PMI FOOD EQUIPMENT GROUP CANADA, A DIVISION OF PREMARK CANADA INC.

Décisions


PMI FOOD EQUIPMENT GROUP CANADA,
A DIVISION OF PREMARK CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-123

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 10 janvier 1997

Appel n o AP-95-123

EU ÉGARD À un appel entendu le 18 mars 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 16 août 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PMI FOOD EQUIPMENT GROUP CANADA,
A DIVISION OF PREMARK CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant la valeur en douane de certains appareils et de certaines pièces d'appareil importés au Canada par l'appelant.

L'appelant est une des trois divisions de Premark Canada Inc. (Premark). L'appelant fabrique et vend du matériel de préparation des aliments et offre un service après-vente pour le matériel qu'il vend.

Le 1er janvier 1989, Premark a signé des contrats de licence avec deux sociétés des États-Unis (les concédants). Ces contrats accordent à Premark, entre autres, le droit de vendre certains produits au Canada et d'en effectuer le service après-vente ainsi que celui de fabriquer certains autres produits au Canada; en contrepartie, Premark verse aux concédants une redevance établie selon un pourcentage du produit de ses ventes et du service après-vente pour tous les produits et services visés dans lesdits contrats.

Lorsque certains appareils et certaines pièces d'appareil ont été importés au Canada par l'appelant, aucune redevance n'a été incluse dans la valeur en douane des marchandises. Le ministère du Revenu national a déterminé que la partie des redevances totales payées par l'appelant qui pouvait être attribuée au produit de la vente des marchandises importées doit être incluse dans la valeur en douane des marchandises aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes.

La question principale en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a correctement inclus les redevances versées par l'appelant dans la valeur en douane des marchandises importées, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Pour que les redevances versées par l'appelant aux concédants soient passibles de droits de douane, il faut que soient satisfaits trois critères principaux : 1) les paiements doivent représenter des redevances ou des droits de licence; 2) les paiements doivent être relatifs aux marchandises; 3) les paiements doivent être versés, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

Dans le présent appel, la question en litige porte sur les deux derniers critères ci-dessus. Quant à savoir si les paiements étaient « relatifs » aux marchandises, le Tribunal est d'avis qu'ils l'étaient. Dans la présente affaire, les paiements versés aux concédants ont varié selon la revente des marchandises au Canada ou selon la vente des marchandises dans lesquelles les pièces importées avaient été intégrées. Le Tribunal est donc d'avis que les paiements étaient « relatifs » aux marchandises en cause, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes.

Quant à la deuxième question en litige, c'est-à-dire de déterminer si les redevances ont été payées ou étaient à payer, directement ou indirectement, en tant que « condition de la vente » des marchandises pour exportation au Canada, le Tribunal conclut que cela dépend si les marchandises étaient achetées à des concédants, à d'autres sociétés liées ou à des fabricants tiers.

Le Tribunal est d'avis que, à l'exception des marchandises achetées à des concédants, les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que les concédants exerçaient véritablement un contrôle suffisant ou une influence suffisante sur les ventes pour exportation, par des liens de propriété, des contrats ou autrement, pour rendre les ventes conditionnelles au paiement des redevances. L'appelant pouvait acheter les marchandises à d'autres sociétés liées et à des fabricants tiers, et ce, qu'il paie ou non aux concédants les redevances sur la vente des marchandises.

Quant aux marchandises achetées à des concédants, le Tribunal est d'avis que ces derniers étaient en mesure d'exercer un contrôle suffisant sur la vente des marchandises pour exportation de façon à ce que le paiement des redevances constitue « une condition de la vente » aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes. Comme les concédants auraient pu refuser à l'appelant de lui vendre des marchandises s'il n'avait pas effectué les paiements liés à la vente des marchandises au Canada, le paiement des redevances est donc une « condition de la vente » des marchandises pour exportation.

Par conséquent, le Tribunal est d'avis que seules les redevances relatives aux marchandises achetées à des concédants devraient être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi sur les douanes. Les autres redevances ne répondent pas, de l'avis du Tribunal, aux critères prévus dans ledit sous-alinéa de la Loi sur les douanes pour leur addition au prix payé ou à payer pour les marchandises.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 18 mars 1996 Date de la décision : Le 10 janvier 1997
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Raynald Guay, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Brenda C. Swick-Martin et Kenneth H. Sorensen, pour l'appelant Frederick B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions du sous-ministre du Revenu national concernant la valeur en douane de certains appareils et de certaines pièces d'appareil importés au Canada par l'appelant.

L'appelant est une des trois divisions de Premark Canada Inc. (Premark). L'appelant fabrique et vend du matériel de préparation alimentaire et offre un service après-vente pour le matériel qu'il vend. L'exploitant possède deux usines au Canada, une à Owen Sound (Ontario) et l'autre à Drummondville (Québec). Premark est la propriété exclusive de deux sociétés des États-Unis : Hobart International Holdings, Inc. et Dart Industries Inc. La société Hobart International Holdings, Inc. est une filiale en propriété exclusive de Premark FEG Corporation, et la société mère du groupe des diverses sociétés est Premark International, Inc.

Le 1er janvier 1989, Premark a signé des contrats de licence avec deux sociétés des États-Unis, à savoir Hobart Corporation (Hobart) et Vulcan-Hart Corporation (Vulcan-Hart) (les concédants). Ces contrats accordent à Premark, entre autres, le droit de vendre certains produits au Canada et d'en effectuer le service après-vente ainsi que celui de fabriquer certains autres produits au Canada; en contrepartie, Premark verse aux concédants une redevance établie selon un pourcentage du produit de ses ventes et du service après-vente pour tous les produits et services visés dans lesdits contrats.

Lorsque certains appareils et certaines pièces d'appareil ont été importés au Canada par l'appelant, aucune redevance n'a été incluse dans la valeur en douane des marchandises. Le ministère du Revenu national a déterminé que la partie des redevances totales payées par l'appelant qui pouvait être attribuée au produit de la vente des marchandises importées doit être incluse dans la valeur en douane des marchandises aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. L'intimé a confirmé ce jugement dans deux décisions qui ont suivi des demandes de réexamen qu'a présentées l'appelant. Le présent appel porte sur ces deux décisions.

La question principale en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a correctement inclus les redevances versées par l'appelant dans la valeur en douane des marchandises importées, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.

Le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi se lit comme suit :

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada.

L'avocat de l'intimé a soumis un argument subsidiaire à l'effet que si le Tribunal conclut que les redevances ne sont pas correctement incluses dans la valeur en douane aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, elles devraient l'être dans le prix payé ou à payer pour les marchandises importées aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(v) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

(v) la valeur de toute partie du produit de toute revente, cession ou utilisation ultérieure par l'acheteur des marchandises, qui revient ou doit revenir, directement ou indirectement, au vendeur.

Trois témoins ont comparu au nom de l'appelant. Le premier a été M. Werner Straub, directeur des services financiers chez PMI Food Equipment Group Canada. Son témoignage a porté sur la structure corporative de l'appelant et sur les contrats de licence de Premark. M. Straub a indiqué que les importations sur lesquelles l'intimé a imposé des droits de douane comprennent des pièces utilisées dans la fabrication de marchandises au Canada ainsi que des pièces de rechange, des pièces pour l'entretien et la réparation ainsi que des marchandises finies que l'appelant vend directement sur le marché canadien.

M. Straub a déclaré que, en vertu des contrats de licence, l'appelant reçoit certains avantages, par exemple un savoir-faire technique, le droit de fabriquer des produits au Canada ainsi que des services de soutien à la vente et au service après-vente. En échange, l'appelant verse des redevances aux concédants qui sont calculées en fonction du chiffre d'affaires net de l'ensemble des ventes de l'appelant au Canada et des recettes qu'il tire de son service de réparation.

L'article 2 d'un des contrats de licence indique ce qui suit [2] :

Octroi de licence : Le concédant [Hobart] concède par les présentes au titulaire de licence [Premark] les droits, licences et privilèges ci-après dont le concédant est propriétaire ou qu'il a le droit de céder sous licence pour la période visée dans le présent contrat :

a) un droit et une licence d'exploitation exclusifs et non transférables en conformité avec les brevets d'invention pour la durée du présent contrat permettant de fabriquer ou de faire fabriquer au Canada les produits concernés ou les produits qui sont fabriqués à l'aide ou au moyen des inventions définies et visées dans les brevets;

b) un droit et une licence d'exploitation non exclusifs et non transférables en conformité avec les brevets d'invention pour la durée du présent contrat permettant d'utiliser ou de vendre les produits concernés ou les produits qui sont fabriqués à l'aide ou au moyen des inventions définies et visées dans les brevets;

c) un droit et une licence d'exploitation exclusifs et non transférables pour la durée du présent contrat permettant d'utiliser l'information technique et technologique dans la fabrication au Canada des produits;

d) un droit et une licence d'exploitation non exclusifs et non transférables en conformité avec l'information technique et technologique pour la durée du présent contrat permettant d'utiliser ou de vendre les produits concernés ou les produits qui sont fabriqués à l'aide ou au moyen des inventions définies et visées dans l'information technique et technologique;

e) un droit et une licence d'exploitation non exclusifs et non transférables pour la durée du présent contrat permettant d'utiliser les marques de commerce pour la vente des produits. Le concédant s'engage à passer tout document nécessaire pour attester le droit et la licence susmentionnés du titulaire de licence.

[Traduction]

L'article 8 du même contrat de licence comprend, notamment :

Redevances :

a) En contrepartie des droits et licences accordés par le concédant ci-dessous, et des autres activités réalisées par le concédant ci-dessous, le titulaire de licence versera au concédant des redevances fondées sur les ventes des produits du titulaire durant la période visée par le présent contrat. Le montant des redevances sera égal à [...] pour cent [...] du chiffre d'affaires net du titulaire de licence pour les produits fabriqués, vendus ou distribués et pour les services rendus par le titulaire de licence à chaque période de six mois se terminant le 30 juin ou le 31 décembre. On entend, par chiffre d'affaires net d'une période de six mois, le montant brut des ventes des produits ou des services du titulaire au cours de ladite période, moins le montant des (i) rabais commerciaux, frais de transport et taxes de roulement afférents auxdites ventes et du (ii) coût d'achat rendu de tout produit, y compris les droits de douane imposés sur ledit produit, acheté par le titulaire au concédant ou à d'autres sociétés directement ou indirectement liées au concédant durant la période visée.

[Traduction]

M. Straub a souligné que les redevances sont payées sur tous les produits vendus au Canada, en provenance de source nationale ou de l'étranger, qu'ils soient achetés à un fabricant lié ou non lié ou qu'ils portent une marque de commerce ou non. Les redevances sont également payées sur tous les services rendus au Canada.

M. Straub a expliqué que, aux termes des contrats de licence, l'appelant n'a besoin ni d'approbation ni d'autorisation préalables des concédants pour importer certains produits au Canada. En outre, l'appelant n'est pas tenu de faire parvenir des échantillons des produits aux concédants avant de décider d'acheter des marchandises en provenance de fournisseurs autres que les concédants.

Le deuxième témoin qui a comparu au nom de l'appelant a été M. Robert L.D. Campbell, directeur du Centre de distribution national chez PMI Food Equipment Group Canada. Le témoignage de M. Campbell a principalement porté sur la nature des importations sur lesquelles des droits de douane ont été levés. Il a également parlé des achats de pièces et de marchandises finies effectués par l'appelant, tant au pays qu'à l'étranger. Comme l'avait fait M. Straub, M. Campbell a déclaré que l'appelant a le droit de choisir ses fournisseurs et n'est pas obligé de s'approvisionner auprès des fournisseurs liés aux concédants. Il a de plus témoigné que les prix et la disponibilité sont deux facteurs dont l'appelant tient compte dans le choix de ses fournisseurs. M. Campbell a passé en revue, au bénéfice du Tribunal, divers documents, y compris des factures commerciales, des formulaires de douane et des bons de commande, concernant les transactions entre l'appelant et, principalement, les fournisseurs étrangers de pièces et de matériel fini, expliquant que l'appelant verse des redevances sur toutes les marchandises qu'il vend ou dont il assure l'entretien au Canada, que les fournisseurs soient des fournisseurs nationaux ou étrangers, ou qu'ils soient ou non liés aux concédants.

M. Campbell a témoigné que, bien que la plupart des marchandises finies qu'il achète portent une marque de commerce, bon nombre de pièces n'en portent pas. De plus, ce ne sont pas toutes les pièces importées qui sont soumises à un procédé breveté, et il serait impossible de distinguer celles qui le sont de celles qui ne le sont pas. M. Campbell a déclaré que les fournisseurs de l'appelant ne sont pas au courant que ce dernier verse des redevances sur les produits aux concédants. En outre, les concédants n'interviennent ni dans le choix des fournisseurs de l'appelant ni dans les améliorations que ce dernier apporte aux produits qu'il fabrique au Canada ou qu'il importe afin de répondre aux exigences de l'Association canadienne de normalisation.

La troisième personne à témoigner au nom de l'appelant a été M. John C. Davidson, directeur des ventes aux détaillants en alimentation chez Hobart Food Equipment Group Canada. M. Davidson a abordé la composante des services au sein des activités de l'appelant. Comme MM. Straub et Campbell, M. Davidson a déclaré que l'appelant verse des redevances sur tous les revenus tirés des services rendus, que les produits qui font l'objet du service après-vente soient importés des concédants ou d'autres fournisseurs. Les concédants fournissent un soutien technique sous forme de manuels de réparation et d'entretien, de manuels sur les pièces, de vidéos de formation et d'aides à la vente.

Dans leur plaidoirie, les avocats de l'appelant ont souligné que les contrats de licence sont en réalité des ententes de distribution et que les redevances sont payées pour un droit incorporel, et, plus précisément, le droit de distribuer et d'assurer le service après-vente des marchandises au Canada. Ainsi, les redevances ne sont pas de celles qu'il convient d'inclure dans la valeur en douane des marchandises importées aux termes de la Loi.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que c'est la valeur transactionnelle qui doit fonder la valeur en douane des marchandises comme telles, et non des valeurs incorporelles, c'est-à-dire le montant payé par l'acheteur au vendeur. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que ce montant doit être rajusté pour tenir compte des éléments pertinents du paragraphe 48(5) de la Loi.

Les avocats de l'appelant ont allégué que, dans la présente affaire, c'est la vente entre les concédants et l'appelant, ou la vente entre les fournisseurs étrangers et l'appelant, qui constitue la vente pertinente pour exportation servant à déterminer la valeur transactionnelle des marchandises. De l'avis des avocats, les redevances versées par l'appelant aux concédants ne constituent pas, en l'espèce, une base d'ajustement de la valeur transactionnelle des marchandises aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Plus précisément, les redevances ne sont pas payées ou à payer à titre de paiement « relatif » aux marchandises importées, ne sont pas versées « en tant que condition de la vente » des marchandises pour exportation et, de plus, ne reviennent pas toujours au vendeur.

L'intention de la Loi, de l'avis des avocats de l'appelant, n'est pas d'englober la valeur de la propriété personnelle incorporelle qui n'est pas inhérente aux marchandises importées comme telles, par exemple un droit de distribution à la fois pour les marchandises et les services. La valeur des marchandises importées et la propriété intellectuelle extrinsèque associées à ces marchandises doivent être tenues distinctes. De l'avis des avocats, la valeur incorporelle ne doit être incluse dans la valeur en douane des marchandises que si elle est expressément incluse dans le prix payé ou à payer pour les marchandises, par l'acheteur au vendeur, ou si l'un des critères anti-évitement de l'alinéa 58(5)a) de la Loi s'applique.

Pour appuyer davantage leur position, les avocats de l'appelant ont renvoyé à l'Accord relatif à la mise en œuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [3] (le Code), et plus précisément à l'article 8 du Code que reprend presque textuellement le sous-alinéa 48(5)a)(iv) [4] , à certains avis consultatifs du Comité technique de l'évaluation en douane [5] et à d'autres sources, y compris des causes de jurisprudence et des décisions douanières d'un gouvernement étranger [6] .

Quant à la question de savoir si, dans le présent appel, le paiement des redevances versé ou à verser est « relatif » aux marchandises, les avocats de l'appelant ont soutenu qu'il doit y avoir un lien entre les redevances et les marchandises importées pour que ce critère soit satisfait. Les avocats ont soutenu que, puisque les redevances sont acquittées en contrepartie du droit de distribuer certaines marchandises au Canada et de fournir des services après-vente relativement à ces marchandises, ce critère n'est pas satisfait. Le paiement des redevances est établi en fonction de l'activité au Canada et non relatif aux marchandises importées.

En ce qui a trait à la deuxième condition qui doit être remplie, c'est-à-dire que le paiement doit être effectué « en tant que condition de la vente » des marchandises pour exportation, les avocats de l'appelant ont allégué que les faits de l'affaire montrent que cette condition n'est pas non plus satisfaite. L'appelant s'acquitte des redevances de sa propre initiative et d'une façon qui n'a pas rapport à la transaction qui résulte de l'importation des marchandises. De plus, l'appelant est libre de choisir ses propres fournisseurs, ce qu'il fait généralement à partir de considérations de prix et de disponibilité. L'appelant n'est pas tenu d'acheter les marchandises des concédants ni d'obtenir leur approbation pour s'approvisionner auprès de fabricants tiers. De fait, ceux-ci ne sont en général même pas au courant de l'existence des contrats de licence entre l'appelant et les concédants.

Les avocats de l'appelant ont en outre soutenu que l'absence d'un paiement de redevance n'aurait aucune incidence sur les transactions d'importation. Cependant, si les marchandises importées étaient ultérieurement vendues au Canada sans que les redevances soient acquittées, les concédants disposeraient de divers recours contre l'appelant, mais d'aucun droit d'action contre les fabricants tiers.

En ce qui a trait à l'argument subsidiaire de l'avocat de l'intimé, c'est-à-dire que les redevances représentent une partie du produit ultérieur qui revient au vendeur et que, par conséquent, les paiements de redevance doivent être ajoutés au prix payé ou à payer, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, les avocats de l'appelant ont soutenu que l'intimé ne peut, aussi tard dans la procédure, modifier le fondement de l'imposition initiale.

L'avocat de l'intimé a souligné que la valeur en douane comporte deux éléments : 1) le prix payé ou à payer et 2) les ajustements requis conformément au paragraphe 48(5) de la Loi. La valeur transactionnelle n'est pas simplement le prix payé ou à payer auquel on ajoute certains ajustements requis dans des circonstances exceptionnelles. Conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, il est manifeste que les redevances et les droits de licence doivent être inclus dans le calcul de la valeur transactionnelle des importations, sous réserve qu'ils soient payés relativement aux marchandises importées et, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

L'avocat de l'intimé a fait valoir que toutes les marchandises sur lesquelles une redevance est payée sont dotées de certaines caractéristiques qui les font entrer dans le champ d'application des contrats, par exemple, un brevet d'invention, une marque de commerce ou un lien technologique avec les concédants, ces caractéristiques conférant une valeur ajoutée aux marchandises.

En renvoyant à la décision du Tribunal dans l'affaire Polygram Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [7] , l'avocat de l'intimé a soutenu que le moment auquel le paiement est versé, c'est-à-dire lors de la vente au Canada, n'est pas pertinent dans la détermination du fait que le paiement des redevances est « relatif » aux marchandises. Lorsque les redevances payables varient selon la valeur des marchandises en cause, leur paiement est manifestement « relatif » aux marchandises particulières vendues.

Dans son argumentation à l'effet que le paiement des redevances constitue une condition de la vente des marchandises pour exportation, l'avocat de l'intimé a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Reebok Canada Inc., A Division of Avrecan International Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [8] , où le Tribunal a indiqué que, même si des redevances peuvent ne pas être exigées en tant que condition de l'achat comme tel, elles peuvent encore être considérées comme une condition de la vente des marchandises, sous réserve qu'il y a un lien entre les redevances et les marchandises achetées. Puisque les redevances sont versées pour vendre des marchandises visées par les contrats au Canada, l'avocat a soutenu qu'il serait inutile d'importer des marchandises sans payer les redevances. Selon l'avocat, il est manifeste que les concédants ont permis que des tiers exploitent leur propriété intellectuelle parce qu'ils savent qu'ils seront remboursés de cet usage au moyen du paiement des redevances sur la vente des marchandises. Il y a donc un lien entre la vente des marchandises et les redevances.

Soutenant, dans son argument subsidiaire, que les redevances doivent être incluses dans la valeur en douane des importations conformément au sous-alinéa 48(5)a)(v) de la Loi, l'avocat de l'intimé s'est appuyé sur la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Signature Plaza Sport Inc. c. Le ministre du Revenu nationa l [9] , dans laquelle il avait été décidé que les redevances calculées selon le chiffre d'affaires net d'un importateur et versées à l'exportateur peuvent être incluses dans la valeur en douane à titre de partie du produit d'une revente ultérieure.

Pour que les redevances versées par l'appelant aux concédants soient passibles de droits de douane, il faut que soient satisfaits trois critères principaux : 1) les paiements doivent représenter des redevances ou des droits de licence; 2) les paiements doivent être relatifs aux marchandises; 3) les paiements doivent être versés, directement ou indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

Dans le présent appel, la question en litige porte sur les deux derniers critères ci-dessus. Quant à savoir si les paiements étaient « relatifs » aux marchandises, le Tribunal est d'avis qu'ils l'étaient. Dans l'affaire Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté la Reine [10] , la Cour suprême du Canada a déclaré que « [p]armi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression “quant à [[Note du réviseur] Dans l'affaire Nowegijick, l'expression anglaise « in respect of » a été rendue en français par « quant à » plutôt que par l'expression « relatifs » que l'on retrouve au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.] ” qui est la plus large [11] ». De plus, dans sa décision dans l'affaire Polygram, le Tribunal a conclu qu'un paiement est « relatif » aux marchandises lorsqu'il ne s'agit pas d'un paiement général qui n'est pas touché par l'importation de marchandises particulières. Dans la présente affaire, les paiements versés aux concédants ont varié selon la revente des marchandises au Canada ou selon la vente des marchandises dans lesquelles les pièces importées avaient été intégrées. Le Tribunal est donc d'avis que les paiements étaient « relatifs » aux marchandises en cause, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi.

Quant à la deuxième question en litige, c'est-à-dire de déterminer si les redevances ont été payées ou étaient à payer, directement ou indirectement, en tant que « condition de la vente » des marchandises pour exportation au Canada, le Tribunal conclut que cela dépend si les marchandises étaient achetées à des concédants, à d'autres sociétés liées ou à des fabricants tiers. Dans les affaires Reebok et Polygram, le Tribunal a indiqué qu'un paiement des redevances serait une « condition de la vente » si l'acheteur ne pouvait acheter et importer les marchandises sans payer les redevances.

Le Tribunal est d'avis que, à l'exception des marchandises achetées à des concédants, les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que les concédants exerçaient véritablement un contrôle suffisant ou une influence suffisante sur les ventes pour exportation, par des liens de propriété, des contrats ou autrement, pour rendre les ventes conditionnelles au paiement des redevances.

L'appelant pouvait acheter les marchandises à d'autres sociétés liées et à des fabricants tiers, et ce, qu'il paie ou non aux concédants les redevances sur la vente des marchandises. Comme l'ont souligné MM. Straub et Campbell dans leurs témoignages, l'appelant n'est pas tenu d'obtenir l'approbation préalable des concédants pour importer des marchandises en provenance de divers fournisseurs et peut demander des modifications de conception des marchandises importées sans obtenir l'approbation des concédants. De plus, l'appelant n'est pas tenu de s'approvisionner auprès de fournisseurs liés aux concédants. De fait, pour autant que le sache M. Campbell, les fournisseurs de l'appelant ne sont même pas au courant que ce dernier doit verser des paiements de redevance aux concédants sur la valeur nette des ventes des marchandises au Canada.

Quant aux marchandises achetées à des concédants, le Tribunal est d'avis que ces derniers étaient en mesure d'exercer un contrôle suffisant sur la vente des marchandises pour exportation de façon à ce que le paiement des redevances constitue « une condition de la vente » aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Si l'appelant n'avait pas versé les paiements sur la vente des marchandises au Canada, les concédants auraient pu refuser de lui vendre des marchandises, rendant ainsi le paiement des redevances une « condition de la vente » des marchandises pour exportation.

Le Tribunal est donc d'avis que seules les redevances relatives aux marchandises achetées à des concédants devraient être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises, conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Les autres redevances ne répondent pas, de l'avis du Tribunal, aux critères prévus dans ledit sous-alinéa de la Loi pour leur addition au prix payé ou à payer pour les marchandises.

Le Tribunal fait observer que, comme il l'a déjà déclaré dans sa décision dans l'affaire Jana & Company c. Le sous-ministre du Revenu national [12] , il estime que le libellé du sous-alinéa 48(5)a)(iv) ou (v) de la Loi, ou ses applications, ne souffre d'aucune ambiguïté requérant de se rapporter au Code, à des avis consultatifs ou à des décisions rendues dans d'autres juridictions pour l'aider dans l'interprétation du présent appel.

En ce qui a trait à l'argument subsidiaire de l'avocat de l'intimé, le Tribunal est d'avis que les paiements de redevance versés aux concédants relativement aux marchandises importées d'autres sociétés liées et de fabricants tiers ne satisfont pas aux critères du sous-alinéa 48(5)a)(v) de la Loi et, par conséquent, ne doivent pas être ajoutés au prix payé ou à payer pour ces marchandises. Les éléments de preuve ne convainquent pas le Tribunal que des redevances payées aux concédants, sur la revente ultérieure de marchandises par l'appelant, sont revenues, directement ou indirectement, au vendeur dans les cas où le vendeur était une société liée ou un fabricant tiers.

Par conséquent, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Lors des discussions sur les contrats de licence, M. Straub a renvoyé aux dispositions du contrat passé entre Premark et Hobart, puisque le contrat entre Premark et Vulcan-Hart est pratiquement le même. L'article 1 dudit contrat porte les définitions suivantes : a) « Produits » signifie tous les produits fabriqués ou vendus, maintenant ou plus tard durant la période visée dans le présent contrat, par le concédant ou par le titulaire de la licence, y compris, mais de façon non limitative, le matériel de préparation des aliments et autre décrit dans le préambule aux présentes, maintenant fabriqués ou vendus par le concédant, à l'exception que la présente disposition 1a) ne s'applique pas aux produits fabriqués ou vendus sans marque de commerce, brevet d'invention ou information technique et technologique du concédant. b) « Services » signifie tous les services rendus et facturés par le titulaire de licence à toute tierce partie, sous réserve, cependant, que le terme « services » n'inclut pas les services rendus à des sociétés directement ou indirectement liées au concédant ou au titulaire de licence. c) « Information technique et technologique » signifie tous les éléments d'expérience, de compétence, de savoir-faire commercial, de savoir-faire et de connaissances techniques du concédant concernant les produits développés ou acquis par le concédant, ou toute mise en valeur ou tout développement accompli ou acquis par le titulaire de licence, et qui est nécessaire à la poursuite de l'activité et de l'exploitation normales du commerce du titulaire au cours de la période visée dans le présent contrat, y compris, mais de façon non limitative, les dessins, les conceptions, les plans, les formules, les devis, les inventions, les procédés et les données pertinents aux produits et à la fabrication des produits. d) « Brevets d'invention » signifie les brevets du concédant portant sur les produits actuels ou à venir au cours de la période visée dans le présent contrat qui ont été demandés ou obtenus au Canada. Les brevets qui font maintenant l'objet d'une demande ou qui ont été accordés au Canada sont énumérés à l'annexe A aux présentes. Les futures demandes de brevet, une fois déposées, ainsi que tout brevet acquis par le concédant, seront automatiquement considérées comme ajoutées à la liste durant la période de validité du présent contrat. e) « Marques de commerce » signifie les marques de commerce et les appellations commerciales enregistrées et non enregistrées, et les demandes de marque de commerce dont la liste est énoncée à l'annexe B aux présentes, cette dernière pouvant être modifiée de temps à autre par le concédant. Les futures demandes d'enregistrement de marque de commerce, lorsqu'elles seront déposées, ainsi que toutes marques de commerce acquises par le concédant seront automatiquement considérées comme ajoutées à la liste durant la période de validité du présent contrat. [Traduction]

3. Genève, mars 1980, GATT IBDD, 26e suppl. à la p. 127.

4. Les parties pertinentes de l'article 8 du Code se lisent comme suit : 1. Pour déterminer la valeur en douane par application des dispositions de l'article premier, on ajoutera au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées c) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l'acheteur est tenu d'acquitter, soit directement soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droits de licence n'ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer; 4. Pour la détermination de la valeur en douane, aucun élément ne sera ajouté au prix effectivement payé ou à payer, à l'exception de ceux qui sont prévus par le présent article.

5. Accord du GATT et Textes du Comité technique de l'évaluation en douane, Conseil de coopération douanière, Bruxelles, avis consultatifs 4.8 et 4.13.

6. Les avocats de l'appelant ont renvoyé plus précisément aux deux affaires australiennes suivantes : Estee Lauder Pty. Limited c. Comptroller General of Customs and Anor., non publiée, Cour fédérale d'Australie, no G611 de 1990, le 28 juin 1991; et Re : Collector of Customs and Marym (Australia) Pty. Ltd., Cour fédérale d'Australie (1992), 15 A.A.R. 436, no V G6 de 1992, le 12 juin 1992.

7. Appels nos AP-89-151 et AP-89-165, le 7 mai 1992.

8. Appel no AP-92-224, le 1er septembre 1993.

9. Non publiée, no du greffe A-453-90, le 28 février 1994.

10. [1983] 1 R.C.S. 29.

11. Ibid. à la p. 39.

12. Appel no AP-94-150, le 3 septembre 1996.


Publication initiale : le 1 avril 1997