GREYHOUND LINES OF CANADA LTD.

Décisions


GREYHOUND LINES OF CANADA LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-94-282

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 2 février 1998

Appel n o AP-94-282

EU ÉGARD À un appel entendu le 18 juin 1997 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 16 septembre 1994 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

GREYHOUND LINES OF CANADA LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant exploite une entreprise de transport de marchandises et de passagers, et est propriétaire et opérateur d'une grande flotte d'autobus au Canada. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines pièces achetées par l'appelant et utilisées dans la réparation ou la reconstruction des moteurs et transmissions de ses autobus entrent dans le champ d'application de la disposition d'exemption énoncée à l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, rendant ainsi l'appelant admissible à recevoir un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l'appelant n'est pas un fabricant aux fins de la disposition d'exemption en question. Le Tribunal est aussi d'avis que la valeur des marchandises en cause ne dépasse pas 2 000 $ l'unité et que ces dernières ne répondent donc pas à l'exigence ouvrant droit à l'exemption; de plus, les circonstances de la présente affaire ne révèlent pas qu'il y ait eu vente aux fins de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieux de l'audience par voie de vidéoconférence : Hull (Québec) et Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 18 juin 1997 Date de la décision : Le 2 février 1998
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffiers : Margaret Fisher et Anne Jamieson
Ont comparu : H. George McKenzie, c.r., pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 16 septembre 1994.

L'appelant exploite une entreprise de transport de marchandises et de passagers, et est propriétaire et opérateur d'une grande flotte d'autobus au Canada.

Le 24 octobre 1990, l'appelant a déposé une demande de paiement de la taxe de vente fédérale (TVF) au montant de 240 000 $ qui avait été versée comme partie du coût des pièces achetées pour réparer ou reconstruire les moteurs et transmissions de ses autobus. Dans un avis de détermination daté du 19 février 1991, la demande de remboursement de l'appelant a été rejetée. Dans un avis d'opposition daté du 6 mai 1991, l'appelant a fait opposition à la détermination. Dans un avis de décision du 16 septembre 1994, l'intimé a ratifié la détermination pour le motif que l'appelant n'était pas un fabricant, mais plutôt l'opérateur d'un atelier de réparation pour ses propres véhicules, et que la valeur de chacune des pièces utilisées dans la réparation des moteurs et des transmissions était inférieure à 2 000 $.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les pièces en cause entrent dans le champ d'application de la disposition d'exemption énoncée à l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi, rendant ainsi l'appelant admissible à recevoir un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi. L'article 68.2 prévoit qu'une personne peut demander le remboursement de la TVF payée à l'égard de marchandises subséquemment vendues dans certaines circonstances. L'article 68.2 prévoit ce qui suit :

68.2 Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe 23(6), de l'alinéa 23(8)b) ou des paragraphes 50(5) ou 51(1) si les marchandises avaient été fabriquées au Canada et vendues à l'acheteur par leur fabricant ou producteur, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur, si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente.

Les éléments pertinents de la partie XVII de l'annexe III de la Loi prévoient, notamment, ce qui suit :

PARTIE XVII

MATÉRIEL DE TRANSPORT

5. Véhicules automobiles et véhicules articulés composés d'un véhicule tracteur et d'une ou de plusieurs remorques conçus et équipés en permanence pour le transport d'au moins douze passagers et devant être utilisés exclusivement pour les catégories de transport de passagers qui peuvent être prescrites, par règlement, par le gouverneur en conseil.

10. Pièces et matériel installés sur les marchandises exemptes de taxe mentionnées [à l'article] […] 5, […] de la présente partie […] lorsque le prix de vente demandé par le fabricant canadien ou la valeur à l'acquitté de l'article importé dépasse deux milles dollars l'unité, ou installés sur de telles marchandises avant la première utilisation de celles-ci.

Avant l'audience du présent appel, les parties ont soumis un énoncé conjoint des faits [2] d'où sont tirés les faits suivants. Aux termes de l'article 51 de la Loi, les autobus opérés par l'appelant sont exemptés de la taxe imposée en application de l'article 50 de la Loi, puisqu'ils sont inclus dans les marchandises mentionnées à l'article 5 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi. Aux termes de l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi, les pièces et le matériel installés sur les autobus de l'appelant sont exemptés de la taxe prévue à l'article 50 de la Loi, lorsque le prix de vente demandé par le fabricant canadien dépasse 2 000 $ l'unité.

Dans le cadre de son entreprise de transport par autobus, l'appelant enlève les moteurs usés et les transmissions usées de ses autobus et les reconstruit dans le but de les y réinstaller. Au cours de la reconstruction d'un moteur ou d'une transmission, l'appelant accomplit un grand nombre d'étapes [3] . Un moteur usé ou une transmission usée n'est jamais réinstallé sur l'autobus dont il provient, pour minimiser le « temps d'arrêt » de l'autobus. Les moteurs et les transmissions sont enlevés des autobus soit lorsqu'ils ne peuvent plus accomplir la fonction pour laquelle ils sont conçus ou que leur vie utile est achevée. Lorsqu'un moteur ou une transmission est reconstruit, l'appelant l'entrepose et l'installe subséquemment sur un autobus, au besoin.

Dans le cadre de la reconstruction d'un moteur ou d'une transmission, l'appelant achète tous les composants de rechange de tierces parties. La juste valeur marchande d'un moteur reconstruit est de 20 000 $, et la juste valeur marchande d'une transmission reconstruite est de 8 000 $ [4] . Le prix de vente de chacun des composants de rechange que l'appelant achète et dont il se sert dans la reconstruction des moteurs et des transmissions est inférieur à 2 000 $. Un moteur reconstruit ou une transmission reconstruite a une durée de vie utile de beaucoup supérieure à celle du moteur usé ou de la transmission usée enlevé de l'autobus. Par exemple, après une première reconstruction, la durée utile prévue d'un moteur reconstruit est de 300 000 milles.

La TVF a été payée par des personnes autres que l'appelant aux termes du sous-alinéa 50(1)a)(i) de la Loi et a été incluse dans le prix d'achat de certains des composants de rechange acquis par l'appelant et utilisés par ce dernier dans la reconstruction des moteurs et des transmissions. C'est le montant de la TVF susmentionnée que l'appelant demande de recevoir à la suite de l'appel qu'il interjette.

Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelant a soutenu que les moteurs reconstruits et les transmissions reconstruites sont des pièces dont la valeur dépasse 2 000 $, qui sont fabriquées par l'appelant et qui deviennent exemptes de la TVF une fois installées sur les autobus de l'appelant. Aux termes de l'article 68.2 de la Loi, l'appelant est admissible à recevoir, relativement à la TVF payée sur les composants qu'il a achetés pour reconstruire les moteurs ou les transmissions, une somme égale au montant de la TVF incluse dans le prix d'achat desdits composants. L'avocat a aussi fait valoir que, dans les arguments qu'il a présentés dans son mémoire, l'intimé ne conteste pas l'application de l'article 68.2 de la Loi en l'espèce.

L'avocat de l'appelant a soutenu qu'un élément crucial dans la présente affaire consiste à déterminer si l'appelant est un fabricant de moteurs reconstruits et de transmissions reconstruites. À cet égard, il a soutenu que le processus appliqué pour reconstruire les moteurs et les transmissions est un processus de fabrication aux fins de la TVF. Le produit fini du processus de reconstruction est notablement différent de celui qui existait au début du processus. Comme l'énoncé conjoint des faits l'indique, les moteurs reconstruits et les transmissions reconstruites ont de nouvelles qualités et de nouvelles propriétés et leur valeur est sensiblement accrue. Il s'agit là, selon l'avocat, des critères appliqués pour déterminer l'existence d'une fabrication. L'avocat de l'appelant a contesté la déclaration incluse dans la décision de l'intimé selon laquelle, au sujet de l'activité de l'appelant concernant les moteurs et les transmissions, « [a]ucune nouvelle forme, qualité ni propriété, par exemple la qualité marchande ou la valeur commerciale accrue, n'est ajoutée [5] [traduction] ». Manifestement, une certaine valeur commerciale et de nouvelles propriétés ont été ajoutées au moteur, puisqu'il peut fonctionner encore 300 000 milles après avoir été réparé, c'est-à-dire, qu'il possède une nouvelle vie utile et une nouvelle valeur. Par conséquent, d'après les critères mêmes de l'intimé, l'appelant est un fabricant.

L'avocat de l'appelant a renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Biltrite Tire Company c. His Majesty the King [6] ainsi qu'à la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Myer Franks Ltd. c. Her Majesty the Queen [7] à l'appui de son argument selon lequel l'appelant est un fabricant. L'avocat a soutenu que, dans l'affaire Biltrite, la Cour suprême a conclu que le rechapage des pneus usés est de la fabrication et a rejeté l'argument de la Couronne selon lequel, parce que les vieux pneus ne perdent pas leur identité initiale, le processus n'en est pas un de fabrication. Dans l'affaire Myer Franks, la Cour fédérale a conclu que le reconditionnement de barils d'huile est un processus qui confère aux barils de nouvelles propriétés qui permettent aux barils reconditionnés de pouvoir servir à tous les usages pour lesquels un nouveau baril pourrait être conçu et, donc, que le reconditionnement est considéré comme une fabrication. Quant au mémorandum concernant la réparation et la reconstruction, soit le Mémorandum de l'Accise ET 208 [8] (le Mémorandum ET 208), l'avocat a soutenu que l'activité de l'appelant répond à la définition de « reconstruction » parce que ce que l'appelant fait aux moteurs et aux transmissions prolonge leur période d'usage, leur donne plus de valeur et les rend plus commercialisables. Les moteurs reconstruits valent dix fois ce qu'ils valaient avant d'être reconstruits, et les transmissions valent plus de trois fois ce qu'elles valaient avant d'être reconstruites. L'avocat a soutenu que, au vu même des termes du Mémorandum ET 208, l'intimé a reconnu que la reconstruction est considérée comme une fabrication. Il a distingué entre la réparation et la reconstruction en déclarant que, lorsque quelqu'un répare quelque chose, il n'ajoute pas à la durée utile de l'article en question, mais fait plutôt en sorte que l'article atteigne sa durée de vie utile. Lorsqu'un article est reconstruit, la période de son usage est prolongée au-delà de sa vie utile initiale.

L'avocat de l'appelant a soutenu que les composants utilisés dans le processus de reconstruction sont installés sur les moteurs reconstruits, et non sur un autobus particulier. Plutôt, ce sont les moteurs reconstruits ou les transmissions reconstruites qui sont subséquemment installés sur les autobus. Ce sont ces pièces, c'est-à-dire les moteurs reconstruits ou les transmissions reconstruites, qui sont visées dans l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi. Puisqu'il est convenu que les moteurs et les transmissions ont une juste valeur marchande qui dépasse 2 000 $, il s'agit de marchandises admissibles à l'exemption de la TVF.

L'avocat de l'appelant a ensuite abordé la question de la nature de la « taxe » que l'appelant a versée et dont il veut recevoir le remboursement ou le paiement. Il a souligné que le montant demandé ne correspond pas à la taxe payée par l'appelant à titre de fabricant, mais plutôt au montant précisé à l'article 68.2 de la Loi. Ce montant a été payé à l'égard des moteurs reconstruits et des transmissions reconstruites, marchandises qui sont exemptes de la taxe du fait de leur installation sur un des autobus de l'appelant. Autrement dit, le montant demandé est un montant égal à la taxe versée sur les composants qui ont été acquis par l'appelant et utilisés dans la reconstruction des moteurs et des transmissions.

Interprétant l'expression « in respect of » (« à l'égard de »), l'avocat de l'appelant a renvoyé le Tribunal à sa décision dans l'affaire J. & D. Trophies & Engraving c. Le ministre du Revenu national [9] . Il a soutenu que, dans cette affaire, il semblait n'y avoir aucune question à savoir si les composants en cause perdaient ou non leur identité après avoir été assemblés en marchandises finies. Dans la présente affaire, les composants acquis par l'appelant perdent aussi leur identité, après avoir été assemblés pour faire des moteurs reconstruits ou des transmissions reconstruites. Autrement dit, la présente affaire traite de l'incorporation de marchandises dans un produit différent, et non de leur agrégation. De plus, le remboursement en question dans l'affaire J. & D. Trophies s'appliquait aux marchandises à l'égard desquelles la TVF avait été versée, et l'article 68.2 de la Loi traite de la taxe versée aux termes de la partie VI à l'égard de marchandises. L'avocat a souligné que le Tribunal avait renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gene A. Nowegijick c. La Reine [10] , dans laquelle la Cour suprême a déclaré que l'expression « in respect of » doit avoir la portée la plus large possible. Le Tribunal a alors poursuivi en déclarant que :

Comme la TVF a été versée sur les pièces qui ont servi à l'assemblage des produits finis, la majorité du Tribunal estime que cette taxe a été versée « relativement » ou « par rapport » aux nouvelles marchandises fabriquées par l'appelant. Selon la majorité du Tribunal, il est évident qu'il existe un « lien quelconque » entre la taxe versée sur les pièces qui sont incorporées dans les produits finis et les produits finis en soi [11] .

L'avocat de l'appelant a soutenu que, pour les mêmes motifs, le Tribunal doit conclure dans la présente affaire que la taxe a été versée aux termes de la partie VI à l'égard des moteurs reconstruits et des transmissions reconstruites, puisque la taxe a été versée sur les composants ou les pièces qui ont servi à l'assemblage des moteurs reconstruits et des transmissions reconstruites.

Avant d'entendre la plaidoirie de l'avocat de l'intimé, le Tribunal a demandé à l'avocat de l'appelant de quelle façon l'installation des moteurs reconstruits ou des transmissions reconstruites sur les autobus de l'appelant constituait une « vente » aux fins de l'article 68.2 de la Loi. L'avocat a soutenu qu'il s'agit là d'une vente du fait de l'affectation, par l'appelant, de la marchandise à ce moment particulier. Il a renvoyé à l'article 52 de la Loi et a soutenu que, même si cet article ne fait pas spécifiquement mention d'une vente, l'appelant est un fabricant et que manifestement il y a affectation pour son propre usage, et que l'affectation, dans le contexte de la Loi, est une vente.

L'avocat de l'intimé a d'abord traité de l'objet de l'article 68.2 de la Loi. Il a soutenu que cet article autorise un remboursement à quelqu'un d'autre que la personne qui a de fait payé la TVF et, plus précisément, le remboursement à la personne qui a vendu les marchandises à un acheteur exonéré de la taxe. Selon l'avocat, la disposition susmentionnée existe pour deux raisons. En premier lieu, il est impossible de déterminer si la vente est exempte de taxe ou non avant la vente à l'acheteur ultime. En second lieu, il faut supposer que le vendeur a soit payé la taxe directement en tant que fabricant ou l'a payée indirectement en tant que partie du prix payé au fabricant. À titre d'exemple du mécanisme d'application de l'article 68.2 de la Loi, l'avocat a soutenu que, lorsqu'un fabricant vend à une personne « A » un produit à un prix renfermant la taxe et que cette dernière le vend à une personne « B » à un prix exonéré de taxe, le prix de vente à la personne « B » n'a pas besoin d'inclure la taxe payée par la personne « A » au fabricant. La personne « A » peut demander le remboursement du montant de la taxe qu'elle a payée en tant que majoration du fabricant et, lorsqu'elle recouvre ledit montant, toutes les parties, y compris le ministère du Revenu national (Revenu Canada), sont donc quittes.

Abordant la présente affaire, l'avocat de l'intimé a soutenu que, ce que l'appelant doit établir c'est le fait qu'il a vendu les marchandises à l'égard desquelles la taxe a été payée, non seulement en vertu de l'article 68.2 de la Loi, mais aussi en vertu de l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi, étant donné que, selon cette dernière disposition, c'est du prix de vente par le fabricant canadien dont il doit être tenu compte. De plus, l'appelant doit démontrer que les marchandises elles-mêmes sont admissibles à l'exemption, c'est-à-dire que ce sont des pièces et du matériel d'un prix de vente qui dépasse 2 000 $. L'avocat a soutenu que l'appel doit être rejeté pour tous les motifs susmentionnés, c'est-à-dire que l'appelant est incapable de démontrer qu'il est soit le fabricant soit le vendeur des marchandises et qu'il est incapable de démontrer que la valeur des marchandises en cause dépasse 2 000 $.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les éléments de preuve indiquent que les autobus sont la propriété de l'appelant, que les moteurs sont la propriété de l'appelant et que c'est l'appelant lui-même qui enlève les moteurs de ses propres autobus et les reconstruit. L'opération de réparation est effectuée avec des pièces de rechange achetées par l'appelant, et chacune de ces pièces a un prix de vente inférieur à 2 000 $, y compris toute TVF payée par le fabricant ou par le distributeur qui l'a vendue à l'appelant. Après leur reconstruction, les moteurs ont une valeur supérieure à 2 000 $. L'avocat a soutenu qu'il importe de prendre note que, une fois réinstallés sur les autobus, les moteurs accomplissent exactement la même fonction qu'ils accomplissaient alors qu'ils étaient neufs. Aucune capacité d'accomplir une nouvelle fonction ne leur est ajoutée.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il est manifeste que l'appelant n'est pas le vendeur en l'espèce. Il a souligné que, en réponse aux questions du Tribunal à ce sujet, l'avocat de l'appelant a invoqué des dispositions de la Loi portant sur l'affectation, par une personne, de marchandises à son propre usage. Il a soutenu que, pour que l'appelant puisse faire valoir que les dispositions susmentionnées en font un vendeur, l'appelant doit satisfaire à au moins deux conditions. En premier lieu, l'appelant doit convaincre le Tribunal que les dispositions susmentionnées ont été établies pour déterminer ou définir un fabricant qui affecte des choses à son propre usage en tant que vendeur. L'avocat de l'intimé a soutenu que les dispositions susmentionnées n'ont tout simplement pas été conçues à cette fin. Leur intention se rapporte plutôt à l'imposition de taxe dans certaines circonstances. De plus, l'avocat a souligné que lesdites dispositions n'ont pas été intégrées à l'article 68.2 de la Loi. En second lieu, l'appelant doit convaincre le Tribunal qu'il était le fabricant des marchandises, ce qui se rapporte aussi à la disposition d'exemption prévue à la partie XVII de l'annexe III de la Loi. Il a souligné que l'appelant n'avait été assujetti à aucune taxe en vertu desdites dispositions. Il a soutenu que cet état des choses découle de l'absence de fabrication dans ce que fait l'appelant.

L'avocat de l'intimé a soutenu que, pour être admissible en tant que fabricant des moteurs reconstruits et des transmissions reconstruites, l'appelant doit démontrer qu'il leur a donné de nouvelles formes et qualités. À cet égard, l'avocat a souligné que l'appelant a toujours été propriétaire des marchandises. Il les a achetées neuves, probablement avec les autobus, et, par conséquent, ne les a jamais vendues ni acquises à l'état usagé. L'appelant ne les a que remises en leur état de fonctionnement initial. À l'appui de la position que l'appelant a réparé les marchandises, plutôt que de les fabriquer, l'avocat a invoqué la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Enseignes Imperial Signs Ltée c. Le ministre du Revenu national [12] , où la Cour fédérale a distingué entre la remise de quelque chose en son état de fonctionnement initial et une activité dont le résultat est quelque chose qui peut remplir une fonction différente de celle qui était accomplie avant l'activité.

L'avocat de l'intimé a soutenu que ce que l'appelant fait, c'est remettre quelque chose en son état de fonctionnement initial. Une telle opération n'est pas de la fabrication, mais de la réparation. Il a soutenu qu'une telle interprétation se trouve corroborée dans le Mémorandum ET 208, qui mentionne, au paragraphe 1, que « [l]a reconstruction des marchandises (dans la mesure où on a changé la conception ou la fonction des marchandises) est considérée comme de la fabrication ». Certains des critères utilisés pour déterminer s'il y a eu fabrication, énoncés au paragraphe 3, sont les suivants : a) « l'existence ou l'identité du produit initial a été perdue après la restauration »; b) « le produit initial possède des capacités nouvelles ou améliorées qu'il n'avait pas à l'origine ». L'avocat a fait observer que, bien que les mémorandums de l'accise ne soient pas en eux-mêmes une source que le Tribunal doive considérer comme déterminante, ils peuvent éclairer ce dernier. L'avocat a aussi attiré l'attention du Tribunal sur le paragraphe 8 du Mémorandum ET 208 qui indique que « [l]a restauration des marchandises par le remplacement des pièces ou des composantes usées, endommagées ou défectueuses; ou par la réparation des composantes défectueuses, est considérée comme une réparation et non pas comme une fabrication ou production lorsque les conditions énumérées au paragraphe 3 ne sont pas remplies ». L'avocat a soutenu qu'aucune capacité nouvelle ou améliorée n'a été donnée aux moteurs et aux transmissions par rapport à leurs capacités initiales, et que l'existence ou l'identité du produit initial n'a pas été perdue après la restauration effectuée par l'appelant. L'appelant n'est pas un fabricant parce qu'il ne fabrique pas lesdites marchandises, mais, plutôt, qu'il les répare.

Quant à la valeur des marchandises en cause, l'avocat de l'intimé a soutenu que l'exemption demandée par l'appelant est spécifiquement liée à des pièces et que rien dans la disposition législative ne laisse à penser qu'il est possible d'utiliser le prix global de toutes les pièces, par opposition au prix de chacune. En l'espèce, les faits démontrent que la valeur de chacune des pièces est inférieure à 2 000 $ et, donc, qu'elles ne sont pas exemptes de la taxe. En conclusion, l'avocat a soutenu que l'appelant n'a pas pu démontrer que la valeur des marchandises en cause dépasse 2 000 $ et, de plus, n'a pas pu démontrer qu'il est le fabricant desdites marchandises aux fins de l'article 68.2 de la Loi et de l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi.

En réponse, l'avocat de l'appelant a soutenu que l'intimé n'avait pas soulevé la question de savoir si l'appelant avait satisfait aux exigences de l'article 68.2 de la Loi ou non. Cependant, il a soutenu que la position de l'appelant était que ce dernier est le fabricant aux fins de l'article susmentionné, ainsi que l'acheteur des marchandises, par affectation desdites marchandises. L'appelant installe également les marchandises et en est l'utilisateur final. C'est l'installation des marchandises sur les autobus de l'appelant qui, ultimement, ouvre droit au paiement du montant qui fait l'objet de l'appel. L'avocat a soutenu qu'une telle position se trouve corroborée dans la politique de Revenu Canada au sujet des remboursements, que reflète le Communiqué de l'Accise 149/TI [13] qui mentionne que « [u]n remboursement d'un montant égal à la taxe payée sera versé à l'installateur de pièces et de matériel admissibles. L'installateur peut être le propriétaire et (ou) l'opérateur qui achètent ces marchandises sur lesquelles la taxe a été acquittée et qui en font leur propre installation [14] ». Du fait d'une telle politique, l'appelant entre donc dans le champ d'application de l'article 68.2 de la Loi.

Abordant les arguments de l'intimé sur le fait que les marchandises en cause demeurent toujours la propriété de l'appelant, l'avocat de l'appelant a souligné que le paragraphe 2 du Mémorandum ET 208 mentionne que « [o]n considère les personnes comme fabricants ou producteurs lorsque, par l'intermédiaire de leur commerce, elles acquièrent des marchandises usagées, que ce soit par l'achat, le troc, l'échange ou par tout autre moyen, et qu'elles les vendent subséquemment après les avoir reconstruites ». Il a soutenu que l'appelant a acquis les moteurs et les transmissions devant être reconstruits en les enlevant des autobus. Il existe un changement théorique entre un moteur qui fonctionne utilisé dans l'entreprise de l'appelant et un moteur affecté au volet reconstruction ou fabrication de l'entreprise de l'appelant, et c'est ce processus de reconstruction qui est considéré comme de la fabrication en l'espèce. L'avocat a réitéré son opinion que, en l'espèce, le Tribunal doit déterminer, d'après les faits de la présente affaire, si l'appelant est un fabricant et s'il est admissible à recevoir le paiement qu'il demande.

Le Tribunal est d'accord avec les parties que, pour conclure en faveur de l'appelant, le Tribunal doit être convaincu que l'appelant est un fabricant aux fins de l'exemption prévue à l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi. À cet égard, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve montrent que l'appelant n'est pas un fabricant dans les circonstances du présent appel. Plus précisément, le Tribunal est d'avis que le processus appliqué aux moteurs et aux transmissions est un processus de réparation, et non un processus qui puisse être considéré comme de la fabrication. Le Tribunal est d'avis que la jurisprudence invoquée par les avocats des deux parties indique qu'il faut déterminer le bien-fondé de chaque affaire et que la ligne de démarcation entre les opérations de réparation et de reconstruction peut être mince. Cependant, le Tribunal est convaincu que, en l'espèce, les éléments de preuve montrent que, bien que le processus exécuté par l'appelant puisse prolonger la période d'usage d'un moteur ou d'une transmission spécifique, selon le cas, il n'apporte aucune qualité ni propriété particulière au moteur ou à la transmission qui pourrait permettre de dire que l'appelant a fabriqué ou créé un nouveau produit dont les fonctions ou les capacités sont différentes de celles que le moteur ou la transmission avait à l'origine. Autrement dit, le moteur est encore un moteur ou la transmission est encore une transmission après la restauration par l'appelant.

Bien que les conclusions du Tribunal sur la question de savoir si l'appelant peut être considéré comme un fabricant suffise pour statuer dans le présent appel, le Tribunal souhaite aussi présenter des observations au sujet des autres conditions que l'appelant aurait dû satisfaire pour que son appel soit accueilli, à savoir que la valeur des marchandises en cause dépasse 2 000 $ et qu'il y ait eu une vente aux fins de l'article 68.2 de la Loi dans les circonstances de la présente affaire. Quant à la valeur des marchandises en cause, le Tribunal est d'avis que l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi prévoit clairement la vente par unité et, dans le cas présent, les unités et les articles qui sont achetés par l'appelant dans le but de les installer sur les autobus exempts de la taxe sont des pièces ou des composants utilisés dans la réparation des moteurs ou des transmissions, et non les moteurs ou les transmissions eux-mêmes. Ainsi que l'indique l'énoncé conjoint des faits, leur valeur unitaire est inférieure à 2 000 $ et, par conséquent, les marchandises ne répondent pas à la condition susmentionnée ouvrant droit à l'exemption. Quant à la question de savoir s'il y a vente aux fins de l’article 68.2 de la Loi, le Tribunal est d'accord avec l'avocat de l'intimé que les dispositions de la Loi concernant l'affectation qu'a invoquées l'appelant pour démontrer l'existence d'une vente ne s'appliquent pas en l'espèce à l'article 68.2. Le Tribunal n'est pas d'accord avec l'appelant pour dire qu'il se vend à lui-même les marchandises en cause, c.-à-d. les pièces ou les composants utilisés dans la réparation des moteurs ou des transmissions, aux fins desdites dispositions.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Pièce 12.1.

3. Pour ce qui est du processus appliqué dans la reconstruction des moteurs, le paragraphe 8 de l'énoncé conjoint des faits décrit environ 40 étapes. Pour ce qui est du processus appliqué dans la reconstruction des transmissions, le paragraphe 9 de l'énoncé conjoint des faits décrit environ 12 étapes.

4. Le paragraphe 7 de l'énoncé conjoint des faits indique que, lorsqu'on les enlève des autobus, la valeur des moteurs est de 2 000 $ chacun et celle des transmissions est de 2 500 $ chacune.

5. Ministère du Revenu national, Douanes et Accise, Avis de décision, dossier no ALB 9243, le 16 septembre 1994, à la p. 2.

6. [1937] R.C.S. 364.

7. Non publiée, Section de première instance, numéro du greffe T-3446-72, le 5 février 1973.

8. Réparation et reconstruction, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 3 janvier 1990.

9. Appel no AP-91-213, le 26 janvier 1993.

10. [1983] 1 R.C.S. 29.

11. Supra note 9 à la p. 3.

12. Non publiée , numéro du greffe A-264-89, le 28 février 1990.

13. Pièces conçues pour le matériel de transport, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, mars 1987.

14. Ibid. à la p. 2.


Publication initiale : le 21 avril 1998