MERCEDES-BENZ CANADA INC.

Décisions


MERCEDES-BENZ CANADA INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-335

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 15 février 1994

Appel n o AP-92-335

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 septembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 25 novembre 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

MERCEDES-BENZ CANADA INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant est r E9 ‚puté être un fabricant aux termes de la Loi sur la taxe d'accise. Pendant la période en cause, des véhicules automobiles qu'il a importés ont été placés dans les locaux commerciaux de ses concessionnaires pour être vendus directement aux consommateurs. Afin de calculer la taxe de vente à payer, l'appelant a décidé d'utiliser une valeur établie dans un mémorandum ministériel. La taxe de vente a été calculée sur le prix de vente aux concessionnaires indépendants et versée au moment du transfert des véhicules à ses concessionnaires, soit sur le prix de gros plutôt qu'en fonction du prix de vente aux consommateurs, avec versement de la taxe au moment de la vente au détail, comme le prévoit la Loi sur la taxe d'accise. Certains véhicules automobiles se trouvaient encore chez les concessionnaires au moment de l'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services. L'appelant a produit une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire et a obtenu un remboursement fondé sur un facteur de 11,1 p. 100, tel que prévu par le Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire. L'appelant a ensuite produit une autre demande de remboursement, cette fois aux termes de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise, pour la différence entre la taxe de vente versée au taux de 13,5 p. 100 et la taxe de vente qui a été remboursée selon le facteur de 11,1 p. 100 utilisé pour déterminer le remboursement de la TVF à l'inventaire. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit, aux termes de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise, à un remboursement des sommes versées par erreur, le versement ayant été effectué par suite d'une erreur de fait ou de droit ou autrement.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Aucun élément de preuve n'a montré que les dirigeants de l'appelant ont cru à tort que la société devait des taxes lorsqu'elle a versé la taxe de vente au moment du transfert des véhicules automobiles aux concessionnaires de l'appelant, conformément au Mémorandum de l'Accise ET 202. Les dirigeants de l'appelant ont volontairement et sciemment opté pour une méthode avantageuse de versement de la taxe qui différait du langage strict de la Loi sur la taxe d'accise. Après avoir reçu le remboursement aux termes de la disposition sur le remboursement de la TVF à l'inventaire prévue par la Loi sur la taxe d'accise, les dirigeants ont réalisé que la décision, auparavant avantageuse, était soudainement devenue moins intéressante. Cela ne justifie toutefois pas un remboursement, aux termes de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise, des sommes versées par erreur.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 29 septembre 1993 Date de la décision : Le 15 février 1994
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Michèle Blouin, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant John B. Edmond, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit à un remboursement des sommes versées par erreur, le versement ayant été effectué par suite d'une erreur de fait ou de droit ou autrement, aux termes de l'article 68 de la Loi.

Lors de l'audience, M. David L. Leigh, CMA, qui est le Directeur des finances et de l'administration de la société Mercedes-Benz Canada Inc., a témoigné au nom de l'appelant. Pendant la période en cause, M. Leigh occupait le poste de contrôleur de gestion chez l'appelant. Il a expliqué que l'appelant, qui importe des véhicules automobiles et des pièces pour ces véhicules, est réputé être un fabricant aux termes de l'alinéa g) de la définition de «fabricant ou producteur» du paragraphe 2(1) de la Loi. Pendant la période en cause, les véhicules automobiles importés par l'appelant et qui appartenaient à ce dernier ont été placés dans les locaux commerciaux de ses concessionnaires pour être vendus directement aux consommateurs. Afin de calculer la taxe de vente à payer, l'appelant a choisi d'utiliser une valeur établie énoncée dans le Mémorandum de l'Accise ET 202 [2] (le Mémorandum ET 202). Conformément au paragraphe 13 du Mémorandum ET 202, la taxe de vente a été calculée sur le prix de vente aux concessionnaires indépendants et versée au moment du transfert des véhicules à ses concessionnaires, c.-à-d. sur le prix de gros plutôt qu'en fonction du prix de vente aux consommateurs, avec versement au moment de la vente au détail comme le prévoit la Loi. M. Leigh a reconnu que la décision de payer la taxe de vente selon la valeur établie était avantageuse sur le plan des affaires, puisque le gain net de l'appelant était, pendant la période en cause, de l'ordre de 400 $ à 500 $ par véhicule.

M. Leigh a aussi témoigné que certains véhicules automobiles se trouvaient toujours chez les concessionnaires de l'appelant le 1er janvier 1991, au moment de l'entrée en vigueur de la taxe sur les produits et services. L'appelant a donc produit une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire conformément à l'article 120 de la Loi [3] . Le 10 mai 1991, la demande a été admise sur la base d'un facteur de 11,1 p. 100, tel que prévu par le Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire [4] . Le 11 avril 1991, l'appelant a produit une nouvelle demande de remboursement, cette fois aux termes de l'article 68 de la Loi, en vue d'obtenir essentiellement le remboursement de la différence entre la taxe de vente versée au taux de 13,5 p. 100 et la taxe de vente remboursée selon le facteur de 11,1 p. 100 utilisé pour déterminer le remboursement de la TVF à l'inventaire. Cette demande de remboursement fait maintenant l'objet du présent appel.

Dans son mémoire, l'avocat de l'appelant a soutenu que ce dernier avait versé des sommes conformément à la disposition du Mémorandum ET 202, que le Mémorandum ET 202 est une concession administrative et non une loi, et que les sommes ont été payées parce que l'appelant croyait à tort qu'il devait des taxes. Dans sa plaidoirie, l'avocat a ajouté que toutes les sommes versées selon le Mémorandum ET 202 plutôt que la Loi sont des taxes payées par erreur parce qu'elles ont été versées sur une base et à un moment inopportuns. L'avocat a ajouté, en se référant à la cause Jack Herdman Limited c. Le Ministre du Revenu national [5] , que l'appelant a payé la taxe de vente parce qu'il croyait à tort qu'il était légalement tenu de le faire.

Le Tribunal est en désaccord avec l'avocat de l'appelant. Il est clair que, pour avoir gain de cause, il incombait à l'appelant de prouver qu'il avait commis une erreur de fait ou de droit ou autrement. Comme le démontrent la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause The Queen v. Premier Mouton Products Inc. [6] et la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Jack Herdman, l'essence même du mécanisme établi à l'article 68 repose sur le fait que le contribuable doit démontrer qu'il avait une conviction erronée au moment du versement des sommes par erreur et ainsi prouver que les paiements ont été faits par erreur.

Dans la cause Premier Mouton, l'une des questions en litige consistait à déterminer si les dirigeants de la société avaient commis une erreur de fait ou de droit aux termes de l'ancien paragraphe 46(6) de la Loi parce qu'ils avaient accepté de payer la taxe, même s'ils avaient la conviction que la société ne la devait pas et bien que le paiement ait été fait sous réserves. Étant donné que les dirigeants étaient parfaitement conscients de leur position quant à l'obligation fiscale de la société et parce qu'ils savaient que d'autres sociétés avaient refusé de payer la taxe de vente, la Cour suprême du Canada, dans un jugement majoritaire, a conclu que les dirigeants n'avaient pas une conviction erronée lorsqu'ils ont autorisé le paiement des sommes en question. Et bien que le juge Abbott et le juge en chef en soient par ailleurs venus à la conclusion que les dirigeants avaient versé la taxe parce qu'ils ont cru à tort que l'entreprise était tenue de le faire, la Cour suprême du Canada a toutefois unanimement conclu qu'il faut démontrer qu'il y a eu conviction erronée au moment du paiement ou du versement.

La cause Jack Herdman va dans le même sens. Il est, du reste, possible de distinguer cette cause de l'affaire en l'espèce puisque, comme l'ont signalé tous deux le juge en chef Thurlow et le juge Le Dain, dans les motifs concourants, le ministère du Revenu national avait fait valoir au contribuable qu'il était assujetti à la taxe [7] , ce qui explique la conclusion du juge Le Dain selon laquelle «[l]a requérante a payé la taxe en croyant à tort qu'elle était légalement tenue de la payer [8] ».

Dans la présente cause, le témoignage de M. Leigh est très clair : la décision de l'appelant d'utiliser la valeur établie énoncée dans le Mémorandum ET 202 était une décision de gestion offrant des avantages financiers à l'appelant puisqu'elle lui permettait d'économiser des centaines de dollars en taxes sur chacun des véhicules placés chez ses concessionnaires. Aucun élément de preuve n'a montré que les dirigeants de l'appelant ont cru à tort que la taxe de vente était exigible lorsque l'appelant a versé la taxe de vente à ce moment-là, conformément au Mémorandum ET 202. Il semble plutôt que les dirigeants de l'appelant ont volontairement et sciemment opté pour une méthode avantageuse de versement de la taxe qui différait du langage strict de la Loi. Selon le témoignage de M. Leigh, bien que la société n'était tenue de payer la taxe de vente qu'au moment de la vente, elle a continué de verser des sommes à titre de taxe aux termes de la Loi en utilisant la méthode énoncée dans le Mémorandum ET 202, et ce même après avoir reçu des renseignements selon lesquels le remboursement de la TVF à l'inventaire se ferait selon un facteur de 11,1 p. 100. Après avoir reçu le remboursement aux termes de la disposition sur le remboursement de la TVF à l'inventaire prévue par la Loi, les dirigeants ont réalisé que la décision, auparavant avantageuse, était soudainement devenue moins intéressante. Cette constatation, toutefois, ne justifie pas un remboursement de sommes versées par erreur aux termes de l'article 68 de la Loi.

À la lumière de ce qui précède, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Valeurs imposables , Ministère du Revenu national, Accise, le 1 er décembre 1975.

3. L.C. 1990, ch. 45, art. 12.

4. DORS/91-52, le 18 décembre 1990, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, n o 2 à la p. 265.

5. Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-682-81, le 25 mai 1983.

6. 61 D.T.C. 1105 (C.S.C.).

7. Supra , note 5 aux pp. 10 (motifs du jugement) et 8 (motifs concourants du juge Le Dain).

8. Ibid. à la p. 8 (motifs concourants du juge Le Dain).


Publication initiale : le 4 juin 1997