TECHTOUCH BUSINESS SYSTEMS LTD.

Décisions


TECHTOUCH BUSINESS SYSTEMS LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-206

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 18 septembre 1992

Appel n o AP-91-206

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 juin 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 27 décembre 1991 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

TECHTOUCH BUSINESS SYSTEMS LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant fabrique et vend des dispositifs électroniques. Il achète des marchandises sur lesquelles la taxe a été acquittée comme des transistors, des résistances et des plaquettes de circuits imprimés entrant dans la production des marchandises qu'il fabrique. Le litige porte sur la question de savoir si l'appelant a droit au remboursement de la taxe de vente prévu à l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Il ne fait aucun doute que les composants en question sont des «marchandises libérées de taxe» au sens de l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise. Certains de ces composants faisaient également partie de l'inventaire de l'appelant au 1 er janvier 1991. Les autres avaient été intégrés à des marchandises fabriquées par l'appelant, lesquelles marchandises faisaient aussi partie de l'inventaire à cette même date. Le Tribunal est d'avis que les deux types de composants figuraient à l'inventaire de l'appelant aux fins de fourniture taxable. Par conséquent, le Tribunal déclare que tous les composants figurant à l'inventaire de l'appelant, soit en leur état de réception ou sous forme de composants de produits finis, sont visés par l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise. Par contre, le facteur de taxe prévu par le Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire établi en vertu du paragraphe 120(5) de la Loi sur la taxe d'accise est de 8,1 p. 100, et le Tribunal n'a pas compétence pour le modifier.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 2 juin 1992 Date de la décision : Le 18 septembre 1992
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Charles A. Gracey, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Mark Ellwood, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à la suite d'une décision du ministre du Revenu national confirmant le rejet d'une demande de remboursement de taxe en vertu de la Loi.

L'appelant fabrique et vend des dispositifs électroniques. En tant que petit fabricant, il achetait des marchandises comme des transistors, des résistances et des plaquettes de circuits imprimés entrant dans la fabrication de son «TimeCorder Professional Time Tracking System» à un prix comprenant la taxe de vente. Le 29 janvier 1991, après l'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services (TPS), l'appelant a réclamé un remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire en vertu de l'article 120 de la Loi [2] . La demande de remboursement porte sur des composants dans leur état initial et sous forme de composants de produits finis figurant à l'inventaire de l'appelant.

Le litige porte sur la question de savoir si l'appelant a droit au remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire visée par l'article 120 de la Loi pour les composants qu'il a achetés à un prix comprenant la taxe de vente et faisant partie de son inventaire le 1er janvier 1991, qu'il s'agisse de composants dans leur état de réception ou d'éléments intégrés à des produits finis. Un autre point en litige a trait au facteur de taxe visé par règlement qu'il convient d'appliquer.

Le président de TechTouch Business Systems Ltd., M. Mark Ellwood, a témoigné lors de l'audience. Il a expliqué que l'appelant est en affaires depuis 1989. À cette époque, M. Ellwood s'est adressé au ministère du Revenu national pour savoir si l'appelant pouvait être exonéré de la taxe de vente. On a discuté de la question de savoir si l'appelant pouvait être considéré comme un petit fabricant. M. Ellwood a appris que l'appelant ne pouvait pas obtenir une exemption de taxe de vente fédérale avant que son chiffre d'affaires n'atteigne 50 000 $. L'appelant a donc payé la taxe de vente sur les composants qu'il avait achetés.

Le représentant de l'appelant soutient que si le remboursement n'est pas accordé, la taxe sera perçue deux fois sur les mêmes composants, car la TPS s'ajoutera aux produits fabriqués renfermant des matériaux sur lesquels la TVF a déjà été payée. À son avis, cela ne reflète pas l'objet de la disposition sur le remboursement de la taxe de vente. En outre, une telle situation serait injuste pour l'appelant, qui serait désavantagé au plan fiscal par rapport à d'autres fabricants qui achètent des composants exempts de taxe.

L'avocat de l'intimé a reconnu que les composants en question sont des marchandises sur lesquelles la taxe a été acquittée au sens de l'article 120 de la Loi. Par contre, il s'est reporté à la définition du terme «inventaire» à l'article 120, qui désigne les «marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, [...] sont destinées à la fourniture taxable [...] par vente ou location», et a déclaré que les composants faisant l'objet de la demande de remboursement ont servi à la fabrication ou à la production de produits finis, et non à une fourniture taxable. À ce propos, l'avocat a affirmé que l'appelant a donné «une nouvelle forme, une nouvelle qualité et de nouveaux attributs [3] » aux matériaux et, par conséquent, que de nouvelles marchandises ont été produites. Inversement, les produits fabriqués ne sont pas admissibles à un remboursement parce qu'ils n'ont pas été acquis par l'appelant et que la taxe de vente n'a pas été payée à l'égard de ces produits. L'avocat a admis que le cas à l'étude comportait un certain élément de double imposition en raison du moment de l'achat effectué par l'appelant, mais il a soutenu que la loi doit s'appliquer et que le Tribunal n'a pas compétence pour accorder un redressement équitable.

À l'audience, l'avocat de l'intimé s'est reporté en outre à la définition du terme «inventaire» prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu [4] . À son avis, l'alinéa 20(1)gg) de ladite loi s'applique aux biens que détient un contribuable «en vue d'être vendus ou encore d'être transformés, fabriqués, manufacturés, incorporés ou annexés à des biens [...] ou autrement convertis en ce genre de biens ou utilisés dans l'emballage». Ainsi, conclut l'avocat, cette disposition portait à croire que si le législateur avait entendu viser une catégorie de marchandises plus vaste, il aurait employé, à l'article 120 de la Loi, un libellé semblable.

En premier lieu, le Tribunal constate que l'article 120 figure dans la nouvelle partie VIII de la Loi. Il s'agit d'une disposition transitoire adoptée en raison de l'entrée en vigueur de la TPS. En peu de mots, cette disposition met en place pour un an un programme de remboursement de la TVF pour les marchandises sur lesquelles la taxe a été acquittée qui figurent à l'inventaire le 1er janvier 1991.

Deuxièmement, le Tribunal ne peut pas, à la demande de l'avocat de l'intimé, se fonder sur la vaste définition du terme «inventaire» prévue à l'alinéa 20(1)gg) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour interpréter le sens que revêt ce mot à l'article 120 de la Loi. En effet, l'alinéa 20(1)gg) a été abrogé en 1986 [5] , et il ne convient pas d'utiliser une version antérieure d'une autre loi pour interpréter l'intention du législateur lors de l'adoption d'une nouvelle disposition plusieurs années plus tard.

À l'instar de l'avocat de l'intimé au cours de l'audience, le Tribunal constate que la présente cause comporte des éléments de double imposition, car les marchandises fabriquées par l'appelant seront assujetties à la TPS même si elles renferment des composants sur lesquels la TVF a été payée. Le Tribunal souscrit à la position de la Commission d'appel de l'impôt qui a statué que [traduction] «il n'y a double imposition que si celle-ci est équitable ou que si le libellé de la loi d'imposition est clair et sans équivoque [6] ». Le Tribunal estime que ce principe ne s'applique pas uniquement à l'impôt sur le revenu et qu'il vaut également, comme dans le présent cas, pour l'interprétation des lois relatives à l'imposition des marchandises.

Cela dit, le Tribunal déclare que les définitions énoncées à l'article 120 de la Loi ne justifient pas l'approche restrictive adoptée par l'intimé. Il ne fait aucun doute que les composants en question sont des «marchandises libérées de taxe» au sens de l'article 120. Une bonne partie de ces composants faisaient également partie de l'inventaire de l'appelant au 1er janvier 1991. Les autres avaient été intégrés à des marchandises fabriquées par l'appelant, lesquelles faisaient aussi partie de son inventaire à cette date. Le Tribunal est d'avis que les deux types de marchandises figuraient à l'inventaire de l'appelant et étaient destinées à la fourniture taxable ou, comme le prévoit la définition du terme «inventaire», étaient «destinées à la fourniture taxable [...] par vente ou location». Le Tribunal souligne que le mot «destinées» fait allusion à un événement futur. Par conséquent, les composants destinés aux marchandises fabriquées ne sont pas exclus du champ d'application de l'article 120 dans la mesure où ces dernières sont destinées à une fourniture taxable. Quant aux composants déjà intégrés à des produits finis, ils figuraient également à l'inventaire de l'appelant en prévision d'une fourniture taxable à condition que les produits finis figurent à l'inventaire de l'appelant au 1er janvier 1991. En résumé, le Tribunal déclare que l'expression anglaise «held for taxable supply» et l'expression française «destinées à la fourniture taxable», qui est un peu plus précise, permettent toutes deux de conclure que les marchandises figurant à l'inventaire et destinées à une fourniture taxable devraient être admissibles à un remboursement de la TVF. De plus, s'il y a ambiguïté, le Tribunal estime que celle-ci doit être éclaircie au profit du contribuable, vu l'intention manifeste du législateur d'éviter la double imposition.

En outre, le Tribunal fait remarquer que si le législateur avait eu l'intention d'exclure l'inventaire des petits fabricants du champ d'application des dispositions de remboursement, il lui aurait été très facile de le préciser dans un langage clair.

Enfin, le Tribunal constate que le législateur a évité la double imposition en d'autres circonstances semblables. En vertu de l'article 68.18 de la Loi, la personne qui a payé la taxe de vente à l'égard de marchandises qu'elle détient en inventaire à la date où une licence lui est délivrée a droit au remboursement de la taxe de vente à condition qu'elle aurait pu obtenir ces marchandises exemptes de taxe en vertu du paragraphe 50(5) de la Loi. Comme dans le cas de l'article 68.18, le Tribunal croit que le législateur n'a jamais eu l'intention d'assujettir à la double imposition les composants sur lesquels la TVF a été acquittée et qui figurent à l'inventaire d'une personne au 1er janvier 1991, que ce soit dans leur état de réception ou sous forme de composants de produits finis. Au contraire, ces composants sont admissibles à l'allégement fiscal concernant la taxe de vente prévu à cet article.

En conséquence, le Tribunal déclare que tous les composants figurant à l'inventaire de l'appelant, que ce soit dans leur état de réception ou sous forme de composants de produits finis, sont visés par l'article 120 de la Loi. Toutefois, le facteur de taxe prévu par le Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire [7] (le Règlement) établi en vertu du paragraphe 120(5) de la Loi sur la taxe d'accise est de 8,1 p. 100, et le Tribunal n'a pas compétence pour le modifier.

En raison de ce qui précède, le Tribunal admet l'appel en partie et renvoie la question au Ministre afin que celui-ci applique la méthode prévue à l'article 4 du Règlement pour calculer le montant du remboursement à l'égard des composants.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. Voir Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, le Code criminel, la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la statistique et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.C. (1990), ch. 45, art. 12.

3. The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, [1968] R.C.S. 141.

4. S.R.C. (1952), ch. 148, modifié par S.C. (1977-1978), ch. 1, art. 14.

5. L.C. (1986), ch. 55, art. 5.

6. Allfine Bowlerama Limited v. The Minister of National Revenue, [1972] C.T.C. 2603, à la p. 2604.

7. DORS/91-52, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 2, p. 265, le 18 décembre 1990.


Publication initiale : le 2 juillet 1997