LIGHTOLIER, UNE DIVISION DE CANLYTE INC.

Décisions


LIGHTOLIER, UNE DIVISION DE CANLYTE INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-205

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 19 octobre 1993

Appel n o AP-92-205

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 avril 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 14 août 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LIGHTOLIER, UNE DIVISION DE CANLYTE INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant fabrique divers produits d'éclairage, dont des luminaires composés de cadres de montage installés dans les plafonds et de garnitures de réflecteur. La question dans les présents appels consiste à déterminer si les cadres de montage ainsi que les garnitures de réflecteur vendus par l'appelant sont des matériaux de construction aux termes de l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi sur la taxe d'accise ou de l'alinéa 2f) du Règlement relatif à la taxe de vente sur les matériaux de construction adopté aux termes de l'article 35 de la partie I de l'annexe IV de la Loi sur la taxe d'accise, auquel cas ces marchandises sont assujetties au taux réduit de la taxe de vente prévu par l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISIONS : Les appels sont admis en partie. La preuve révèle que les cadres de montage sont généralement installés de façon permanente lors de la construction, et le fait qu'ils puissent être installés après que la construction d'un bâtiment est terminée, aux fins de rénovation par exemple, ne modifie en rien leur caractère de matériaux de construction. Qui plus est, les cadres de montage, au même titre que les prises de courant murales, font partie d'un système d'alimentation en électricité. Toutefois, les garnitures de réflecteur n'ont strictement rien à voir avec l'alimentation en électricité et sont purement esthétiques et fonctionnelles lorsqu'il est question de la diffusion de la lumière.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 avril 1993 Date des décisions : Le 19 octobre 1993
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Michèle Blouin, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Claude P. Desaulniers, pour l'appelant Stephane Lilkoff, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de trois décisions rendues par le ministre du Revenu national ratifiant un avis de cotisation (appel no AP-92-205) et deux avis de détermination (appel no AP-92-217).

L'appelant fabrique et vend à des distributeurs des luminaires encastrés, c'est-à-dire des cadres de montage et des garnitures. Les présents appels sont interjetés devant le Tribunal au motif que les ventes ont été faites au taux régulier de la taxe de vente au lieu du taux réduit.

En bref, le Tribunal doit déterminer si les cadres de montage ainsi que les garnitures de réflecteur pour luminaires vendus par l'appelant sont des matériaux de construction conçus pour être installés en permanence dans un système d'alimentation en électricité aux termes de l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi ou de l'alinéa 2f) du Règlement relatif à la taxe de vente sur les matériaux de construction [2] (le Règlement) adopté aux termes de l'article 35 de la partie I de l'annexe IV de la Loi, auquel cas ces marchandises sont assujetties au taux réduit de la taxe de vente prévu par l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi.

M. Orfalio Lalli, ingénieur et vice-président, Ingénierie chez Lightolier, a déposé en faveur de l'appelant à titre de témoin expert en génie électrique. M. Lalli a d'abord décrit le cadre de montage Lytecaster modèle n° 1102, le modèle le plus populaire, fait d'acier protégé par une couche de zinc et comportant quelques parties en aluminium. Ce modèle est installé au plafond lors de la construction et comprend un adaptateur qui doit recevoir une lampe, ainsi qu'un boîtier de raccordement où doit entrer l'approvisionnement électrique. En fait, le boîtier peut contenir ce qui est appelé les fils de dérivation qui permettent l'utilisation du circuit électrique pour d'autres cadres de montage puisqu'il appert que la majorité des projets requièrent l'installation de plusieurs de ces cadres. Ce boîtier a aussi pour fonction d'isoler les fils afin d'empêcher les chocs électriques. Quant aux garnitures qui complètent les luminaires, elles sont installées une fois la construction presque terminée. M. Lalli a aussi traité d'autres modèles de cadres de montage semblables au Lytecaster modèle n° 1102 en ce qui a trait à leur installation et leurs principaux composants, mais qui comportent quelques caractéristiques particulières : soit le Lytecaster modèle no 1102IC qui est entouré d'un boîtier métallique protégeant les matériaux de construction contre l'excès de chaleur que peuvent dégager les lampes; le Calculite modèle no FRM 7002 muni d'un déflecteur de chaleur qui permet l'élimination rapide de la chaleur; le Calculite modèle no FRM 8021 qui comprend un ballast pour l'utilisation de lampes fluorescentes soumises à une tension légèrement différente; et, finalement, le Calculite modèle no FRM 7027 qui contient un transformateur qui rend possible l'utilisation de lampes à halogène de 12 volts.

M. Lalli a exprimé l'opinion que, pour chaque modèle de cadres de montage, ce sont les lampes qui constituent le point de consommation de l'électricité. Selon M. Lalli, ce n'est qu'une fois la lampe installée et le circuit fermé que les watts peuvent être mesurés et qu'il y a consommation d'électricité, celle-ci étant alors transformée en d'autres sources d'énergie, soit chaleur et lumière, lorsqu'elle atteint le filament de tungstène de la lampe.

M. Serge Sabourin, ingénieur principal en électricité pour les Services professionnels et techniques du ministère des Travaux publics, a ensuite témoigné pour l'intimé à titre d'expert en génie électrique. M. Sabourin a émis l'opinion que l'alimentation cesse au point d'entrée de l'électricité dans un bâtiment, c'est-à-dire là où est pris le mesurage identifiant la consommation d'électricité. Par la suite, l'électricité passe par le tableau de distribution qui, avec les disjoncteurs, permet d'acheminer l'électricité en toute sécurité vers différents équipements. Établissant un parallèle avec une prise de courant murale et une fiche de raccordement d'un lampadaire, M. Sabourin a expliqué que le boîtier de raccordement des cadres de montage a les mêmes fonctions que la fiche et qu'il permet d'éviter la présence de fils nus à l'intérieur du plafond. Tout comme la fiche, le boîtier de raccordement permet de raccorder les fils sans tension aux fils sous tension et sert donc d'intermédiaire. En contre-interrogatoire, M. Sabourin a établi la distinction entre alimentation, distribution et consommation; l'alimentation cessant au point d'entrée du bâtiment, là où commence la distribution jusqu'à la consommation par un appareil électrique.

L'avocat de l'appelant a prétendu que l'essentiel du débat est de déterminer si les marchandises en cause sont installées dans un système d'alimentation en électricité au sens des arrêts Lovell Lighting Ltd. c. Le ministre du Revenu national [3] et Rova Products Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national [4] . L'avocat a soutenu que, au contraire de l'arrêt Lovell Lighting, les marchandises en cause ne font pas partie d'un système qui consomme de l'électricité car seule l'ampoule en consomme. L'avocat a soumis à ce propos que dans le cas des lampes à halogène, les transformateurs ne font que permettre l'alimentation à 110 ou 120 volts au lieu de 12 volts et que, dans le cas des ballasts pour néons, leur faible consommation de 20 p. 100 ne doit pas être pris en compte. En dernier lieu, l'avocat de l'appelant a affirmé que, suivant l'arrêt Rova Products, l'alinéa 2f) du Règlement peut viser des marchandises même si elles font partie d'un système consommant de l'électricité, pourvu qu'elles fassent également partie d'un système d'alimentation en électricité comme c'est le cas des cadres de montage qui alimentent une ampoule électrique.

L'avocat de l'intimé a déclaré que les cadres de montage ne sont pas des matériaux de construction et que les dispositions d'exemption en cause contiennent une liste exhaustive de matières premières et d'articles nécessaires à la construction d'un bâtiment ou d'un autre projet de construction. Selon lui, les cadres de montage ne servent qu'à rendre le bâtiment plus confortable, ne font qu'assurer l'éclairage d'une pièce au même titre qu'un lampadaire et, de surcroît, ils ne sont pas utilisés pour la construction de bâtiments ni pour les rendre habitables. De l'avis de l'avocat, les cadres de montage font partie d'un système qui consomme de l'électricité, car les parties des luminaires en cause interagissent ensemble pour produire de la lumière, comme le démontrent certains modèles de cadres de montage munis de ballasts ou de transformateurs. En fait, les cadres de montage et les garnitures de réflecteur sont, au sens de l'arrêt Rova Products, des équipements périphériques au système d'alimentation en électricité. De plus, l'avocat a établi un rapprochement entre, d'une part, les cordons de raccordement de téléphones à une prise murale pour téléphone de l'arrêt Rova Products qui n'ont pas été considérés comme faisant partie du système d'alimentation et, d'autre part, les fiches de raccordement des appareils électriques. Il a soutenu que les boîtiers de raccordement des cadres de montage ont la même fonction, c'est-à-dire ils servent à raccorder le système d'alimentation au système de consommation. L'avocat de l'intimé a conclu en mentionnant que les divers composants des cadres de montage n'ont aucune fonction d'alimentation, mais permettent plutôt une installation efficace, sécuritaire et esthétique.

Le Tribunal est d'avis qu'il est difficile de conclure que la partie I de l'annexe IV de la Loi ou le Règlement est exhaustif puisque ces textes sont truffés d'exemples où des termes génériques sont employés afin, semble-t-il, de ne pas limiter l'exemption à des matériaux de construction spécifiques, nommés ou connus, pourvu que leur utilisation cadre avec la nature et l'objet de n'importe quel article qui y est énuméré. Par ailleurs, il est clair que ces textes ne visent pas seulement les matériaux qui sont nécessaires à la construction d'un bâtiment ou qui le rendent habitable. Il est également évident que ces textes n'excluent pas nécessairement les matériaux plus ou moins utiles qui n'ont que des fonctions esthétiques ou d'agrément. L'article 28 de la partie I de l'annexe IV de la Loi fait allusion, à titre d'exemple, à des poêles à bois. Or, ces derniers ne sont pas nécessaires à la construction d'un bâtiment et ne le rendent pas obligatoirement habitable en ce qu'ils peuvent très bien n'avoir qu'une fonction esthétique ou agréable. Dans le cas qui nous occupe, la preuve révèle que les cadres de montage sont généralement installés de façon permanente lors de la construction. Le fait qu'ils puissent être installés après que la construction d'un bâtiment est terminée, aux fins de rénovation par exemple, ne modifie en rien leur caractère de matériaux de construction. Le Tribunal conclut donc que ces marchandises sont des matériaux de construction aux fins des dispositions en cause.

Il reste toutefois à déterminer si les cadres de montage font partie d'un système d'alimentation en électricité. Le Tribunal estime d'intérêt de revenir sur les deux arrêts qu'il a rendus sur lesquels se sont appuyés tour à tour les avocats des parties. Dans l'arrêt Lovell Lighting, une distinction a été faite entre l'équipement qui modifie, régularise et contrôle l'alimentation en électricité et celui qui modifie, régularise et contrôle la consommation d'électricité. Le Tribunal a conclu qu'un convertisseur composé d'un transformateur, d'un condensateur, d'un ensemble de démarrage, de fils et de pièces de montage, et travaillant avec un réverbère à vapeur de sodium à haute pression (VSHP) pour produire de la lumière, constituait un système consommant de l'électricité. Dans l'arrêt Rova Products, le Tribunal a décidé que des cordons téléphoniques n'étaient pas des matériaux de construction, mais de simples cordons prolongateurs facilitant l'utilisation d'un équipement périphérique, c'est-à-dire un téléphone. Bien que les cordons téléphoniques consomment également de l'électricité, le Tribunal a conclu néanmoins que les prises murales pour téléphones faisaient partie d'un dispositif d'alimentation en électricité.

Dans le cas présent, le Tribunal conclut que les cadres de montage font partie d'un système d'alimentation en électricité. Les différents modèles de cadres de montage sont sensiblement des appareils identiques, abstraction faite des caractéristiques particulières propres à certains modèles utilisant des transformateurs, des ballasts ou des déflecteurs de chaleur. Bien que certaines de ces caractéristiques font en sorte que ce n'est plus seulement l'ampoule qui consomme l'électricité, la situation de fait qui en résulte est assez éloignée de celle de l'arrêt Lovell Lighting qui mettait en cause un système tout à fait intégré de consommation d'électricité où des convertisseurs placés dans des boîtiers et montés sur des réverbères à VSHP ou installés à l'intérieur ou près de leur dispositif de lumière, en modifiaient, régularisaient et contrôlaient la consommation d'électricité. Ce système en soit pouvait donc être perçu comme le consommateur d'électricité, ce qui n'est pas le cas des différents modèles de cadres de montage en cause où la très grande partie de la consommation se fait par l'ampoule ou le néon, le cas échéant.

Le Tribunal établit aussi un parallèle avec les prises murales pour téléphones de l'arrêt Rova Products. Si ces prises font partie d'un système d'alimentation en électricité alors qu'elles constituent essentiellement le dernier point de raccordement avec l'appareil alimenté, abstraction faite des cordons, il est difficile de concevoir comment il pourrait en être autrement des cadres de montage. La seule distinction que fait l'avocat de l'intimé à cet égard est que le boîtier de raccordement des cadres de montage qui est branché au câble d'arrivée joue le même rôle que la fiche d'un appareil électrique branché à une prise de courant murale. Conséquemment, l'alimentation cesserait lors du branchement au boîtier de raccordement. Le Tribunal note cependant que le témoin expert convoqué par l'intimé est d'avis que l'alimentation cesse au point d'entrée du bâtiment et, qu'à partir de ce point, les composants font partie de la distribution. Sur la base de l'arrêt Rova Products, le Tribunal considère plutôt que, en ce qui a trait aux cadres de montage en cause, l'alimentation cesse à la jonction de la douille avec l'ampoule ou le néon, le cas échéant.

Finalement, malgré l'admission des parties à l'effet que les garnitures de réflecteur ne peuvent être dissociées des cadres de montage et que l'ensemble constitue un tout, le Tribunal est d'avis que ces garnitures ne sont ni du matériel ni de la quincaillerie conçus pour être installés en permanence dans un système d'alimentation en électricité. Ces garnitures sont à la fois esthétiques et fonctionnelles. Elles peuvent être faites de différents matériaux de couleurs diverses. Elles servent surtout à créer des effets recherchés dans la diffusion de la lumière. Bref, les garnitures n'ont strictement rien à voir avec l'alimentation en électricité.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal conclut que seuls les cadres de montage vendus par l'appelant pendant la période en cause sont assujettis au taux réduit de la taxe de vente à titre de matériel et de quincaillerie conçus pour être installés en permanence dans un système d'alimentation en électricité conformément à l'alinéa 2f) du Règlement et à l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi.

En conséquence, les appels sont admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. C.R.C., ch. 587.

3. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o 2925, le 1 er juin 1989.

4. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o 3107, le 18 mars 1992.


Publication initiale : le 5 juin 1997