NORTHERN TELECOM CANADA LIMITÉE

Décisions


NORTHERN TELECOM CANADA LIMITÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-94-340, AP-95-133 et AP-95-136

TABLE DES MATIERES

Ottawa, le lundi 26 février 1996

AP-94-340, AP-95-133 and AP-95-136Northern Telecom Canada LimitedRaynald GuayArthur B. TrudeauDesmond HallisseySeptember 19, 1995

Appels nos AP-94-340, AP-95-133 et AP-95-136

EU ÉGARD À des appels entendus le 19 septembre 1995, aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD AUX décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 17 janvier, le 24 août et le 8 septembre 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont admis.


Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les marchandises en cause sont des modules émetteurs et récepteurs importés par l'appelant par l'entremise d'une société connexe installée au Royaume-Uni. Les modules sont montés sur des assemblages de cartes imprimées destinés à servir de composants dans divers types de matériel de télécommunications. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les modules émetteurs et récepteurs optoélectroniques importés par l'appelant sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8517.40.91 à titre d'«Appareils électriques pour la téléphonie ou la télégraphie par fil [...] Autres appareils, pour la télécommunication par courant porteur [...] Pour la téléphonie», comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8542.20.00 à titre de «Circuits intégrés et micro-assemblages électroniques [...] Circuits intégrés hybrides» (CIH), comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont admis. Les seuls aspects visés par la définition des CIH énoncée à la Note 5 du Chapitre 85 de l'annexe I du Tarif des douanes portent sur la question de déterminer si les marchandises en cause sont «réuni[es], de façon pratiquement indissociable» et, dans l'affirmative, si cela se produit «sur un même substrat isolant». Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont indissociables, puisqu'elles sont fabriquées pour fonctionner comme une seule unité. En outre, ces marchandises sont scellées hermétiquement, sont montées à titre d'unité directement sur le système dans lequel elles fonctionnent et ne sont pas réparables. Le Tribunal est d'avis que le qualificatif «isolant» renvoie aux propriétés électriques plutôt que physiques du substrat. Les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause n'ont qu'un même substrat isolant du point de vue électrique. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont des CIH. Comme la Note 5 précise explicitement que les «[c]ircuits intégrés et micro-assemblages électroniques» comprennent les CIH et qu'il a été déterminé que les marchandises en cause sont des CIH, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la position n o 85.42 et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 8542.20.00.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 septembre 1995 Date de la décision : Le 26 février 1996
Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : W. Jack Millar et James A. Bodi, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 17 janvier, le 24 août et le 8 septembre 1995.

L'appelant est un fabricant de matériel de télécommunications qu'il vend au Canada et à l'étranger. Les marchandises en cause sont des modules émetteurs et récepteurs importés par l'appelant par l'entremise d'une société connexe installée au Royaume-Uni. Les modules sont montés sur des assemblages de cartes imprimées destinés à servir de composants pour divers types de matériel de télécommunications. Les marchandises en cause convertissent les signaux électriques en signaux optiques et vice versa.

Les marchandises en cause ont été importées à plusieurs reprises en 1993, 1994 et 1995. Les marchandises visées par l'appel no AP-94-340 sont des émetteurs et des récepteurs de modèle OC-3 et OC-12. Au moment de leur importation, les émetteurs ont été classés dans le numéro tarifaire 8518.10.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] . Les récepteurs ont été classés dans le numéro tarifaire 8525.10.90. L'appelant a par la suite présenté une demande de rajustement en février 1994. Le 9 août 1994, une décision a été rendue en vertu du paragraphe 60(3) de la Loi, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8517.40.90 à titre d'«Autres appareils, pour la télécommunication par courant porteur [...] Autres appareils ». L'appelant a déposé une demande de réexamen et l'intimé a par la suite maintenu le classement des marchandises en cause [3] . Avant l'audience sur cette question, les appels nos AP-95-133 et AP-95-136 ont été réunis à l'appel no AP-94-340. Ces appels portent sur les émetteurs et les récepteurs de modèle OC-48.

À l'ouverture de l'audience, l'avocat de l'appelant a indiqué que l'appelant était disposé à accepter la décision de l'intimé concernant les modules OC-3 et OC-12 et qu'il retirait donc l'appel no AP-94-340. L'avocat a également indiqué que les éléments de preuve et arguments que l'appelant présenterait pour les appels nosAP-95-133 et AP-95-136 se limiteraient à soutenir que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8542.20.00. En d'autres termes, l'appelant acceptait que, si les marchandises en cause ne devaient pas être classées dans le numéro tarifaire 8542.20.00, elles étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8517.40.91 E0… titre d'«Appareils électriques pour la téléphonie ou la télégraphie par fil [...] Autres appareils, pour la télécommunication par courant porteur [...] Pour la téléphonie», comme l'a déterminé l'intimé. L'avocat de l'intimé n'avait pas d'objection à faire valoir ni d'observations à ajouter relativement aux déclarations de l'avocat de l'appelant pour ce qui est du désaccord entre les parties.

La question en litige dans ces appels consiste, par conséquent, à déterminer si les modules émetteurs et récepteurs optoélectroniques OC-48 importés par l'appelant sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8517.40.91 à titre d'«Appareils électriques pour la téléphonie ou la télégraphie par fil [...] Autres appareils, pour la télécommunication par courant porteur [...] Pour la téléphonie», comme l'a déterminé l'intimé ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8542.20.00 à titre de «Circuits intégrés et micro-assemblages électroniques [...] Circuits intégrés hybrides» (CIH), comme l'a soutenu l'appelant.

Les numéros pertinents de l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivants :

85.17 Appareils électriques pour la téléphonie ou la télégraphie par fil, y compris les appareils de télécommunication par courant porteur.

8517.40 -Autres appareils, pour la télécommunication par courant porteur

8517.40.91 ----Pour la téléphonie

85.42 Circuits intégrés et micro-assemblages électroniques.

8542.20.00 -Circuits intégrés hybrides

La Note 5 du Chapitre 85 de l'annexe I du Tarif des douanes prévoit que «[p]our les articles définis dans la présente Note, les nos 85.41 et 85.42 ont priorité sur toute autre position de la Nomenclature susceptible de les couvrir en raison de leur fonction notamment.» À cet égard, selon la Note 5, les «[c]ircuits intégrés et micro-assemblages électroniques» comprennent les CIH qui sont définis comme il suit :

b) les circuits intégrés hybrides réunissant, de façon pratiquement indissociable, sur un même substrat isolant (verre, céramique, etc.) des éléments passifs (résistances, capacités, interconnexions, etc.), obtenus par la technologie des circuits à couche mince ou épaisse et des éléments actifs (diodes, transistors, circuits intégrés monolithiques, etc.) obtenus par la technologie des semi - conducteurs. Ces circuits peuvent inclure également des composants discrets;

L'avocat de l'appelant a fait comparaître deux témoins. Son premier témoin était M. Dieter H. Hundrieser, directeur, Qualité et qualification optoélectroniques, chez Northern Telecom et Recherches Bell-Northern. Ses responsabilités consistent à s'assurer que le produit mis au point et fabriqué respecte toutes les normes de rendement applicables et, en particulier, les exigences relatives à la fiabilité. En ce qui a trait aux marchandises en cause, M. Hundrieser a indiqué qu'il avait participé de très près à leur mise au point, en particulier à l'élaboration de la technique exclusive de scellement ultra-propre utilisée pour garantir leur fiabilité.

M. Hundrieser a décrit les marchandises en cause comme étant des circuits intégrés hybrides hermétiques utilisés dans les systèmes de transmission numérique à haute vitesse, qui assurent le trafic téléphonique et le trafic de données entre bureaux centraux de commutation. Par exemple, un interurbain serait acheminé par un système de transmission par fibre optique OC-48. La principale fonction de l'émetteur est de convertir des signaux électroniques codés numériques en signaux optiques équivalents. Le récepteur convertit les signaux optiques en signaux électroniques. Il a souligné que les marchandises en cause fonctionnent à des fréquences très élevées, qui sont, par exemple, environ 80 fois plus élevées que les fréquences des systèmes à modulation de fréquence utilisés pour la radio ou que celles des systèmes utilisés pour la télévision.

M. Hundrieser a expliqué que les modules étaient fabriqués dans des «salles propres» spéciales pour que leurs composants très sensibles, en particulier les lasers et les photodiodes, ne soient pas contaminés. Pour stabiliser les lasers qui sont extrêmement sensibles aux variations de température, ils sont installés dans les modules à des étages à température contrôlée. Ces étages remplissent un rôle d'isolant thermique entre les deux substrats du module qui sont physiquement séparés l'un de l'autre. M. Hundrieser a affirmé que, du point de vue électrique, il n'y a qu'un seul substrat continu, et que sinon, les signaux à haute vitesse entrant dans le laser seraient distordus. Il a également indiqué que les modules comprenaient des éléments passifs tels que les condensateurs et les inducteurs, et des éléments actifs tels que les diodes laser dans l'émetteur et les photodiodes dans le récepteur. Ces éléments sont reliés au substrat soit avec de la colle époxyde conductrice, soit par microcâblage ou par ces deux éléments. En ce qui a trait au rôle du dispositif de fermeture du module, M. Hundrieser a indiqué que ce dispositif est soudé à l'unité et scelle donc cette dernière hermétiquement, c.-à-d. qu'aucun gaz atmosphérique susceptible de modifier le fonctionnement du module ne peut y pénétrer. À son avis, le dispositif de fermeture fait très certainement partie des marchandises en cause. Il a remarqué que les modèles OC-3 et OC-12 n'étaient pas scellés hermétiquement.

Invité à faire des observations sur la description des marchandises en cause énoncée dans le rapport [4] de monsieur M.A. Ali, M. Hundrieser a déclaré que cette description était exacte. Il a aussi affirmé que, dans l'exercice de ses activités commerciales, l'appelant n'expédiait pas de produits «réparés» à ses clients. Il a souligné que, contrairement aux marchandises en cause, les modèles OC-3 et OC-12 étaient réparables. Enfin, M. Hundrieser a soutenu que les marchandises en cause seraient considérées par l'industrie comme étant des CIH, puisqu'il s'agit de circuits hermétiquement fermés, qui sont formés sur un matériel en céramique ou intégrés à ce dernier.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Hundrieser a reconnu qu'il existait un espace à l'intérieur du substrat en céramique des marchandises en cause, mais a répété qu'à son avis, en ce qui concerne le signal à hyperfréquences, les marchandises en cause n'ont qu'un même substrat diélectrique et que l'espace dans le substrat est là strictement à des fins d'isolation thermique, c.-à-d. pour contrôler la température du laser ou des diodes. Il a également affirmé que l'émetteur a un autre substrat entre le laser et le refroidisseur thermoélectrique. Ici encore, bien que ce substrat soit physiquement séparé des deux autres substrats, il leur est relié en ce sens que tous les substrats font partie du trajet optique. Quant à la capacité des marchandises en cause d'être réparées, M. Hundrieser a indiqué qu'il ne connaissait aucun procédé permettant de pénétrer dans les modules scellés, de les réparer et ensuite de les revendre ou de les renvoyer à un client. Il a également remarqué qu'en vertu des normes de Bellcore s'appliquant aux marchandises en cause, il est interdit de réparer ces types de modules.

En réponse aux questions du Tribunal, M. Hundrieser a déclaré que l'expression «circuit hybride» désigne une combinaison de technologies des composants appliquées sur un substrat. Il faut qu'il y ait un même substrat ou élément diélectrique pour satisfaire aux exigences de transmission. Il a reconnu qu'il existait un espace entre les deux substrats des marchandises en cause à des fins d'isolation thermique, mais a répété que, du point de vue des propriétés de transmission électrique, il n'y a qu'un seul substrat et que les pièces des deux substrats fonctionnent comme une seule unité. En outre, il a certifié que les principaux critères de conception des marchandises en cause ne sont pas d'ordre physique mais électronique ou électrique et que, en ce sens, il n'y a qu'un même substrat isolant.

Le deuxième témoin de l'appelant était M. Ali, qui est un membre du personnel technique, Assurance de la fiabilité des composants, chez Bell Communication Research. Il travaille dans les laboratoires de Bellcore, à Red Bank (New Jersey). Bellcore appartient aux sociétés de téléphone régionales créées aux États-Unis après l'éclatement de la société Bell. Dans le cadre de ses fonctions, M. Ali est tenu d'analyser en détail les types de systèmes, jusqu'au niveau de leurs composants, qui sont fournis aux sociétés exploitantes régionales de Bell. Les marchandises en cause sont des composants de ces systèmes. Le Tribunal a accepté d'entendre M. Ali à titre d'expert dans les domaines de la conception, de la mise au point, de la fabrication et du fonctionnement des systèmes et sous-systèmes de télécommunications et électroniques et de leurs composants.

M. Ali a dit qu'à son avis la définition des CIH énoncée à l'annexe I est entièrement compatible avec les définitions de ce terme par l'industrie. Il a établi une distinction entre les modules OC-3 et OC-12 d'une part, et les CIH d'autre part, du fait qu'ils sont réparables et ne sont pas enfermés dans une unité scellée. Il a remarqué qu'en vertu des exigences imposées par l'industrie des télécommunications, il est interdit de retravailler le dispositif de scellement d'un appareil. Ainsi, il est inacceptable de réparer un produit qui a été scellé et de l'expédier.

En ce qui a trait à l'obligation de n'avoir qu'un seul substrat isolant, M. Ali a déclaré que l'élément clé à retenir dans la considération de cette exigence est que cela est lié à la propagation électrique des signaux. Selon lui, les marchandises en cause forment une structure électrique unique. Il a ajouté qu'il était simpliste d'envisager cette question uniquement sous l'angle qui consiste à tenter de déterminer si les substrats sont séparés physiquement ou non. Selon lui, la séparation physique des substrats dans les marchandises en cause est un choix de conception qui a été fait à des fins d'isolation thermique de la partie très sensible du CIH par rapport aux autres composants de l'unité.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Ali a refusé de dire que la partie du substrat sur laquelle la diode est installée forme un assemblage distinct. Il a répété que le fait de dire qu'il existe plus d'un substrat dans les marchandises en se basant sur la séparation physique des éléments est une interprétation simpliste qui ne tient pas compte de l'intégralité totale de la fin des marchandises en cause, quant à leur fin du point de vue électrique. À son avis, il n'y a qu'un même substrat.

L'avocat de l'intimé a fait appel à un témoin, M. James Gardner, président-directeur général de Calnet Electronics Inc., à Kanata (Ontario). Cette entreprise conçoit et commercialise des microcircuits et autres modules électroniques pour l'industrie de haute technologie. M. Gardner a été accepté à titre d'expert en conception, installation et évaluation de microcircuits et de modèles électroniques dans l'industrie des télécommunications.

M. Gardner était d'accord avec le témoin précédent pour dire que les marchandises en cause comprennent des éléments passifs et actifs. Il a expliqué qu'un substrat est un isolant, normalement constitué de céramique, qui retient les divers composants du circuit en cause. Selon lui, les modules émetteurs en cause ont trois substrats distincts et les modules récepteurs ont deux substrats distincts.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Gardner a convenu que, mis à part le fait que selon lui les marchandises en cause n'ont pas un même substrat isolant, ces marchandises correspondent aux autres éléments de la définition d'un CIH énoncée à la Note 5. M. Gardner a reconnu qu'il n'avait pas d'expérience avec des composants optoélectroniques à large bande ni avec des composants qui fonctionnent à des niveaux de haute fréquence comme ceux des marchandises en cause. En outre, il a indiqué qu'il n'avait pas la compétence voulue pour se prononcer sur le fonctionnement de circuits qui fonctionnent à des fréquences comme celles des marchandises en cause. Il a rappelé les dépositions des témoins précédents selon lesquels, à ces fréquences, les marchandises en cause ont essentiellement un même substrat isolant et a dit qu'il n'était pas qualifié pour se prononcer sur ces déclarations, faute d'expérience dans ce domaine. M. Gardner a également convenu que les marchandises en cause constituent une seule unité.

Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a invoqué la règle de «priorité» énoncée à la Note 5 et a soutenu que le sens clair de cette règle est que, avant de pouvoir envisager de classer les marchandises en cause dans la position no 85.17, le Tribunal doit d'abord déterminer si elles sont visées ou non par la position no 85.42. L'avocat a fait valoir que les deux experts avaient convenu que les marchandises en cause correspondaient aux définitions des CIH fournies par l'industrie et que M. Ali avait dit que ces définitions étaient compatibles avec la définition légale formulée à la Note 5. L'avocat a également souligné que M. Gardner avait convenu que les marchandises en cause étaient visées par la définition légale, sans égard à sa position sur la question de déterminer s'il y a un même substrat isolant.

En ce qui concerne la question du «même substrat isolant», l'avocat de l'appelant a dit qu'il était important de souligner que le membre de phrase n'est pas «même substrat physique» mais plutôt «même substrat isolant». Cette distinction est importante parce que c'est l'aspect «isolant» du substrat qui est l'élément déterminant de la définition. Il a fait valoir que les éléments de preuve montrent que c'est le même matériel en céramique qui est utilisé dans tout le substrat, qu'un espace existe par suite d'un choix de conception et que le contrôle thermique de l'appareil est d'une importance cruciale dans cette technologie de signaux à haute fréquente et à large bande. Le but de l'espace n'est pas de constituer deux appareils distincts du point de vue électronique. Il y a un seul appareil et, en ce sens, un même substrat isolant, sans lequel les marchandises en cause ne fonctionneraient pas correctement.

En ce qui a trait à «l'indivisibilité» des marchandises en cause, l'avocat de l'appelant a soutenu que les éléments de preuve indiquent que les modules sont indivisibles, en ce sens qu'ils ne sont pas réparables, du moins selon les conditions de fabrication normales. En outre, les normes de l'industrie précisent que les marchandises en cause ne doivent pas être réparées. L'avocat a également rappelé que M. Gardner, l'expert de l'intimé lui-même, avait convenu que les marchandises en cause étaient, en fait, indivisibles.

L'avocat de l'intimé a invoqué deux raisons essentielles pour lesquelles les marchandises en cause ne pouvaient être classées dans la position no 85.42 : il a soutenu que, d'une part, elles ne sont pas indivisibles et que, d'autre part, les composants ne sont pas combinés sur un même substrat isolant. En ce qui a trait à la question de déterminer si les marchandises en cause sont «indivisibles», l'avocat a maintenu que la partie importante des modules sont les sous-ensembles qui en font partie. À son avis, chaque module comprend au moins deux sous-ensembles. Dans le récepteur, il y a un sous-ensemble principal qui renferme des éléments actifs et passifs et un sous-ensemble distinct muni d'une photodiode. Dans l'émetteur, on trouve également un sous-ensemble principal et un sous-ensemble distinct avec un refroidisseur qui renferme le laser. Par conséquent, il est clair, selon lui, que ces sous-ensembles sont distincts et divisibles dans le module.

Le deuxième argument de l'avocat de l'intimé visait à montrer que les éléments passifs et actifs du module ne sont pas joints pour former un même substrat isolant. L'avocat a souligné que tous les témoins avaient convenu que, d'un point de vue physique, il y a plus d'un substrat dans chaque module. À son avis, l'accent est essentiellement mis dans le libellé des notes légales sur l'aspect ou la qualité physique et, à cet égard, les éléments de preuve montrent que chaque module renferme plus d'un substrat. Ainsi, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 85.42. L'avocat a poursuivi en disant que, même si les deux experts étaient d'accord pour dire que les substrats remplissent une fonction d'isolant, ils reconnaissaient également que ces substrats exécutaient une fonction consistant à porter les éléments ou composants. Enfin, l'avocat a fait remarquer que l'avocat de l'appelant avait déjà convenu que, si les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 85.42, elles doivent alors l'être dans la position no 85.17 et, comme l'intimé partageait ce point de vue, il n'avait fait aucune observation à cet égard.

Le Tribunal estime que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8542.20.00 à titre de «Circuits intégrés et micro-assemblages électroniques [...] Circuits intégrés hybrides». Le Tribunal en arrive à cette conclusion compte tenu du fait que le classement des marchandises en cause doit se faire en fonction de la loi et des principes applicables à l'interprétation de la loi, y compris ceux qui sont énoncés dans les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] (les Règles générales) et qui régissent le classement des marchandises en cause. Le Tribunal renvoie en particulier à la Règle 1 des Règles générales. Comme le Tribunal l'a souligné dans York Barbell Co. Ltd c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] , la Règle 1 des Règles générales est d'une importance cruciale pour le classement des marchandises sous le régime du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] . En vertu de la Règle 1 des Règles générales, le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres.

Le Tribunal est d'accord avec l'avocat de chacune des parties pour dire que, dans la présente cause, il est tenu par la règle de «priorité» énoncée à la Note 5 de tenir compte d'abord du libellé de la position no 85.42 et de toutes les notes légales qui s'y rapportent, et de classer les marchandises en cause dans ce numéro s'il détermine qu'elles sont visées par celui-ci. Plus précisément, les marchandises en cause seront réputées faire partie de ce numéro s'il est déterminé qu'elles sont des CIH. À cet égard, le Tribunal souligne que les seuls aspects de la définition des CIH énoncée à la Note 5 qui sont en cause consistent à déterminer si les marchandises en cause sont «réuni[es], de façon pratiquement indissociable» et, dans l'affirmative, si cela se produit «sur un même substrat isolant». À tous les autres égards, il est clair qu'elles satisfont à la définition.

Examinant d'abord la question de «l'indivisibilité», l'avocat de l'intimé a pressé le Tribunal de conclure que les marchandises en cause ne sont pas indivisibles, en ce sens qu'elles renferment des sous-ensembles qui sont distincts et divisibles dans le module. Le Tribunal est d'avis que cet argument ne tient pas compte du fait que les marchandises en cause sont fabriquées de manière à fonctionner comme une seule unité. Le Tribunal estime que le membre de phrase déterminant de la définition des CIH doit être interprété sous cet angle-là. À cet égard, l'indivisibilité des marchandises en cause est manifestée non seulement par la façon dont celles-ci fonctionnent en réalité mais également par le fait qu'elles sont scellées hermétiquement de telle sorte que le processus de scellement lui-même fait partie intégrante du fonctionnement correct de l'unité. Aussi, les marchandises en cause sont montées comme une même unité directement sur le système dans lequel elles agissent et, si une unité présente des problèmes particuliers, elle n'est pas réparée mais entièrement remplacée.

Pour ce qui est de la question de déterminer si les marchandises en cause renferment «un même substrat isolant», le Tribunal doit décider si ce critère vise les qualités électriques ou les qualités physiques du substrat. Le Tribunal remarque que, et M. Hundrieser et M. Ali ont expliqué que l'espace physique ou thermique dans le substrat existe à des fins de conception et ne compromet pas le caractère intégral du «même substrat» du point de vue électrique. En outre, le Tribunal convient avec l'avocat de l'appelant que le qualificatif «isolant» renvoie aux propriétés électriques plutôt que physiques du substrat. Le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause ont, aux fins de la définition des CIH énoncée à la Note 5, un même substrat isolant. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont des CIH. Comme la Note 5 précise explicitement que les «[c]ircuits intégrés et micro-assemblages électroniques» comprennent les CIH et qu'il a été déterminé que les marchandises en cause sont des CIH, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 85.42 et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 8542.20.00.

Par conséquent, les appels sont admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. À la suite des modifications apportées à l’annexe I du Tarif des douanes et entrées en vigueur le 1 er janvier 1994, le numéro tarifaire 8517.40.90 a été subdivisé en deux numéros tarifaires, tels que les n os 8517.40.91 (pour la téléphonie) et 8517.40.92 (pour la télégraphie). L’intimé a classé les marchandises en cause dans les appels n os AP-95-133 et AP-95-136 dans le numéro tarifaire 8517.40.91.

4. Documents n os AP-94-340-13, AP-95-133-4 et AP-95-136-4.

5. Supra , note 2, annexe I.

6. Appel n o AP-91-131, le 16 mars 1992.

7. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.


Publication initiale : le 10 octobre 1996