NORTHWEST AIRLINES, INC.

Décisions


NORTHWEST AIRLINES, INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-95-124

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 21 février 1997

Appel n o AP-95-124

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 juin 1996 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 mai 1995 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

NORTHWEST AIRLINES, INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé




L'appel est rejeté.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national le 24 juillet 1992 au montant de 1 755 666,15 $ relativement à des taxes de transport aérien impayées, intérêts et pénalités en sus, aux termes de l'article 12 de la Loi sur la taxe d'accise. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la totalité ou une partie du montant des forfaits « Visit USA », comprenant un point de destination au Canada et un départ subséquent pour les États-Unis et, après plusieurs escales aux États-Unis, de ce pays, une destination à l'extérieur de l'Amérique du Nord, est assujettie à la taxe de transport aérien. Un itinéraire donné en exemple comprenait un point de destination au Canada et un départ subséquent du Canada, soit Londres (Royaume-Uni) à Détroit à Minneapolis à Edmonton à Minneapolis à Miami à Memphis à Los Angeles à Détroit à Londres (Royaume-Uni).

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que la question en litige dans le présent appel a été tranchée dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire USAir, Inc. c. Le ministre du Revenu national. Dans le présent appel, le transport décrit dans l'itinéraire donné en exemple comprenait un départ d'Edmonton, qui est un point situé au Canada. Les éléments de preuve montrent que l'escale à Edmonton avait pour objet de permettre au passager de visiter la ville et non simplement de prendre un vol de correspondance. Cela étant, le départ d'Edmonton ne résultait pas d'une escale de correspondance. De l'avis du Tribunal, lorsqu'un passager quitte Edmonton, la destination de ce passager est Londres, qui se trouve à l'extérieur de la zone de taxation. En d'autres termes, le voyage du passager prendra fin à Londres, peu importe le fait que l'aéronef, qui part d'Edmonton, atterrira dans une ville des États-Unis. Selon le Tribunal, les escales aux États-Unis peuvent simplement être décrites comme des « escales intermédiaires », ce qui signifie simplement des arrêts au cours du voyage, ou des arrêts au cours d'un voyage plus long avant l'arrêt final. Enfin, dans l'itinéraire donné en exemple, le transport comprenait l'embarquement par une personne à l'aéroport d'Edmonton, qui est au Canada, à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport situé aux États-Unis, donc situé à l'étranger, et le débarquement subséquent par cette personne à cet aéroport.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 4 juin 1996 Date de la décision : Le 21 février 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Raynald Guay, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Margaret Fisher Ont comparu : Dan M. Fiorita, pour l'appelant J. Sanderson Graham, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national le 24 juillet 1992. L'appelant s'est vu imposer une cotisation de 1 755 666,15 $ relativement à des taxes de transport aérien impayées, intérêts et pénalités en sus, aux termes de l'article 12 de la Loi. L'appelant a signifié un avis d'opposition, daté du 12 octobre 1992, que l'intimé a admis en partie dans une décision rendue le 30 mai 1995.

À l'audience, les avocats des deux parties ont convenu d'une série de faits entourant la présente affaire. L'appelant est un transporteur aérien titulaire de licence qui offre des services de transport aérien à ses passagers. Sa principale place d'affaires est située aux États-Unis. Au cours de la période visée par la cotisation, l'appelant a vendu des forfaits promotionnels appelés « Visit USA » ou VUSA. Les billets vendus à cette fin permettaient au détenteur de voyager entre divers points aux États-Unis et, à l'occasion, de se rendre à une ville canadienne à partir d'un endroit aux États-Unis. Le voyage débutait et se terminait à l'étranger. Les forfaits permettaient aux passagers qui avaient acheté les billets de visiter chaque ville sur l'itinéraire pendant une période indéterminée. La seule restriction était que la durée totale du voyage ne devait pas dépasser 60 jours. Un itinéraire donné en exemple comprenait une escale au Canada, soit Londres (Royaume-Uni) à Détroit à Minneapolis à Edmonton à Minneapolis à Miami à Memphis à Los Angeles à Détroit à Londres (Royaume-Uni).

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la totalité ou une partie du montant des forfaits VUSA, comprenant un point de destination au Canada et un départ subséquent pour les États-Unis et, après plusieurs escales aux États-Unis, de ce pays, une destination à l'extérieur de l'Amérique du Nord, est assujettie à la taxe de transport aérien aux termes de l'article 12 de la Loi.

Aux fins du présent appel, la nomenclature tarifaire pertinente est comprise dans les articles 8 à 20 de la Loi. Les articles 8 et 12 prévoient, en partie, ce qui suit :

8. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« zone de taxation »

a) Le Canada;

b) les États-Unis, à l'exception d'Hawaii;

c) les Îles Saint-Pierre et Miquelon.

12. (1) Une taxe de transport aérien, calculée selon l'article 13, est imposée, prélevée et perçue sur chaque montant payé ou payable au Canada en contrepartie du transport aérien d'une personne lorsque ce transport commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation.

(2) Une taxe de transport aérien, calculée selon l'article 13, est imposée, prélevée et perçue sur chaque montant payé ou payable à l'étranger en contrepartie du transport aérien d'une personne lorsque ce transport :

a) d'une part, commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation;

b) d'autre part, comporte l'embarquement à un aéroport au Canada à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport situé à l'étranger, et le débarquement à un aéroport situé à l'étranger.

La personne acquitte la taxe au moment de l'embarquement, à un aéroport situé au Canada et visé à l'alinéa b), à bord d'un aéronef également visé à cet alinéa, sauf si, la taxe ayant déjà été payée à un transporteur aérien titulaire de licence ou à son mandataire, la personne présente, selon les modalités réglementaires, la preuve de ce paiement à une personne relevant d'une catégorie visée à ce règlement.

(3) Pour l'application du paragraphe (1), le transport aérien commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation s'il comprend, en tout ou en partie, au moins un départ à partir d'un point situé dans la zone de taxation, à l'exclusion d'un départ résultant d'une escale de correspondance, vers une destination située à l'extérieur de la zone de taxation.

(4) Pour l'application du paragraphe (2), le transport aérien commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation s'il comprend, en tout ou en partie, au moins un départ à partir d'un point situé au Canada, à l'exclusion d'un départ résultant d'une escale de correspondance, vers une destination située à l'extérieur de la zone de taxation, qu'il y ait ou non des escales intermédiaires.

S'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Communauté urbaine) c.Corp. Notre-Dame de Bon-Secours [2] , l'avocat de l'appelant a soutenu que le fardeau de la preuve incombe dans le présent appel à l'intimé, puisque la disposition législative en question impose une obligation fiscale au contribuable plutôt que de créer une exemption fiscale. L'avocat a soutenu que l'intimé avait commis une erreur de droit en interprétant de façon erronée les paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi et en cotisant des taxes de transport aérien sur les forfaits VUSA, qui prévoyaient des départs à partir d'un point situé au Canada vers une destination située aux États-Unis. Il a fait valoir que l'intention du Parlement lorsqu'il a édicté le paragraphe 12(4) de la Loi était d'imposer des taxes de transport aérien sur les vols en provenance de l'étranger à destination du Canada, et non d'imposer de telles taxes sur les vols en provenance de l'étranger à destination des États-Unis et, subséquemment, du Canada. L'avocat a soumis que, en imposant une taxe de transport aérien sur les forfaits VUSA, l'intimé avait introduit dans cette taxe des notions associées à la taxe sur les produits et services. Plus précisément, il a soutenu que l'intimé avait confondu l'objet des deux taxes. Il a ajouté que la taxe de transport aérien a pour objet de contribuer au paiement des frais de fonctionnement du système canadien de navigation aérienne, tandis que la taxe sur les biens et services a pour objet de lever des recettes générales pour le gouvernement fédéral.

L'avocat de l'appelant a soutenu que l'intimé avait erré en décidant que les forfaits VUSA, qui prévoyaient des départs à partir d'un point situé au Canada vers une destination située aux États-Unis, constituaient un transport aérien qui « commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation ». Il a fait valoir que tous les vols partant du Canada se terminaient aux États-Unis, qui se trouvent dans la zone de taxation. Il a souligné que, dans l'itinéraire donné en exemple, la destination du vol à partir d'Edmonton, et donc du passager, était Minneapolis, Miami, Memphis, Los Angeles ou Détroit, qui sont toutes des villes situées à l'intérieur de la zone de taxation, et non Londres, qui est située à l'extérieur de la zone de taxation. L'avocat a fait valoir que les paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi impose une taxe sur les billets qui sont achetés à l'étranger pour des vols à destination du Canada. Il a soumis que, dans l'itinéraire donné en exemple, Edmonton constitue une « escale ». De plus, la ville aux États-Unis, où se termine le vol à partir d'Edmonton, ne constitue pas une « escale intermédiaire ». Selon l'avocat, la ville située aux États-Unis est la « destination » du vol à partir d'Edmonton.

L'avocat de l'appelant s'est appuyé sur un document intitulé Glossary of Air Transportation Terms: Definitions of Economic and Statistical Terms and Phrases used in CAB Reports, Studies and Proceedings [3] pour définir certains des termes inclus aux paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi. Il a soutenu que les expressions « escale de correspondance » ou « point de correspondance » signifient « [a]n intermediate point in an itinerary at which the passenger deplanes from one flight and boards another flight either on the same carrier, or from the flight of one carrier to a flight of another carrier, for continuation of the journey [4] » (« [u]n point intermédiaire d'un itinéraire où le passager débarque d'un vol pour prendre un autre vol du même transporteur, ou d'un vol d'un transporteur pour prendre un vol d'un autre transporteur, pour continuer le voyage »). L'expression « escale intermédiaire » signifie « [a] scheduled stop for traffic or technical purposes, made at a point in a scheduled route or flight other than the terminal points [5] » (« [u]n arrêt régulier à des fins de trafic ou à des fins techniques, en un point d'une route ou d'un vol réguliers autre que leurs points extrêmes »). Selon l'avocat, si un vol d'Ottawa à Vancouver arrête à Toronto pour prendre d'autres passagers, il s'agit alors d'une escale intermédiaire. Il a soutenu qu'une escale intermédiaire se définit en fonction du trajet de l'avion, et non du voyage du passager. L'avocat s'est également appuyé sur la définition du terme « escale » qui se trouve dans le document susmentionné et qui, a-t-il fait valoir, signifie « [a] deliberate and intentional interruption of a journey by the passenger, scheduled to exceed four hours, domestically (twenty-four hours, internationally), at a point between the place of departure and the place of destination [6] » (« un arrêt délibéré et intentionnel d'un voyage par le passager, prévu pour une durée de plus de quatre heures en territoire national (24 heures, à l'étranger) à un point situé entre le lieu de départ et le lieu de destination »). L'avocat a renvoyé à d'autres définitions, à savoir, celle des termes « transfer, interline transfer and intraline transfer » (« transfert, transfert interligne et transfert intraligne »), qui, selon lui, étaient pertinentes en l'espèce.

L'avocat de l'appelant a soumis que chaque vol ou segment du voyage d'un passager comporte un point de départ et un point de destination. Selon l'avocat, dans l'itinéraire donné en exemple, Edmonton est le point de destination du vol en provenance de Minneapolis, et Minneapolis, Miami, Memphis, Los Angeles ou Détroit sont les points de destination du vol en provenance d'Edmonton. L'avocat a soutenu que si une escale, c'est-à-dire Edmonton dans l'itinéraire donné en exemple, peut éventuellement être considérée comme point de départ, alors les villes des États-Unis, qui sont aussi des escales, devraient être considérées comme des points de destination.

S'appuyant encore sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Communauté urbaine), l'avocat de l'appelant a fait valoir que le Tribunal doit appliquer les règles courantes d'interprétation lorsqu'il interprète des dispositions législatives fiscales comme les dispositions en question. Ce faisant, selon l'avocat, le Tribunal conclura en faveur de l'appelant. De plus, l'avocat a soutenu que tout doute, s'il en est, quant à l'interprétation correcte à donner à une loi fiscale, doit être tranché en faveur du contribuable. L'avocat a soumis qu'il n'incombe pas à l'intimé de combler les lacunes ou d'ajouter des mots au texte de la Loi. Il a soutenu que l'intimé a incorrectement qualifié le terme « destination » qui se trouve au paragraphe 12(4) de la Loi, soit de « destination finale » ou de « destination finale à l'étranger » et, dans certains cas, de « destination intermédiaire ». À nouveau, l'avocat a soumis que les vols qui partent du Canada se terminent aux États-Unis.

L'avocat de l'appelant a aussi présenté un argument concernant la portée extraterritoriale de la loi. Il a soutenu que la taxe de transport aérien a été conçue à titre de taxe à la consommation. Il s'ensuit que la loi s'applique aux personnes, aux choses, aux actes ou aux transactions situées dans les limites de la compétence territoriale. Par conséquent, une fois qu'une personne embarque dans un aéronef à un aéroport du Canada pour un vol déterminé et subséquemment débarque de l'aéronef à un aéroport qui est à l'extérieur du Canada lorsque le vol déterminé prend fin, ce que cette personne fait par la suite n'est pas pertinent aux fins de la détermination de la question de savoir si la taxe est payable en fonction de l'embarquement de cette personne dans un aéronef, ou de son débarquement, au Canada. Selon l'avocat, ce que l'intimé a fait, c'est imposer une taxe sur des vols qui ont comme point de départ les États-Unis, ce qui, selon lui, ne peut être fait.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il incombe manifestement à l'appelant de prouver que la cotisation de l'intimé est incorrecte. Il a fait valoir que, étant donné que toutes les conditions des paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi avaient été satisfaites, l'appelant s'était vu imposer une cotisation correcte relativement à des taxes de transport impayées. Plus précisément, dans l'itinéraire donné en exemple et présenté aux fins d'analyse, le coût du transport était payé ou payable à l'extérieur du Canada. L'avocat a reconnu que la destination du vol dont le point de départ est situé au Canada était les États-Unis, qui se trouvent dans la zone de taxation. Il a soutenu, cependant, que la partie du transport qui a débuté au Canada et qui fait l'objet du présent appel se termine à Londres, qui est un point situé à l'extérieur de la zone de taxation. L'avocat a soutenu que, dans l'itinéraire donné en exemple, le transport comprenait un départ d'Edmonton, qui est un point situé au Canada, et que l'escale à Edmonton n'était pas une escale de correspondance, car elle avait pour objet de permettre au passager de visiter la ville et non simplement de débarquer pour prendre un vol de correspondance. Selon lui, les escales dans les villes des États-Unis, à savoir, Minneapolis, Miami, Memphis, Los Angeles ou Détroit, constituaient des escales intermédiaires. Il a ajouté que l'expression « escale intermédiaire » désigne une escale au cours du voyage, ou une escale pendant un voyage plus long avant d'arriver au point de destination final. À l'appui de son affirmation, l'avocat a renvoyé à plusieurs décisions [7] portant sur le transport aérien international, aux termes de la Loi sur le transport aérie n [8] , et à la décision du Tribunal dans l'affaire U S Air, Inc. c. Le ministre du Revenu natio n a l [9] .

Selon l'avocat de l'intimé, la Loi est claire et sans équivoque. Il n'est donc pas nécessaire de se reporter à des sources externes, comme celle utilisée par l'appelant ou le Mémorandum ET 108 [10] , pour interpréter la signification courante des expressions « escale de correspondance » et « escale intermédiaire ». Toutefois, au cas où le Tribunal jugerait que le paragraphe 12(4) de la Loi est ambigu, l'avocat a maintenu qu'il y aurait lieu de tenir compte de la signification donnée à ces termes par l'industrie, telle qu'énoncée par l'Office national des transports, et non des définitions que l'avocat a citées qui, à son avis, ne font que confondre leurs significations courantes et ordinaires. Plus précisément, l'avocat a soutenu que, pour éviter de confondre avec l'alinéa 12(2)b) de la Loi, qui renvoie à la destination d'un vol déterminé, la destination dont il est fait mention au paragraphe 12(4) de la Loi doit signifier la destination finale de la partie du transport aérien qui a comme point de départ le Canada, et non la destination du vol qui se termine à une escale intermédiaire au cours du voyage. À l'appui de son argument, l'avocat a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire USAir qui, a-t-il fait valoir, s'applique directement aux faits du présent appel. Enfin, l'avocat a soutenu que l'article 12 de la Loi n'a aucune portée extraterritoriale, puisqu'il s'applique aux transporteurs aériens qui exploite une entreprise de transport de passagers, en contrepartie de paiement ou rémunération, en partie au Canada et en partie à l'extérieur du Canada. Selon l'avocat, la loi impose une taxe sur un départ du Canada, et non sur un départ des États-Unis.

Le Tribunal est d'avis que la décision qu'il a rendue dans l'affaire USAir s'applique directement aux faits du présent appel. La seule différence est que le Tribunal fait face à un itinéraire différent donné en exemple, qui comprend plusieurs escales aux États-Unis, au lieu d'une seule, comme c'était le cas dans l'affaire USAir. En vérité, le Tribunal est d'avis que la question en litige dans le présent appel a été tranchée dans l'affaire USAir. Aucun argument présenté par l'avocat de l'appelant n'a convaincu le Tribunal qu'il devrait statuer différemment dans le présent appel. Quelques arguments, cependant, méritent d'être commentés. En outre, le Tribunal réitérera quelques-uns des motifs de la décision qu'il a rendue dans l'affaire USAir et les appliquera aux faits du présent appel.

En l'espèce, l'intimé a imposé une taxe de transport aérien sur les montants payés ou payables à l'extérieur du Canada conformément au paragraphe 12(2) de la Loi, qui dispose que cette taxe doit être imposée, prélevée et perçue en contrepartie du transport aérien d'une personne, lorsque ce transport commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation.

Le paragraphe 12(4) de la Loi prévoit que, pour l'application du paragraphe 12(2), le transport aérien commence à un point situé dans la zone de taxation et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation s'il comprend, en tout ou en partie, au moins un départ d'un point situé au Canada, à l'exclusion d'un départ résultant d'une escale de correspondance. En l'espèce, le transport décrit dans l'itinéraire donné en exemple comprend un départ d'Edmonton, qui est un point situé au Canada. L'expression « escale de correspondance » n'est pas définie dans la Loi. Ainsi qu'il est dit dans l'affaire USAir, il est bien établi, toutefois, que « [l]es politiques et l'interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un “ facteur important ” [11] ». À cet égard, le Tribunal, comme il l'a fait dans l'affaire USAir, s'est reporté au Mémorandum ET 108, qui définit « escale de correspondance » comme « tout arrêt à un aéroport par un aéronef, duquel le passager ne débarque que pour prendre un vol de correspondance ». Les éléments de preuve montrent que l'escale à Edmonton avait pour objet de permettre aux passagers de visiter la ville et non simplement de prendre un vol de correspondance. Par conséquent, le départ d'Edmonton ne résultait pas d'une escale de correspondance.

Le paragraphe 12(4) de la Loi prévoit également que le départ doit se faire vers une destination située à l'extérieur de la zone de taxation, qu'il y ait ou non des escales intermédiaires. Le mot anglais « destination » (« destination ) »est défini dans The Oxford English Dictionary [12] comme « the place for which a person or thing is destined; the intended end of a journey or course [13] » (« l'endroit où doit se rendre une personne ou une chose; l'endroit où doit prendre fin un voyage »). De l'avis du Tribunal, lorsqu'un passager quitte Edmonton, sa destination est Londres, qui se trouve à l'extérieur de la zone de taxation. En d'autres termes, le voyage du passager prendra fin à Londres, peu importe le fait que l'aéronef, qui part d'Edmonton, atterrira à une des villes des États-Unis énumérées dans l'itinéraire donné en exemple. Le Tribunal est d'avis que les escales aux États-Unis peuvent simplement être décrites comme des escales intermédiaires. Dans l'affaire USAir, le Tribunal a déclaré que, selon lui, l'expression « escale intermédiaire » signifie simplement « un arrêt au cours du voyage ou un arrêt au cours d'un voyage plus long avant l'arrêt final [14] ». Le Tribunal reprend cette définition dans la présente cause. Comme dans l'affaire USAir, le Tribunal est d'avis qu'adopter toute autre définition de cette expression créerait de la confusion dans la législation ou, plus particulièrement, dans la signification de l'alinéa 12(2)b) de la Loi. Par conséquent, le Tribunal conclut que les exigences de l'alinéa 12(2)a) de la Loi ont été satisfaites et que la partie du transport qui quitte le Canada commence à un point situé dans la zone de taxation, qui est Edmonton, et se termine à un point situé à l'extérieur de la zone de taxation, qui est Londres.

L'alinéa 12(2)b) de la Loi indique que le transport doit comporter l'embarquement par une personne à un aéroport au Canada à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport situé à l'étranger, et le département subséquent par cette personne à un aéroport situé à l'étranger. Dans l'itinéraire donné en exemple, le transport comprenait l'embarquement par une personne à l'aéroport d'Edmonton, qui est au Canada, à bord d'un aéronef pour un vol déterminé à destination d'un aéroport à une des villes des États-Unis énumérées dans l'exemple, donc situé à l'étranger, et le débarquement subséquent par la personne à cet aéroport. Le Tribunal conclut donc que les dispositions de l'alinéa 12(2)b) de la Loi ont été satisfaites.

Aucune source n'a été citée au Tribunal par l'un ou l'autre des avocats à l'appui de leurs arguments concernant la portée extraterritoriale de la Loi. Le Tribunal n'a pas été convaincu par l'argument de l'avocat de l'appelant que l'interprétation donnée aux paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi par l'intimé et par le Tribunal dans l'affaire USAir, et maintenant dans le présent appel, est erronée du fait de la notion d'extraterritorialité. En vérité, le Tribunal n'a pu trouver aucun fondement justifiant l'application de cette notion aux circonstances du présent appel.

En ce qui a trait à l'argument concernant le fardeau de la preuve dans le présent appel, le Tribunal fait observer les énoncés suivants qu'il a faits dans l'affaire Société canadienne des pneus Michelin Ltée c.Le ministre du Revenu national [15] :

Selon un principe de droit bien établi, lorsqu'il y a contestation d'une cotisation ou d'une détermination du Ministre, le fardeau de la preuve incombe au contribuable [avec renvoi à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Assessment Commissioner c. Mennonite Home Association (1972), [1973] R.C.S. 189]. Le Ministre fonde habituellement une cotisation ou une détermination sur certaines hypothèses. Il incombe ensuite au contribuable, qui a connaissance des faits sous-jacents, de réfuter ces hypothèses. Le Tribunal constate, toutefois, que selon la jurisprudence récente, ce fardeau peut parfois incomber au Ministre lorsque ce dernier ne se fonde sur aucune hypothèse ou que les hypothèses ont été réfutées, en partie ou en totalité. Dans un tel cas, le Ministre peut devoir assumer le fardeau courant qui consiste à prouver les faits à l'appui d'une position, à moins que le contribuable n'ait déjà déposé ces faits en preuve [avec renvoi aux décisions de la Cour d'appel fédérale dans les affaires Sa Majesté la Reine c. Joseph Leung (1993), [1994] 1 C.F. 482 et John Arthur Pollock c. Sa Majesté la Reine, non publié, Cour d'appel fédérale, nos du greffe A-75-90 et A-76-90, le 14 octobre 1993].

Le Tribunal a poursuivi et conclu que, dans l'affaire Société canadienne des pneus Michelin, peu importe si le fardeau de la preuve incombait à l'appelant ou à l'intimé, les éléments de preuve démontraient clairement que toutes les conditions nécessaires prévues à l'article 274 de la Loi sur la taxe d'accise avaient été remplies et que la règle générale anti-évitement s'appliquait de manière à priver l'appelant d'un remboursement aux termes de l'article 68.2 de la Loi. Dans le présent appel, l'avocat de l'appelant s'est appuyé sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Communauté urbaine) et a soutenu que, puisque la disposition de la Loi en question impose une obligation fiscale au contribuable plutôt que de créer une exemption fiscale, le fardeau de la preuve incombe à l'intimé, et non à l'appelant. De l'avis du Tribunal, cette cause représente un autre fondement à la proposition que le fardeau de la preuve peut parfois être déplacé à l'intimé. Cependant, dans le présent appel, le Tribunal aborde la question d'une façon similaire à celle qui a été adoptée dans l'affaire Société canadienne des pneus Michelin et conclut que, peu importe si le fardeau de la preuve incombe à l'appelant ou à l'intimé, il est d'avis que les éléments de preuve montrent clairement que toutes les conditions des paragraphes 12(2) et 12(4) de la Loi ont été remplies et que l'intimé a correctement imposé une cotisation relativement à des taxes de transport aérien pour les billets des forfaits VUSA.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. [1994] 3 R.C.S. 3.

3. Economic Evaluation Division, Bureau of Accounts and Statistics, Civil Aeronautics Board, Washington, 1re éd., février 1977.

4. Ibid. à la p. 81.

5. Ibid. à la p. 101.

6. Ibid.

7. Grein c. Imperial Airways, Limited, [1937] 1 B.R. 50; Qureshi c. K.L.M. (Royal Dutch Airlines) (1979), 41 N.S.R. (2d) 653 (N.S.S.C.T.D.); et Friesen c. Air Canada and British Airways (1981), 30 A.R. 527 (B.R.).

8. L.R.C. (1985), ch. C-26.

9. Appel no AP-94-317, le 26 janvier 1996.

10. Instructions relatives à la taxe de transport aérien, ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 31 mars 1989.

11. Supra note 9 à la p. 4; Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté la Reine, [1983] 1 R.C.S. 29 à la p. 37; et Smed Manufacturing Inc. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-93-081, le 17 mai 1994 à la p. 6.

12. Deuxième éd., Oxford, Clarendon Press, 1989.

13. Ibid. à la p. 536.

14. Supra note 9 à la p. 5.

15. Appel no AP-93-333, le 22 mars 1995.


Publication initiale : le 3 juin 1997