DRISCOLL'S DARTS & TROPHIES LTD.

Décisions


DRISCOLL'S DARTS & TROPHIES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-238

TABLE DES MATIÈRES

Appel n o AP-92-238

EU ÉGARD À un appel aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par le ministre du Revenu national le 1er février 1999 aux termes de l'article 24 et du paragraphe 25(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

DRISCOLL'S DARTS & TROPHIES LTD. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

La requête de l'intimé est accueillie, et l'appel est rejeté.


Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question à trancher dans la présente requête consiste à savoir si le Tribunal a compétence pour rejeter un appel pour cause d'inobservation d'une directive du Tribunal. L'appelante, qui a déposé un avis d'appel aux termes de la Loi sur la taxe d'accise dans les délais réglementaires prescrits, n'a pas tenu compte d'une directive du Tribunal visant le dépôt d'un mémoire à l'appui de l'appel.

DÉCISION : La requête est accueillie, et l'appel est rejeté. Le Tribunal est habilité à accueillir la requête de l'intimé en vertu du paragraphe 29b) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur. Le Tribunal est d'avis qu'il peut rejeter un appel en vertu du paragraphe 29b) lorsque l'appelante ne tient pas compte d'une ordonnance ou d'une directive du Tribunal. L'appelante n'a pas tenu compte de deux directives du Tribunal. Le présent appel fait l'objet de report depuis sept ans, l'intimé ayant dû, pendant ce temps, maintenir un dossier actif et tenter de repérer l'appelante. En l'espèce, le Tribunal ne dispose d'aucun autre recours valable. Il n'est pas raisonnable d'exiger de l'intimé qu'il se prépare à une audience et qu'il dépose un mémoire lorsqu'il semble certain que l'appelante ne déposera pas de mémoire et ne comparaîtra pas. De ce fait, le Tribunal accueille par la présente la requête de l'intimé voulant que l'appel soit rejeté aux termes du paragraphe 29b) pour cause d'inobservation, par l'appelante, d'une directive du Tribunal.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 5 janvier 2000 Date de la décision : Le 27 janvier 2000
Membre du Tribunal : Pierre Gosselin, membre présidant
Avocats pour le Tribunal : Gerry Stobo John Dodsworth
Greffier : Anne Turcotte
Parties : M.J. Driscoll, pour l'appelante R. Jeff Anderson, pour l'intimé





L'intimé dans le présent appel a déposé un avis de requête demandant une ordonnance de rejet par le Tribunal de l'appel parce que l'appelante n'a pas déposé de mémoire, bien que le Tribunal lui ait ordonné de le faire, il y a plus de trois ans.

L'appel a été interjeté à l'égard du refus, par l'intimé, de la demande de remboursement de taxe de vente fédérale à l'inventaire de l'appelante. Le déroulement des événements subséquents à l'interjection de l'appel paraît ci-dessous.

1. Le 4 décembre 1992, l'appelante a interjeté appel aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] , à l'égard d'une décision rendue par l'intimé aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

2. Le 7 février 1993, l'appelante a demandé un report de deux mois de la date limite pour le dépôt de son mémoire écrit.

3. Le 16 février 1993, le Tribunal a fait droit à la demande susmentionnée et a ordonné à l'appelante de déposer ledit mémoire au plus tard le 13 avril 1993.

4. Dans une lettre soumise le 27 avril 1993, M. Robert E. Skelly, député de Comox-Alberni, a demandé au nom du président de la société Driscoll's Darts & Trophies Ltd., M. M.J. Driscoll, un autre report de la date limite pour le dépôt du mémoire de l'appelante.

5. Cette deuxième demande a aussi été accueillie par le Tribunal et la nouvelle date limite a été fixée au 31 mai 1993.

6. Le 28 mai 1993, l'appelante a demandé un autre report de la date limite pour le dépôt de son mémoire. L'appelante a demandé que l'appel soit laissé en suspens jusqu'à ce qu'une décision soit rendue dans l'affaire Techtouch Business Systems Ltd [2] et a demandé d'obtenir un délai de deux mois suivant la publication de ladite décision pour le dépôt de son mémoire. Le 2 juin 1993, le Tribunal a avisé l'appelante qu'il acceptait de différer l'audience de l'appel jusqu'à ce que la Cour fédérale du Canada rende une décision dans l'affaire Techtouch et a accordé à l'appelante un délai supplémentaire de 60 jours suivant la date de la décision susmentionnée pour le dépôt de son mémoire.

7. Le 29 octobre 1996, le Tribunal a avisé l'appelante que, puisque l'affaire Techtouch avait été abandonnée, l'appelante devait déposer son mémoire au plus tard le 18 décembre 1996.

8. L'appelante n'a pas déposé de mémoire.

9. Le 1er février 1999, l'intimé a déposé un avis de requête en rejet de l'appel.

10. Le 25 septembre 1999, un avis a paru dans la Gazette du Canada indiquant que l'intimé avait déposé un avis de requête voulant que l'appel soit rejeté et précisant que malgré ses efforts, il s'était avéré impossible pour le Tribunal de repérer M. Driscoll et que, par conséquent, le Tribunal ordonnait à l'appelante de lui exposer, au plus tard le 18 octobre 1999, les raisons pour lesquelles le présent appel ne devrait pas être rejeté, comme il l'était demandé dans l'avis de requête.

POSITION DES PARTIES

L'intimé a soutenu que, en omettant de déposer son mémoire, l'appelante a pleinement manqué à son obligation de se conformer aux règles et aux directives du Tribunal. L'intimé a soutenu que le Tribunal a compétence pour rejeter une affaire pour cause de retard, en application de la règle 5 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [3] , particulièrement lorsque la règle 5 est interprété à la lumière des règles 29 et 46.

L'intimé a déclaré que l'abandon de l'appel par l'appelante justifie aussi le rejet de son appel. L'intimé a soutenu que le Tribunal est maître de sa procédure et a compétence pour rejeter une affaire pour cause de retard en vertu des pouvoirs que lui confère le paragraphe 17(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [4] .

Finalement, l'intimé a soutenu que de récentes décisions rendues par le Tribunal [5] corroborent pleinement la position de l'intimé en l'espèce, que l'appel ne serait probablement pas admis de toute façon et que l'appelante, ayant été informée de la jurisprudence pertinente, a vraisemblablement décidé de ne pas poursuivre l'appel.

Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, l'appelante n'a répondu ni à l'avis de requête ni à l'avis que le Tribunal a fait paraître dans la Gazette du Canada du 25 septembre 1999, dans lequel le Tribunal a ordonné à l'appelante de lui exposer les raisons pour lesquelles le présent appel ne devrait pas être rejeté.

DÉCISION

Dans l'affaire S-MRNDA c. Unicare Medical Products [6] , le Tribunal a déterminé qu'il n'avait pas compétence pour rejeter un appel pour cause d'abandon. Le Tribunal a expliqué que les dispositions pertinentes de la Loi sur le TCCE et de la Loi sur les douanes [7] imposent clairement au Tribunal l'obligation d'offrir à une appelante, qui a déposé un avis d'appel dans les délais prescrits, l'occasion d'être entendue dans le cadre d'une audience. Le Tribunal a aussi rejeté dans cette affaire l'argument soulevé par l'intimé dans son avis de requête, selon lequel le Tribunal est maître de sa propre procédure. D'agir ainsi serait une tentative par le Tribunal de restreindre, sous prétexte d'une question de procédure, le droit accordé à l'appelante d'être entendue à l'audience.

Cependant, les Règles du TCCE ont été promulguées en 1991 et n'étaient donc pas en vigueur au moment où la décision a été rendue dans l'affaire Unicare. De ce fait, le Tribunal n'aurait pu tenir compte de l'effet de la règle 29 dans des circonstances d'inobservation, par une partie, d'une ordonnance ou d'une directive du Tribunal. Il vaut la peine d'envisager l'application éventuelle de la règle 29 en vue de l'annulation d'appels dans les cas les plus flagrants. Il est indispensable que le Tribunal dispose d'un certain mécanisme pour contrôler la gestion de son volume de travail.

Le Tribunal est d'avis que le paragraphe 29b) actuel des Règles du TCCE l'autorise à annuler un appel pour cause d'inobservation d'une directive du Tribunal. Bien qu'il puisse éventuellement s'ensuivre des conséquences graves pour la partie contrevenante, rien dans la décision rendue dans l'affaire Unicare n'empêche le Tribunal d'interpréter de la sorte le paragraphe susmentionné. Le Tribunal est d'avis qu'une telle interprétation du paragraphe 29b) est raisonnable dans les cas extraordinaires où une partie refuse tout simplement de se conformer aux ordonnances ou aux directives du Tribunal. Lorsqu'une partie n'a pas déposé de mémoire ou pris de mesures nécessaires pour poursuivre une procédure, contrairement à une ordonnance ou une directive en ce sens du Tribunal, le Tribunal peut, après avoir considéré divers facteurs, tels ceux énoncés ci-dessous, décider d'annuler l'appel. Ces facteurs incluent :

1. un retard indu à poursuivre un appel;

2. l'inobservation, non motivée à la satisfaction du Tribunal, d'une directive;

3. un dommage causé à l'autre partie par un report;

4. l'absence de tout autre recours valable.

Le Tribunal est d'avis que les critères ci-dessus sont satisfaits en l'espèce. Manifestement, un retard considérable a été imposé à l'appel. Celui-ci a été interjeté en 1992 et il n'y a pas eu de communication directe avec ou de la part de l'appelante depuis 1996.

L'appelante n'a avancé aucun motif pour justifier son inobservation. En fait, il semble que l'appelante n'ait pas l'intention de poursuivre la procédure. En l'espèce, il ne serait pas raisonnable d'exiger de l'intimé qu'il se prépare à une audience, ce qui comprend le dépôt d'un mémoire, dans une situation où il semble certain que l'appelante ne déposera pas de mémoire et ne comparaîtra pas.

L'appelante ne s'est pas conformée aux règles et aux directives antérieures que le Tribunal lui a communiquées par lettre, relativement au dépôt de pièces, ni à l'avis publié le 25 septembre 1999 dans lequel le Tribunal a ordonné à l'appelante de déposer un mémoire et de lui exposer les raisons pour lesquelles le présent appel ne devrait pas être rejeté. Étant donné ce qui précède et puisque le Tribunal ne dispose d'aucun autre recours valable, le Tribunal accueille par la présente la requête de l'intimé voulant que l'appel soit rejeté aux termes du paragraphe 29b) des Règles du TCCE pour cause d'inobservation par l'appelante d'une directive du Tribunal.

À la lumière de ce qui précède, la requête est accueillie et l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985, c. E-15.

2. Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, no du greffe T-70-93 [ci-après Techtouch].

3. D.O.R.S. /91-499 [ci-après Règles du TCCE]. La règle 29 indique, sous la rubrique « Inobservation », ce qui suit : Le Tribunal peut, lorsqu’une partie à une procédure ne se conforme pas aux présentes règles ou à une ordonnance ou à une directive du Tribunal, prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes : a) suspendre la procédure jusqu’à ce qu’il soit convaincu du respect des règles, de l’ordonnance ou de la directive; b) rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée.

4. L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

5. Jostens Canada c. M.R.N. (le 28 avril 1994), AP-92-195 (TCCE), et Harry M. Guenberg, la Cie. Synoda Co. c. M.R.N. (le 5 avril 1994), AP-92-252 (TCCE).

6. (Le 30 avril 1990), 2437, 2438, 2485, 2591 et 2592 (TCCE) [ci-après Unicare].

7. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.


Publication initiale : le 15 février 2000