McCAIN FOODS LIMITED

Décisions


McCAIN FOODS LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-338

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 27 janvier 1994

Appel n o AP - 92 - 338

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 juillet 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 24 novembre 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

McCAIN FOODS LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis (dissidence du membre présidant Hines).

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les composants importés d'un ensemble d'entreposage et de manutention de pommes de terre de marque Hansen-Rice sont admissibles à l'exemption de la taxe de vente fédérale aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise à titre de «machines et appareils [...] importés par [les fabricants ou producteurs] pour être utilisés par eux principalement et directement [...] dans la fabrication ou la production de marchandises».

DÉCISION : L'appel est admis. La majorité du Tribunal est convaincue que l'ensemble d'entreposage et de manutention de pommes de terre de marque Hansen - Rice a été spécifiquement conçu comme un système d'entreposage et de conditionnement de pommes de terre. Il a été acheté par l'appelant et mis en place à l'installation de Borden (Île - du - Prince - Édouard) à cette fin particulière. La majorité du Tribunal conclut que les composants importés tombent sous l'application de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise du fait qu'ils sont destinés à être utilisés «principalement et directement [...] dans la fabrication ou la production de marchandises» (dissidence du membre présidant Hines).

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Le 9 juillet 1993 Date de la décision : Le 27 janvier 1994
Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Anthony T. Eyton, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : W. Jack Millar, pour l'appelant Geoffrey S. Lester, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination ratifiée par le ministre du Revenu national le 24 novembre 1992.

L'appelant a importé des États-Unis au Canada des composants spécifiquement conçus pour trois ensembles d'entreposage et de manutention de pommes de terre (les ensembles). Fabriqués par Hansen-Rice Inc., ces ensembles ont été mis en place à l'installation de transformation de pommes de terre de l'appelant située à Borden (Île-du-Prince-Édouard). La taxe de vente fédérale (TVF) a été acquittée sur ces composants au moment de leur importation au Canada. Le 31 mai 1991, l'appelant a demandé un remboursement de la TVF payée. Ce remboursement a été refusé dans la détermination. Un avis d'opposition a été par la suite signifié le 20 septembre 1991. Le 24 novembre 1992, l'intimé a publié un avis de décision ratifiant la détermination. L'appelant a déposé un avis d'appel auprès du Tribunal le 17 février 1993.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les composants importés destinés aux ensembles sont admissibles à l'exemption de la TVF aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi à titre de «machines et appareils [...] importés par [les fabricants ou producteurs] pour être utilisés par eux principalement et directement [...] dans la fabrication ou la production de marchandises».

Les parties conviennent des faits suivants : 1) l'appelant était un fabricant titulaire de licence aux fins de la TVF, 2) les composants ont été importés par l'appelant en vue de l'entreposage de pommes de terre devant servir à la production de produits de pommes de terre à son installation de fabrication de Borden, 3) les composants préfabriqués et importés, destinés aux ensembles, ont été installés sur des fondations en béton, et 4) certaines machines et pièces d'équipement supplémentaires (conduits, ventilateurs, matériel d'humidification et de réfrigération) ont été achetées au Canada et ajoutées aux ensembles par des entrepreneurs locaux.

M. John R. Walsh, phytotechnicien chez McCain Foods Limited, a comparu comme témoin pour le compte de l'appelant. Il a témoigné que l'usine de Borden a été construite en 1991 pour produire des pommes de terre frites. Les composants importés étaient considérés comme une partie intégrante de la construction de cette nouvelle installation de fabrication. En réponse à des questions de l'avocat de l'intimé, M. Walsh a déclaré que ces composants ne remplissaient pas de fonction mécanique ni ne conféraient de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux pommes de terre. En décrivant le processus de production en cause, M. Walsh a expliqué que lorsque les pommes de terre sont reçues à l'usine de Borden, elles sont inspectées et triées en fonction de leurs taille, couleur et défauts. Elles sont ensuite transformées immédiatement ou envoyées aux ensembles. Les pommes de terre destinées à la transformation immédiate sont déchargées, lavées, tranchées selon la forme requise et blanchies. Elles sont ensuite frites, congelées, conditionnées et déposées dans un entrepôt frigorifique en attendant leur livraison aux consommateurs. Il semble que les marchandises produites à l'usine de Borden soient vendues principalement aux États-Unis pour satisfaire les besoins d'institutions.

Quant aux pommes de terre acheminées vers les ensembles, M. Walsh a témoigné que ces ensembles sont spécifiquement conçus et construits en vue de l'entreposage et de la bonification des pommes de terre. Les ensembles coûtent très chers et font appel aux meilleures techniques disponibles pour garantir et préserver la qualité des pommes de terre. Une fois que les pommes de terre sont introduites dans les ensembles, le but est de créer un milieu idéal pour minimiser la détérioration des pommes de terre et améliorer la qualité de celles-ci grâce à une installation de ventilation assez puissante pour faire passer l'air entre les pommes de terre et permettre d'obtenir le degré de température et le taux d'humidité désirés. M. Walsh a également expliqué au Tribunal que les ensembles sont munis d'une installation de ventilation secondaire consistant en une cavité située entre la surface extérieure et le mur intérieur, cavité dans laquelle de l'air est soufflé, et qui contribue au maintien d'une température plus uniforme. Ceci permet d'éviter la condensation sur le mur intérieur ainsi que la présence de points plus froids sur la surface extérieure.

Avant d'en arriver à l'étape de l'entreposage à long terme, les pommes de terre sont séchées, traitées, préconditionnées et refroidies — et ce, à l'intérieur des ensembles. L'entreposage dure normalement de six à sept mois, après quoi les pommes de terre sont utilisées pour la production proprement dite pendant les mois subséquents de mai, juin et juillet. À ce moment, si les pommes de terre n'ont pas la couleur souhaitée, elles sont conditionnées de nouveau. Lorsqu'elles sont prêtes pour la transformation, les pommes de terre qui se trouvent dans les ensembles sont hissées sur un tapis roulant par un dispositif appelé «spudnik», puis acheminées du tapis roulant vers un gerbeur de caisses-palettes et, de là, vers un camion spécial à carrosserie pour le transport de vrac. Ce dernier transporte les pommes de terre jusqu'à une zone de réception dans l'usine de transformation, où elles sont déchargées dans une laveuse. Une distance d'environ 100 m sépare les ensembles et l'usine de transformation.

L'avocat de l'intimé a tenté d'établir, par l'intermédiaire de M. Walsh, que les ensembles pouvaient être utilisés à d'autres fins que l'entreposage des pommes de terre. En réponse, M. Walsh a confirmé qu'il serait possible de placer d'autres objets (p. ex., des véhicules) dans la structure. Cependant, a-t-il précisé au Tribunal, l'appelant ne fait rien de tel. À son avis, compte tenu du coût élevé des ensembles spécialisés, comparé à celui d'installations d'entreposage générales moins chères, il est peu probable que des véhicules ou d'autres marchandises y soient entreposés.

Pour statuer sur l'appel, le Tribunal doit déterminer si les composants préfabriqués destinés aux ensembles constituent des machines et des appareils et si, dans l'affirmative, ces composants ont été importés par l'appelant pour être utilisés principalement et directement dans la production de marchandises.

Pour ce qui est du premier point, l'avocat de l'appelant a plaidé que les ensembles répondent clairement aux critères de définition d'un appareil. Il s'est reporté à cet égard à la jurisprudence, y compris des décisions du Tribunal. Se fondant sur des définitions lexicographiques, il a soutenu que le terme «apparatus» (appareil) a un sens large. C'est ainsi que le mot est défini dans The Random House Dictionary of the English Language [2] comme «any complex instrument or mechanism for a particular purpose» ([traduction] tout instrument ou mécanisme complexe destiné à une fin particulière). Dans le Webster's Third New International Dictionary of the English Language [3] , le même mot est défini comme «a collection or set of materials, instruments, appliances, or machinery designed for a particular use» ([traduction] un ensemble de matériaux, d'instruments, de dispositifs ou de machines conçus en vue d'un usage particulier). L'avocat a allégué que les ensembles étaient une collection de matériaux conçus pour une fin particulière, en l'occurrence, entreposer et conserver les pommes de terre prêtes pour la transformation en temps opportun. Il a cité un certain nombre de précédents à l'appui de la position selon laquelle il n'est pas nécessaire que les marchandises remplissent une fonction mécanique pour être admissibles au statut d'appareils. L'avocat a mentionné en outre la cause Consolidated Denison Mines Limited and The Rio Tinto Mining Company of Canada Limited et al. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [4] dans laquelle la Cour de l'Échiquier a traité de la définition du mot «complex» (complexe), qui désigne une chose qui consiste en parties. De l'avis de l'avocat, les ensembles sont admissibles au statut d'appareils, qu'ils soient considérés comme des parties ou comme un produit entier fini.

Pour sa part, l'avocat de l'intimé a plaidé que les marchandises en question ne sont pas des appareils au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi car elles ne remplissent pas de fonction mécanique et ne sont pas une partie intégrante du processus de production. Autrement dit, en l'absence de ces marchandises, le processus de production pourrait tout de même se dérouler. L'avocat a fait valoir en outre que les ensembles ne peuvent être considérés comme faisant partie d'un système intégré, lui-même utilisé principalement et directement dans le processus de production. Il a soutenu que les marchandises importées, une fois assemblées, ne font que créer un certain environnement favorable à l'entreposage contrôlé des pommes de terre, environnement dans lequel les autres pièces d'équipement (p. ex., les ventilateurs et le matériel de réfrigération) peuvent fonctionner.

Pour ce qui est du deuxième point, l'avocat de l'appelant a exprimé l'avis selon lequel le processus de production commence lorsque les matières premières (les pommes de terre) sont livrées au lieu de production. À cet égard, il s'est reporté au paragraphe 21 du Mémorandum de l'Accise ET 303 [5] (le Mémorandum ET 303), qui stipule que «[l]a production commence dans la zone de réception sur les lieux de fabrication du fabricant, en ce qui a trait aux matières servant à la fabrication ou à la production de marchandises». L'avocat a également fait remarquer que le paragraphe 19 du même document prévoit une exemption de la taxe de vente pour «[l]e matériel acheté [...] par des fabricants ou producteurs qui est destiné à leur propre usage pour contrôler la température et le pourcentage d'humidité de matières en voie de transformation».

L'avocat de l'appelant a longuement invoqué la jurisprudence pour étayer sa thèse selon laquelle les composants étaient utilisés par l'appelant «directement» dans la fabrication de produits de pommes de terre. Il a plus particulièrement mis l'accent sur les décisions rendues par la Cour d'appel fédérale dans les causes Le sous - ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise c. Amoco Canada Petroleum Company Ltd. [6] et Coca - Cola Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise [7] . Dans la première cause, la Cour a conclu qu'il faut donner un sens plutôt large qu'étroit au mot «directement», qui doit ainsi être défini comme signifiant «sans intermédiaire». Dans la deuxième cause, la Cour a conclu qu'il n'est pas essentiel que chaque pièce de l'appareil confère de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux matières transformées et qu'il suffit que l'équipement et l'appareil fassent partie du processus qui confère de nouvelles formes, qualités et propriétés à ces matières. L'avocat a également cité la décision rendue par le Tribunal dans la cause Esso Resources Canada Limited c. Le ministre du Revenu national [8] . À cette occasion, le Tribunal avait déclaré que, pour que les machines ou appareils tombent sous l'application de la clause d'exemption, il doit y avoir un rapport ou lien étroit entre les machines et appareils utilisés dans la production de marchandises et le procédé de production. L'avocat a émis l'hypothèse selon laquelle les marchandises en question, répondaient aux critères établis dans la cause Esso Resources. Dans la même ligne de pensée, l'avocat s'est référé à la décision que le Tribunal a rendue dans la cause BHP - Utah Mines Ltd. c. Le ministre du Revenu national [9] .

Enfin, l'avocat de l'appelant a tenté d'établir une distinction entre la présente cause et la décision que le Tribunal a rendue dans l'affaire Bulk - Stores Structures Inc. c. Le ministre du Revenu national [10] sur le motif que les composants importés par McCain Foods Limited 1) font partie de l'installation de ventilation secondaire, qui fait partie du processus de production, 2) sont conçus spécialement pour l'entreposage de pommes de terre, et 3) sont importés et utilisés par un fabricant dans le processus de production. L'avocat a terminé son argumentation en rappelant spécifiquement l'obligation légale selon laquelle les appareils doivent être utilisés «principalement» dans la fabrication de marchandises. À son avis, il n'a pas été avancé que les marchandises en question n'étaient pas utilisées principalement dans la fabrication de produits de pommes de terre. En fait, l'avocat a déclaré au Tribunal que les marchandises étaient utilisées «exclusivement» à cette fin.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelant n'avait pas démontré que les marchandises en question contribuent à la fabrication ou interviennent dans cette dernière en conférant de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux matières premières, c.-à-d. les pommes de terre. À son avis, la question consiste à déterminer s'il y a ou non un rapport ou un lien de cause à effet entre les composants importés et le résultat final du processus de production, c.-à-d. les produits de pommes de terre, comme les pommes de terre frites. Il a plaidé que les composants importés, avec leur élément isolant, ne contribuent pas à la production de produits de pommes de terre; au lieu de cela, ils fournissent passivement le milieu contrôlé dans lequel les pommes de terre peuvent être entreposées. Il a fait valoir que le rapport ou le «lien» requis n'existe pas dans la présente cause. En conclusion, il a soutenu qu'une distinction ne peut être faite entre la présente cause et l'affaire Bulk - Store, dans laquelle le Tribunal avait conclu que des panneaux de bois modulaires ne jouaient pas un rôle direct dans la transformation des matières premières en produits finis.

De l'avis du Tribunal, il ne fait pas de doute que les ensembles, une fois montés, constituent essentiellement un bâtiment ou une structure semblable sous la plupart des rapports à toute autre installation d'entreposage. De fait, les éléments de preuve dont dispose le Tribunal indiquent qu'avant l'acquisition de ces ensembles, les produits de pommes de terre de l'appelant étaient fabriqués à partir de provisions stockées dans ses propres installations d'entreposage ou dans celles d'agriculteurs, installations qui n'ont pas les attributs prêtés aux ensembles perfectionnés. Ainsi, il semble que le principal avantage des ensembles réside dans leur capacité à contribuer à la conservation et, peut-être, à l'amélioration de la qualité des stocks de pommes de terre non transformées au fur et à mesure que la saison avance. Néanmoins, pour obtenir ce progrès en matière de contrôle de la qualité, il a fallu que diverses matières, pièces et machines soient réunies pour construire les ensembles et permettre à ceux-ci de fonctionner de la façon désirée. Le système n'existerait pas et ne pourrait pas fonctionner si l'un ou l'autre des composants était absent de la structure finie.

En conséquence, le Tribunal estime que les marchandises en question, qu'elles soient considérées chacune comme un produit fini entier ou comme une partie d'un système intégré d'entreposage et de conservation des pommes de terre, répondent aux critères de la définition du terme «appareil». En statuant ainsi sur le premier point à trancher, le Tribunal est particulièrement conscient des décisions judiciaires rendues antérieurement sur cette même question. Des éléments de preuve non contredits établissent clairement que les ensembles sont spécialement conçus et fabriqués pour atteindre un objectif particulier lié à la conservation des pommes de terre. Les ensembles, de concert avec le matériel connexe commandé par ordinateur, les conduits, les ventilateurs et le matériel d'humidification et de réfrigération, exécutent diverses opérations mécaniques destinées à sécher, traiter, préconditionner et refroidir les pommes de terre et les ensembles eux-mêmes.

La seconde question consiste à déterminer si les composants importés sont, aux termes de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, destinés à être utilisés «principalement et directement [...] dans la fabrication ou la production de marchandises». Le Tribunal doit décider plus particulièrement si l'entreposage et le préconditionnement limité des pommes de terre dans les ensembles peuvent être considérés comme tombant sous l'application de l'exemption fiscale.

Tout d'abord, la majorité du Tribunal voudrait faire remarquer que le Mémorandum ET 303 présente comme étant exempté de taxe «[l]e matériel acheté [...] par des fabricants ou producteurs qui est destiné à leur propre usage pour contrôler la température et le pourcentage d'humidité de matières en voie de transformation». Il peut être raisonnablement supposé que cette position repose sur une interprétation de l'exemption fiscale mentionnée au paragraphe ci-dessus. Chose intéressante, le terme «equipment» (matériel) est défini dans The Concise Oxford Dictionary of Current English [11] comme «outfit, tools, apparatus, necessary for expedition, job, warfare, etc.» ([traduction] objets divers, outils, appareils nécessaires à une expédition, un travail, la guerre, etc.). Ainsi, le terme «matériel» comprend les appareils. Il semble que le Mémorandum ET 303 s'applique en l'espèce.

La majorité du Tribunal est d'avis qu'un certain nombre de précédents sont pertinents dans la présente cause. Ainsi, dans l'affaire Horton CBI Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les Douanes et l'Accise [12] , la Commission du tarif a conclu que les réservoirs de stockage de carburant étaient nécessaires pour prémunir l'usine contre une interruption du service du train qui la fournissait normalement. Il apparaît au Tribunal qu'il existe un parallèle entre des réservoirs où est entreposé du carburant destiné à assurer le fonctionnement d'une usine en cas d'urgence et un appareil, comme les ensembles, où les matières premières sont entreposées et préconditionnées en vue d'un complément de transformation. En outre, selon le témoignage de M. Walsh, les pommes de terre entreposées dans les ensembles sont essentielles au fonctionnement continu de l'usine de transformation pendant les trois mois de l'année qui précèdent immédiatement la nouvelle saison de récolte. De l'avis du Tribunal, il semble qu'il y ait un lien plus évident et plus étroit, dans le cas des pommes de terre entreposées, que dans celui de réserves de carburant d'urgence. Le Tribunal a conclu dans la cause Golden Bear Operating Company Ltd. c. Le ministre du Revenu national [13] , que les réservoirs de carburant situés dans un parc de stockage étaient utilisés principalement et directement dans la production de marchandises. Quant à la nature essentielle du parc de stockage en question, c'était celle d'une installation de stockage du carburant nécessaire à la production de l'électricité. Dans un sens analogue, il peut être dit que les ensembles constituent une installation d'entreposage de marchandises (c.-à-d. les pommes de terre) qui attendent d'être transformées.

Dans la cause Amoco, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question de déterminer si des pipelines transportant des hydrocarbures liquides depuis une usine de transformation du gaz jusqu'à une usine de fractionnement étaient utilisés directement dans la production de produits vendables. La Cour a statué que tel était le cas. Sur la question de la proximité étroite, la Cour a déclaré qu'«[e]n l'absence de directives précises dans la Loi, aucun motif rationnel ne nous justifie de fixer arbitrairement ce commencement à un point du genre de ceux que nous avons posés [14] ». L'avocat de l'intimé a tenté d'établir une distinction entre l'affaire précitée et la présente cause sur le motif que le pipeline constitue une connexion directe alors qu'en l'espèce, les pommes de terre sont livrées au moyen de véhicules à carrosserie pour le transport de vrac. La majorité du Tribunal ne considère pas qu'il y a lieu de faire une distinction arbitraire de ce genre pour conclure que le mode de livraison par pipeline offre un lien ou un rapport plus direct que celui qui est offert par des véhicules spécialisés.

De plus, le Tribunal a reçu des éléments de preuve quant aux raisons pour lesquelles les ensembles étaient placés à quelque 100 m ou plus de l'usine de transformation et n'étaient pas directement reliés à celle-ci. Ces raisons avaient trait notamment à la protection incendie, au besoin de laisser de l'espace libre en vue de l'expansion future de l'usine de transformation, et au caractère pratique d'une installation d'entreposage qui donne un accès plus facile aux pommes de terre que si cette installation était reliée directement à l'usine de transformation.

La majorité du Tribunal est d'avis que le membre de phrase «utilisés [...] principalement et directement» vise à exprimer l'idée que la chose concernée intervient directement et principalement dans la fabrication ou la production de marchandises. Ce membre de phrase n'implique ni ne signifie pas nécessairement qu'il doit exister une relation matérielle directe.

Par conséquent, la majorité du Tribunal est convaincue que les ensembles ont été spécifiquement conçus comme un système d'entreposage et de conditionnement de pommes de terre. Il a été acheté par l'appelant et mis en place à l'installation de Borden à cette fin particulière. La majorité conclut que les composants importés tombent sous l'application de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi pour la raison qu'ils sont «utilisés [...] principalement et directement dans la fabrication ou la production de marchandises».

À la lumière de ce qui précède, la majorité du Tribunal admet l'appel.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE PRÉSIDANT HINES

Sur la question de déterminer si les ensembles constituent un appareil, je souscris entièrement aux raisons données par la majorité du Tribunal. Cependant, je ne suis pas d'accord avec le fait que les ensembles sont utilisés principalement et directement dans la fabrication ou la production de marchandises au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Au cours des années, le Tribunal a été saisi de nombreux appels portant sur la question de déterminer si certaines choses sont ou non des «machines et appareils» et si elles sont utilisées «principalement et directement» dans la fabrication de marchandises. Ces causes offrent évidemment au Tribunal une orientation pour le règlement de ces questions, mais, en fin de compte, chaque cause doit être tranchée sur son fond propre. Il en est ainsi notamment parce que l'exemption fiscale est une exception dans la législation fiscale, et qu'il incombe à l'appelant d'établir qu'il a satisfait pleinement aux conditions du texte de loi prévoyant l'exemption.

En l'espèce, les composants importés sont constitués de panneaux en acier de construction préfabriqués et isolés, spécifiquement conçus pour être incorporés dans les ensembles. Les ensembles eux-mêmes ne remplissent aucune fonction mécanique, pas plus qu'ils ne facilitent activement la conversion des pommes de terre en produits de pommes de terre. Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimé quant au fait que les composants importés, une fois intégrés à l'ensemble, créent essentiellement le milieu matériel permettant l'entreposage et la bonification des matières premières, c.-à-d. des pommes de terre. Les progrès techniques attribués aux ensembles sont évidemment avantageux pour les producteurs de produits de pommes de terre; cependant, les ensembles ne sont pas essentiels au processus de fabrication de produits de pommes de terre comme les pommes de terre frites. À cet égard, je fais remarquer que le Mémorandum ET 303 n'accorde pas d'exemption de la TVF au matériel utilisé pour contrôler la température ambiante ou le taux d'humidité des installations de fabrication ou de production.

Selon M. Walsh, les pommes de terre reçues à l'installation exploitée par l'appelant à Borden sont soit acheminées en vue d'une transformation immédiate, soit entreposées dans les ensembles. Dans ce dernier cas, selon les éléments de preuve déposés devant le Tribunal, les pommes de terre sont entreposées pendant quelque six à sept mois, après quoi elles sont transportées par un véhicule à carrosserie pour le transport de vrac jusqu'à l'usine de transformation, située à environ 100 m de là. Ce n'est qu'à partir de ce moment, c.-à-d. lorsque les pommes de terre brutes arrivent à l'usine de transformation, que les pommes de terre qui étaient dans l'ensemble parviennent à l'étape de transformation ou de production. Puis, ces pommes de terre sont traitées de la même manière que les pommes de terre reçues directement des agriculteurs ou des autres installations d'entreposage.

À mon avis, la présente cause porte sur deux opérations distinctes. La première a trait à l'entreposage et au contrôle de la qualité des pommes de terre dans les installations d'entreposage, et la seconde, à la production de produits de pommes de terre aux fins de distribution aux clients. De toute évidence, les composants importés sont principalement et directement utilisés dans la construction de l'installation d'entreposage utilisée dans la première opération. Cependant, j'estime que cette opération est étrangère à l'opération de transformation parce que 1) elle se déroule dans un bâtiment distinct, 2) elle ne contribue pas à la transformation des pommes de terre brutes en produits de pommes de terre, ni ne joue un rôle direct dans cette activité, et 3) elle nécessite l'intervention de matériel de manutention pour transporter les pommes de terre brutes de l'installation d'entreposage jusqu'à l'usine de transformation. Je ne nierais pas qu'il existe une relation entre ces deux opérations, mais, à mon avis, il n'y a pas de lien ou de rapport suffisamment étroit entre les composants importés et la production de produits de pommes de terre.

En conséquence, je rejetterais l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. Deuxième éd., New York, Random House, 1987 à la p. 100.

3. Springfield, Merriam - Webster, 1986 à la p. 102.

4. 63 D.T.C. 1191 (Ex. Ct.).

5. Matériel de production , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 20 mars 1989.

6. Cour d'appel fédérale, n o du greffe A-1845-83, le 3 décembre 1985.

7. [1984] 1 C. F. 447.

8. Appel n o 2984, le 4 décembre 1989.

9. Appel n o AP - 91 - 047, le 19 mars 1993.

10. Appel n o AP-91-161, le 20 juillet 1992.

11. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 326.

12. (1977), 6 R.C.T. 415.

13. Appel n o AP-92-072, le 17 mai 1993.

14. Supra , note 6 à la p. 13.


Publication initiale : le 4 juin 1997