NEWMAN'S VALVE LIMITED

Décisions


NEWMAN'S VALVE LIMITED
Appel no AP-96-121

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 10 octobre 1997

Appel no AP-96-121

EU ÉGARD À une question préliminaire de compétence relative à un appel déposé au nom de la société Newman's Valve Limited aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues le 31 octobre 1996 par le sous-ministre du Revenu national concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par la présente, qu'il n'a pas compétence pour entendre l'appel. Par conséquent, l'appel est rejeté.


Lyle M. Russell ______ Lyle M. Russell Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire






Le 2 décembre 1996, l'appelant a interjeté appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues le 31 octobre 1996 par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi.

Le 25 mars 1997, l'avocat de l'intimé a déposé un avis de requête auprès du Tribunal aux termes de l'article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [2] (les Règles du Tribunal) en vue d'une ordonnance rejetant l'appel du fait que ce dernier n'a aucune raison d'être et du fait que le mémoire de l'appelant ne révèle aucun motif raisonnable d'appel. Dans une lettre au Tribunal datée du 1er avril 1997, les avocats de l'appelant ont fait opposition à l'avis de requête de l'avocat de l'intimé. Le 23 avril 1997, l'avocat de l'intimé a déposé un dossier de requête, qui comprenait un mémoire et une déclaration sous serment de M. Daniel Anctil, agent principal de programme, Service de la vérification et des programmes, Division de l'établissement de la valeur, ministère du Revenu national (Revenu Canada), à l'appui de l'avis de requête. Le 12 mai 1997, les avocats de l'appelant ont déposé un dossier de requête, qui comprenait un mémoire et une déclaration sous serment de M. Gerry Awde, président de la société Newman's Valve Limited, à l'appui de l'opposition de l'appelant à l'avis de requête.

Le 16 mai 1997, le Tribunal a entendu les plaidoiries au sujet de la requête. M. Anctil a témoigné à l'audience.

L'appelant achète et vend des appareils de robinetterie, des raccords de tuyauterie et des brides. L'appelant est l'une des filiales en propriété exclusive de la société Newman's Incorporated, dont le siège social est à Tulsa (Oklahoma) (Newman É.-U.). L'appelant commande des appareils de robinetterie neufs à une société de fabrication étrangère non liée, qui les expédie directement à l'appelant, qui les paie. L'appelant est l'importateur attitré et paie tous les droits et taxes sur les articles susmentionnés. Aux fins de la détermination de la valeur en douane, le prix à payer est le prix indiqué sur la facture établie entre l'appelant et le fabricant. L'appelant obtient des services de comptabilité, de bureau, d'achat et d'administration bancaire auprès de Newman É.-U.

Entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1995, l'appelant a importé de la robinetterie au Canada en provenance de fournisseurs étrangers. L'appelant a calculé la valeur des droits sur les marchandises en se servant de la méthode de la valeur transactionnelle basée sur le prix de vente payé par l'appelant aux fournisseurs étrangers. Le 5 janvier 1996, après avoir examiné la valeur en douane de la robinetterie importée, Revenu Canada a publié la décision nationale des douanes CV-V-10147, qui établissait qu'il n'y avait pas eu de vente pour exportation au Canada au moment de l'importation et que la méthode de la valeur transactionnelle ne pouvait donc être appliquée pour apprécier la valeur en douane. Revenu Canada a fait savoir que la méthode correcte d'appréciation de la valeur était la méthode de la valeur de référence. Le 19 février 1996, aux termes de l'article 61 de la Loi, Revenu Canada a délivré des états d'ajustement détaillés relativement à la robinetterie importée par l'appelant dans le cadre de trois transactions distinctes. Le montant total des droits à payer a alors été établi à 351 426,55 $.

Le 4 avril 1996, l'appelant a demandé une nouvelle appréciation de la valeur en douane aux termes de l'article 63 de la Loi. À la suite de cette demande, Revenu Canada a de nouveau examiné la valeur en douane de la robinetterie importée par l'appelant. Le 18 octobre 1996, Revenu Canada a publié la décision nationale des douanes 7110-2(DA) V-6253-1, qui a eu pour effet de déterminer que l'appelant était un « acheteur au Canada » et que la méthode de la valeur transactionnelle devait servir à calculer la valeur en douane de la robinetterie importée par l'appelant. Cependant, Revenu Canada a conclu que l'appelant achète de la robinetterie à Newman É.-U. et que la vente pour exportation au Canada se fait entre ces deux sociétés et non entre l'appelant et le fabricant étranger. Revenu Canada a aussi fait savoir à l'appelant que la décision était exécutoire envers les transactions futures de l'appelant jusqu'à son annulation.

Le 31 octobre 1996, l'intimé a rendu des décisions aux termes de l'article 63 de la Loi concernant la robinetterie importée dans le cadre des trois transactions en question, ces décisions ayant pour effet d'accueillir la requête de l'appelant visant une nouvelle appréciation. Dans les décisions, l'intimé a indiqué que l'appelant devrait se reporter à la décision nationale des douanes 7110-2(DA) V-6253-1, datée du 18 octobre 1996. L'appelant a obtenu le remboursement complet du montant des droits, c.-à-d. 351 426,55 $. L'appelant a interjeté appel des décisions auprès du Tribunal, en vue d'obtenir une déclaration que la « vente pour exportation » au Canada pertinente se fait entre l'appelant et le fabricant étranger et non entre l'appelant et Newman É.-U. pour refléter précisément les décisions de Revenu Canada. Dans sa déclaration sous serment, M. Awde a expliqué que, pour accorder le remboursement complet, Revenu Canada doit avoir calculé les droits sur le prix payé par l'appelant au fabricant étranger, et non sur un prix fictif payé entre l'appelant et Newman É.-U.

La requête de l'intimé soulève les questions suivantes : 1) si le Tribunal a compétence pour rejeter un appel aux termes de l'article 67 de la Loi sur une requête préliminaire; 2) dans l'éventualité où le Tribunal a compétence, si l'appel, en l'espèce, doit être rejeté.

L'avocat de l'intimé a soutenu que le paragraphe 17(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] (la Loi sur le TCCE), qui prévoit que le Tribunal a, pour toute question liée à l'exercice de sa compétence, les attributions d'une cour supérieure d'archives, confère au Tribunal le pouvoir de rejeter un appel sur une requête préliminaire. Selon l'avocat, ce pouvoir est aussi énoncé dans l'article 5 des Règles du Tribunal, que l'avocat désigne sous l'expression « règle des lacunes », et à l'alinéa 18(1)f), qui prévoit que le Tribunal peut rendre une décision avant l'audience sur toute question qui permettrait d'assurer le bon déroulement de l'audience.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'une requête préliminaire de rejet d'un appel déposée auprès du Tribunal est analogue à une requête de radiation d'une plaidoirie présentée à la Cour fédérale du Canada aux termes de la Règle 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale [4] . Cette règle prévoit que la Cour fédérale du Canada peut, à tout stade d'une action, ordonner la radiation de toute une plaidoirie ou d'une partie de celle-ci, pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de défense, selon le cas, et elle peut ordonner que l'action soit suspendue ou rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence. S'appuyant sur une décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et l'Organisation nationale d'anti-pauvreté [5] , l'avocat a soutenu que le Tribunal ne doit radier le mémoire de l'appelant et rejeter l'appel que s'il est convaincu hors de tout doute qu'il est clair et manifeste que le mémoire ne révèle aucune cause raisonnable d'action. En outre, s'appuyant sur une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Vernon A. Phillips c. La Reine [6] , l'avocat a soutenu que, bien que le Tribunal puisse être réticent à rejeter un appel sur une requête préliminaire, il n'est pas davantage dans l'intérêt de la justice de laisser un appel qui n'a aucune chance d'être accueilli suivre le cours d'un litige coûteux et futile.

S'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Borowski c. Canada (procureur général) [7] , l'avocat de l'intimé a soutenu que, en l'absence de litige actuel entre les parties, une cause est dite sans objet, et les cours refuseront de statuer dans les affaires où leur décision n'aurait aucun effet pratique sur les droits des parties. Selon l'avocat, c'est le cas en l'espèce. En outre, l'examen des trois critères relevés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Borowski pour décider de la question de savoir s'il convient d'entendre une cause théorique ne justifie pas une audience dans le présent appel. Plus précisément, la question de savoir si le Tribunal empiète sur les fonctions de la branche législative du gouvernement n'est pas soulevée dans le présent appel. En outre, la question soulevée par l'appelant a peu, sinon pas du tout, d'importance publique qui transcenderait les intérêts des parties et justifierait de consacrer les rares ressources judiciaires à l'audition de cet appel sans raison d'être. Enfin, le fait qu'il puisse un jour exister un contexte contradictoire ne satisfait par le premier critère qui exige l'existence actuelle d'un tel contexte en dépit du fait que la question en litige soit sans objet.

L'avocat de l'intimé a aussi soutenu que l'appelant ne peut interjeter appel aux termes de l'article 67 de la Loi parce qu'il n'a pas été lésé par une décision de l'intimé rendue aux termes de l'article 63 de la Loi, puisque l'appelant a obtenu le plein remboursement du montant des droits. Selon l'avocat, l'appelant n'a pas qualité pour valablement interjeter appel aux termes de l'article 67 de la Loi. Enfin, l'avocat a fait valoir que c'est une prémisse fondamentale à l'examen des appels que l'appel soit interjeté à l'égard de l'ordonnance comme telle et non des motifs énoncés pour la rendre. Si un appelant a obtenu l'ordonnance qu'il a demandée, il ne peut ensuite interjeter appel pour le motif qu'il préférerait obtenir l'ordonnance demandée pour un autre ensemble de raisons.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour rejeter un appel aux termes de l'article 67 de la Loi sur une requête préliminaire, puisque le paragraphe 67(2) prévoit que, « [a]vant de se prononcer sur l'appel prévu par le présent article, le Tribunal [...] tient une audience ». En outre, rien dans la loi n'autorise le rejet sommaire d'un appel sans la tenue d'une audience, lorsque les critères prévus par la loi pour la tenue d'une audience aux termes de l'article 67 sont satisfaits. Les avocats ont soutenu que l'appelant a été lésé par une décision de l'intimé rendue aux termes de l'article 63 et que, de ce fait, il a le droit d'interjeter appel de la décision aux termes de l'article 67. S'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire B.C. Development Corp. c. Friedmann (Ombudsman) [8] , les avocats ont soutenu qu'une personne peut être lésée du fait d'un dommage présent ou futur, et que l'appelant estime avoir été ainsi lésé. S'appuyant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gray c. Kerslake [9] , les avocats ont soutenu que l'intimé doit assumer le fardeau de la preuve et réfuter que l'appelant se considère lésé, ce que l'intimé n'a pas fait dans la présente affaire.

Selon les avocats de l'appelant, l'alinéa 18(1)f) des Règles du Tribunal vise spécifiquement à permettre à l'appelant d'obtenir une audience. En outre, les dispositions législatives auxquelles l'intimé a renvoyé portent sur la procédure et ne peuvent être interprétées comme restreignant le droit d'appel prévu par la loi. S'appuyant sur la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Mueller Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national et le sous-ministre du Revenu national [10] , les avocats ont soutenu qu'il ne devrait pas être permis à l'intimé de nier ou déjouer le droit législatif d'interjeter appel en versant un remboursement tout en maintenant un classement incorrect quant aux liens futurs entre les parties à la transaction, et en enjoignant l'appelant de l'appliquer. Selon les avocats, l'argument de procédure soulevé par l'intimé, s'il est accepté, mènerait à une décision déguisée sur le bien-fondé. En outre, la décision de l'intimé de rembourser les droits est contraire à ses propres directives qu'il a publiées dans le cadre de la décision en cause et, par conséquent, l'intimé est empêché par estoppel de se fonder sur le simple fait qu'il a remboursé les droits.

Les avocats de l'appelant ont soutenu que le critère énoncé par la Cour d'appel fédérale pour radier un avis de requête introductif d'instance, c.-à-d. que la requête n'ait « aucune chance d'être accueillie [...] et ne [puisse] inclure des situations [...] où la seule question en litige porte simplement sur [...] des allégations de l'avis de requête [11] », n'est pas satisfait dans le présent appel. Les avocats ont soutenu qu'il existe une question sujette à débat concernant la menace présente et à venir qui pèse sur l'activité de l'appelant du fait d'une décision erronée de l'intimé. Les avocats ont soutenu que le critère qu'il convient d'appliquer à la radiation d'un avis d'appel doit être plus strict, ou du moins l'être autant, que celui qui s'applique à la radiation d'un avis de requête, puisque la radiation d'un avis d'appel est toujours une ordonnance définitive. De plus, la radiation d'un appel est expressément exclue du champ d'application du paragraphe 419(1) des Règles de la Cour fédérale. Le paragraphe 419(1) prévoit que « [l]a Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie ». La Règle 2 prévoit que le terme « action » désigne une « procédure devant la [Section] de première instance, à l'exception d'un appel ».

Les avocats de l'appelant ont soutenu que l'affaire Borowski ne s'applique pas au présent appel, puisque cette dernière concernait une contestation d'ordre constitutionnel d'un article du Code criminel [12] , déjà radié. Les faits et les principes dans l'affaire susmentionnée ne sont pas du tout semblables aux questions qui font l'objet du présent appel. Advenant que le Tribunal décide que l'affaire Borowski s'applique, les avocats ont soutenu que l'appel n'est pas sans objet, puisque l'appelant dispose d'un redressement et que la raison d'être de l'action n'est pas disparue. Selon les avocats, il y a manifestement « litige actuel » entre les parties au sujet de la décision de l'intimé qui fait l'objet d'appel. Le différend entre les parties devrait être tranché immédiatement et non remis au moment d'une future importation.

Enfin, les avocats de l'appelant ont soutenu que l'appelant interjette appel de la décision qui renvoie spécifiquement à la décision nationale des douanes 7110-2(DA) V-6253-1, qui définit incorrectement les transactions comme étant des transactions entre l'appelant et Newman É.-U. Selon les avocats, les énoncés d'ajustement détaillés, qui font partie intégrante de la décision de l'intimé, reprennent expressément et incorporent la décision susmentionnée. Il y est de plus déclaré que l'appelant doit se conformer à la décision lors de toute transaction similaire à venir. Selon les avocats, le Tribunal peut ordonner un redressement relatif aux décisions, puisque le paragraphe 67(3) de la Loi prévoit qu'il peut « statuer sur l'appel [...] selon la nature de l'espèce, par ordonnance, constatation ou déclaration ».

En ce qui concerne la première question en litige, le Tribunal a manifestement le pouvoir de décider s'il a compétence pour statuer sur une affaire [13] . Le Tribunal fait observer que c'est un principe bien établi en droit administratif qu'un tribunal administratif peut rejeter un appel en tout temps au cours de la procédure, pour le motif qu'il n'a pas compétence. Cependant, il est recommandé de soulever la question de compétence dans une requête préliminaire correctement présentée par voie d'un avis pertinent, afin qu'un tribunal administratif n'enquête pas sur une affaire qui déborde les pouvoirs que lui a conférés le Parlement [14] . En vérité, le paragraphe 24(1) des Règles du Tribunal prévoit que toute question soulevée au cours d'une procédure, y compris avant le début de l'audience, et qui exige une décision ou une ordonnance du Tribunal est soumise à ce dernier par voie d'avis de requête.

Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il a le pouvoir de rejeter un appel sur une requête préliminaire, pour le motif qu'il n'a pas compétence. De fait, le Tribunal a rejeté de nombreux appels aux termes de l'article 67 de la Loi sur des requêtes préliminaires du fait d'un tel motif [15] . Il est vrai que l'article 67 de la Loi prévoit que, avant de rendre une décision aux termes dudit article, le Tribunal tient une audience. Cependant, le rejet d'un appel pour le motif que le Tribunal n’a pas compétence est une décision du Tribunal dans laquelle ce dernier conclut qu'il n'a pas compétence pour étudier le bien-fondé de l'appel. Par conséquent, si le Tribunal décide qu'il n'a pas compétence pour entendre un appel, l'appelant n'a pas droit à une audience sur le fond.

La deuxième question en litige, soit celle de savoir si l'appel doit être rejeté, oblige à interpréter l'article 67 de la Loi et le sens des termes « [t]oute personne qui s'estime lésée par une décision du sous-ministre rendue conformément à l'article 63 ou 64 peut en interjeter appel ». L'appelant interjette appel à l'égard du fait qu'il est lié à l'avenir par la décision nationale des douanes 7110-2(DA) V-6253-1 qui, bien qu'il puisse y avoir erreur quant à la date, semble avoir été incluse par renvoi dans les décisions de l'intimé qui font l'objet de l'appel. Le Tribunal est d'avis que ledit appel soulève la question de savoir si l'appel d'une décision de l'intimé peut uniquement être un appel de la nouvelle appréciation comme telle, c.-à-d. de la décision que l'appelant doit certains montants à Revenu Canada, ou si l'appel peut aussi être interjeté à l'égard des motifs énoncés ou non d'une telle décision.

Dans leur livre, The Conduct of an Appeal [16] , MM. John Sopinka et Mark A. Gelowitz déclarent ce qui suit :

Une prémisse fondamentale du droit des examens des appels est qu'un appel est interjeté à l'égard de la décision ou de l'ordonnance comme telle, telle qu'elle est rendue, et enregistrée à la cour devant laquelle l'appel a été interjeté, et non à l'égard des motifs exprimés par la cour pour rendre la décision ou l'ordonnance. Bien que la cour d'appel découvre souvent dans les motifs des décisions des erreurs de droit qui fondent ultimement l'annulation d'une décision ou d'une ordonnance, c'est la justesse de la décision ou de l'ordonnance qui est en litige dans l'appel, et non la justesse des motifs [17] .

[Traduction]

Le Tribunal est d'accord avec le passage ci-dessus et conclut qu'il s'applique directement aux circonstances de la présente affaire. L'appelant interjette manifestement appel non de la décision de l'intimé, mais plutôt des motifs énoncés par l'intimé pour accueillir sa demande de nouvelle appréciation. L'appelant a obtenu le plein remboursement du montant des droits. Les décisions de l'intimé ont été rendues en faveur de l'appelant. Le Tribunal est d'avis que l'appelant n'a donc pas été « lésé » par la décision de l'intimé, au sens donné à ce terme à l'article 67 de la Loi.

Selon le Tribunal, la procédure afférente aux décisions des douanes peut se résumer comme suit : Revenu Canada publie une décision administrative quant au traitement douanier des marchandises qu'il est proposé d'importer au Canada. Ces décisions, connues sous l'appellation de décisions nationales des douanes, sont rendues soit à la demande d'importateurs éventuels ou de la propre initiative de Revenu Canada et elles lient à la fois l'importateur et Revenu Canada. Aucune disposition de la Loi ne prévoit qu'une décision des douanes puisse faire directement l'objet d'un appel lorsque l'importateur n'est pas d'accord sur la décision. Le recours de l'importateur dans une telle situation est d'importer les marchandises conformément à la décision, établissant ainsi une présumée détermination aux termes de l'article 58 de la Loi, puis de déposer une demande de réexamen aux termes de l'article 60 de la Loi, énonçant le traitement de rechange que l'importateur estime opportun. Si Revenu Canada est d'accord sur la teneur de l'exposé de l'importateur, une nouvelle décision est rendue pour remplacer la décision nationale des douanes, le calcul relatif aux marchandises importées est modifié et un remboursement du montant des droits et des intérêts courus depuis la date du versement initial des droits à Revenu Canada par l'importateur est accordé [18] . Si Revenu Canada n'est pas d'accord sur la teneur de la demande de l'importateur, l'importateur peut déposer une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi. Une décision de l'intimé qui aurait pour effet de rejeter la demande de l'importateur peut faire l'objet d'appel auprès du Tribunal aux termes de l'article 67 de la Loi.

Le Tribunal est d'avis que toute cette affaire repose sur le paiement et le remboursement des droits versés ou non versés au moment de l'importation. L'appelant n'est manifestement pas d'accord sur la teneur de la décision nationale des douanes 7110-2(DA) V-6253-1 et sur la position de Revenu Canada selon laquelle l'appelant achète de la robinetterie de Newman É.-U., et la vente pour exportation au Canada se fait entre ces deux dernières sociétés et non entre l'appelant et la société de fabrication étrangère. L'appelant, en fait, conteste la décision de Revenu Canada d'appliquer la décision aux transactions à venir de l'appelant. Par conséquent, l'appelant semble avoir accepté qu'il n'a pas été lésé par les décisions de l'intimé au sujet des transactions en question. Bien que le raisonnement de l'intimé puisse être fautif, le résultat final demeure que la demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi qu'a présentée l'appelant a été accueillie. L'appelant a reçu le plein remboursement du montant des droits. Le Tribunal est d'avis que le présent appel est, par conséquent, prématuré. Si, à l'occasion de futures importations, l'appelant est assujetti à des droits fondés sur une décision des douanes qu'il estime incorrecte, il peut interjeter appel auprès du Tribunal de la décision de l'intimé aux termes de l'article 67 de la Loi. Le présent appel est, en fait, un appel d'une décision des douanes et non un appel des décisions de l'intimé. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, il ne peut être fait directement appel auprès du Tribunal d'une décision des douanes. Le Tribunal conclut donc qu'il n'a pas compétence pour entendre le présent appel.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912.

3. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

4. C.R.C. 1978, ch. 663.

5. [1980] 2 R.C.S. 735.

6. [1977] 1 C.F. 756.

7. [1989] 1 R.C.S. 342.

8. [1984] 2 R.C.S. 447.

9. [1958] R.C.S. 3.

10. No du greffe T-746-93, le 15 novembre 1993.

11. David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. (C.A.), [1995] 1 C.F. 588 à la p. 600.

12. L.R.C. (1985), ch. C-46.

13. Réseau de télévision CTV Ltée c. Canada (Commission du droit d'auteur) (C.A.), [1993] 2 C.F. 115.

14. R.W. Macaulay et J.L.H. Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, vol. 2, Scarborough, Carswell, 1997 aux p. 12-117-12-118.

15. Voir, par exemple, les appels concernant la lunetterie, le 7 mai 1996.

16. Toronto, Butterworths, 1993.

17. Ibid. aux p. 4 et 5.

18. Voir, « Impacts of the Customs Act Changes On Rulings », ImportWeek , Association des importateurs canadiens Inc., le 6 août 1997, vol. 104, no 6 aux p. 1 et 5.


Publication initiale : le 12 novembre 1997