LES ALIMENTS MIDLON INC.

Décisions


LES ALIMENTS MIDLON INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
LE CONSEIL DES VIANDES DU CANADA
Appel no AP-94-173

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le jeudi 7 décembre 1995

Appel no AP-94-173

EU ÉGARD À un appel entendu le 8 mai 1995 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 4 juillet 1994 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

LES ALIMENTS MIDLON INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

LE CONSEIL DES VIANDES DU CANADA Intervenant

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national, qui ont eu pour effet de confirmer l'imposition de droits compensateurs sur le jambon haché Mermaid importé au Canada. Il a été déterminé que les marchandises en cause étaient de même description que le pain de viande de porc et elles ont été assujetties à des droits compensateurs au taux applicable à ces marchandises. Le Conseil des viandes du Canada, à titre d'intervenant, a affirmé que les marchandises en cause étaient de même description que le jambon en conserve, en boîtes de moins de 1,5 kg chacune, et qu'elles étaient assujetties aux droits compensateurs applicables à ces marchandises. La question en litige dans le présent appel, par conséquent, consiste à déterminer si les marchandises en cause répondent à la même description que le pain de viande de porc ou que le jambon en conserve, qui sont l'un et l'autre assujettis à des conclusions du Tribunal aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause ne sont pas de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent des conclusions du Tribunal. Alors que le pain de viande de porc peut être fabriqué de diverses parures de porc, le jambon haché provient seulement des gros muscles de la patte postérieure du cochon, qui est la viande de la meilleure qualité provenant de l'animal. Le jambon haché est composé de morceaux de viande plus gros que le pain de viande de porc et ne contient pas d'additifs, par contraste marqué avec les autres pains de viande de fabrication canadienne. Le jambon haché coûte plus cher que le pain de viande et est emballé dans une boîte de forme différente de celle du produit moins coûteux. Le Tribunal croit que le jambon haché est perçu sur le marché comme un produit de qualité supérieure au pain de viande de porc en conserve et occupe sur le marché un créneau distinct de celui du pain de viande.

Le Tribunal croit que le jambon haché n'est pas de même description que le jambon en conserve parce que le jambon en conserve est un produit de qualité différente composé de plus gros morceaux de jambon et qu'il renferme moins de matière hachée finement que le jambon haché. Le jambon en conserve est perçu sur le marché comme un produit de qualité supérieure dont le prix est à la mesure de la qualité. En outre, le Tribunal croit que le jambon haché occupe sur le marché un créneau distinct de celui du jambon en conserve.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 8 mai 1995 Date de la dE9‚cision : Le 7 décembre 1995
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Raynald Guay, membre Lyle M. Russell, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Richard S. Gottlieb, pour l'appelant Anick Pelletier, pour l'intimé G.P. (Patt) MacPherson, pour l'intervenant





Le 7 août 1984, le Tribunal antidumping a rendu des conclusions de préjudice sensible concernant le jambon en conserve subventionné, en boîtes de moins de 1,5 kg chacune, originaire ou exporté du Danemark et des Pays-Bas, et le pain de viande de porc en conserve contenant, au poids, plus de 20 p. 100 de porc, pour lequel une subvention avait été payée directement ou indirectement par la Communauté économique européenne [1] . Les conclusions ont été prorogées par le Tribunal le 16 mars 1990 et de nouveau le 21 mars 1995.

Aux termes de l'article 3 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [2] (la LMSI), toutes les marchandises subventionnées importées au Canada alors que le Tribunal a établi, par ordonnance ou dans des conclusions, que le subventionnement de marchandises de même description a causé un dommage sont assujetties à des droits compensateurs. Le présent appel a été interjeté en vertu de l'article 61 de la LMSI à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national qui ont eu pour effet de confirmer l'imposition de droits compensateurs sur le jambon haché Mermaid importé au Canada aux termes de factures douanières datées du 1er décembre et du 29 décembre 1992. Il a été déterminé que les marchandises en cause étaient de même description que le pain de viande de porc et elles ont été assujetties à des droits compensateurs au taux applicable à ces marchandises. C'est de cette décision que la société Les Aliments Midlon Inc. en a appelé au Tribunal.

Après que l'appel a été interjeté, l'avocat du Conseil des viandes du Canada (CVC) a demandé, aux termes du paragraphe 61(2) de la LMSI, d'être entendu. Selon la position prise par le CVC, les marchandises en cause ne sont pas de même description que le pain de viande de porc. Les marchandises en cause sont plutôt de même description que le jambon en conserve, en boîtes de moins de 1,5 kg chacune, et assujetties aux droits compensateurs applicables à ces marchandises. En réponse, l'appelant a déposé un avis de motion voulant que le Tribunal rende une ordonnance qui aurait pour effet de rejeter l'intervention du CVC. Avant d'étudier la motion, le Tribunal a demandé à l'intimé et au CVC de présenter leurs exposés.

En accordant au CVC le droit d'intervenir, le Tribunal a déclaré que le CVC, à titre d'association représentant des producteurs canadiens de marchandises similaires à celles auxquelles s'appliquent une ordonnance ou des conclusions du Tribunal, peut être entendu à titre d'intervenant aux termes de l'article 61 de la LMSI. Le Tribunal a reconnu que le CVC a un intérêt important dans le litige et que son point de vue ne serait par ailleurs pas convenablement représenté sans sa participation au déroulement de l'audience. En outre, la participation du CVC peut servir à éviter une multiplicité d'instances visant les mêmes marchandises. Le Tribunal a cru que la participation du CVC ne compliquerait pas et ne retarderait pas indûment la procédure au point d'être injuste pour les parties initiales.

La question en litige dans le présent appel, par conséquent, consiste à déterminer si les marchandises en cause sont de même description que le pain de viande de porc ou que le jambon en conserve, qui sont l'un et l'autre assujettis à des conclusions du Tribunal aux termes de la LMSI [3] .

L'avocat de l'appelant a appelé M. Wendell Ward, le témoin expert de l'intimé, comme premier témoin de l'appelant. M. Ward a déclaré avoir analysé certains échantillons du jambon haché et conclu qu'il présentait des caractéristiques similaires à celles du pain de viande qui fait l'objet des conclusions du Tribunal. Par exemple, une ligne directrice de Santé et Bien-être social exige que le pain de viande ait une teneur en protéines de 11 p. 100. M. Ward a déclaré que son analyse a révélé que les échantillons de jambon haché avaient une teneur en protéines de 10,9 p. 100. En outre, le jambon haché ne répondait pas à la description de jambon en conserve donnée par le Tribunal antidumping et adoptée par le présent Tribunal. Plus particulièrement, le Tribunal a décrit le jambon cuit comme étant composé de morceaux assez gros de viande, ce qui n'est pas le cas du jambon haché.

L'avocat de l'appelant a demandé à M. Ward d'identifier les divers additifs contenus dans les pains de viande en conserve typiques. Il a indiqué des choses comme la farine, l'amidon modifié, les ingrédients de lait modifié, les protéines de soja, le sel, le sucre et le glutamate monosodique. M. Ward a déclaré, cependant, que les marchandises en cause ne renferment pas d'additifs.

Au cours du contre-interrogatoire par l'avocat du CVC, M. Ward a dit au Tribunal qu'il n'a pas déterminé la teneur en porc des marchandises en cause. Il a supposé, cependant, que les échantillons renfermaient, au poids, plus de 20 p. 100 de porc. Il a expliqué au Tribunal que la seule définition de jambon haché se trouve dans la réglementation [4] administrée par le ministère de l'Agriculture (Agriculture Canada) et que les marchandises en cause ne satisfont pas à cette définition. Pour satisfaire à cette définition, un produit doit avoir une teneur en protéines de 15 ou 16 p. 100. En réponse à d'autres questions, M. Ward a expliqué qu'il avait soumis les marchandises en cause à deux essais. Dans le premier essai, il a échantillonné deux boîtes, qui avaient une teneur totale moyenne en protéines de 10,9 p. 100. Dans le deuxième essai, il a échantillonné une boîte, qui avait une teneur totale en protéines de 11,9 p. 100.

L'avocat du CVC a présenté, par l'entremise de M. Ward, la pièce C-1, qui est une directive de l'hygiène des viandes d'Agriculture Canada [5] . M. Ward a reconnu que, selon la directive, pour être étiqueté «jambon désossé», le produit doit contenir, au poids, au moins 80 p. 100 de jambon en morceaux pesant 25 g ou plus. Cependant, si le produit contient, au poids, moins de 80 p. 100 de jambon en morceaux pesant 25 g ou plus, il doit être étiqueté «jambon haché» ou «hachis de jambon». M. Ward a déclaré que, d'après un examen visuel, les échantillons ne contenaient pas de morceaux de jambon pesant 25 g ou plus. Il a reconnu que, sauf pour la faible teneur en protéines des échantillons, ces derniers pouvaient être étiquetés jambon haché.

Au cours du contre-interrogatoire par l'avocate de l'intimé, M. Ward a décrit les marchandises en cause comme consistant en petits morceaux de viande reliés ensemble par une émulsion de matière finement broyée. Il a dit au Tribunal que l'apparence physique générale des échantillons était semblable à celle d'autres produits connus à titre de pain de viande. Cependant, les morceaux de viande des échantillons étaient légèrement plus gros que ceux trouvés dans d'autres pains de viande. Selon M. Ward, le pain de viande connu sous le nom de «Spam» ne renferme pas d'additifs, tout comme les marchandises en cause.

Le deuxième témoin de l'appelant a été Mme Carol A. Hunt, vice-présidente des Aliments Midlon Inc. Selon elle, au moment de l'importation, les marchandises en cause coûtaient 2,99 $ la boîte [6] . Cela se compare à un prix ordinaire de 1,49 $ la boîte [7] pour le pain de viande et de 4,99 $ la boîte pour le jambon en conserve. La pièce A-4 a été présentée par l'entremise de Mme Hunt qui a comparé et contrasté les trois produits en fonction d'une réglementation qu'elle a dit être d'Agriculture Canada [8] .

Mme Hunt a expliqué que la principale différence entre le pain de viande et le jambon haché tient à la présence possible autorisée de certains ingrédients dans le premier produit et pas dans le second. Par exemple, le jambon haché ne peut contenir que du jambon [9] , alors que le pain de viande est composé de porc. En outre, le pain de viande peut contenir des ingrédients comme des agents de remplissage, du lait, des œufs, des sous-produits de viande et de la viande séparée mécaniquement, ce que le jambon haché ne peut pas contenir. Par ailleurs, le pain de viande se vend en boîtes rectangulaires, alors que le jambon haché se vend en boîtes ovales. Elle a reconnu que les produits se vendent en boîtes de format différent, ce qui aurait une influence sur le prix. En expliquant la principale différence entre le jambon haché et le jambon en conserve, Mme Hunt a fait remarquer que les morceaux de viande dans le jambon haché sont plus petits et que le produit contient plus de matière hachée finement. Elle a ajouté que les deux produits ne sont pas en concurrence l'un avec l'autre.

Au cours du contre-interrogatoire par l'avocat du CVC, Mme Hunt a reconnu que le jambon en conserve est aussi fait de la patte postérieure du cochon. Contre-interrogée par l'avocate de l'intimé, Mme Hunt a reconnu que le jambon haché peut être appelé pain de viande. Elle a ajouté, toutefois, qu'un vendeur de jambon haché ne voudrait pas l'appeler pain de viande parce que ce dernier est considéré comme un produit de qualité inférieure.

Le troisième témoin de l'appelant a été M. David Brookman, qui est responsable d'un laboratoire de vérification de la qualité des aliments depuis 1980. M. Brookman a expliqué que, en se fondant sur une comparaison de la forme des boîtes, sur la liste des ingrédients et sur un examen visuel des marchandises en cause et de cinq pains de viande en conserve ordinaires, il a conclu que les marchandises en cause correspondent davantage à ce qui est considéré comme du jambon haché plutôt qu'à ce qui est considéré comme du pain de viande. Au cours du contre-interrogatoire par l'avocate de l'intimé, M. Brookman a déclaré avoir établi à 11,23 p. 100, en moyenne, la teneur totale en protéines des marchandises en cause.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a rappelé au Tribunal que la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des marchandises de même description que celles auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal antidumping. L'avocat a fait valoir que M. Ward a simplement témoigné que les marchandises en cause présentent des caractéristiques semblables à celles du pain de viande. En outre, l'intimé a affirmé dans sa décision que [traduction] «la marque “Mermaid” de jambon haché ressemble davantage à du pain de viande en conserve qu'à du jambon en conserve». L'avocat a soutenu que le critère à appliquer ne consiste pas à déterminer si le jambon haché présente des caractéristiques de pain de viande ou ressemble davantage à du pain de viande. Le critère approprié est plutôt de déterminer si le jambon haché est de même description que le pain de viande. Il a fait valoir que le jambon haché n'est pas de même description que le pain de viande.

L'avocat de l'appelant a soutenu que l'analyse de M. Ward révèle que les marchandises en cause se distinguent nettement du pain de viande. Ainsi, le jambon haché ne contient pas d'additifs, contrairement à un pain de viande typique. M. Ward a aussi reconnu que, sauf pour la faible teneur en protéines, les marchandises en cause pouvaient être étiquetées jambon haché. La faible teneur en protéines, selon l'avocat, est sans importance sur le marché. Que le produit réponde ou pas aux exigences d'étiquetage pour le jambon haché doit aussi être sans importance dans les délibérations du Tribunal. En outre, un pain de viande «de porc» peut renfermer des viandes autres que du porc. Par contraste, le jambon en conserve ne peut renfermer que du jambon.

L'avocat de l'appelant a aussi invoqué les témoignages de Mme Hunt et de M. Brookman selon lesquels le jambon haché n'est pas du pain de viande. C'est un produit différent qui se vend à prix différent, est de qualité différente, occupe un créneau distinct sur le marché et est commercialisé différemment. En outre, le Règlement de 1990 sur l'inspection des viandes [10] fait la distinction entre le jambon haché et le pain de viande. L'avocat de l'appelant a rappelé que l'avocat du CVC a reconnu que les marchandises en cause ne sont pas du pain de viande.

Dans sa distinction entre jambon haché et jambon en conserve, l'avocat de l'appelant a rappelé le témoignage de M. Ward sur la composition des marchandises en cause. En outre, selon le témoignage de Mme Hunt, le jambon en conserve occupe sur le marché un créneau distinct de celui du jambon haché à plus faible prix.

En réponse à certaines des questions soulevées par l'avocat de l'appelant, l'avocat du CVC a soutenu que le pain de viande peut être fait avec du jambon. En outre, il a fait valoir qu'il n'existe aucune preuve que le jambon haché est commercialisé différemment du pain de viande.

L'avocat du CVC a fait valoir qu'il ne se vend pas, sur le marché canadien, de produit étiqueté «jambon en conserve [11] ». Le jambon en conserve est plutôt un terme général qui englobe à la fois le jambon cuit et le jambon haché. Ces deux produits se distinguent uniquement par la grosseur des morceaux de jambon dont ils sont composés. Le produit ne cesse pas d'être du jambon en conserve du simple fait que les morceaux de viande sont hachés finement. La constatation que les marchandises en cause ne répondent pas à l'exigence de teneur minimale en protéines pour le jambon en conserve peut être attribuée au fait que M. Ward et M. Brookman ont tous les deux utilisé des petits échantillons. Toutefois, le produit est étiqueté jambon haché.

L'avocat du CVC a renvoyé à la pièce A-4 pour illustrer les similarités de composition entre le jambon en conserve et le jambon haché. En outre, les deux produits se vendent en boîtes de forme et de taille identiques et sont présentés tout près l'un de l'autre sur les tablettes du détaillant. L'avocat a ajouté que le jambon haché se vend moins cher, en partie, en raison de la subvention payable à l'égard de ce produit. En conclusion, l'avocat a soutenu que le jambon haché se situe parmi les marchandises assujetties aux droits compensateurs, mais au taux applicable au jambon en conserve plutôt qu'au pain de viande.

L'avocate de l'intimé a fait valoir que la question en litige ne consiste pas à déterminer si les marchandises en cause sont du pain de viande. Il s'agit plutôt de déterminer si elles sont de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal. L'avocate s'est reportée au témoignage de M. Ward selon lequel les marchandises en cause sont de même description que le pain de viande. Par exemple, elles ont la même apparence générale et la même liste d'ingrédients que les marchandises vendues comme pain de viande.

L'avocate de l'intimé a souligné que le Tribunal antidumping a indiqué que le pain de viande est défini avec précision dans le Règlement sur les aliments et drogues [12] du Canada. Renvoyant à la définition de pain de viande, l'avocate a soutenu qu'elle renferme trois éléments : a) elle doit être composée de viande, fraîche ou conservée, hachée finement et cuite; b) elle peut contenir certains ingrédients, dont des agents de remplissage; et c) elle doit avoir une teneur totale en protéines d'au moins 11 p. 100. L'avocate a soutenu que les marchandises en cause sont composées de viande hachée finement et qu'elles ont une teneur totale en protéines de 11 p. 100. Les marchandises en cause ne renferment pas les ingrédients ajoutés, mais cet ajout est facultatif, et l'absence de ces ingrédients n'empêche pas les marchandises d'être du pain de viande. Elle a souligné que le «Spam», qui se vend comme pain de viande, ne renferme pas ces ingrédients non plus.

L'avocate de l'intimé a ajouté que Mme Hunt a reconnu que le jambon haché peut s'appeler pain de viande; que le jambon haché serait offert à côté du pain de viande au marché; que les deux produits sont considérés comme des garnitures pour sandwich; que la forme de la boîte dans laquelle les marchandises sont vendues n'est pas une condition essentielle des marchandises et ne détermine pas la nature des marchandises; et que la teneur totale en protéines de la viande n'a jamais atteint le minimum exigé pour le jambon haché.

En ce qui a trait aux arguments présentés par l'avocat du CVC, le Tribunal n'accepte pas que le terme «jambon en conserve», utilisé par le Tribunal antidumping dans ses conclusions de 1984 et par le présent Tribunal dans ses réexamens de ces conclusions, englobe nécessairement le jambon en conserve et le jambon haché. À la lecture de l'Énoncé des motifs de la décision de 1984 du Tribunal antidumping, il est évident que le terme «jambon en conserve» a servi à décrire le produit que Mme Hunt a dit être vendu comme jambon cuit.

En fait, le Tribunal croit que les marchandises en cause ne sont pas de même description que le jambon en conserve. Selon le témoignage de Mme Hunt, le jambon en conserve est un produit de qualité supérieure composé de plus gros morceaux de jambon et contenant moins de matière hachée finement que le jambon haché. Le jambon en conserve est perçu sur le marché comme un produit de qualité supérieure et dont le prix est en conséquence. Le Tribunal croit que le jambon haché occupe sur le marché un créneau distinct de celui du jambon en conserve.

Le Tribunal constate que les exigences d'étiquetage d'Agriculture Canada font la distinction entre le jambon haché et le jambon en conserve (appelé jambon désossé) [13] . En outre, le Règlement de 1990 sur l'inspection des viandes fait la distinction entre le jambon haché et le pain de viande [14] .

Bien que le jambon haché soit un produit de moindre qualité que le jambon en conserve, le Tribunal croit qu'il est d'une qualité supérieure à celle du pain de viande. Comme sa description l'indique, le pain de viande de porc peut être fait de n'importe quel morceau du cochon. Par contraste, le jambon haché ne provient que des gros muscles de la patte postérieure du cochon, ce qui est la viande de la plus haute qualité provenant de l'animal.

Le témoin expert de l'appelant, M. Brookman, a fait la distinction entre jambon haché et pain de viande de porc, en partie, en s'appuyant sur une inspection visuelle et sur une comparaison des marchandises en cause et de cinq pains de viande ordinaires. Il ressort également du témoignage de M. Ward qu'il y a une différence matérielle entre les deux produits; M. Ward a, en effet, dit que les morceaux de viande du jambon haché sont plus gros que ceux contenus dans le pain de viande. En outre, les marchandises en cause ne renferment pas d'additifs, par contraste marqué avec les autres pains de viande de fabrication canadienne.

Mme Hunt a témoigné que le jambon haché coûte plus cher que le pain de viande. En outre, la forme de la boîte du jambon haché est différente de celle de la boîte du pain de viande, bien que semblable à celle du produit de qualité supérieure, le jambon en conserve. Le Tribunal croit que le jambon haché est perçu sur le marché comme un produit de qualité supérieure au pain de viande de porc en conserve et qu'il occupe sur le marché un créneau distinct de celui du pain de viande. À la lumière de tous ces faits, le Tribunal croit que les marchandises en cause ne sont pas de même description que le pain de viande de porc qui est assujetti aux conclusions du Tribunal.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. La Loi sur les mesures spéciales d’importation (la LMSI), infra, note 2, a été modifiée par l’article 115 du Tarif des douanes le 1er janvier 1988 pour stipuler que les décrets du gouverneur en conseil, pris aux termes du paragraphe 7(1) du Tarif des douanes, sont réputés avoir été pris par le Tribunal aux termes de l’article 43 de la LMSI.

2. L.R.C. (1985), ch. S - 15.

3. Dans son exposé, l’appelant a soulevé deux autres questions qui ont été abandonnées pendant l’audience.

4. M. Ward n'a pas précisé la réglementation dont il parlait. Il parlait probablement du Règlement de 1990 sur l'inspection des viandes, DORS/90-288, le 14 mai 1990, Gazette du Canada Partie II, vol. 124, no 12 à la p. 2090.

5. Directive de l'hygiène des viandes : 1991-36, «Révision en profondeur du chapitre 7» du Manuel des méthodes, qui met à jour les exigences relatives à l'étiquetage des produits de viande, Agriculture Canada, Direction générale, Production et inspection des aliments, le 13 décembre 1991.

6. À 454 g par boîte.

7. À 340 g par boîte.

8. Mme Hunt n'a pas précisé la réglementation en question.

9. Le jambon provient de la patte postérieure du cochon, alors que le porc peut provenir de n'importe quelle partie du cochon.

10. Supra, note 4.

11. Comme Mme Hunt en a témoigné.

12. C.R.C. (1970), ch. 870.

13. Supra, note 5.

14. Supra, note 4.


Publication initiale : le 28 août 1996