R.T. VANDERBILT COMPANY, INC.

Décisions


R.T. VANDERBILT COMPANY, INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n
o AP-95-190

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 25 juin 1997

Appel n o AP-95-190

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 octobre 1996 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 31 juillet 1995 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

R.T. VANDERBILT COMPANY, INC. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 31 juillet 1995. Le produit en cause est un type de produit d'argile bentonitique, dont l'appellation commerciale est « Veegum ». La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 3823.90.90 à titre d'autre produit et préparation des industries chimiques ou des industries connexes, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2508.10.00 à titre de bentonite, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal reconnaît que le principal point en litige au sujet du classement du Veegum dans le Tarif des douanes porte sur le fait qu'il est produit à partir de deux sources de bentonite et non d'une seule. S'appuyant principalement sur la Note 1 du Chapitre 25 de l'annexe I du Tarif des douanes et sur les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises du chapitre, l'intimé a soutenu que le Veegum n'est ni à l'« état brut » ni n'a-t-il simplement été soumis à un ou à plusieurs des procédés spécifiquement indiqués à la Note 1 du Chapitre 25. De l'avis de l'intimé, le Veegum est un produit « résultant d'un mélange » et, plus précisément, du mélange de deux produits pouvant être classés dans la position no 25.08, ce qui l'exclurait du classement dans cette position.

Après avoir examiné les éléments de preuve et la nomenclature pertinente, le Tribunal n'est pas d'accord avec la position adoptée par l'intimé. Le Tribunal n'admet pas l'argument selon lequel le Veegum serait un produit « résultant d'un mélange » au sens de la Note 1 du Chapitre 25. Selon le Tribunal, le Veegum est simplement fait de bentonite, un produit ou une matière minérale simple, pouvant être classée en elle-même dans la position no 25.08 et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 2508.10.00. Que le minerai brut provienne de deux mines différentes et que chacune des sources favorise certaines propriétés physiques du produit final ne sont pas en l'espèce des faits pertinents. Le Tribunal est d'avis que de la bentonite provenant d'une source, combinée à de la bentonite provenant d'une autre source, demeure de la bentonite.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 7 octobre 1996 Date de la décision : Le 25 juin 1997
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Lyle M. Russell, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson Ont comparu : Rufus E. Jarman fils, pour l'appelant Lyndsay K. Jeanes, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douane s [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 31 juillet 1995. Le produit en cause est un type de produit d'argile bentonitique, dont l'appellation commerciale est « Veegum ». Il convient d'observer que l'appel a initialement été interjeté relativement à deux qualités différentes de Veegum, à savoir le « Veegum » ordinaire et le « Veegum T ». À l'audience, l'avocate de l'intimé a indiqué que ce dernier acceptait le classement du Veegum T dans le numéro tarifaire 2508.10.00 de l'annexe I du Tarif des douane s [2] , comme l'a soutenu l'appelant. Le Veegum T ne fait donc plus l'objet de litige dans le présent appel.

Au moment de son importation, le produit en cause, le Veegum, a été classé dans le numéro tarifaire 3823.90.90 à titre d'autre produit et préparation des industries chimiques ou des industries connexes. L'appelant a demandé le réexamen du classement pour le motif que le produit devrait être classé dans le numéro tarifaire 2508.10.00 à titre de bentonite. L'intimé a rendu une décision aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi confirmant le classement du produit en cause dans le numéro tarifaire 3823.90.90.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 3823.90.90 à titre d'autre produit et préparation des industries chimiques ou des industries connexes, comme l'a établi l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2508.10.00 à titre de bentonite, comme l'a soutenu l'appelant.

La nomenclature tarifaire pertinente aux fins du présent appel est, en partie, la suivante :

25.08 Autres argiles (à l'exclusion des argiles expansées du no 68.06), andalousite, cyanite, sillimanite, même calcinées; mullite; terres de chamotte ou de dinas.

2508.10.00 -Bentonite

38.23 Liants préparés pour moules ou noyaux de fonderie; produits chimiques et préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles consistant en mélanges de produits naturels), non dénommés ni compris ailleurs; produits résiduaires des industries chimiques ou des industries connexes, non dénommés ni compris ailleurs.

3823.90 -Autres

3823.90.90 ---Autres

Le premier témoin à comparaître en faveur de l'appelant a été M. C. Sheldon Thompson, à qui le Tribunal a reconnu le titre d'expert en minéralogie. Le témoignage de M. Thompson a porté sur la préparation à la fois du Veegum et du Veegum T. Il a expliqué que, pour préparer le Veegum T, la bentonite est extraite et broyée, puis mélangée avec de l'eau pour former une boue. Une partie des impuretés du mélange est ensuite éliminée par sédimentation. Par la suite, d'autres impuretés sont éliminées par centrifugation. L'eau est ensuite évaporée et le produit est séché dans un tambour avant son emballage pour la vente. M. Thompson a expliqué que l'expression « minerai de bentonite » se rapporte au produit extrait du sol, avec toutes ses impuretés, tandis que le terme « bentonite » se rapporte au produit après qu'il a été soumis au procédé de purification susmentionné.

M. Thompson a expliqué que le procédé de production du Veegum est identique à celui du Veegum T, sauf que le Veegum, contrairement au Veegum T, ne subit aucun broyage ultérieur après sa sortie du séchoir à tambour. Le Veegum est donc une matière plus grossière que le Veegum T. Cette différence mise à part, la seule autre différence entre le Veegum et le Veegum T réside dans la source des argiles qui servent à préparer chacun des produits. Il a ajouté que l'argile qui sert à produire le Veegum T provient d'une mine, tandis que l'argile qui sert à préparer le Veegum provient de deux mines différentes. Les deux argiles qui servent à préparer le Veegum sont, cependant, de la bentonite, mais l'une d'entre elles a une teneur élevée en aluminium et contient de faibles quantités d'autres métaux et alcalis, comme le magnésium, tandis que l'autre contient surtout du magnésium, ainsi que de faibles quantités d'aluminium. Il a expliqué que les deux sources différentes de bentonite sont utilisées pour faire le Veegum parce que les matières argileuses de chaque source, combinées, confèrent des propriétés différentes au produit final, comme la viscosité et la compatibilité avec différents environnements acides ou alcalins dans lesquels le produit sert.

M. Thompson a déclaré que les diverses étapes de préparation du Veegum n'incluent aucun traitement chimique, et qu'il n'est pas non plus habituel de soumettre le Veegum à une analyse chimique. Plutôt, le produit serait analysé en termes de ses propriétés physiques, comme la viscosité et le pouvoir gonflant, puisque ces propriétés sont étroitement liées à la valeur du produit. M. Thompson a témoigné que la production du Veegum se rapporte à l'industrie des mines et des minéraux et non à l'industrie chimique. À son avis, le Veegum ne serait pas considéré comme un produit résiduel ni un sous-produit de quelque autre produit.

M. Thompson a de plus expliqué que le minerai de bentonite qui sert à la production du Veegum n'est pas homogène et que le mélange de minerais provenant de diverses sources n'est pas rare dans l'industrie minière, étant donné la nécessité d'un intrant homogène dans le système de traitement [3] . Il a ajouté que le Veegum serait habituellement désigné, sinon par son nom commercial, comme de l'argile bentonitique purifiée. Il a expliqué que le terme « bentonite » décrit habituellement une matière dont le principal composant est la bentonite.

M. Thompson a indiqué que le mélange de bentonite de magnésium et de bentonite d'aluminium présente des caractéristiques améliorées, mais qui ne sont pas nécessairement différentes des caractéristiques de chaque bentonite prise individuellement. Par exemple, le mélange pourrait être un peu plus ou un peu moins visqueux que ne l'est chacun des types de bentonite, mais que, une fois mélangé, le produit offre des propriétés les plus utiles à l'appelant en termes de son utilisation finale.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Thompson a indiqué que, pour produire le Veegum, la bentonite de magnésium et la bentonite d'aluminium sont mélangées dans des proportions prédéterminées. Plus précisément, des quantités prédéterminées de bentonite de magnésium et de bentonite d'aluminium entreposées en tas sont mises ensemble sur un convoyeur et introduites dans un broyeur à boulets où l'eau est ajouté pour faire une boue. Selon M. Thompson, ce n'est pas la présence d'oxydes particuliers dans les deux argiles bentonitiques, mais plutôt les conditions prévalantes lors de leur formation qui leur donnent des propriétés physiques particulières, comme leur pouvoir gonflant. Plus précisément, il a témoigné que la proportion d'oxyde d'aluminium par rapport à l'oxyde de magnésium donne une indication générale des propriétés probables du mélange, mais que les propriétés sont plus directement liées aux charges électriques qui existent entre les feuillets d'argile. M. Thompson a expliqué que le Veegum T a un indice de gélifiant supérieur à cause de la présence interstitielle de divers types de kaolins entre chaque feuillet d'argile et non spécifiquement à cause de la teneur en aluminium ou en magnésium de l'argile bentonitique.

M. Thompson a témoigné que le Veegum est produit en mélangeant de la bentonite de deux sources différentes parce que ce mélange particulier de deux bentonites possédant les propriétés voulues n'existe pas, ou du moins n'a pas été découvert, à l'état naturel. Il a souligné que l'appelant ne fabrique pas un produit caractérisé uniquement par la proportion de magnésium et d'aluminium. L'appelant détermine plutôt le produit d'après les propriétés finales du produit final, quel qu'il soit. Selon M. Thompson, le Veegum est utilisé comme agent liant et agent gonflant dans des produits aussi diversifiés que le dentifrice et les produits pour nettoyer les fours. Dans le cas des produits pour nettoyer les fours, la rapidité d'expansion du Veegum permet la libération de l'ingrédient actif.

À la suite de l'opposition de l'intimé à certaines déclarations de fait énoncées dans le mémoire de l'appelant, Mme Lisa Tuck, spécialiste principale de la nomenclature à l'unité de l'Élaboration de la nomenclature internationale du ministère du Revenu national (Revenu Canada), a été invitée à témoigner en faveur de l'intimé. Les éléments de preuve présentés par Mme Tuck portaient principalement sur la nature des divers organismes internationaux ainsi que sur la pertinence de la procédure en cours de certains documents de travail, rapports et avis publiés par ces organismes au sujet du classement de la bentonite dans le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] (le Système harmonisé). Plus précisément, Mme Tuck a traité des différentes sources des documents publiés par le Comité du Système harmonisé, un comité technique de l'Organisation mondiale des douanes (OMD), et par la Communauté économique européenne, ainsi que diverses décisions nationales. Elle a expliqué, d'une façon générale, qu'il existait plusieurs comités et sous-comités de l'OMD et a traité de leur rôle respectif relativement aux questions de classement. Mme Tuck a aussi décrit le déroulement de la démarche qui a mené à l'inclusion dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandise s [5] (les Notes explicatives) de la position no 38.23 d'un libellé pratiquement identique à celui qui figure dans un avis de classement du Comité de la nomenclature [6] (maintenant supprimé) portant sur le « [m]élange de diverses argiles », ainsi que sur la distinction entre les produits visés par le Chapitre 25 et ceux visés par le Chapitre 38.

Les Notes explicatives de la position no 38.23, discutées par Mme Tuck, renvoient spécifiquement à l'inclusion, dans la position, des marchandises suivantes : « Les mélanges utilisés comme épaississants ou comme stabilisants d'émulsion dans les préparations chimiques ou encore comme agglomérants pour la fabrication de meules abrasives, consistant en produits relevant soit de positions distinctes, soit d'une même position du Chapitre 25, même avec des matières classées dans d'autres Chapitres et possédant l'une des compositions ci-après : - Mélange de diverses argiles ».

Le deuxième témoin à comparaître en faveur de l'intimé a été M. Richard L. Erdeg, auquel le Tribunal a reconnu le titre d'expert en chimie. M. Erdeg a témoigné que l'analyse qu'il a faite du produit en cause a indiqué qu'il s'agit d'un mélange de deux argiles bentonitiques et a décrit au Tribunal le procédé d'analyse du produit en cause. Il a déclaré que le Veegum n'est pas une préparation chimique parce qu'il n'a pas changé d'un produit minéral à un produit chimique. En outre, il a proposé qu'il ne s'agissait pas là d'un produit connexe. M. Erdeg a témoigné, cependant, que, bien que la bentonite comme telle soit une argile naturelle, le Veegum n'est pas une argile naturelle parce que deux argiles bentonitiques différentes sont mélangées pour le produire. En contraste, le Veegum T est une argile naturelle parce que la bentonite ne provient que d'une seule mine. Cependant, il a reconnu que, une fois que la bentonite a été traitée afin de produire le Veegum T, la bentonite n'est plus à son état naturel. Selon M. Erdeg, le Veegum contient de l'oxyde de magnésium et de l'oxyde d'aluminium en quantités presque égales, ce qui indique qu'il ne s'agit pas là d'une occurrence naturelle, mais plutôt du résultat d'un mélange de deux argiles bentonitiques.

L'avocat de l'appelant a soutenu qu'un des principes directeurs du classement des marchandises dans le Tarif des douanes est que les marchandises ne sont classées qu'une seule fois et, dans la plupart des cas, selon leurs caractéristiques physiques. Bien que le produit en cause soit désigné par l'appellation Veegum, il ne s'agit simplement que de la bentonite, et parce que le Tarif des douanes comporte une disposition spécifique à la bentonite, plus précisément dans la sous-position no 2508.10, le Veegum devrait être classé dans cette sous-position. L'avocat a soutenu que le Veegum n'est ni un produit des industries chimiques ni un produit des industries connexes et qu'il ne peut donc pas entrer dans le champ d'application du Chapitre 38 et, plus précisément, de la position no 38.23. Il a fait valoir que, pour pouvoir déterminer si le produit est un « [m]élange de diverses argiles », le Tribunal doit d'abord conclure que le Veegum est un produit des industries chimiques ou des industries connexes. En outre, les termes pertinents de la position no 38.23 n'incluent que les produits « non dénommés ni compris ailleurs ». Par conséquent, si le Veegum est visé dans le Chapitre 25, il ne peut donc être aussi considéré comme étant visé dans le Chapitre 38.

Renvoyant aux Notes explicatives de la position no 25.08, l'avocat de l'appelant a soutenu que les types de procédés utilisés par l'appelant pour produire le Veegum sont manifestement permis aux termes du Chapitre 25 et que le produit qui en résulte demeure un produit naturel permis en conformité avec les termes de la position no 25.08 et de la Note 1 du Chapitre 25. La Note 1 du Chapitre 25 prévoit que, « [s]auf dispositions contraires [...], n'entrent dans les positions du présent Chapitre que les produits à l'état brut ou les produits lavés [...], concassés, broyés, pulvérisés, soumis à lévigation, criblés, tamisés, enrichis par flottation, séparation magnétique ou autres procédés mécaniques ou physiques (à l'exception de la cristallisation), mais non les produits grillés, calcinés, résultant d'un mélange ou ayant subi une main-d'œuvre supérieure à celle indiquée dans chaque position ». L'avocat a fait valoir qu'il n'existe pas d'argile homogène et que tout traitement minéralogique comporte le mélange aux fins d'uniformité, indépendamment du fait que la matière brute provienne d'une source ou de plusieurs.

De plus, l'avocat de l'appelant a soutenu que les avis et les autres documents publiés par les divers organismes internationaux concernant l'interprétation des termes du Chapitre 38 ne sont pas pertinents, sauf si le Tribunal conclut que le Veegum n'entre pas dans le champ d'application du Chapitre 25. L'avocat a allégué que l'exclusion des produits de la position no 25.08 « résultant d'un mélange » n'entraîne pas l'inclusion du Veegum dans la position no 38.23 à titre de « [m]élange de diverses argiles ». Il a soutenu que le Veegum n'est pas obtenu au moyen d'un « mélange » : le mélange n'est simplement qu'une des choses qui survient et ne peut être évité lors de la préparation du Veegum. Cela demeure vrai, que l'argile provienne d'une seule source ou de plusieurs. L'avocat a de plus fait valoir que, si le Tribunal devait statuer que le critère déterminant l'inclusion de produits dans le Chapitre 25 est le fait qu'ils proviennent uniquement d'une seule mine, il s'ensuivrait un fardeau administratif considérable pour Revenu Canada en termes de détermination de la source des matières brutes qui entrent dans la fabrication d'un produit particulier.

Enfin, l'avocat de l'appelant a soutenu que, même si les rédacteurs du Tarif des douanes devaient connaître les différents types de bentonite en existence, ils ont décidé d'établir une sous-position pour la bentonite elle-même, indiquant de ce fait que la bentonite, comme entité, est une argile.

L'avocate de l'intimé a d'abord fait valoir que les arguments de l'avocat de l'appelant s'appliqueraient si le produit en cause était simplement de la bentonite. Cependant, le produit en cause n'est pas de la bentonite, mais un mélange d'argiles naturelles. Il n'est jamais désigné comme « bentonite » dans la documentation sur le produit, mais plutôt par l'appellation Veegum. Le Veegum est un produit obtenu en mélangeant ou alliant de la bentonite d'aluminium avec de la bentonite de magnésium pour créer un mélange de ces deux argiles bentonitiques qui exprime le mieux les propriétés voulues du produit final. Il ne s'agit pas d'une argile naturelle qui est simplement extraite du sol et commercialisée telle quelle. Dans la mesure où il est admis que c'est de cette façon qu'est produit le Veegum, l'intimé prétend que le Veegum n'est pas de la bentonite naturelle, mais plutôt un produit formulé au moyen du mélange, dans des proportions précises, de deux argiles bentonitiques après une analyse chimique attentive.

À l'appui de sa position, l'avocate de l'intimé a renvoyé à la Note 1 du Chapitre 25 ainsi qu'aux Notes explicatives de ce chapitre, soutenant que le Veegum est exclu du classement dans la position no 25.08 parce qu'il s'agit d'un produit « résultant d'un mélange » et, plus précisément, du mélange de produits minéraux visés par les mêmes positions du Chapitre 25. Alors que le Veegum T serait inclus dans la position no 25.08 parce qu'il ne résulte pas d'un « mélange », et que la bentonite qui sert à produire le Veegum T n'est soumise qu'à des types de procédé permis énumérés à la Note 1 du Chapitre 25 aux fins de l'inclusion dans le Chapitre de produits qui ne sont plus à l'état brut, la même chose ne s'applique pas au Veegum.

Renvoyant aux Notes explicatives de la position no 38.23, l'avocate de l'intimé a soutenu que le Veegum est un produit épaississant ou un stabilisant d'émulsion utilisé dans les préparations chimiques. Il est utilisé dans le dentifrice et dans les produits de maquillage, ainsi que dans d'autres produits qui sont des préparations chimiques. Les deux matières minérales à l'état brut mélangées ensemble pour faire le Veegum pourraient, de plus, être classées individuellement dans la position no 25.08. Le Veegum n'entrant pas dans la portée du Chapitre 25, il faut donc considérer le Chapitre 38, qui, selon l'avocate, inclut le produit en cause, puisque ce dernier est une préparation des industries chimiques ou des industries connexes. En conclusion, l'avocate a aussi renvoyé le Tribunal à la Règle 6 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonis é [7] (les Règles générales), soutenant que les Notes explicatives des Chapitres 25 et 38 s'appliquent aussi à la sous-position no 2508.10.

Le Tribunal est conscient que la Règle 1 des Règles générales est d'une importance cruciale pour le classement des marchandises. La Règle 1 prévoit que le classement des marchandises est d'abord déterminé d'après le libellé de la position et des Notes de Sections ou de Chapitres. Les deux positions en question sont les positions nos 25.08 et 38.23. La position no 25.08 inclut les « Autres argiles », tandis que la position no 38.23 inclut les « préparations des industries chimiques ou des industries connexes (y compris celles consistant en mélanges de produits naturels), non dénommés ni compris ailleurs ».

En ce qui a trait au classement des marchandises dans le Chapitre 25, la Note 1 du Chapitre 25 prévoit que « [s]auf dispositions contraires [...], n'entrent dans les positions du présent Chapitre que les produits à l'état brut ou les produits lavés [...], concassés, broyés, pulvérisés, soumis à lévigation, criblés, tamisés, enrichis par flottation, séparation magnétique ou autres procédés mécaniques ou physiques (à l'exception de la cristallisation), mais non les produits grillés, calcinés, résultant d'un mélange ou ayant subi une main-d'œuvre supérieure à celle indiquée dans chaque position ». Les Notes explicatives du Chapitre 25 poursuivent comme suit :

Ainsi que le précise la Note 1 du Chapitre 25, ce Chapitre ne comprend, d'une manière générale, que les produits minéraux à l'état brut, ou bien lavés (même à l'aide de substances chimiques, pourvu que le produit ne s'en trouve pas modifié), broyés, moulus, pulvérisés, soumis à lévigation, criblés, tamisés ou encore enrichis par flottation, séparation magnétique ou autres procédés mécaniques ou physiques (à l'exception de la cristallisation). Les produits du présent Chapitre peuvent être additionnés d'une substance antipoussiéreuse, pour autant que cette addition ne rende pas le produit apte à des emplois particuliers plutôt qu'à son emploi général. Par contre, relèvent d'autres Chapitres (Chapitres 28 ou 68, par exemple), les produits de l'espèce qui ont subi une ouvraison plus avancée, telle que la purification par cristallisations successives, la transformation en ouvrages par taille, sculpture, etc., ou résultant d'un mélange de produits minéraux relevant d'une même position du présent Chapitre ou de positions différentes.

Le Tribunal reconnaît que le principal point en litige au sujet du classement du Veegum dans le Tarif des douanes porte sur le fait qu'il est produit à partir de deux sources de bentonite et non d'une seule. S'appuyant principalement sur la Note 1 du Chapitre 25 et sur les Notes explicatives de ce chapitre, l'intimé a soutenu que le Veegum n'est ni à l'« état brut » ni n'a-t-il simplement été soumis à un ou à plusieurs des procédés spécifiquement indiqués à la Note 1 du Chapitre 25. En fait, de l'avis de l'intimé, le Veegum est un produit « résultant d'un mélange » et, plus précisément, du mélange de deux produits pouvant être classés dans la position no 25.08, ce qui l'exclurait du classement dans cette position.

Après avoir examiné les éléments de preuve et la nomenclature pertinente, le Tribunal n'est pas d'accord avec la position adoptée par l'intimé. Le Tribunal n'admet pas l'argument selon lequel le Veegum serait un produit « résultant d'un mélange » au sens de la Note 1 du Chapitre 25. De l'avis du Tribunal, le Veegum est simplement fait de bentonite, un produit ou une matière minérale simple, pouvant être classée en elle-même dans la position no 25.08 et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 2508.10.00. Que le minerai brut provienne de deux mines différentes et que chacune des sources favorise certaines propriétés physiques du produit final ne sont pas en l'espèce des faits pertinents. Le Tribunal est d'avis que de la bentonite provenant d'une source, combinée à de la bentonite provenant d'une autre source, demeure de la bentonite.

Le Tribunal estime qu'une telle position est corroborée du fait que le terme « bentonite », sans qualificatif, est dénommé dans la sous-position no 2508.10.

Puisque le Tribunal conclut que le Veegum peut être classé dans la position no 25.08, ce dernier ne peut être classé dans la position no 38.23, puisqu'il est « dénommé ou compris ailleurs ». Néanmoins, le Tribunal est d'avis qu'il convient d'aborder certains des arguments de l'intimé quant à l'applicabilité de la position no 38.23. Le Tribunal fait observer que les Notes explicatives de la position no 38.23 indiquent que « [l]es mélanges utilisés comme épaississants ou comme stabilisants d'émulsion dans les préparations chimiques ou encore comme agglomérants pour la fabrication de meules abrasives, consistant en produits relevant soit de positions distinctes, soit d'une même position du Chapitre 25 », composés d'un « [m]élange de diverses argiles », comptent parmi les produits compris dans la position no 38.23. Cependant, le Tribunal n'a pas été convaincu que cette disposition s'applique à un mélange d'un même type d'argile, soit la bentonite, provenant de deux mines différentes. Le Tribunal est d'avis que la position conviendrait si des types différents d'argile ou « divers », visés par la même position ou par diverses positions, étaient « mélangés », constituant ainsi un « mélange ».

Le Tribunal est aussi d'avis qu'il n'était ni nécessaire ni fondé de renvoyer aux divers documents internationaux soumis par les parties. Il reconnaît toutefois que l'avis de classement du Comité de la nomenclature, Avis 38.19/28, qui n'est plus en vigueur, est pertinent dans la mesure où son libellé se reflète dans les Notes explicatives de la position no 38.23.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le Veegum doit être classé dans la position no 25.08 et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 2508.10.00 à titre de bentonite.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. À cet égard, M. Thompson a renvoyé à divers documents qui illustrent les différents procédés de production ou de « mélange » appliqués par d’autres sociétés qui produisent des marchandises similaires au Veegum.

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

5. Ibid. 1986.

6. Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, supra note 4, Avis 38.19/28.

7. Supra note 2, annexe I.


Publication initiale : le 5 septembre 1997