LES INDUSTRIES GENESPORT LTÉE

Décisions


LES INDUSTRIES GENESPORT LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-91-122

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 24 février 1993

Appel n o AP-91-122

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 novembre 1992 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 14 mars 1991 relativement à une demande de réexamen en application de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LES INDUSTRIES GENESPORT LTÉE Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant a importé des couteaux Balisong - appelés couteaux pliants à cran d'arrêt - des États - Unis au Canada. Ces marchandises ont été saisies à la frontière par Douanes Canada. La question en litige consiste à déterminer si ces couteaux doivent être classés dans le numéro tarifaire 8211.93.00 de l'annexe I du Tarif des douanes ou s'il s'agit d'armes prohibées au sens de l'alinéa b) de la définition d'«arme prohibée» donnée au paragraphe 84(1) du Code criminel qui ont été correctement classées par l'intimé dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les éléments de preuve ont montré que les couteaux importés sont des couteaux pliants à cran d'arrêt. Il ressort clairement de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause Sa Majesté la Reine c. Debra Vaughan que ces couteaux sont des marchandises au sens de l'alinéa b) de la définition d'«arme prohibée» qui figure au paragraphe 84(1) du Code criminel. Les marchandises sont donc correctement classées dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 25 novembre 1992 Date de la décision : Le 24 février 1993
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Mark Kmec, pour l'appelant Rosemarie Millar, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) le 14 mars 1991 conformément au paragraphe 63(3) de la Loi.

L'appelant est un fournisseur de pièces d'équipement d'arts martiaux. Le 27 février 1989, les couteaux qu'il a importés des États-Unis ont été classés par un agent de Douanes Canada dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes [2] en tant que marchandises prohibées. À ce titre, les couteaux ont été saisis par le ministère du Revenu national (Revenu Canada). Ces couteaux - des couteaux Balisong - ont été vendus à l'appelant par Hokkaido Karate Equipment MFG. Corp. (Hokkaido), une société sise dans l'État de New York. La facture jointe par l'appelant à son mémoire montre que cette entreprise est une société américaine lui appartenant à part entière. Cette facture définit également les marchandises vendues à l'appelant comme étant des «Style 722 Korean Kamakaze BF Teflon 5 - 1/2 knives» ([traduction] couteaux pliants à cran d'arrêt Kamazake de la Corée, modèle 722, en téflon de 5 ½ po ) et des «Style 723 Butterfly Silver/BLK 5 - 1/2 Knives» ([traduction] couteaux pliants à cran d'arrêt noirs, modèle 723, en argent de 5 ½ po).

La question en litige consiste à déterminer si les couteaux pliants à cran d'arrêt doivent être classés dans le numéro tarifaire 8211.93.00 de l'annexe I du Tarif des douanes ou s'il s'agit d'armes prohibées au sens de l'alinéa b) de la définition d'«arme prohibée» donnée au paragraphe 84(1) du Code criminel qui ont été correctement classées par l'intimé dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.

M. Tibor Schonbrun, président de la société Les Industries Genesport Ltée, a été le premier témoin de l'appelant. Il a déposé quant à la nature des couteaux en question et quant à celle des opérations qui avaient conduit à la saisie des marchandises en question. Il a également produit un couteau (pièce A-1) de modèle no 720, qui, a-t-il précisé, lui avait été remis par Douanes Canada. Lors du contre-interrogatoire, il a confirmé que les couteaux en question étaient définis comme étant de modèles nos 722 et 723 sur la facture de l'exportateur, Hokkaido.

M. Philip Gelinas, dont le Tribunal a accepté la comparution à titre de témoin expert sur les arts martiaux, a également témoigné pour le compte de l'appelant. Il a expliqué au Tribunal l'importance de différentes armes dans les arts martiaux et a décrit l'évolution et la fabrication des couteaux Balisong. Au cours du contre-interrogatoire, M. Gelinas a témoigné que les couteaux ne s'ouvraient pas automatiquement et que les pièces A-1, B-1 et B-2 (les deux dernières ayant été déposées par l'intimé) étaient toutes des couteaux Balisong, c'est-à-dire des couteaux pliants à cran d'arrêt.

Mme Luci Williams, de Revenu Canada, a comparu pour l'intimé. Responsable de l'administration du contrôle de l'importation des armes à feu et des armes diverses au Canada, elle est l'agent chargé du présent appel. Mme Williams a déclaré qu'afin de pouvoir examiner les marchandises en question dans le but de déterminer si elles étaient réellement des couteaux pliants à cran d'arrêt, elle a pris contact avec le bureau régional de Montréal et demandé qu'un échantillon de chaque type de couteaux dont il est question dans le présent appel lui soit envoyé à Ottawa. À la suite de cette demande, elle a reçu les deux couteaux déposés à titre de pièces B-1 et B-2. Mme Williams a également déposé à titre de pièce B-3 une enveloppe contenant une note d'envoi mentionnant explicitement Les Industries Genesport Ltée.

L'avocat de l'appelant a d'abord plaidé que l'intimé aurait dû classer les marchandises en question dans le numéro tarifaire 8211.93.00 de l'annexe I du Tarif des douanes plutôt que dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes. Le numéro tarifaire invoqué par l'avocat a trait aux «[c]outeaux autres qu'à lame fixe». L'appelant a soutenu que lorsque le législateur établit un numéro tarifaire précis, il faut se pencher d'abord sur la disposition précise plutôt que sur la disposition générale qui l'accompagne éventuellement. L'avocat a également soutenu qu'au moment de l'importation des marchandises en question, il y avait une ambiguïté ou un doute juridique quant à la question de savoir si les couteaux pliants à cran d'arrêt tombaient sous le régime de l'alinéa b) de la définition d'«arme prohibée» donnée au paragraphe 84(1) du Code criminel. L'avocat a plaidé que, sur le motif de cette ambiguïté, le bénéfice du doute aurait dû être donné à l'appelant. Enfin, il a fait valoir que l'élément de preuve constitué par le fait que M. Schonbrun a reçu la pièce A-1 de Douanes Canada n'a pas été réfuté. Cela étant, il a demandé, pour la forme, pourquoi Revenu Canada, compte tenu du fait que le couteau était prohibé, l'a rendu au président de la société Les Industries Genesport Ltée.

Sur ce dernier point, l'avocate de l'intimé a remarqué que l'élément de preuve n'était pas très clair. Elle a ajouté que c'est le classement des marchandises importées par l'appelant qui est en cause. L'avocate a attiré l'attention du Tribunal sur les raisons du juge Beauregard, de la Cour d'appel du Québec, qui était le juge dissident dans la cause R. c. Vaughan [3] . Elle a soutenu que les marchandises en cause dans cette dernière affaire - des couteaux pliants à cran d'arrêt - étaient tout à fait identiques à celles dont il est question dans la présente cause, et a fait observer que celles-ci avaient été considérées par le juge dissident comme des armes prohibées aux termes du Code criminel. En appel, ces motifs ont été entièrement adoptés par la Cour suprême du Canada dans un jugement rendu le 10 décembre 1991 [4] . De l'avis de l'avocate, cette décision de la plus haute cour du pays ne peut être ignorée. Par conséquent, il y a lieu de conclure que les marchandises en question sont des armes prohibées au sens de l'alinéa b) de la définition d'«arme prohibée» donnée au paragraphe 84(1) du Code criminel et qu'elles sont correctement classées dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes. Enfin, elle a qualifié l'importation d'armes prohibées d'importante question d'intérêt public; si certains articles pouvant être importés peuvent aussi être des marchandises prohibées, la première chose à faire est d'examiner si ces marchandises sont prohibées avant de les classer dans d'autres numéros tarifaires, tels que ceux de l'annexe I, par exemple.

Le Tribunal est d'avis que cet appel doit être rejeté. Nul ne conteste que les marchandises en question sont des couteaux pliants à cran d'arrêt. Dans la cause David Stadnyk c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] , la Commission du tarif a statué, le 20 novembre 1987, que les couteaux Balisong ou les couteaux pliants à cran d'arrêt sont des «armes prohibées», dont l'importation au Canada est interdite par la loi. De l'avis du Tribunal, la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Sa Majesté la Reine c. Debra Vaughan ne laisse aucun doute quant au fait que les couteaux pliants à cran d'arrêt sont des marchandises au sens de l'alinéa b) de la définition d'«arme prohibée» qui figure au paragraphe 84(1) du Code criminel. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en question sont correctement classées dans le code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.

L'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. 60 C.C.C. (3d) 87.

4. [1991] 3 R.C.S. 691.

5. [1987] 12 R.C.T. 487; [1987] 15 C.E.R. 143.


Publication initiale : le 26 juin 1997