ROLLINS MACHINERY LTD.

Décisions


ROLLINS MACHINERY LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-082

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 2 décembre 1997

Appel n o AP-96-082

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 juin 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue pour le sous-ministre du Revenu national le 28 juin 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ROLLINS MACHINERY LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises décrites comme étant des chenilles en caoutchouc sont correctement classées dans le numéro tarifaire 4016.99.90 à titre d'autres ouvrages en caoutchouc vulcanisé non durci, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 4010.19.10 à titre d'autres courroies transporteuses en caoutchouc vulcanisé renforcées de matières textiles, coupées à la longueur désirée, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Retenant le sens courant de l'expression « courroie transporteuse » comme signifiant une chose qui existe dans un type de géométrie fixe et dont l'action a pour objet de déplacer une vaste gamme d'objets, y compris des gens, d'un point à un autre, le Tribunal conclut que les marchandises en cause, qui déplacent un excavateur d'un lieu à un autre, ne sont pas des courroies transporteuses (conveyor belts). Cependant, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des ensembles de courroies transporteuses («conveyor belting »), au sens courant de cette dernière expression. Étant donné qu'aucun élément de preuve n'a été produit pour établir que les marchandises ont été « [c]oupées à la longueur désirée », le Tribunal conclut que les marchandises doivent être classées dans le numéro tarifaire 4010.19.90 à titre d'autres courroies transporteuses.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 juin 1997 Date de la décision : Le 2 décembre 1997
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Douglas J. Bowering, pour l'appelant Anne M. Turley, pour l'intimé





Le présent appel, qui est entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des marchandises décrites comme étant des chenilles en caoutchouc, dont les parties ont convenu qu'elles sont constituées de caoutchouc vulcanisé, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 4016.99.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'autres ouvrages en caoutchouc vulcanisé non durci, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 4010.19.10 à titre d'autres courroies transporteuses en caoutchouc vulcanisé renforcées de matières textiles, coupées à la longueur désirée, comme l'a soutenu l'appelant. La nomenclature tarifaire pertinente à l'annexe I du Tarif des douanes est la suivante :

40.10 Courroies transporteuses ou de transmission, en caoutchouc vulcanisé.

-Courroies transporteuses :

4010.19 --Autres

4010.19.10 ---Coupées à la longueur désirée

4010.19.90 ---Autres

40.16 Autres ouvrages en caoutchouc vulcanisé non durci.

-Autres :

4016.99 --Autres

4016.99.90 ---Autres

L'appelant a d'abord demandé le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8431.49.90 à titre d'autres parties de (bouteur) bulldozer autopropulsé, mais a retiré sa demande à l'audience et a plutôt demandé le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 4010.19.10 à titre d'autres courroies transporteuses coupées à la longueur désirée. Le Tribunal fait observer que la Note 1a) de la Section XVI de l'annexe I du Tarif des douanes, qui inclut le Chapitre 84, indique que la Section XVI ne comprend pas « les courroies transporteuses ou de transmission en matières plastiques du Chapitre 39, les courroies transporteuses ou de transmission en caoutchouc vulcanisé (no 40.10), ainsi que les articles à usages techniques en caoutchouc vulcanisé non durci (no 40.16) ». Par conséquent, les marchandises classées dans la position no 40.10 ou 40.16 sont exclues du classement dans le Chapitre 84.

Une section d'une chenille en caoutchouc, d'une longueur d'environ un pied, a été produite en preuve comme échantillon des marchandises en cause, cette longueur suffisant cependant à illustrer la structure et l'apparence des marchandises en cause [4] . L'échantillon est en caoutchouc d'un certain type enrobant deux fils disposés dans le sens de la longueur et comprend des dents métalliques. La section médiane de l'échantillon est perforée selon un espacement uniforme, apparemment pour recevoir les pignons d'entraînement ou d'extrémité. Bien qu'une chenille complète n'ait pas été produite comme pièce, les parties ont convenu que l'échantillon était une section des marchandises en cause. Il n'a cependant pas été possible de déterminer, d'après l'échantillon, si les marchandises en cause sont des chenilles continues ou des sections dont les extrémités sont raccordées pour former des chenilles continues. L'avocate de l'intimé a élevé une objection contre le fait que l'appelant n'ait pas soumis d'échantillon complet des marchandises en cause et que le représentant de l'appelant n'ait convoqué aucun témoin à l'emploi de ce dernier. De ce fait, il a été impossible d'établir si les marchandises étaient des courroies sans fin ou coupées à la longueur désirée. Étant donné l'impossibilité d'obtenir un échantillon de l'article complet, tel qu'il a été importé, le Tribunal a ordonné aux parties de traiter de la question lors des plaidoiries.

M. Peter Frise, professeur agrégé au Département de génie mécanique et aérospatial de l'Université Carleton, a été convoqué comme témoin en faveur de l'appelant et le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert dans le domaine de la transmission de puissance. M. Frise a d'abord établi la différence entre une « courroie transporteuse » et une « courroie de transmission de puissance ». Dans le cas d'une courroie de transmission, la puissance entre à l'extrémité où est situé la poulie ou le pignon d'entraînement et sort à l'autre extrémité. L'objet principal d'une courroie de transmission de puissance, selon les explications de M. Frise, est de transmettre la puissance d'une source motrice à la machine ou l'appareil destiné à être mû par cette puissance. Dans le cas d'une courroie transporteuse, l'énergie est transmise le long de la courroie à la chose transportée, c.-à-d. la terre, le charbon, un véhicule, etc. La poulie à l'autre extrémité n'a pas pour objet de transmettre ni de recevoir quelque puissance que ce soit; elle tourne sur son axe, c'est tout. En se fondant sur la distinction susmentionnée, M. Frise a témoigné que les marchandises en cause sont un type de courroie transporteuse.

M. Frise a reconnu que, même si la notion généralement associée à une courroie transporteuse est celle d'un dispositif qui sert à transporter des matières d'un point à un autre, le déplacement de l'excavateur le long de la surface du sol fait appel exactement aux mêmes principes de mécanique. Il a expliqué que, au plan technique, il n'existe aucune différence, lorsqu'un excavateur est en mouvement, entre le déplacement vers l'avant d'un excavateur sur le sol et l'éloignement d'un point au sol par rapport à l'excavateur. Le phénomène observé dépend du « cadre de référence » de l'observateur, selon qu'il est situé sur le sol près de la machine ou sur la machine qui se déplace.

Au cours du contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimé a tenté de préciser le sens courant de l'expression « courroie transporteuse », c.-à-d. une pièce d'équipement qui sert principalement à déplacer des matières, des marchandises emballées et d'autres articles, sur toute sa longueur, d'un point fixe à un autre. Lorsque M. Frise s'est dit d'accord sur ce sens courant, l'avocate lui a demandé de convenir que le transport de matières sur une courroie transporteuse est différent du transport d'un véhicule vers l'avant ou vers l'arrière. M. Frise a dit ne pas être d'accord et a déclaré que, d'un point de vue mécanique ou mathématique, le transport d'un véhicule ne se distingue pas du transport de matières. Face à la description d'une courroie transporteuse comme servant à transporter du sable, de la terre, du minerai, du grain et des matières similaires, M. Frise a accepté cette dernière, mais il a ajouté que, tout en étant vraie, elle était incomplète.

Au cours du réinterrogatoire, M. Frise a expliqué que l'expression « courroie transporteuse » s'applique à une gamme de marchandises beaucoup plus étendue que les gens ne le pensent généralement. À titre d'exemples, il a mentionné d'autres marchandises comme les chariots porte-papier des photocopieuses et les courroies sans fin des ponceuses à courroie.

M. Edgar Thyret a également comparu comme témoin en faveur de l'appelant; le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert dans le domaine de la construction ou de la fabrication et de l'usage des courroies transporteuses. M. Thyret a déclaré avoir plus de 30 ans d'expérience en conception et en ingénierie de courroies transporteuses de type lourd. Il a dit être d'avis que l'échantillon des marchandises en cause était une section d'une courroie transporteuse moulée sans fin. M. Thyret a ensuite expliqué le procédé de fabrication de telles courroies et a ajouté qu'elles sont construites d'une façon très similaire à un sandwich de fil et de caoutchouc moulé. Il a expliqué qu'une telle courroie se fabrique soit sous forme de courroie sans fin à des dimensions spécifiques ou de courroie de longueur donnée. Dans ce dernier cas, la courroie transporteuse serait réalisée en raccordant ses deux extrémités par un procédé quelconque. Il a convenu que l'échantillon des marchandises en cause ne permet pas de dire avec certitude si ces dernières sont des courroies sans fin ou des courroies de longueur donnée.

M. Thyret a corroboré l'opinion de M. Frise selon laquelle une chenille qui transporte un excavateur est un type de courroie transporteuse et il a donné d'autres exemples, comme une courroie de motoneige et un tapis roulant. Selon M. Thyret, les marchandises en cause sont des courroies transporteuses, puisque leur fonction consiste à « transporter » un excavateur auquel elles sont fixées. M. Thyret a concédé que, à l'encontre de la perception courante selon laquelle des courroies transporteuses sont fixées en place, les courroies transporteuses peuvent se déplacer dans l'espace, comme le font les marchandises en cause et que le fait que les marchandises se déplacent dans l'espace n'enlève rien à leur caractère de courroies transporteuses.

M. Peter Alderson, directeur de la commercialisation des courroies transporteuses à câble d'acier et produits ouvrés, chez Scandura (Canada) Inc., une société qui fabrique des courroies transporteuses, a comparu comme témoin en faveur de l'intimé; le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert en conception, ingénierie, fabrication et commercialisation de courroies transporteuses. M. Alderson possède des connaissances spécialisées en chimie et il a participé à la formulation des caoutchoucs utilisés dans la fabrication des courroies transporteuses. L'avocate de l'intimé a présenté, par l'intermédiaire de M. Alderson, des documents concernant plusieurs types de courroies transporteuses industrielles utilisées pour transporter les matières en vrac sur des distances considérables. Elle a aussi présenté, par l'intermédiaire de M. Alderson, une définition de « conveyor belt » (« courroie transporteuse ») comme étant « a belt that carries materials from one place to another [5] » (« une courroie qui transporte des matières d'un lieu à un autre »). M. Alderson s'est dit d'accord sur la définition et a poursuivi en décrivant divers types de courroies de ce genre. Il s'est dit d'avis que les marchandises en cause, d'après l'échantillon et leur utilisation en tant que chenilles pour les véhicules à chenilles, ne sont pas utilisées en tant que courroies transporteuses et qu'elles ne fonctionnent pas comme ces dernières. Toutefois, il a concédé que les marchandises en cause pourraient, peut-être, servir dans certains cas à transporter, par exemple, des billots.

M. Alderson était manifestement en désaccord avec la définition plus étendue d'une courroie transporteuse avancée par les témoins de l'appelant. En fait, interrogé à savoir si les chariots à papier des photocopieuses pouvaient être considérés comme étant des courroies transporteuses, M. Alderson a dit qu'il ne s'agit là que de simples composants mécaniques des photocopieuses. À son avis, « [c]onveyer belts are in a fixed geometry and they convey materials from one point to another [6] » (« les courroies transporteuses se situent dans une géométrie fixe et transportent des matières d'un point à un autre »). Il a ensuite mentionné diverses caractéristiques d'une courroie transporteuse comme « l'aptitude à la mise en auge » et « le port d'une charge », des caractéristiques que n'ont pas les marchandises en cause. Il a reconnu que les marchandises en cause transportent des excavateurs, mais a ajouté que, à son avis, ce ne sont pas des courroies transporteuses parce qu'elles ne se situent pas dans une géométrie fixe. Il a également convenu que ses compétences d'expert sont dans le domaine de la chimie, et il a dit ne pas prétendre être un expert dans le domaine des principes de la mécanique.

Dans son exposé, le représentant de l'appelant a présenté des définitions du dictionnaire des termes « belt » (« courroie ») et « conveyor » (« convoyeur ») pour aider le Tribunal à interpréter ces termes dans la position no 40.10. Le mot « belt » (« courroie ») est défini comme étant «a continuous band of tough flexible material (as leather, rubber, fabric, wire) for transmitting motion and power from one pulley to another or for conveying materials [7] » (« une bande continue de matière flexible résistante [comme du cuir, du caoutchouc, du tissu, du fil] pour transmettre le mouvement et la puissance d'une poulie à une autre ou pour transporter des matières »). Le mot « conveyor » (« convoyeur ») est défini comme étant « a mechanical apparatus for carrying packages or bulk material from place to place [8] » (« un dispositif mécanique pour transporter les colis ou les matières en vrac d'un lieu à un autre ») et l'expression « conveyor belt » (« courroie transporteuse ») comme étant « an endless moving belt (asof canvas, rubber, metal) on which items, packages, or material to be moved may be placed and which operates over terminal pulleys or rollers together with receiving and delivery appliances [9] » (« une courroie mobile sans fin [p. ex. en toile, en caoutchouc, en métal] sur laquelle on peut placer des articles, des colis ou des matières pour les déplacer et dont la fonction est assurée par le mouvement autour de poulies ou de rouleaux aux deux extrémités ainsi que des dispositifs de réception et de livraison »).

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a souligné que, selon ses deux témoins experts, les marchandises en cause sont des courroies transporteuses et que cette opinion était fondée sur les principes de la mécanique. Il a soutenu que les marchandises pouvaient donc être classées dans la sous-position no 4010.19, mais a reconnu qu'il n'avait aucun élément de preuve que les marchandises étaient « [c]oupées à la longueur désirée », ce qui les rendrait admissibles au classement dans le numéro tarifaire 4010.19.10. Cependant, il a souligné que, même si les marchandises en cause étaient sans fin au moment de l'importation, elles ont dû être coupées à dimension à un moment donné pour devenir un produit fini.

L'avocate de l'intimé a d'abord soutenu que, puisque les marchandises en cause ne transportaient pas de matières d'un lieu à un autre, elles ne pouvaient être considérées comme étant des courroies transporteuses et que cette opinion était partagée par son témoin expert, qui comptait de nombreuses années d'expérience chez un fabricant de courroies transporteuses. Elle a soutenu que les experts en mécanique « jouaient sur les mots et en étendaient la portée jusqu'à leur limite extrême lorsqu'ils disaient que les trains de chenilles transportent l'excavateur [10] » [traduction]. Elle s'est référée à deux affaires, soit Olympia Floor and Wall Tile Company c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [11] et Canadian National Railway Co. and Canadian Pacific Ltd. c. Canada [12] , où il est conclu que, si un mot ou un terme a un sens spécifique dans une profession, alors il faut considérer que le mot ou le terme a ce sens particulier, même s'il peut différer de son sens courant ou ordinaire. L'avocate a soutenu que l'expression « courroie transporteuse » doit être définie d'après les définitions généralement acceptées en génie mécanique, par opposition aux définitions normales que donnent les dictionnaires du terme « convey » « transporter ».

L'avocate de l'intimé a renvoyé au guide Marks' Standard Handbook for Mechanical Engineers [13] pour appuyer sa description de « courroie transporteuse » ou « système de courroie continue » comme étant « un de plusieurs systèmes de manutention des matériaux. La courroie se déplace entre deux points [fixes] qui peuvent être espacés de quelques mètres à plusieurs kilomètres. Les matières ou les marchandises sont transportées le long de la surface supérieure de la courroie transporteuse entre ces deux points fixes » [traduction]. L'avocate a aussi renvoyé à la définition du terme « belt » « courroie » comme étant une « continuous band of tough, flexible material used for transmitting power or conveying materials [14] » (« bande continue de matière flexible et résistante utilisée pour transmettre la puissance ou pour transporter des matières »).

Selon l'avocate de l'intimé, les marchandises en cause ne répondent pas aux définitions susmentionnées, puisqu'elles sont des parties d'un système de chenilles sur lesquelles d'autres pièces d'équipement sont montées. En outre, le système de chenilles, en général, et les marchandises en cause, en particulier, ne transportent pas de marchandises ni de matières sur leur surface supérieure et ne transmettent pas de puissance d'un point à un autre. Plutôt, le système de chenilles procure à l'excavateur le point de traction avec la surface du sol pour contribuer au mouvement de la machine.

L'avocate de l'intimé a soutenu que les éléments de preuve produits par MM. Frise et Thyret, selon lesquels les marchandises sont des courroies transporteuses, font fi du sens commun et elle a affirmé que M. Frise a manipulé un terme du domaine mécanique pour tenter de l'adapter aux circonstances. Elle a soutenu, de plus, que la conclusion selon laquelle les chenilles transportaient le sol dans un sens en déplaçant l'excavateur dans l'autre était une conclusion extravagante.

L'avocate de l'intimé a ensuite fait valoir que, même s'il était conclu que les marchandises en cause sont des courroies transporteuses, elles ne pourraient être classées comme le demande le représentant de l'appelant puisqu'il n'existe aucun élément de preuve qu'elles ont été « [c]oupées à la longueur désirée ».

En réfutation, le représentant de l'appelant a fait valoir que, même si les marchandises en cause ne sont pas des courroies transporteuses (« conveyor belts »), elles peuvent tout de même être classées comme des ensembles de courroies (« belting») dans la position no 40.10 de préférence à la position visée par l'intimé, c.-à-d. « [a]utres ouvrages en caoutchouc vulcanisé ».

Aux termes de l'article 10 du Tarif des douanes, le Tribunal doit classer les marchandises conformément aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [15] (les Règles générales) et aux Règles canadiennes [16] . La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement des marchandises est déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles 2 à 6, ainsi que les Règles canadiennes qui suivent. Aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal doit aussi tenir compte des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [17] (les Notes explicatives) pour l'interprétation des positions et sous-positions de l'annexe I du Tarif des douanes. Le Tribunal doit donc d'abord examiner si les marchandises en cause sont dénommées ou décrites en termes généraux dans une position spécifique. Si tel est le cas, les marchandises doivent y être classées à la lumière des Notes de Sections ou de Chapitres et des Notes explicatives pertinentes.

Les parties conviennent que les marchandises en cause sont en caoutchouc vulcanisé. Cependant, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause relèvent du numéro tarifaire 4010.19.10 à titre d'autres courroies transporteuses en caoutchouc vulcanisé coupées à la longueur désirée ou du numéro tarifaire 4016.99.90 à titre d'autres ouvrages en caoutchouc vulcanisé non durci, ou des deux, interprétés à la lumière des Notes de Sections ou de Chapitres et des Notes explicatives pertinentes.

Les Notes explicatives de la position no 40.10 indiquent, entre autres, ce qui suit :

Cette position comprend les courroies transporteuses ou de transmission entièrement en caoutchouc vulcanisé, celles en tissu imprégné, recouvert ou stratifié à l'aide de caoutchouc.

Cette position comprend aussi bien les courroies de longueur indéterminée destin 9‚es à être coupées à dimension, que les courroies déjà coupées de longueur et dont les extrémités sont ou non raccordées ou munies d'agrafes ou d'autres dispositifs d'attache; elle comprend également les courroies sans fin.

Le Tribunal est d'accord avec l'avocate de l'intimé que les marchandises en cause ne peuvent être qualifiées de courroies transporteuses du simple fait que, en action, elles peuvent transporter de petites quantités de sol dans le sens opposé au mouvement de l'excavateur. Cependant, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause peuvent être qualifiées de courroies transporteuses du fait qu'elles transportent un excavateur. Le Tribunal admet le témoignage des deux témoins experts qui ont comparu en faveur de l'appelant, et plus précisément celui de M. Frise, et qui ont pris soin de souligner les notions de mécanique qui les ont amenés à conclure que les marchandises en cause transportent un excavateur.

Cependant, la conclusion que les marchandises en cause transportent l'excavateur n'indique pas, de l'avis du Tribunal, que les marchandises en cause sont des « courroies transporteuses » au sens ordinaire du terme. Le Tribunal trouve probante l'interprétation courante selon laquelle une courroie transporteuse est une chose qui existe dans un type de géométrie fixe et dont l'action a pour objet de déplacer une vaste gamme d'objets, y compris des gens, d'un point à un autre. Néanmoins, le Tribunal admet les principes de mécanique si clairement énoncés par M. Frise quant au « cadre de référence » et est convaincu que, bien qu'elles ne soient pas des courroies transporteuses (« conveyor belts »), les marchandises en cause, qui déplacent un excavateur d'un point à un autre, sont un type d'ensembles de courroies transporteuses (« conveyor belting »).

La seule question qu'il reste à trancher est celle de savoir où, dans la position no 40.10, les marchandises en cause doivent être classées. Étant donné qu'aucun élément de preuve n'a été produit pour établir que les marchandises ont été « [c]oupées à la longueur désirée », malgré les questions du Tribunal à cet égard, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 4010.19.90 à titre d'autres courroies transporteuses.

Ayant conclu que les marchandises en cause sont d'autres courroies transporteuses, le Tribunal n'est pas convaincu qu'elles sont admissibles au classement dans la position no 40.16 étant donné les Notes explicatives de la position no 40.16 qui indiquent, en partie, que la position comprend tous les articles en caoutchouc vulcanisé non compris dans les positions précédentes du Chapitre 40 et la liste des marchandises incluses dans la position no 40.16, qui ne renvoient pas, à l'exception de la catégorie « [a]utres », à des marchandises similaires aux marchandises en cause.

Par conséquent, l'appel est admis en partie, et les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 4010.19.90 à titre d'autres courroies transporteuses.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Pièce A-4.

5. Conveyor and Elevator Belt Handbook, Rubber Manufacturers Association et l’Association canadienne de l’industrie du caoutchouc, 1989 à la p. 80.

6. Pièce du Tribunal AP-96-082-9 à la p. 2.

7. Webster's Third New International Dictionary of the English Language, Springfield, Merriam-Webster , 1986 à la p. 202.

8. Ibid. à la p. 499.

9. Ibid.

10. Transcription de l'argumentation publique, le 10 juin 1997 à la p. 12.

11. 49 N.R. 66 aux pp. 77 et 78, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-115-82, le 14 septembre 1983.

12. 171 N.R. 64 aux pp. 72-74, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-269-93, le 15 juin 1994.

13. Huitième éd., New York, McGraw-Hill aux pp. 10-55 et 10-56.

14. Encyclopedia of Polymer Science and Engineering, vol. 2, New York, John Wiley & Sons à la p. 193.

15. Supra note 3, annexe I.

16. Ibid.

17. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.


Publication initiale : le 19 mars 1998