FORD NEW HOLLAND CANADA LTÉE

Décisions


FORD NEW HOLLAND CANADA LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-93-388

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le vendredi 3 février 1995

Appel n o AP-93-388

EU ÉGARD À un appel entendu les 29 et 30 août 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 30 décembre 1993 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FORD NEW HOLLAND CANADA LTÉE Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous - ministre du Revenu national le 30 décembre 1993. L'appelant fabrique et importe des tracteurs et du matériel. Les véhicules faisant l'objet du présent appel, les modèles n os CM 224 et CM 274/274-LR, sont importés sans être munis d'accessoires. Certains des accessoires qui sont utilisés avec les marchandises en cause, comme les plateaux de coupe, sont importés séparément, tandis que d'autres accessoires, comme les souffleuses à neige, sont achetés au pays. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. L'examen de la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé oblige le Tribunal à tenir compte de la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont conçues essentiellement pour pousser une vaste gamme d'accessoires, y compris, mais sans s'y limiter, des plateaux de coupe. En outre, le Tribunal estime que l'examen des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position nº 84.33 mène à la conclusion que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées dans cette position.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Les 29 et 30 août 1994 Date de la décision : Le 3 février 1995
Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant Raynald Guay, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Brenda C. Swick-Martin et Teresa A. Troester, pour l'appelant Ian M. Donahoe, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 30 décembre 1993.

L'appelant fabrique et importe des tracteurs et du matériel. Les véhicules faisant l'objet du présent appel, les modèles nos CM 224 et CM 274/274-LR, sont importés sans être munis d'accessoires. Certains des accessoires qui sont utilisés avec les marchandises en cause, comme les plateaux de coupe, sont importés séparément, tandis que d'autres accessoires, comme les souffleuses à neige, sont achetés au pays.

Les marchandises en cause ont été importées en mai 1993. À l'importation, elles ont été classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres tracteurs. L'intimé a par la suite reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de [traduction] «tondeuses à attelage frontal». L'appelant a déposé une demande de réexamen. Par une décision rendue le 30 décembre 1993, l'intimé a ratifié le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8433.11.00.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8433.11.00 à titre de tondeuses à gazon à moteur, dont le dispositif de coupe tourne dans un plan horizontal, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs, comme l'a soutenu l'appelant.

Les avocates de l'appelant ont convoqué trois témoins. Le premier témoin de l'appelant a été M. William Chrisman, un représentant en matière douanière auprès de Ford New Holland, Inc. (Ford New Holland), une société américaine. M. Chrisman occupe ce poste depuis six ans et demi et il est chargé de toutes les importations au Canada. M. Chrisman a expliqué que l'appelant est une société de fabrication et de commercialisation dont la société mère est aux Pays-Bas. Il a témoigné que le matériel publicitaire de l'appelant décrit les marchandises en cause comme des tondeuses commerciales, soit des tracteurs pour pousser divers accessoires, surtout des tondeuses. Les marchandises en cause peuvent être utilisées avec un certain nombre d'autres accessoires, notamment des tondeuses à fléaux, des souffleuses à neige, des lames avant, des souffleuses à feuilles et à débris, des bacs à herbe et des balais rotatifs.

M. Chrisman a signalé que les marchandises en cause ne sont pas munies d'accessoires au moment de l'importation. Il a ajouté que l'appelant classe habituellement les marchandises en cause dans la position nº 87.01 à titre de tracteurs, et les accessoires, séparément, dans d'autres positions. Selon M. Chrisman, d'autres tracteurs, comme les tracteurs à moteur diesel compacts, importés par l'appelant, sont classés dans la même position que celle dans laquelle l'appelant soutient que les marchandises en cause doivent être classées, et ce classement n'a pas été contesté.

Pour ce qui est d'une décision du U.S. Customs Service ayant trait à des marchandises similaires à celles en cause, M. Chrisman a déclaré que le litige dans cette cause était différent de celui dans le présent appel. Il a mentionné que la décision portait sur un numéro tarifaire différent, soit celui des tracteurs agricoles, et que la décision faisait actuellement l'objet d'un appel.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Chrisman a déclaré que les lettres «CM» représentaient présumément l'expression «commercial mower» (tondeuse commerciale), mais qu'elles pouvaient aussi signifier «commercial machine» (machine commerciale). Il a reconnu que le matériel publicitaire faisait surtout état des tracteurs CM. M. Chrisman n'était pas d'accord avec la description des marchandises en cause selon laquelle il s'agit de tracteurs incomplets parce qu'ils n'ont pas d'autre utilisation finale particulière que de pousser des accessoires. Il n'était pas non plus d'accord que les marchandises en cause transportent des accessoires lorsqu'elles exécutent un travail.

Le deuxième témoin de l'appelant a été M. John D. Riffanacht, qui est ingénieur d'études principal, Équipe des produits de fournisseurs, auprès de Ford New Holland depuis huit ans. Au cours des deux premières années dans ce poste, M. Riffanacht a travaillé à la mise au point finale des marchandises en cause. Il a expliqué que, d'un point de vue technique, les marchandises en cause ont été conçues pour répondre à un besoin de tracteurs plus manœuvrables et productifs dans la gamme de poids des tracteurs à moteur diesel compacts, qui ont un centre de gravité bas et qui peuvent fournir la propulsion et la puissance adE9‚quates pour faire fonctionner de nombreux accessoires différents.

M. Riffanacht a présenté un film vidéo de Ford New Holland pour montrer comment les marchandises en cause fonctionnent et avec quelle facilité les attachements peuvent être changés. Il a aussi traité de la conception de l'attelage du véhicule CM. Il a affirmé qu'un certain nombre de configurations, y compris un attelage trois points, avaient été étudiées mais que, pour faciliter l'utilisation, un attelage deux points avait été retenu. Il a fait remarquer qu'un attelage trois points était offert en option sur la plupart des tracteurs de l'appelant et qu'environ 12 p. 100 des tracteurs de jardin (TJ) sont vendus avec un lot d'attelage trois points. Il a aussi témoigné que les véhicules TJ et les marchandises en cause étaient habituellement munis de pneus à pelouse.

En ce qui concerne la question de savoir si les marchandises en cause «poussent» des accessoires, M. Riffanacht a témoigné que les accessoires sont poussés à l'aide de sabots de patin ou de roues de jauge fixés aux accessoires pour empêcher ces derniers de toucher le sol pendant les travaux. Il a souligné que, lorsqu'un attachement, comme une tondeuse, est en position d'abaissement maximal et qu'un travail est exécuté, il n'est pas transporté par le tracteur, mais plutôt poussé. Il a aussi affirmé que la plupart des accessoires d'environ 90 p. 100 des tracteurs vendus par l'appelant sont actionnés par la prise de force.

M. Riffanacht a indiqué que, selon lui, la norme X547 de l'American Society of Agricultural Engineers (l'ASAE) n'était qu'une norme provisoire pour les tondeuses commerciales à traction avant.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Riffanacht a admis que les brochures de l'appelant décrivent les marchandises en cause comme des tondeuses commerciales. Il était d'avis que plus de la moitié des horse-power d'un véhicule CM peuvent servir à la traction ou comme force de traction. Il a convenu que les marchandises en cause correspondraient à la description des tondeuses commerciales à attelage frontal dans les normes provisoires de l'ASAE de décembre 1992 [3] et de juillet 1994 [4] . M. Riffanacht a aussi reconnu qu'un attachement d'une machine comparable d'un concurrent ne peut être utilisé avec les marchandises en cause. En réponse aux questions du Tribunal, M. Riffanacht a affirmé que les véhicules TJ de l'appelant utilisent des accessoires similaires à ceux employés avec les marchandises en cause.

Le dernier témoin de l'appelant a été M. David F. Schleppi, un spécialiste de la formation et du développement auprès de Ford New Holland. M. Schleppi travaille chez Fort New Holland depuis 1969. De 1987 à 1992, il s'est occupé de la commercialisation, surtout celle des tracteurs compacts. M. Schleppi a témoigné que les marchandises en cause ont été mises au point par suite d'une perte de la part du marché au profit de marchandises similaires produites par d'autres fabricants. Il a indiqué que le marché-cible pour la série CM est l'entretien des terrains, qui se compose d'acheteurs comme les municipalités, les parcs récréatifs, les terrains de camping, les complexes de bureaux, les universités et les terrains de sport. Il a fait remarquer que l'appelant vend en moyenne un accessoire et demi avec chaque véhicule. Il a confirmé que l'appelant offre des chaînes d'adhérence avec les marchandises en cause et que, pour des raisons de climat, relativement plus de chaînes sont vendues au Canada qu'aux États-Unis.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Schleppi a déclaré qu'il s'attend à ce que chaque personne qui achète les marchandises en cause achète aussi un plateau de coupe dont l'utilisation est la plus importante parmi celles des machines. Il n'était pas d'avis que beaucoup de clients achètent plus d'un plateau de coupe, étant donné le coût. Il a indiqué que la souffleuse à neige vient au deuxième rang à titre d'accessoire le plus populaire sur le marché canadien. M. Schleppi ignorait quel pourcentage des clients achète une souffleuse à neige ou tout autre accessoire.

L'avocat de l'intimé a convoqué deux témoins. Le premier témoin a été M. Ron Dods, gestionnaire, Unité des transports, Division des programmes tarifaires du ministère du Revenu national. Ce service est chargé, entre autres, du classement des tracteurs et des tondeuses à gazon. M. Dods a abordé certains des faits liés à deux décisions de la Commission du tarif [5] , la décision rendue par la Commission du tarif dans la cause John Deere Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] , la décision connexe [7] de la Cour d'appel fédérale et les Avis des douanes N-187 [8] et N-707 [9] .

Le deuxième témoin de l'intimé a été M. John B. Sevart, de Wichita (Kansas), où il est directeur dans une firme de consultants. Entre autres choses, M. Sevart a enseigné pendant un certain nombre d'années à la faculté de génie de la Wichita State University, principalement dans le domaine de la conception de machines, et a témoigné relativement à des questions de sécurité dans un certain nombre de poursuites en dommages-intérêts touchant des tracteurs et des tondeuses. M. Sevart siège à plusieurs comités de diverses associations professionnelles, y compris l'ASAE. Le Tribunal a accepté M. Sevart à titre d'expert en conception de machines pour ce qui est des tracteurs et des tondeuses à gazon.

Se reportant à certains documents publicitaires de Ford New Holland, M. Sevart a mentionné qu'il était d'accord avec la description des marchandises en cause, soit celle de tondeuses frontales commerciales, et que c'est sous cette désignation qu'elles étaient vendues aux États-Unis. Il a signalé que les marchandises en cause sont conçues essentiellement pour fournir de l'énergie (c'est-à-dire pour fonctionner comme une source d'énergie) à des tondeuses qui coupent l'herbe et que l'appareil de coupe absorbe jusqu'à 90 p. 100 de l'énergie. M. Sevart a témoigné que les marchandises en cause se distinguent des tracteurs d'au moins deux façons. Premièrement, par rapport à ce que les marchandises en cause sont conçues pour faire, il a expliqué qu'un tracteur est conçu pour faire fonctionner plusieurs accessoires normalisés différents qui sont produits par différents fabricants. Cela s'obtient par des attelages normalisés et des prises de force normalisées, dont les marchandises en cause ne sont pas munies. Deuxièmement, les tracteurs remplissent leur principale fonction par traction ou par force de traction. M. Sevart a déclaré que, même si les marchandises en cause sont des tondeuses de première qualité aux États-Unis, elles n'ont pas les capacités de traction exigées d'un tracteur.

M. Sevart a mentionné que la seule définition des «tondeuses frontales» dont il est au courant se trouve dans la norme provisoire X547 de l'ASAE. M. Sevart a convenu que les marchandises en cause répondent à la version et de 1992 et de 1994 de la définition provisoire. Selon lui, la principale fonction des marchandises en cause n'est pas de «pousser» des accessoires, mais de couper l'herbe, et le fait qu'elles soient utilisées avec des attachements n'en fait pas des tracteurs. Il a ajouté que l'acheteur des marchandises en question se procure fondamentalement une unité motrice, qui est une tondeuse incomplète.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Sevart a convenu que beaucoup de tracteurs peuvent être équipés d'une traction quatre roues et que cette caractéristique n'est pas propre aux marchandises en cause. En ce qui concerne les normes pour les attelages trois points, il a déclaré qu'elles s'appliquent à la fois aux tracteurs agricoles et à certains tracteurs industriels et que la norme ASAE à cet égard ne s'applique qu'aux tracteurs agricoles. En réponse aux questions du Tribunal, M. Sevart a témoigné qu'à son avis, le véhicule TJ de Ford New Holland est une tondeuse autoportée et non un tracteur. Quant à la puissance en horse-power d'un accessoire lorsque les marchandises en cause projettent la neige à distance, M. Sevart estime qu'elle est d'environ 80 à 90 p. 100. Au cours du réinterrogatoire, M. Sevart a mentionné que ces estimations reposaient sur ses connaissances générales et qu'il n'avait jamais réellement mis à l'essai les marchandises en cause. Il a aussi reconnu que son opinion sur les véhicules TJ avait été formulée d'un point de vue technique.

Les avocates de l'appelant ont soutenu que la question dont est saisi le Tribunal consiste à déterminer si les marchandises en cause sont «essentiellement conçu[e]s pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges», au sens de la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes, et que la réponse est oui. Selon les avocates, le problème de la position de l'intimé réside dans le fait qu'elle porte sur les caractéristiques des tracteurs agricoles, qui ne sont pas les seuls tracteurs aux fins du classement. Les avocates ont fait remarquer que les témoins des deux parties ont convenu qu'il y a de nombreux types de tracteurs.

Les avocates de l'appelant ont avancé que le classement des marchandises doit être le même qu'au moment de l'importation [10] . En l'espèce, les marchandises en cause sont importées sans attachements. En se reportant aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [11] (les Règles générales), les avocates ont soutenu que le Tribunal a déjà déclaré que, aux termes de la Règle 1 des Règles générales, il doit déterminer si les marchandises en cause sont nommées dans une position particulière et, si elles sont expressément nommées dans une position, elles doivent y être classées, sous réserve de toutes Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes [12] . La solution dans la présente cause est la définition du terme «tracteurs» à la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes, à laquelle, selon les avocates, les marchandises en cause correspondent clairement car les éléments de preuve indiquent qu'elles sont conçues essentiellement pour «pousser» des engins. D'après les avocates, les témoignages de M. Sevart, qui a déclaré que le but principal des marchandises en cause est de fournir de l'énergie et une propulsion à la tondeuse, et de M. Riffanacht, qui a démontré comment les marchandises en cause «poussent», étayent cette conclusion.

Les avocates de l'appelant ont incité le Tribunal à tenir compte de la récente décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Canada c. Antosko [13] qui, selon les avocates, révèle que la Cour suprême du Canada est revenue à un critère rigoureux d'interprétation de la loi dans les situations où une disposition est claire et précise. Les avocates ont soutenu que le libellé de la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes est clair et précis, et qu'inférer des décisions dans les causes John Deere que la Note 2 suppose un critère de «but principal» en fausserait le sens.

Quant au matériel publicitaire, les avocates de l'appelant ont cité des décisions antérieures [14] de la Commission du tarif et du Tribunal à l'appui de l'opinion voulant qu'un tel matériel ne détermine pas le classement.

Les avocates de l'appelant ont de plus examiné un certain nombre de Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [15] (les Notes explicatives) qui, selon elles, appuient le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire jugé approprié par l'appelant. Les avocates ont fait valoir que la Note 1 des Notes explicatives de la Section XVI, qui exclut les marchandises relevant de la Section XVII de l'application de la Section XVI, fait que les tracteurs ne peuvent être classés à titre de tondeuses à gazon. En outre, il ressort clairement de la Note 2e) des Notes explicatives de la Section XVII, qui exclut certaines marchandises relevant de la Section XVI de l'application de la Section XVII, que les tondeuses à gazon ne peuvent être classées à titre de tracteurs. En outre, selon les Notes explicatives de la position nº 87.01, les engins ou les accessoires utilisés avec un tracteur doivent être classés dans les positions dont ils relèvent, tandis que le tracteur doit être classé dans la position nº 87.01.

Les avocates de l'appelant ont fait valoir que le libellé des Notes explicatives de la position nº 84.33 rend impossible le classement des marchandises en cause dans cette position. Les avocates ont indiqué que les Notes explicatives de la position nº 84.32 s'appliquent mutatis mutandis à la position nº 84.33 en ce qui concerne les tracteurs munis d'attachements interchangeables. Selon les Notes explicatives de la position nº 84.32, pour ce qui est des machines conçues pour être portées à titre d'équipement interchangeable ou être tractées par un tracteur ou un motoculteur, «[t]outes ces machines restent comprises dans la présente position, même si elles sont présentées avec le tracteur ou le motoculteur - qu'elles soient ou non montées sur celui-ci - alors que le tracteur ou le motoculteur est classé séparément au nº 87.01». En outre, les Notes explicatives de la position nº 84.33 comprennent ce qui suit :

Relèvent également de la présente position les tondeuses à gazon, dites tondeuses autoportées, constituées par un corps de machine à trois ou quatre roues équipé d'un siège pour le conducteur et ayant un organe de coupe fixe, c'est - à - dire qui n'est destiné à être enlevé qu'à des fins de réparation ou d'entretien. Elles relèvent de cette position, même lorsqu'elles comportent un dispositif d'attelage destiné à tirer ou à pousser des accessoires légers tels qu'une remorque.

Les avocates ont soutenu que, d'après cette note, une machine ne peut être classée à titre de tondeuse à gazon que si elle est intégrée au plateau de coupe au moyen d'un organe de coupe fixe. Telle n'est pas la situation en l'espèce. Selon les avocates, sur la foi des faits exposés dans la présente cause, les seules choses qui pourraient être classées dans la position nº 84.33 sont les plateaux de coupe.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause doivent être considérées comme des tondeuses incomplètes dont seules manquent les lames de coupe. Il a comparé les marchandises en cause à une automobile présentée sans moteur et qui, selon lui, est néanmoins une automobile. À l'appui de cette position, il s'est reporté au témoignage de M. Sevart selon lequel les marchandises en cause sont des «tondeuses frontales incomplètes» et à la description des marchandises en cause dans la documentation publicitaire de l'appelant.

En ce qui concerne les Notes explicatives de la position nº 84.33, l'avocat de l'intimé a reconnu que les marchandises en cause ne sont pas munies d'un organe de coupe fixe, mais il a soutenu que l'important dans ces notes est le classement des marchandises suivant la principale fonction et que la principale fonction des marchandises en cause est de couper l'herbe. De plus, il a avancé que l'expression «essentiellement conçus pour» doit s'entendre au sens de «principale fonction». Il a ajouté que, en examinant ces notes, le Tribunal jugera peut-être utile de consulter la décision du U.S. Customs Service. L'avocat a soutenu que les marchandises en cause ne doivent pas être classées différemment au Canada et aux États-Unis.

L'avocat de l'intimé a examiné la décision de la Commission du tarif dans l'appel no 795 et, plus particulièrement, le libellé de cette décision qui, selon lui, était semblable à celui de la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes, tout en faisant ressortir les inquiétudes de la Commission du tarif au sujet de la question du but principal ou de la fin principale. Il a en outre fait remarquer que le libellé de la décision de la Commission du tarif était semblable à celui de la Note 2, où il est indiqué que les tracteurs sont «essentiellement conçus pour tirer ou pousser». Il a examiné certaines des caractéristiques des marchandises en cause et a évoqué qu'elles ne «tirent» pas très bien, comme le démontre, en partie, l'absence d'un attelage trois points.

Le Tribunal juge que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8701.90.19 à titre d'autres tracteurs. Il arrive à cette conclusion en tenant compte du fait que c'est la loi et les principes applicables à l'interprétation de la loi, y compris ceux énoncés dans les Règles générales, qui doivent régir le classement des marchandises en cause. Le Tribunal tient tout particulièrement compte de la Règle 1 des Règles générales. Comme l'a souligné le Tribunal dans la cause York Barbell [16] , aux fins du classement des marchandises aux termes du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [17] , la Règle 1 est de la plus grande importance. Cette Règle stipule que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et de toutes Notes de Sections ou de Chapitres.

En l'espèce, la Règle 1 des Règles générales oblige le Tribunal à tenir compte de la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes, qui est libellée comme suit :

On entend par tracteurs, au sens du présent Chapitre, les véhicules moteurs essentiellement conçus pour tirer ou pousser d'autres engins, véhicules ou charges, même s'ils comportent certains aménagements accessoires permettant le transport, en corrélation avec leur usage principal, d'outils, de semences, d'engrais, etc.

Les éléments de preuve ont convaincu le Tribunal que les marchandises en cause ont été conçues principalement pour exécuter un travail lié à l'entretien des terrains. Plus précisément, elles ont été conçues essentiellement pour pousser des accessoires sur le sol afin d'exécuter un travail. Comme l'a expliqué M. Riffanacht, un accessoire est poussé à l'aide de sabots de patin ou de roues de jauge qui empêchent l'accessoire de toucher le sol pendant les travaux. Bien que les marchandises en cause soient utilisées le plus souvent comme tondeuses, il est clair que cela n'est pas la seule utilisation qui peut en être faite. Les éléments de preuve révèlent que les acheteurs des marchandises en cause au Canada achètent un accessoire et demi par véhicule et que non seulement la souffleuse à neige est le deuxième accessoire en popularité, mais la plupart des clients n'achètent pas plus d 2'une tondeuse. Par conséquent, presque la moitié des acheteurs des marchandises en cause ne se les procurent pas uniquement pour tondre le gazon.

En outre, le Tribunal conclut que les accessoires utilisés avec les marchandises en cause peuvent être considérés comme des engins. Le terme anglais «appliance» (engin) n'est pas défini dans le Tarif des douanes. Le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English définit le terme «appliance» comme suit :

[a] thing applied as means to an end; utensil, device, equipment [18] .

([Traduction] élément qui concourt à un but : ustensile, dispositif, matériel.)

Tout comme dans sa récente décision dans la cause Marubeni Canada Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national [19] , le Tribunal juge cette définition utile, étant donné que les divers accessoires utilisés avec les marchandises en cause sont «fixés» à un véhicule pour concourir à l'exécution du travail à effectuer. Ainsi, ces attachements peuvent être considérés comme du «matériel» à être utilisé avec les marchandises en cause.

Les éléments de preuve révèlent que les marchandises en cause sont commercialisées à titre de «tondeuses frontales» et désignées ainsi dans une large mesure au sein de l'industrie. Toutefois, les éléments de preuve montrent également que les marchandises en cause sont notamment appelées tracteurs, tracteurs CM et matériel commercial, et sont commercialisées sous ces désignations. Bien que le Tribunal souscrive à l'argument de l'avocat de l'intimé selon lequel la façon dont les membres d'une industrie désignent un produit peut être utile aux fins du classement, de telles désignations ne peuvent déterminer le classement. Le Tribunal répète qu'il souscrit aux observations de la Commission du tarif dans l'appel no 795, selon lesquelles le fait de classer un produit en fonction de la façon dont il est désigné, sans tenir compte de la loi, peut constituer une violation de la loi [20] . Comme il a été mentionné précédemment, dans la présente cause, le classement doit être déterminé en fonction de la Note 2 du Chapitre 87 du Tarif des douanes et, à cet égard, le Tribunal a conclu que les marchandises en cause sont conformes à la définition du terme «tracteurs».

Quant aux Notes explicatives de la position nº 84.33, le Tribunal est d'avis qu'elles mènent à la conclusion que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans cette position. D'abord, les marchandises en cause ne seraient décrites dans cette position que si, au moment de leur importation, un accessoire de coupe leur était fixé. Si l'on considère les marchandises en cause dans l'état où elles sont importées, elles ne ressemblent même pas vaguement aux marchandises décrites dans la position nº 84.33 ou dans la sous-position nº 8433.11. En fait, aux termes des Notes explicatives de la position nº 84.33 mentionnées précédemment dans la plaidoirie, pour être une tondeuse à gazon, un produit doit, entre autres choses, avoir «un organe de coupe fixe, c'est-à-dire qui n'est destiné à être enlevé qu'à des fins de réparation ou d'entretien». On ne saurait affirmer que les accessoires de coupe utilisés avec les marchandises en cause, lesquels sont importés séparément et sont amovibles, sont des «organe[s] de coupe fixe[s]». Le Tribunal est d'accord avec l'appelant que, au moment de l'importation, c'est-à-dire lorsque les marchandises en cause ne sont pas munies d'attachements, elles ne présentent pas les caractéristiques essentielles d'une tondeuse à gazon, qui lui sont conférées par l'organe servant à couper l'herbe. Le Tribunal fait aussi remarquer que les véhicules TJ plus petits et moins dispendieux, qui emploient la même gamme d'accessoires que les marchandises en cause, sont, il s'en faut, peut-être encore plus destinés à tondre le gazon que les marchandises en cause et sont, néanmoins, classés à titre de tracteurs dans la position nº 87.01.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch.1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Pièce B-1.

4. Pièce A-11.

5. Reference by the Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise Pursuant to Section 46 of the Customs Act, for an Opinion as to What Criteria Should be Applied in Determining Whether Equipment Should be Classified as an Internal Combustion Tractor Coming Within Customs Tariff Item 409m(1) (now numbered 40938 - 1) (1966), 3 R.C.T. 259, appel n o 795, le 20 septembre 1966 ; et Renvoi du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, selon l'article 49 de la Loi sur les douanes, portant sur la classification tarifaire de certaines machines connues sous le nom de tondeuses mécaniques à autopropulsion pour l'entretien du gazon et leurs accessoires connexes (1986), 11 R.C.T. 440.

6. (1988), 13 R.C.T. 33.

7. John Deere Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, non publié, Cour d'appel fédérale, n o du greffe A - 480 - 88, le 26 janvier 1990.

8. Classification tarifaire de certaines machines faucheuses mécaniques avec siège , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 14 janvier 1988.

9. Classification tarifaire des tracteurs à gazon (tondeuses à gazon) et des tracteurs à jardin , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 17 juin 1992.

10. Voir, par exemple, Reginald Bradley c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 89 - 228, le 11 juin 1990.

11. Supra , note 2, annexe I.

12. York Barbell Co. Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , appel n o AP - 91 - 131, le 16 mars 1992.

13. [1994] 2 R.C.S. 312.

14. Josiah Wedgwood and Sons (Canada) Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1982), 8 R.C.T. 154 et 4 C.E.R. 164, et San Francisco Gifts Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 92 - 300, le 18 mars 1994.

15. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

16. Supra , note 12.

17. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.

18. Septième éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 41.

19. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 93 - 311, le 14 décembre 1994.

20. Supra , note 5 à la p. 269. Voir aussi une référence identique dans la cause Marubeni , note 18.


Publication initiale : le 10 octobre 1996