient soutenu avec vigueur qu’il existe un lien direct entre les taux d’utilisation de la capacité et les prix, le Tribunal observe que les éléments de preuve au dossier indiquent qu’il existe beaucoup d’autres facteurs qui ont également une incidence sur les prix du placoplâtre. Par exemple, certains facteurs régionaux peuvent influer sur les prix [41] ,[42] , comme la vigueur ou la faiblesse de la demande, ce qui a des répercussions sur les besoins en capacité, l’intensité de la concurrence, la proximité du marché à des usines à prix de revient élevé ou faible, le coût des matières premières des producteurs dans une région donnée, la conjoncture économique [43] et la vente de placoplâtre aux courtiers [44] .

Ainsi, compte tenu de l’influence des nombreux différents facteurs sur les prix, le Tribunal n’est pas d’avis qu’il est probable qu’il y aura une baisse du prix du placoplâtre aux États-Unis d’une ampleur similaire à celle qui a eu lieu entre 1989 et 1991.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que l’interaction entre les prévisions quant à la poursuite d’une croissance modeste de la demande de placoplâtre et les nouvelles installations projetées qui seront susceptibles d’être réellement mises en place aux États-Unis ne donnera pas lieu à l’existence d’une capacité excédentaire suffisamment importante pour soit faire chuter les prix aux États-Unis soit, et c’est là un élément encore plus important, créer une pression au point de pousser les producteurs des États-Unis à vendre du placoplâtre au Canada à des prix sous-évalués.

Selon le Tribunal, les producteurs américains choisiraient plutôt de retarder la mise en place de nouvelles installations si la demande ne justifie pas ou ne soutient pas cette mesure, ou réduiraient la production de placoplâtre, ou l’arrêteraient complètement, à leurs usines moins efficientes à prix de revient élevé. De telles décisions d’affaires rationnelles limiteraient nécessairement le nombre de nouvelles installations qui seraient mises en place lors d’un ralentissement du marché et, par voie de conséquence, les niveaux d’utilisation ne s’effondreraient pas.

De plus, les éléments de preuve montrent que les producteurs américains de placoplâtre bénéficient présentement d’un marché vigoureux aux États-Unis, de niveaux de production records et de prix élevés. Les éléments de preuve convainquent le Tribunal que les niveaux de prix actuels et prévus au Canada ainsi que les niveaux actuels élevés des prix et de la demande de placoplâtre aux États-Unis ne sont guère de nature à inciter les producteurs des États-Unis à vendre du placoplâtre au Canada maintenant ou dans un proche avenir.

Le Tribunal reconnaît qu’il existe une possibilité que se réalisent certaines des prévisions les plus pessimistes concernant la demande, la capacité, l’utilisation et les prix du placoplâtre sur le marché américain pour la fin de 1999 et au-delà. Cependant, puisque les prévisions à plus long terme sont soumises à un degré d’incertitude plus grand, le Tribunal est d’avis qu’il convient d’accorder plus de poids à ce qui peut arriver dans un avenir rapproché plutôt que dans un avenir plus lointain. Le Tribunal ne peut proroger les conclusions en se basant sur la possibilité que quelque chose de négatif puisse arriver dans un avenir plus lointain.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut, en résumé, qu’il n’y a aucune probabilité de reprise du dumping du placoplâtre au Canada.

Étant donné une telle conclusion au sujet de la probabilité de dumping, il n’est pas nécessaire que le Tribunal examine la question de la probabilité de dommage sensible causé par une reprise du dumping. Toutefois, le Tribunal tient à présenter certaines observations sur la situation de la branche de production nationale.

Situation de la branche de production nationale

Le Tribunal observe que le rendement des producteurs nationaux a été positif malgré l’absence de croissance soutenue des secteurs de la construction résidentielle et non résidentielle au Canada.

Le Tribunal est d’avis que les perspectives de la branche de production nationale à la fois sur le marché intérieur et sur le marché d’exportation semblent bonnes. Les récentes prévisions indiquent que le nombre de mises en chantier au Canada pour l’ensemble de 1997 dépassera de 19 p. 100 celui de 1996. Les prévisions pour l’année 1998 indiquent une augmentation supplémentaire de 10 p. 100 du nombre de mises en chantier [45] . De plus, la poursuite des ventes à l’exportation, de l’avis du Tribunal, demeurera la clé de la réussite soutenue de la branche de production nationale. À cet égard, certains indices portent à croire que les exportations aux États-Unis de la branche de production canadienne pourraient augmenter de 9 p. 100 en 1998 et demeurer stables en 1999 [46] . Rien n’indique que ces perspectives favorables pour la branche de production nationale sont susceptibles de changer dans un avenir prévisible. Comme il l’a déjà déclaré, le Tribunal accorde plus d’importance aux prévisions concernant un avenir rapproché qu’à ce qui pourrait se passer, à plus long terme, au-delà de 1999. Le Tribunal est d’avis qu’il convient d’adopter une telle position étant donné le degré croissant d’incertitude qui accompagne ce qui pourrait arriver dans un avenir plus lointain.

En résumé, les résultats financiers positifs de la branche de production nationale, combinés à un rendement à l’exportation particulièrement vigoureux et à des augmentations de l’emploi et des taux d’utilisation de la capacité, sont tous des éléments positifs. La branche de production nationale s’est servie de la période où les conclusions étaient en vigueur pour transformer ses pertes en gains importants et pour consolider sa position sur les marchés national et d’exportation, dans un contexte d’augmentation des prix de ventes.

CONCLUSION

Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal annule, par la présente, les conclusions concernant le placoplâtre originaire ou exporté des États-Unis.


1. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47.

2. Conclusions, le 20 janvier 1993, Exposé des motifs, le 4 février 1993.

3. Gazette du Canada Partie I, vol. 131, no 26, le 28 juin 1997 à la p. 1894.

4. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

5. Le Tribunal a publié les ordonnances et les exposés des motifs le 26 septembre et le 1er octobre 1997, respectivement.

6. Lettre du Tribunal à Mme Swick-Martin, Ogilvy Renault, datée du 4 novembre 1997.

7. Le gypse de désulfuration (en anglais : desulphogypsum) est un sous-produit du processus d'élimination de l'anhydride sulfureux qui est utilisé par certaines centrales thermiques alimentées au charbon. Ce produit, auparavant un déchet destiné à l'enfouissement, est maintenant transformé en un produit de placoplâtre recyclable très pur.

8. L'âme des panneaux de placoplâtre se désagrège facilement.

9. Gpi² = milliard de pieds carrés. Les prévisions varient selon la quantité de l'augmentation rampante de la capacité prévue chaque année.

10. Supra note 2, Exposé des motifs à la p. 12.

11. kpi² = millier de pieds carrés.

12. Mpi² = million de pieds carrés.

13. Pièce de l'exportateur E-1 (protégée), paragr. 45, dossier administratif, vol. 14.

14. Signé à Marrakech le 15 avril 1994 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1996).

15. Barres d'acier inoxydable et fils d'acier inoxydable coupés en longueurs, originaires ou exportés du Brésil, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, du Japon, de la République de Corée et de l'Espagne, Ordonnance et Exposé des motifs, le 20 juillet 1990.

16. Accord relatif à la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, signé à Genève le 12 avril 1979.

17. Supra note 15, Exposé des motifs à la p. 10.

18. Certains tubes en nickel et en alliage de nickel, sans soudure, importés du Japon ou autrement introduits sur le marché canadien par un fabricant, un producteur, un vendeur ou un exportateur du Japon, Tribunal canadien du commerce extérieur, Ordonnance et Exposé des motifs, le 21 décembre 1990.

19. Exposé des motifs, ibid. à la p. 13.

20. Supra note 2 à la p. 11.

21. Les éléments de preuve au dossier sur lesquels le Tribunal doit fonder sa décision ne comprennent aucune information liée aux mouvements économiques survenus dans les pays asiatiques au cours du dernier trimestre de 1997. Il n'a donc pas été possible de prendre en compte les répercussions éventuelles de ces mouvements sur l'économie des États-Unis en 1998.

22. Richard D. Boltuck et Frederick L. Joutz.

23. Andrew R. Wechsler et Lawrence P. Schwartz.

24. Pièce du fabricant D-23, dossier administratif, vol. 11C.1.

25. Les valeurs prévues les plus élevées en ce qui concerne les expéditions révèlent un accroissement de près de 7 p. 100 de 1997 à 2000.

26. Dillon Read, Equity Research , le 30 mai 1997.

27. Pièce du fabricant A-16 (protégée), onglet 1, « Construction Market Forecasting Service 1998-2002, Third Quarter, 1997 », dossier administratif, vol. 12.1.

28. Pièce du Tribunal RR-97-004-26.1, dossier administratif, vol. 5.3 à la p. 19.

29. Transcription de l'audience publique, vol. 4, le 17 novembre 1997 à la p. 876.

30. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 5, le 19 novembre 1997 à la p. 482.

31. L'augmentation rampante de la capacité se produit à mesure que les entreprises acquièrent de l'expérience supplémentaire en production et qu'elles peuvent produire davantage avec les installations en place.

32. La Gypsum Association publie aussi des données sur les exportations et a récemment commencé à faire rapport des exportations selon le pays de destination.

33. Transcription de l'audience publique, vol. 6, le 19 novembre 1997 à la p. 1243.

34. Transcription de l'audience publique, vol. 6, le 19 novembre 1997 aux p. 1248 et 1288.

35. Transcription de l'audience publique, vol. 6, le 19 novembre 1997 à la p. 1311.

36. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 5, le 19 novembre 1997 à la p. 495.

37. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 2, le 13 novembre 1997 à la p. 36.

38. Pièce du Tribunal RR-97-004-26.1, dossier administratif, vol. 5.3 à la p. 19.

39. Transcription de l'audience à huis clos, vol. 4, le 18 novembre 1997 aux p. 428 et 429, et vol. 5, le 19 novembre 1997 à la p. 495.

40. Transcription de l'audience publique, vol. 5, le 18 novembre 1997 à la p. 1041.

41. Transcription de l'audience publique, vol. 5, le 18 novembre 1997 à la p. 1117.

42. Pièce de l'exportateur E-5 (protégée), dossier administratif, vol. 14.

43. Transcription de l'audience publique, vol. 1, le 12 novembre 1997 à la p. 134.

44. Transcription de l'audience publique, vol. 2, le 13 novembre 1997 à la p. 337.

45. Pièce du Tribunal RR-97-004-RI-5H, dossier administratif, vol. 10.4B à la p. 1025.

46. Ibid. à la p. 1027.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 27 mars 1998