SUPERFINE IMPORT CO. LTD.

Décisions


SUPERFINE IMPORT CO. LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-074

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 3 décembre 1996

Appel n o AP-95-074

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 mars 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 11 mai 1995 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SUPERFINE IMPORT CO. LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 11 mai 1995. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a correctement ajouté au prix payé ou à payer pour certains foulards importés les montants payés par l'appelant à une société des États-Unis, sur la foi que, aux termes du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi sur les douanes, ces montants représentaient des commissions et des frais de courtage, à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par l'acheteur à son mandataire pour le représenter à l'étranger à l'occasion de la vente.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Le Tribunal conclut que l'intimé a incorrectement ajouté au prix payé ou à payer pour certaines marchandises importées, nommément des foulards de couleur unis ainsi que des foulards multicolores imprimés portant l'étiquette «Careta», les commissions ou les frais de courtage que l'appelant a versés à la société Paris Accessories, Inc. (Paris) pour ses services comme mandataire. Le Tribunal constate que Paris a exécuté divers services pour l'appelant et représenté les intérêts de ce dernier en ce qui a trait aux foulards importés de couleur unis ainsi qu'aux foulards multicolores imprimés portant l'étiquette «Careta». De plus, l'appelant avait un droit de regard sur les actes de Paris à tous égards importants.

Le Tribunal conclut aussi que l'intimé a correctement ajouté au prix payé ou à payer pour les foulards importés portant la marque de commerce dont Bill Blass, Ltd. (BBL) est propriétaire, les commissions ou les frais versés par l'appelant à Paris. Le Tribunal conclut que les éléments de preuve montrent que les couleurs et les motifs de ces foulards étaient déterminés par BBL. Les éléments de preuve montrent également que Paris avait le droit exclusif de se servir de la marque de commerce BBL pour effectuer la confection, la distribution et la vente de foulards, de châles et d'articles semblables pour femmes aux États-Unis et au Canada et avait le droit, en vertu d'ententes écrites et orales, de résilier les droits de distribution de l'appelant en tout temps. Sur la foi de ces éléments de preuve, le Tribunal conclut que le droit de regard de l'appelant sur Paris et sur BBL quant à ces foulards était très limité. L'appelant n'aurait pas pu obtenir ces foulards si ce n'eut été de l'accord d'exclusivité passé avec Paris. En outre, le Tribunal est d'accord avec l'avocat de l'intimé que les faits du présent appel liés à l'importation de foulards portant la marque de commerce BBL sont très semblables à ceux de l'affaire Signature Plaza Sport Inc. c. Sa Majesté la Reine et conclut à l'existence de contraintes imposées à l'appelant par Paris dans le présent appel qui sont, à la lumière de la décision dans l'affaire Signature Plaza, incompatibles avec l'existence d'une relation d'agence entre l'appelant et Paris.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 29 mars 1996 Date de la décision : Le 3 décembre 1996
Membre du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Suzanne Hidi, pour l'appelant Ian McCowan, pour l'intimé





Le présent appel, qui a été entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 11 mai 1995. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'intimé a correctement ajouté au prix payé ou à payer pour certains foulards importés les montants payés par l'appelant à la société Paris Accessories, Inc. [3] (Paris). Ces montants étaient considérés comme représentant des commissions et des frais de courtage et ajoutés au prix payé ou à payer pour les foulards importés conformément au sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi, qui prévoit que :

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur, à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente.

L'appelant est un importateur et distributeur de vêtements et d'accessoires vestimentaires, comme des foulards, des ceintures et des châles, dont les clients sont des grands magasins, des petites boutiques et des boutiques spécialisées. Seuls les foulards importés d'Orient, y compris les foulards portant la marque de commerce dont Bill Blass Ltd. (BBL) est propriétaire, font l'objet du litige. Comme l'a décrit la représentante de l'appelant, la production et l'achat de foulards diffèrent beaucoup de la production et de l'achat de vêtements. Plus précisément, la représentante a souligné que, à l'encontre des vêtements où la taille et le tissu sont des facteurs importants, les couleurs et les motifs revêtent une importance primordiale lors de l'achat de foulards.

La représentante de l'appelant a expliqué que, initialement, l'appelant importait la majorité de ses foulards en provenance d'Europe. Toutefois, afin d'améliorer sa position concurrentielle, l'appelant a décidé de commencer à importer des foulards en provenance d'Orient. Les fabricants d'Orient exigeaient en général que leurs clients achètent un volume minimum important de foulards et il était presque impossible pour quelque importateur canadien que ce soit d'acheter les quantités exigées. Cependant, une société des États-Unis pourrait facilement satisfaire à cette exigence. L'appelant a par conséquent décidé, au début des années '80, d'établir une relation commerciale avec une société américaine, Paris, antérieurement appelée Baar & Beards (B & B), un fabricant, importateur et distributeur de vêtements et d'accessoires vestimentaires, y compris des foulards, aux États-Unis. La représentante a fait savoir que, sans la participation de Paris, l'appelant n'aurait pas pu acquérir les marchandises en cause au prix qu'elle a payé.

La représentante de l'appelant a déposé quatre documents auprès du Tribunal à titre d'éléments de preuve du fond des ententes établies entre l'appelant et Paris. Un des documents est une copie d'une lettre, datée du 8 mai 1984, qui énonce l'intention de B & B d'accorder une sous-licence à l'appelant après que B & B a reçu sa licence de BBL. La lettre indique que l'entente entre B & B et l'appelant sera fondamentalement la même que celle conclue entre B & B et BBL, sauf que : 1) le territoire de l'appelant sera le Canada; 2) l'appelant accepte de verser à B & B des redevances et des droits basés sur les ventes nettes; 3) l'appelant versera à B & B des droits pour les modèles à chaque période annuelle selon un pourcentage déterminé de ses coûts FAB au lieu de fabrication de la gamme de produits BBL; 4) l'appelant participera à la création des modèles de la même façon qu'au cours des trois dernières années, sous réserve des droits de BBL; et 5) l'appelant pourra vendre des produits portant d'autres marques de commerce.

À l'audience, la représentante de l'appelant a indiqué que, nonobstant le contenu de la lettre susmentionnée, l'appelant a versé des redevances à BBL et non à B & B, et l'appelant a payé des frais de courtage à B & B en fonction des factures des fabricants.

Le deuxième document est une copie de la sous-licence, datée du 14 juin 1984, octroyée par B & B à l'appelant, qui lui confère le droit de confectionner, distribuer et vendre des foulards, des châles et tout article semblable pour femmes, au Canada. Ce document stipule que l'appelant obtient de tels droits en application des termes et sous réserve des obligations conformes au contrat de licence passé entre B & B et BBL.

Le troisième document est une copie d'une lettre de Paris à l'appelant, datée du 24 mai 1988. La lettre prévoit que l'appelant est (traduction) «nommé agent exclusif au Canada pour la distribution de tous les articles de vêtement [pour femmes] confectionnés ou distribués par [Paris] sous les noms [B & B] et Bill Blass Scarf Collection». La lettre précise de plus les montants que l'appelant doit verser à Paris pour les foulards portant la marque de commerce BBL, ceux ne portant pas une marque de commerce BBL ainsi que les foulards unis. La lettre indique que l'appelant doit payer un pourcentage préétabli du prix de gros de chaque foulard portant la marque de commerce BBL vendu au Canada, un pourcentage préétabli plus faible du prix de gros de chaque foulard ne portant pas la marque de commerce BBL et un pourcentage préétabli plus faible encore du prix de gros pour tous les foulards unis.

À l'audience, la représentante de l'appelant a témoigné que la lettre de 1988 ne reflète pas fidèlement les modalités de la relation entre l'appelant et Paris. Plus précisément, la représentante a déclaré que l'appelant n'agissait pas à titre d'agent exclusif de Paris et que les montants qui lui ont été versés étaient calculés en fonction des prix indiqués sur les factures des fabricants et non en fonction des prix de gros.

Enfin, le quatrième document est une copie d'un contrat de licence, daté du 21 août 1985, entre BBL, Justin Accessories, Inc. (Justin) et Paris. Ce document reconnaît que les actifs et le fonds commercial de Justin ont été vendus à Paris et cède la licence à Paris. Paris reconnaît aussi le contrat de sous-licence entre Justin et l'appelant daté du 1er mars 1984. La représentante de l'appelant a déclaré ne pas avoir pu obtenir de copie de ce contrat de sous-licence.

En décrivant la relation entre l'appelant et Paris, anciennement B & B, la représentante de l'appelant a témoigné que Paris organisait l'achat par l'appelant de trois types de foulards : 1) des foulards de couleur unis, 2) des foulards multicolores imprimés portant l'étiquette «Careta» (l'étiquette de l'appelant) et 3) des foulards multicolores imprimés portant la marque de commerce BBL. En général, les représentants de Paris se rendaient en Orient cinq fois par année, visitaient les fabricants, organisaient la production d'échantillons et, à leur retour aux États-Unis, soumettaient ceux-ci à l'appelant. L'appelant effectuait alors son choix, qui était souvent différent de Paris. À l'occasion, l'appelant négociait avec les fabricants, par l'intermédiaire de Paris, afin de commander un foulard qui ne faisait pas partie de la série d'échantillons offerts. À l'audience, la représentante a déclaré être d'accord avec l'avocat de l'intimé que, si Paris n'avait pas organisé la production des échantillons, l'appelant n'aurait pas eu la possibilité de le faire et que l'apport de Paris quant à la conception de ces échantillons était relativement plus grand que celui de l'appelant.

En ce qui concerne les modalités de vente des foulards, la représentante de l'appelant a témoigné que les représentants de Paris aidaient aux négociations avec les fabricants, y compris celles concernant le prix d'achat, mais toujours selon les directives de l'appelant et presque toujours en vertu de commandes écrites de foulards. Les représentants de Paris inspectaient la marchandise pour garantir le respect des exigences de qualité de l'appelant. Tous les coûts applicables aux foulards importés, y compris le prix d'achat, les droits de douane, les frais d'assurance et de transport, étaient payés directement par l'appelant. Les factures pour les foulards importés étaient payées au moyen d'une lettre de crédit en blanc établie par l'appelant au nom des fabricants. La représentante a indiqué que Paris n'était associé à aucun des fabricants d'Orient, que Paris n'a jamais été propriétaire des foulards importés par l'appelant et que l'appelant payait le même prix d'achat que celui payé par Paris.

La représentante de l'appelant a déclaré que Paris organisait aussi l'expédition des foulards pour l'appelant. Paris aidait parfois à choisir les agents ou les transitaires d'expédition, donnait aux fabricants les directives sur la préparation des documents nécessaires, comme les factures et les formules d'exportation, vérifiait ces factures et veillait à ce que les fabricants respectent les exigences de production et d'expédition telles qu'elles étaient préétablies dans les commandes de l'appelant.

En ce qui a trait à l'achat de foulards de couleur unis, la représentante de l'appelant avisait Paris des couleurs que l'appelant souhaitait acheter, certaines étant choisies à partir des catalogues d'échantillons du fabricant et d'autres étant ajoutées par l'appelant. Le choix des couleurs de l'appelant n'était pas nécessairement le même que celui de Paris.

Pour ce qui est des foulards multicolores imprimés portant l'étiquette «Careta», la représentante de l'appelant a indiqué que Paris et l'appelant négociaient le choix des motifs et que, par conséquent, l'apport de chaque société dans ce choix était égal. Les représentants de Paris organisaient la préparation de l'étiquette «Careta» et sa pose sur les foulards commandés par l'appelant.

En ce qui concerne les foulards multicolores imprimés portant la marque de commerce BBL, la représentante de l'appelant a indiqué que, au début de la saison, BBL établissait la gamme de motifs offerts. De plus, l'appelant ou B & B pouvait soumettre des propositions de motif à BBL, qui avait le dernier droit de regard sur les modèles des foulards portant sa marque de commerce.

Dans sa plaidoirie, la représentante de l'appelant a soutenu que, en statuant sur le présent appel, le Tribunal doit analyser les droits et obligations réels de l'appelant et de Paris dans leur relation commerciale plutôt que d'uniquement examiner les dispositions officielles des documents déposés auprès du Tribunal. À l'appui de son exposé, elle a renvoyé à l'extrait suivant de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Signature Plaza Sport Inc. c. Sa Majesté la Reine [4] :

[i]l [n'est pas] possible d'apprécier valablement la nature juridique de rapports contractuels qui unissent des parties en se basant uniquement sur les termes légaux qu'elles auraient utilisés dans leurs conventions écrites ou encore sur ce qu'elles prétendent avoir voulu réaliser sur le plan du droit et encore moins sur une simple reconnaissance de la sagesse des ententes commerciales qu'elles cherchaient à mettre en place. À notre avis, seule une analyse des droits et obligations créés par les conventions intervenues entre elles permet de déterminer ce que, sur le plan légal, elles ont réalisé [5] .

Selon la représentante de l'appelant, une telle analyse des droits et obligations de l'appelant et de Paris révèle que cette dernière agissait à titre de véritable agent de l'appelant. La représentante a fait valoir que toutes les fonctions exécutées par Paris relativement aux mesures à prendre pour la production de foulards en Orient et à la négociation des conditions de vente de ces foulards étaient manifestement des fonctions propres à un agent. De plus, la représentante a souligné que Paris n'a jamais eu aucun droit de regard sur ce que l'appelant décidait d'acheter, sur le paiement des foulards achetés ou sur les modalités d'expédition des foulards.

La représentante de l'appelant a soutenu que, plutôt que de fixer son attention sur la décision dans l'affaire Signature Plaza, qui, selon elle, concernait des faits différents des faits du présent appel, le Tribunal doit étudier sa décision dans l'affaire Chaps - Ralph Lauren, Division of 131384 Canada Inc. et Modes Alto Regal c. Le sous-ministre du Revenu national [6] . La représentante a fait valoir que, dans Chaps - Ralph Lauren, le Tribunal avait conclu à l'existence d'une véritable relation d'agence nonobstant l'existence d'une relation avec le bénéficiaire d'une licence de marque de commerce. Elle a soutenu, sur la foi du présent appel, que rien dans la loi canadienne n'interdit l'appelant de se servir de Paris comme agent, même si l'appelant a une relation de licencié avec BBL, le propriétaire de la marque de commerce BBL.

L'avocat de l'intimé a renvoyé aux dispositions du sous-alinéa 48(5)a)(i) de la Loi et a soutenu que le principe général est que les commissions versées par un acheteur doivent être ajoutées au prix payé ou à payer pour des marchandises importées et qu'une exception à ce principe général est que les honoraires versés par l'acheteur à son mandataire pour le représenter à l'étranger, à l'occasion de la vente des marchandises pour exportation au Canada, ne doivent pas être ajoutés au prix payé ou à payer. De l'avis de l'avocat, ce qu'il est convenu d'appeler une exception ne vise pas les situations où un agent agit au meilleur de son intérêt dans la transaction en litige. Elle ne vise pas non plus les commissions versées pour des bénéfices économiques tangibles, non liés à l'agence, comme l'emploi d'une marque de commerce, le pouvoir d'achat en grande quantité et les coûts de développement du produit.

L'avocat de l'intimé a soutenu que les faits dans le présent appel sont très semblables à ceux de l'affaire Signature Plaza. Dans cette affaire, la société Signature Plaza Sports Inc. importait de divers fournisseurs, tous approvisionnés par l'intermédiaire d'une société des États-Unis, le présumé agent, des vêtements pour femmes portant la marque de commerce Anne Klein. Cette société américaine avait seule le droit de conclure un contrat de confection de vêtements avec les fournisseurs d'outre-mer et avait obtenu le droit de fabriquer, de dessiner, d'importer, de distribuer et de vendre les marchandises sous licence au Canada. Cette société américaine fournissait aux fournisseurs les modèles et les tissus devant servir à la confection et à la vente pour exportation des vêtements importés. Aux termes du contrat, Signature Plaza Sports Inc. avait le droit d'importer les vêtements sous licence au Canada et, en retour, versait plusieurs droits à la société des États-Unis : une commission de 15 p. 100, des frais ou droits de service de 5 p. 100 et des redevances de 5 p. 100 pour l'emploi de la marque de commerce. La Cour d'appel fédérale a conclu que la société des États-Unis n'était pas un véritable agent, mais bien, en fait, le vendeur réel des marchandises. Il a été conclu que les fournisseurs d'outre-mer ne pouvaient être considérés des vendeurs parce qu'ils n'étaient en réalité que les simples exécutants d'un contrat de service que seule la société des États-Unis pouvait leur avoir donné, compte tenu des droits exclusifs que la société des États-Unis avait sur la production des marchandises portant la marque de commerce Anne Klein.

Un renvoi a également été fait au passage suivant de la décision du Tribunal dans l'affaire Mexx Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national [7] :

Vu les circonstances, le Tribunal a énormément de difficultés à reconnaître que l'appelant est le mandant de Mexx Far East pour la production des vêtements de confection Mexx. Les droits et les obligations créés par les contrats semblent indiquer fortement que Mexx Far East faisait bien plus que représenter l'appelant à l'étranger à l'égard de la vente des vêtements de confection Mexx. Aucune vente des vêtements de confection Mexx à l'appelant ne se faisait sans les services de Mexx Far East ou d'un autre mandataire approuvé par Mexx International. Dans ces conditions, Mexx Far East avait un pouvoir dépassant de beaucoup ce que l'appelant pouvait accorder, plus précisément, l'accès aux vêtements de confection Mexx [8] .

Enfin, l'avocat de l'intimé a renvoyé au commentaire suivant du Comité technique de l'évaluation en douane du GATT concernant les agents :

- Pour déterminer s'il existe un véritable contrat d'agence à l'achat entre l'importateur et l'agent d'achat présumé, le principal élément à prendre en considération est le droit de regard dont dispose le mandant sur les actes accomplis par l'agent dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées [9] .

L'avocat de l'intimé a soutenu que, malgré l'existence de certaines des caractéristiques traditionnelles d'une agence, à savoir, Paris ne semblait pas financer l'appelant ni encourir le risque de la propriété, Paris n'était pas un véritable agent de l'appelant et la commission chargée par Paris dépassait les simples frais d'agence. À l'appui de son exposé, l'avocat a renvoyé au fait que Paris représente sa propre gamme de produits, que l'intérêt de Paris dans les transactions dépasse la seule représentation de l'appelant et que ce dernier n'aurait pu commander les marchandises en cause au prix énoncé si ses commandes n'avaient pas été combinées avec celles, plus nombreuses, de Paris. De plus, l'avocat a soutenu que le droit de regard de l'appelant sur les actes de Paris était très limité.

Comme il l'a fait dans d'autres appels concernant les commissions et frais de courtage d'agence [10] , en examinant si Paris représentait ou non l'appelant à l'étranger quant à l'importation des foulards en cause, le Tribunal a principalement porté son attention sur les faits spécifiques en litige, afin de déterminer, entre autres, a) les rôles respectifs de Paris et de l'appelant quant à l'importation des foulards en question, b) la portée du droit de regard de l'appelant sur les actes de Paris, le cas échéant, et c) la nature de l'intérêt de Paris, le cas échéant, quant à ces foulards importés.

Après avoir examiné tous les éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que Paris agissait au titre d'agent de l'appelant en le représentant à l'étranger relativement aux ventes des foulards de couleur unis et des foulards multicolores imprimés portant l'étiquette de l'appelant. Plus précisément, le Tribunal remarque que Paris exécutait les services suivants et représentait les intérêts de l'appelant des manières suivantes : 1) les représentants de Paris se rendaient en Orient cinq fois par année pour visiter les fournisseurs, prendre les dispositions nécessaires pour obtenir les échantillons et soumettre ces échantillons à l'appelant; 2) Paris plaçait des commandes auprès des fabricants d'Orient choisis en fonction des directives de l'appelant; 3) Paris organisait l'inspection des envois de l'appelant; 4) Paris organisait la pose des étiquettes de l'appelant sur certaines marchandises; 5) Paris organisait l'expédition des foulards selon les directives de l'appelant; 6) Paris aidait les fabricants à préparer les factures et documents douaniers, etc.; 7) Paris s'assurait que les fabricants respectent les demandes d'expédition et de production de l'appelant; 8) Paris aidait l'appelant en cas de difficulté concernant des marchandises défectueuses (notes de crédit, retours, etc.).

De plus, le Tribunal conclut que l'appelant, pour sa part, avait un droit de regard sur les activités de Paris à tous importants égards. L'appelant contribuait au choix des couleurs et des motifs, ce choix étant souvent influencé par sa présence, chaque année, à des présentations de mode en Europe, ce qui lui permettait de prévoir les tendances probables en Amérique du Nord (décalées par rapport à celles d'Europe) et de chercher à obtenir l'inclusion de certains motifs et couleurs. L'appelant pouvait choisir couleurs et motifs d'Orient parmi les échantillons produits par les fabricants et fournis par Paris. Enfin, l'appelant plaçait sa commande directement auprès des fabricants, établissait des lettres de crédit à leur nom et organisait son propre financement.

Le Tribunal reconnaît que la société Paris, elle-même, avait la principale part dans la décision de la gamme de couleurs et de motifs et qu'elle agissait en son propre nom puisqu'elle vendait et distribuait la gamme complète de foulards sur le marché des États-Unis. Cependant, de l'avis du Tribunal, le fait que Paris ait agi pour son propre compte n'exclut pas qu'elle ait également agi pour le compte de l'appelant. En réalité, l'appelant bénéficiait de cette situation puisque, vraisemblablement, Paris était en mesure d'obtenir des prix concurrentiels auprès des fabricants d'Orient en fonction du volume combiné estimé de ses achats et de ceux de l'appelant. De plus, l'appelant avait plein droit de regard sur ses achats de foulards de couleur unis et de foulards multicolores imprimés portant l'étiquette «Careta», et était le mandant de Paris qui, comme il a été précédemment décrit, fournissait la gamme complète des services d'agence relativement à ces achats. Rien dans les documents déposés ni dans les ententes orales attestées par les témoignages n'indique que l'appelant ne pouvait négocier avec un autre agent en vue de la réalisation de ses achats en Orient de ces deux styles de foulard.

Le Tribunal accepte que les taux de commission des agents peuvent être plus élevés pour les achats en provenance d'Orient que pour ceux en provenance d'Europe, principalement parce qu'aller en Europe coûte moins cher qu'aller en Orient et parce que la représentante de l'appelant se rend elle-même en Europe périodiquement, ce qui réduit les attributions de son agent en Europe. Le Tribunal accepte aussi la notion qu'il est raisonnable que les taux de commission des agents pour les vêtements de haute gamme, portant une marque de commerce reconnue comme «Ralph Lauren» et «Anne Klein», soient inférieurs aux taux chargés pour des foulards de moindre prix portant l'étiquette «Careta», et qu'on ne peut donc rien conclure à partir des différences de taux.

Le Tribunal, par conséquent, conclut que l'intimé a incorrectement ajouté au prix payé ou à payer pour les foulards de couleur unis importés, et pour les foulards multicolores imprimés portant l'étiquette «Careta» importés, les commissions ou les frais de courtage que l'appelant avait payés à Paris pour ses services de mandataire.

Quant aux foulards portant la marque de commerce BBL, le Tribunal estime que les éléments de preuve montrent que BBL déterminait les couleurs et les motifs de ces foulards. Paris avait le droit exclusif de se servir de la marque de commerce BBL relativement à la confection, à la distribution et à la vente de foulards, de châles et d'articles semblables pour femmes aux États-Unis et au Canada et avait le droit, en vertu d'ententes à la fois écrites et orales, de résilier les droits de distribution de l'appelant en tout temps. Compte tenu de ces éléments de preuve, le Tribunal conclut que le droit de regard de l'appelant sur les actes de Paris et de BBL concernant ces foulards était très limité. L'appelant n'aurait pas pu obtenir ces foulards si ce n'eut été de son entente d'exclusivité conclue avec Paris.

Le Tribunal est d'accord avec l'affirmation de l'avocat de l'intimé selon laquelle les faits liés à l'importation de foulards portant la marque de commerce BBL, dans le présent appel, sont très semblables à ceux de l'affaire Signature Plaza. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'il est difficile de concevoir comment l'importateur canadien, Signature Plaza Sports Inc., pourrait être devenu mandant du présumé agent des États-Unis étant donné le «caractère réglementé et encadré du droit d'importation conféré à Plaza [...] notamment en ce qui a trait à la protection de la marque de commerce, aux différentes causes de résiliation unilatérale par [la société des États-Unis], à la publicité et à la vente des produits». Il a été conclu que ces faits étaient incompatibles avec l'existence d'une relation d'agence où Signature Plaza Sports Inc. aurait été le principal ou le mandant. Le Tribunal est d'avis que Paris imposait à l'appelant des contraintes semblables qui sont, à la lumière de la décision dans l'affaire Signature Plaza, incompatibles avec l'existence d'une relation d'agence entre l'appelant et Paris.

Le Tribunal, par conséquent, conclut que les commissions ou les frais de courtage versés par l'appelant à Paris quant aux foulards importés portant la marque de commerce BBL ont correctement été ajoutés au prix payé ou à payer pour ces foulards.

Par conséquent, l'appel est admis en partie.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. Paris Accessories, Inc. a acheté les actifs et le fonds commercial de Justin Accessories, Inc., auparavant connue sous le nom de B & B Accessories, Inc., s/n Baar & Beards.

4. Non publiée, no du greffe A-453-90, le 18 février 1994.

5. Ibid. à la p. 12.

6. Appels nos AP-94-190 et AP-94-191, le 1er novembre 1995.

7. Appels nos AP-94-035, AP-94-042 et AP-94-165, le 16 février 1995.

8. Ibid., à la p.10. Voir, aussi, Radio Shack, A Division of InterTan Canada Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu National pour les douanes et l'accise, Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-92-193 et AP-92-215, le 6 septembre 1993.

9. Accord du GATT et Textes du Comité technique de l'évaluation en douane, «Index des décisions et conclusions en matière d'évaluation et des documents du GATT renfermant les législations nationales en matière d'évaluation» à la p. A1.

10. Mexx Canada, supra note 7; Radio Shack, supra note 8; et Chaps Ralph-Lauren, supra note 6.


Publication initiale : le 24 février 1997