CANPER INDUSTRIAL PRODUCTS LTD.

Décisions


CANPER INDUSTRIAL PRODUCTS LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-034

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le mardi 24 janvier 1995

Appel n o AP-94-034

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 octobre 1994 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À cinq décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CANPER INDUSTRIAL PRODUCTS LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause, importées de France et connues commercialement comme des tendeurs d'arrimage à cliquet, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 à titre d'autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements d'autres matières textiles, comme l'a établi l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre d'autres machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs, dans la position n o 84.22 à titre de machines et appareils à empaqueter ou emballer les marchandises ou dans la position n o 82.05 à titre d'outils et outillage à main non dénommés ni compris ailleurs, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 5 octobre 1994 Date de la décision : Le 24 janvier 1995
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Raynald Guay, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Donald Petersen, pour l'appelant Stéphane Lilkoff, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause, importées de France et connues commercialement comme des tendeurs d'arrimage à cliquet, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements d'autres matières textiles, comme l'a établi l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre d'autres machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs, dans la position no 84.22 à titre de machines et appareils à empaqueter ou emballer les marchandises ou dans la position no 82.05 à titre d'outils et outillage à main non dénommés ni compris ailleurs, comme l'a soutenu l'appelant.

M. Robin C. Lee, gestionnaire des achats chez Lee Valley Tools Ltd., a témoigné en faveur de l'appelant. Il a soutenu que les marchandises en cause étaient connues dans le domaine comme des attaches en toile ou des attaches de type bande. M. Lee a évalué le coût de la sangle à la verge ainsi que le coût du mécanisme à cliquet en précisant que, généralement, la sangle de toile vaut beaucoup moins que le reste de l'attache. Il a signalé que ces marchandises servaient surtout comme tendeurs dans l'industrie du transport routier ou comme attaches. À son avis, les marchandises en cause sont des «device[s] essentially for applying a force to hold something down or something together» ([traduction] dispositifs servant essentiellement à appliquer une force de manière à maintenir quelque chose en place ou des choses ensemble). Selon M. Lee, l'utilité première du mécanisme à cliquet est qu'il permet d'accroître la force qu'un utilisateur exerce sur un objet.

M. Jacquelin Dumont, ingénieur à la retraite de la ville de Montréal, a aussi témoigné au nom de l'appelant. L'avocat de l'intimé n'a pas contesté la compétence de M. Dumont en tant que témoin expert relativement aux principes de base d'ingénierie pertinents dans la présente cause. Lorsque le représentant de l'appelant a demandé à M. Dumont de décrire le tendeur d'arrimage à cliquet, ce dernier a répondu sans hésitation qu'il ne s'agissait pas d'une machine, mais bien d'un appareil mécanique. Selon lui, une machine, contrairement à un appareil mécanique, transforme et produit de l'énergie. Selon M. Dumont, dans la présente affaire, le levier du cliquet multiplie la force appliquée par l'utilisateur et le cliquet prévient la perte de tension. De plus, M. Dumont a affirmé que le cliquet ne transmet pas de force. Une fois installé, un tendeur d'arrimage à cliquet n'est pas dynamique, car il n'est pas en mouvement et il ne produit aucun travail. Selon M. Dumont, il sert plutôt à arrimer des objets.

Mme Leslie E. Behnia, chimiste au ministère du Revenu national, a été convoquée par l'intimé à titre de témoin expert. Mme Behnia a procédé à une analyse des composants textiles du tendeur d'arrimage à cliquet. Le représentant de l'appelant était d'accord avec l'analyse présentée dans le rapport de laboratoire de Mme Behnia. L'analyse a notamment permis de déterminer que la sangle textile des marchandises en cause est faite de polyéthylène.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a tout d'abord déclaré que l'on devait donner au mot «machine» son sens ordinaire et général. De plus, il a fait valoir que, depuis longtemps, la jurisprudence indique que les marchandises sont classées selon leur principal composant. Puis, il a ajouté qu'il serait illogique de ne pas tenir compte de la valeur du principal composant du tendeur d'arrimage à cliquet, soit la partie comprenant le cliquet et le levier, puisque cette dernière est essentielle au fonctionnement du produit entier.

Le représentant de l'appelant s'est référé à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [3] (les Règles générales), laquelle prévoit que le classement doit être déterminé «d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes». Il a fait valoir que les tendeurs d'arrimage à cliquet sont explicitement compris dans la position no 84.22 à titre de «machines et appareils à empaqueter ou emballer les marchandises» ou dans la position no 84.79 à titre d'«appareils mécaniques». De plus, à la toute fin de la réponse qu'il a fournie à l'avocat de l'intimé, le représentant a fait allusion au fait que les marchandises en cause pourraient être classées dans la position no 82.05 à titre d'«[o]utils et outillage à main [...] non dénommés ni compris ailleurs». Cependant, si le Tribunal devait convenir avec l'intimé que la Règle 3 b) des Règles générales s'applique dans la présente cause, le représentant a fait valoir que, puisque la partie mécanique des marchandises en cause représente près de 75 p. 100 de la valeur d'une unité et que les marchandises en cause ne peuvent être utilisées efficacement sans le cliquet, ces dernières doivent être classE9‚es dans la position no 84.22 ou dans la position no 84.79. En outre, le représentant s'est dit en désaccord avec l'intimé qui considère que les expressions «machines» et «appareils mécaniques» utilisées dans la position no 84.79 sont synonymes. Le représentant s'est aussi référé aux Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (les Notes explicatives). À son avis, les Notes explicatives de la position no 84.79 servent à confirmer le classement des tendeurs d'arrimage à cliquet dans cette position.

Premièrement, l'avocat de l'intimé a présenté la position de l'intimé quant à la véritable nature des marchandises en cause. L'avocat a souligné, en faisant référence à la documentation sur les marchandises en cause publiée par le fabricant français, qu'un tendeur d'arrimage à cliquet sert à retenir des marchandises en place. Il a insisté sur le témoignage de M. Lee selon lequel ledit appareil sert à arrimer des objets. Dans la documentation française, les marchandises sont appelées «Sangles Bagagères». L'équivalent anglais du mot «sangle» est «strap», qui est défini comme «[a]strip of leather or other flexible material with buckle or other fastening for holding things together or other purpose [5] » ([traduction] une bande de cuir ou d'une autre matière flexible munie d'une boucle ou d'un autre dispositif d'attache servant à maintenir des choses ensemble ou à d'autres fins). Pour les motifs qui précèdent, l'avocat a fait valoir que le tendeur d'arrimage à cliquet est simplement un dispositif d'attache. À son avis, il correspond à la définition d'une sangle et non à celle d'une machine.

Deuxièmement, en ce qui concerne le classement des marchandises en cause, l'avocat de l'intimé a déclaré que les expressions «machines» et «appareils mécaniques» sont analogues. À son avis, un appareil mécanique possède les mêmes caractéristiques qu'une machine, soit le mouvement et la distribution d'une force. Il s'est référé à la définition donnée par les tribunaux à l'expression «machine», notamment à la définition selon laquelle une machine est un ensemble plus ou moins complexe de pièces mobiles et fixes qui effectuent un travail par la production, la transformation ou la transmission d'une force et d'un mouvement. La question clé consiste donc à déterminer si le tendeur d'arrimage à cliquet produit, transforme ou transmet une force et un mouvement. Selon l'avocat, le mot clé est «mouvement». À son avis, la réponse à cette question ne peut qu'être négative, puisque les éléments de preuve présentés au Tribunal montrent que les marchandises en cause ne permettent pas d'effectuer le genre de travail nécessaire pour qu'elles puissent être appelées une machine, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de mouvement et que le tendeur d'arrimage à cliquet ne produit aucun travail lorsqu'il a comme fonction d'arrimer des objets ou de les retenir en place. De plus, il a soutenu que les marchandises en cause ne répondent pas au critère de complexité établi dans la jurisprudence qui permettrait de les considérer comme des «machines».

L'avocat de l'intimé a soutenu que la Règle 3 b) des Règles générales s'applique dans la présente cause, et il a abordé la question du caractère essentiel des marchandises en cause. Selon lui, un des critères clés à cet effet a trait au rôle des composants de ces marchandises. Il a déclaré que, comme la sangle de polyE9‚thylène donne au tendeur d'arrimage à cliquet son caractère essentiel, ce dernier est correctement classé dans la position no 63.07. Il a ajouté que les Notes explicatives ne contredisent pas cette interprétation de la position no 63.07. Par ailleurs, il a fait valoir que les tendeurs d'arrimage à cliquet sont semblables aux marchandises mentionnées dans les Notes explicatives de cette position.

Finalement, en ce qui a trait aux définitions courantes des termes «emballage» et «empaquetage», ainsi qu'à la nature véritable des marchandises en cause, l'avocat de l'intimé s'est dit être en désaccord avec l'appelant qui soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 84.22 à titre de «machines et appareils à empaqueter ou emballer».

Afin de déterminer le classement tarifaire approprié des marchandises en cause, le Tribunal doit respecter les principes énoncés à la Règle 1 des Règles générales. Comme il a déjà été mentionné, cette Règle stipule que le classement doit être déterminé «d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres». Contrairement à la position adoptée par l'intimé, le Tribunal est d'avis que cette Règle suffit dans la présente cause. En outre, aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives pour interpréter les positions et les sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes. Le Tribunal estime que les marchandises en cause ne doivent être classées dans aucune des positions proposées par l'appelant.

Le Tribunal ne considère pas que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 84.79 à titre de «[m]achines et appareils mécaniques». Le Tribunal souligne, à cet égard, que le témoin expert de l'appelant, M. Dumont, a lui-même clairement établi que le tendeur d'arrimage à cliquet n'est pas une machine. Le Tribunal fait aussi remarquer que les marchandises en cause et leur nature véritable ne correspondent pas aux éléments de la définition courante du terme «machine» fournie par la jurisprudence selon laquelle une machine est un ensemble plus ou moins complexe de pièces mobiles et fixes qui effectuent un travail par la production, la transformation ou la transmission d'une force et d'un mouvement. L'appelant n'a pas non plus convaincu le Tribunal que les marchandises en cause étaient des «appareils mécaniques». Le mot pertinent ici est «mécanique». Le Tribunal aimerait ajouter que, dans les dictionnaires, l'une des définitions principales et des plus courantes du terme «mechanical» (mécanique) est la suivante : «having to do with machinery [6] » ([traduction] qui a rapport aux machines). Cet argument vient appuyer la position de l'intimé avec laquelle le Tribunal est d'accord et qui affirme que les définitions des expressions «machines» et «appareils mécaniques» sont semblables compte tenu de la nature des marchandises visées par les définitions et doivent, par conséquent, être classées dans la position no 84.79. Compte tenu de ces arguments, de même que de la nature des marchandises en cause, le Tribunal conclut que le tendeur d'arrimage à cliquet n'est pas un appareil mécanique compris dans cette position.

Pour ce qui est du classement des marchandises en cause dans la position no 84.22 à titre de «machines et appareils à empaqueter ou emballer les marchandises», le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé, à la lumière de la définition courante des termes «empaqueter» et «emballer», que les marchandises en cause ne doivent pas être classées dans cette position. Par ailleurs, le tendeur d'arrimage à cliquet ne peut être considéré comme une «machine». Finalement, à l'égard de la position no 82.05, le Tribunal estime que les marchandises en cause ne sont pas des outils. Dans le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English, la définition du mot «tool» (outil) est ainsi formulée : «mechanical implement, usu. held in hand, for working upon something (carpenter's, gardener's, mason's tools); simple machine [7] » ([traduction] objet mécanique que l'on tient généralement dans la main et qui est utilisé pour faire un travail [outils de menuisier, de jardinier ou de maçon]; machine simple). À la lumière de cette définition et compte tenu des éléments de preuve déposés pendant l'audience, le Tribunal est d'avis que le tendeur d'arrimage à cliquet ne correspond pas à un outil dans le contexte de la position no 82.05.

La documentation publiée par le fabricant français décrit les marchandises en cause comme des «Sangles Bagagères». Pour sa part, le dictionnaire Le Grand Robert de la Langue Française définit le mot «sangle» comme une «bande large et plate (de cuir, de toile, de tissu élastique, etc.) qu'on tend pour maintenir ou serrer qqch. [8] ». En anglais, l'équivalent du mot «sangle» est «strap». Comme il a déjà été mentionné, le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary of Current English définit le mot «strap» comme «[a] strip of leather or other flexible material with buckle or other fastening for holding things together or other purpose [9] » ([traduction] une bande de cuir ou d'une autre matière flexible munie d'une boucle ou d'un autre dispositif d'attache servant à maintenir des choses ensemble ou à d'autres fins). Les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises en cause, soit les «Sangles Bagagères», servent précisément à retenir des objets ou des marchandises. Il est évident pour le Tribunal que les marchandises en cause sont un dispositif d'attache fait, entre autres choses, d'une sangle de polyéthylène et d'un dispositif d'arrimage simple.

Ce qui est intéressant, c'est que lorsque le Tribunal a consulté l'Index alphabétique du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de ses Notes explicatives [10] , il a constaté que les termes «sangles» et «straps» sont mentionnés dans les Notes explicatives de la position no 63.07. En se référant aux Notes explicatives, le Tribunal conclut que cette position en particulier «englobe les articles confectionnés en tout textile, qui ne sont pas repris dans des positions plus spécifiques de la Section XI ou dans d'autres Chapitres de la Nomenclature». Parmi les exemples de marchandises qui y figurent, sont mentionnées à l'alinéa 16 les «courroies et sangles, qui, bien que portées autour de la taille, n'ont pas le caractère de ceintures ou ceinturons du no 62.17 et sont destinées à faciliter certains travaux [...], ainsi que les sangles pour porte-bagages et les articles similaires». Au cours de son témoignage, en réponse à une question du Tribunal concernant une comparaison possible entre une ceinture et les marchandises en cause, M. Dumont a mentionné au Tribunal que les deux articles utilisaient le même principe : «En fait, c'est le même principe. C'est que vous serrez quelque chose pour empêcher que ça se déplace. C'est le même principe, effectivement». Le Tribunal se base sur cette affirmation pour convenir avec l'avocat de l'intimé que les marchandises en cause ressemblent bel et bien à certaines marchandises figurant dans les Notes explicatives de la position no 63.07, plus particulièrement aux marchandises de l'alinéa 16. Le Tribunal conclut donc, comme l'a soutenu l'avocat de l'intimé, que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Supra , note 2, annexe I.

4. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

5. The Concise Oxford Dictionary of Current English , 7 e éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 1052.

6. The Random House Dictionary of the English Language , 2 e éd., New York, Random House, 1987 à la p. 1193.

7. Supra , note 5 à la p. 1128.

8. Deuxième éd., Montréal, Les Dictionnaires ROBERT - CANADA S.C.C., 1987 à la p. 571.

9. Supra , note 5.

10. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.


Publication initiale : le 10 octobre 1996