ROBERT GUSTAS

Décisions


ROBERT GUSTAS
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-006

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 14 janvier 1997

Appel n o AP-96-006

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 décembre 1996 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 19 mars 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ROBERT GUSTAS Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Susanne Grimes ______ Susanne Grimes Secrétaire intérimaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes. Le produit en cause est un relativement petit couteau à une lame, logée dans le manche. Le couteau est ouvert en appuyant sur un bouton situé sur le manche et en laissant la lame sortir par gravité ou en appliquant une force centrifuge au moyen d'un mouvement brusque du poignet.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Bien que le couteau ne soit ni de taille imposante ni d'une apparence particulièrement menaçante, il répond exactement à la description d'« arme prohibée » énoncée à l'alinéa 84(1)b) du Code criminel. Aucune exclusion de la définition n'est prévue du fait de la taille de l'arme, et les armes prohibées sont correctement classées comme « armes offensives » selon les dispositions du code 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 9 décembre 1996 Date de la décision : Le 14 janvier 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : John L. Syme
Greffier : Margaret Fisher
A comparu : R.J. Anderson, pour l'intimé





Le présent appel, qui a été entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] . La question en litige dans le présent appel porte sur le classement correct d'un couteau que l'appelant a importé par courrier. L'appelant n'a pas comparu à l'audience; par conséquent, le Tribunal s'est fondé sur le dossier composé des exposés écrits soumis par les parties ainsi que sur les arguments complémentaires soumis par l'avocat de l'intimé.

Le couteau a été importé en juin 1995 et, après une inspection d'un agent des douanes, a été classé comme arme prohibée, et retenu. Le couteau a été déposé comme pièce et ressemble à un couteau de poche ordinaire. Le manche, d'une longueur d'environ 5 po, est en métal incrusté de plastique dur. Un petit bouton est situé près d'une extrémité du manche et une pression sur ce bouton libère la lame. En tenant le couteau dans la bonne position, la lame tombe alors en place, sous l'effet de la gravité. Par ailleurs, un mouvement brusque du poignet, alors que le bouton est enfoncé, donne suffisamment de force centrifuge à la lame pour qu'elle s'ouvre et se verrouille en position ouverte. La lame se replace dans le manche de la même manière. La lame, dont la longueur est de 3 à 4 po environ, est pointue et un de ses bords est aiguisé comme de nombreux couteaux à cran d'arrêt. Le tranchant est dentelé ou festonné sur la moitié de la lame la plus près du manche.

L'intimé a déterminé que le couteau était une arme prohibée, selon la définition du terme à l'alinéa 84(1)b) du Code criminel [3] . Selon cette définition, une arme prohibée est « tout couteau dont la lame s'ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche ». L'intimé a également déterminé que le couteau, puisqu'il répondait à la définition d'arme prohibée, était assujetti aux dispositions du code 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes [4] qui interdit l'importation des armes prohibées tel que les définit le Code criminel. Le code 9965 prévoit, en partie :

Armes offensives, au sens du Code criminel ou éléments, pièces, accessoires, munitions ou chargeurs grande capacité au sens de ces termes à la définition de « arme prohibée » pour l'application de la partie III de cette loi.

L'appelant, dans ses exposés écrits, a soutenu qu'il existait trois motifs distincts pour ne pas classer le couteau comme arme prohibée. En premier lieu, l'appelant a informé le Tribunal qu'il est collectionneur de couteaux depuis plusieurs années et considère le couteau en cause davantage comme une œuvre d'art ou un outil que comme une arme. En deuxième lieu, l'appelant a soutenu que, bien que le couteau puisse s'ouvrir de la façon décrite, cette possibilité peut être éliminée simplement en serrant quelques vis de réglage pour augmenter la friction. Enfin, à la lumière de son expérience à titre de collectionneur de couteaux, l'appelant a souligné qu'il existe beaucoup de couteaux sur le marché qui sont très semblables au couteau en cause et qui n'exigent guère de force pour s'ouvrir, mais qui ne sont pas considérés comme des « armes offensives ».

L'avocat de l'intimé a aidé le Tribunal en résumant les exposés écrits soumis par l'appelant et a répondu aux arguments de ce dernier ainsi qu'il suit. En premier lieu, l'avocat a souligné qu'aucune exception n'est prévue pour soustraire les authentiques collectionneurs de couteaux des dispositions du Code criminel portant sur l'importation de telles marchandises. En deuxième lieu, l'avocat a fait valoir que le fait que le mécanisme d'ouverture automatique puisse être bloqué simplement en serrant quelques vis de réglage ne représentait manifestement pas une modification permanente ou irréversible du couteau et qu'il serait facile de restaurer la caractéristique initiale. Enfin, l'avocat a avancé que l'affirmation de l'appelant selon laquelle des couteaux semblables sont courants sur le marché national ne pouvait avoir aucun effet sur le classement correct du couteau en cause.

L'appelant n'ayant pas comparu à l'audience, le Tribunal a dû se fonder uniquement sur ses exposés écrits.

Il ne fait aucun doute, en premier lieu, que le couteau en cause répond parfaitement à la définition des couteaux dits « armes prohibées ». Il n'existe aucune disposition qui soustrait les authentiques collectionneurs et, malheureusement pour l'appelant, il n'existe aucune limite de taille qui servirait à exempter les couteaux aussi petits et en apparence aussi inoffensifs que le couteau en cause. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas conclure que le couteau n'est pas une arme prohibée au sens donné à cette expression. Le Tribunal fait observer, cependant, que la seule caractéristique qui distingue le couteau en cause d'autres couteaux de poche courants est son ouverture automatique, une caractéristique qui serait bien commode pour plusieurs applications pratiques lorsque l'autre main est occupée.

De plus, le Tribunal ne peut accepter l'affirmation que la caractéristique d'ouverture automatique peut être bloquée en serrant simplement quelques vis. Il ne s'agit là manifestement que d'un ajustement qui ne peut être considéré comme une modification permanente ou irréversible du couteau. Enfin, bien que l'appelant ait probablement raison lorsqu'il affirme qu'il existe beaucoup de couteaux semblables sur le marché, ce facteur n'a aucune influence sur la détermination par le Tribunal que le couteau en cause est ou n'est pas une arme prohibée au sens du Code criminel.

Le Tribunal, dans de nombreuses affaires antérieures [5] , a soutenu que les marchandises qui sont définies comme « armes prohibées » sont correctement classées dans le code 9965. Le libellé même qui mène à cette conclusion est quelque peu ambigu, comme on peut le voir ci-dessus, mais conserve une logique inhérente. Bien que le Tribunal n'ait pas compétence pour entendre les affaires criminelles, il fait observer qu'il est illégal, aux termes de l'article 90 du Code criminel, de posséder une arme prohibée. Par conséquent, il semblerait illogique d'en permettre l'importation. Cette précision semblerait nécessaire pour confirmer la signification claire du code 9965. Dans ce code, la référence initiale fait mention d'« armes offensives », et le libellé qui suit sur les armes prohibées pourrait porter à conclure que seules les pièces, les accessoires, etc., des armes prohibées sont visées et non les armes elles-mêmes. Par conséquent, malgré l'ambiguïté du libellé du code 9965, le Tribunal se fonde sur l'interprétation plus logique que toutes les armes prohibées sont correctement classées dans le code 9965.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité de la question en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. C-46.

4. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

5. Les Industries Genesport Ltée c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise, appel no AP-91-122, le 24 février 1993; Glenn Whitten c. Le sous-ministre du Revenu national, appel no AP-93-298, le 14 septembre 1994; et Daniel Spiess c. Le sous-ministre du Revenu national, appel no AP-94-256, le 27 octobre 1995.


Publication initiale : le 24 mars 1997