PAPANAN ENTERPRISES LTD.

Décisions


PAPANAN ENTERPRISES LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n
o AP-96-122

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 18 décembre 1997

Appel n o AP-96-122

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 septembre 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 4 et 5 septembre 1996 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PAPANAN ENTERPRISES LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant la détermination de l'origine de divers meubles en rotin que l'appelant a importés des États-Unis. L'appelant conteste les décisions de l'intimé sur deux points. L'appelant met en doute, en premier lieu, l'« interprétation du critère de l'origine » de l'intimé et, en deuxième lieu, le caractère équitable de l'application rétroactive des droits de douane, particulièrement si longtemps après la déclaration en détail des importations.

DÉCISION : L'appel est rejeté. En ce qui a trait au premier point du litige, soit le manque de cohérence apparent de l'« interprétation du critère de l'origine » de l'intimé concernant les présumées « mêmes marchandises », le Tribunal trouve non fondée l'allégation que l'interprétation de l'intimé de la règle de l'origine applicable à cette affaire est erronée. Le Tribunal est d'avis qu'en réalité l'appelant conteste le fait que les présumées « mêmes marchandises » ont été classées de différentes façons dans le Tarif des douanes, donnant lieu à des traitements tarifaires différents, malgré la détermination de leur origine. Le Tribunal a été incorrectement saisi de cette question.

En ce qui a trait au deuxième point du litige, le Tribunal est d'avis que l'intimé avait le pouvoir légal de mener un réexamen de l'origine des marchandises et d'appliquer de façon rétroactive des droits de douane supplémentaires dans les deux ans suivant la première détermination considérée comme effectuée. De surcroît, l'appelant a été informé en bonne et due forme, au début de la période de réexamen, qu'un réexamen serait mené et que des droits de douane supplémentaires pourraient être imposés si le réexamen ne prouvait pas le bien-fondé de la première détermination considérée comme effectuée de l'origine des marchandises.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 9 septembre 1997 Date de la décision : Le 18 décembre 1997
Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant Raynald Guay, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Charles. E. Davies et Marit E. Davies, pour l'appelant Edward (Ted) Livingstone, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 4 et 5 septembre 1996 concernant la détermination de l'origine de divers meubles en rotin que l'appelant a importés des États-Unis. En application de l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [2] , le présent appel est entendu sur la foi des documents écrits à la disposition du Tribunal, incluant un énoncé conjoint des faits et les mémoires présentés par les parties.

Les paragraphes ci-après énoncent les faits dont ont convenu les parties. L'appelant, une entreprise de Westbank (Colombie-Britannique), est la société remplaçante de Rapid Repair Service Ltd., une entreprise de meubles, en affaires de 1990 à 1994. Les marchandises en cause sont divers meubles en rotin dont des tables, des chaises de salle à manger, des chaises longues et des canapés. L'appelant a importé lesdites marchandises au Canada, dans le cadre de 20 transactions, entre le 30 mai 1991 et le 1er juin 1993. L'exportateur était Kiani-USA Inc. (Kiani), de Portland (Oregon), qui fabriquait les produits finis à partir de meubles non finis importés d'Indonésie.

En 1991, le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a reçu un certificat d'origine de l'exportateur attestant que le pays d'origine des marchandises en cause était les États-Unis. Le certificat était incomplet; par conséquent, à la demande de Revenu Canada, un nouveau certificat dûment rempli a été obtenu. Sur la foi de ce certificat, les marchandises en cause ont bénéficié du traitement tarifaire préférentiel des États-Unis.

Nonobstant le certificat, Revenu Canada a entrepris un réexamen sur l'origine des marchandises étant donné que les meubles portaient l'estampille « Made in Indonesia » (« fabriqué en Indonésie ») et, pourtant, Kiani soutenait que, du fait de leur finition ultérieure aux États-Unis, les marchandises étaient admissibles au traitement tarifaire des États-Unis. Ces renseignements ont été communiqués à l'appelant en août 1991, indiquant en outre que le réexamen avait été entrepris à cause du manque de renseignements permettant à un agent désigné de déterminer l'origine des marchandises aux termes du paragraphe 57.2(1) de la Loi. L'appelant a été avisé, par la même occasion, que, si une nouvelle origine des marchandises était déterminée, des droits de douane supplémentaires seraient peut-être imposés à l'égard des transactions visées et des transactions subséquentes.

En novembre 1991, Revenu Canada a communiqué de nouveau avec l'appelant et l'a informé que les marchandises faisaient encore l'objet d'un réexamen et que des renseignements supplémentaires étaient nécessaires. Le réexamen a duré environ deux ans. Entre le milieu de l'année 1991 et le milieu de l'année 1993, des questionnaires ont été envoyés à Kiani. Cette dernière a tardé à répondre, mais une visite de vérification a finalement eu lieu en mai 1993.

À la suite de la visite de vérification, il a été déterminé, aux termes de l'alinéa 61b) de la Loi, que les marchandises en cause n'étaient pas admissibles au traitement tarifaire préférentiel des États-Unis et que le Tarif de la nation la plus favorisée, plus élevé, devait s'appliquer. L'appelant a été informé de cette nouvelle détermination en juin et juillet 1993 dans des relevés détaillés de rajustement pour les diverses transactions. Les relevés indiquaient également à l'appelant qu'il devait environ 6 000 $ en droits de douane et en taxes non payés sur les marchandises en cause.

À la suite d'un avis d'opposition à la détermination, l'intimé a tranché en partie en faveur de l'appelant, convenant que certains articles importés, en particulier certaines tables, étaient effectivement admissibles au traitement tarifaire des États-Unis. L'appelant a été informé de cette nouvelle détermination en septembre 1996. L'intimé a toutefois déterminé que le reste des articles n'étaient pas admissibles à ce traitement tarifaire préférentiel. La nouvelle détermination de l'intimé établissait le solde des droits de douane et de taxes à payer à 3 253,72 $, plus les intérêts.

Il importe de souligner que l'appelant a explicitement confirmé qu'il ne contestait pas la détermination de l'origine des marchandises [3] de l'intimé, mais a déclaré « notre appel est principalement fondé sur l'interprétation du critère de l'origine de l'intimé, tel qu'il est indiqué au paragraphe 11 de l'énoncé conjoint des faits [4] » [traduction]. Le deuxième point du litige porte sur le caractère équitable de l'application avec effet rétroactif de droits de douane, particulièrement si longtemps après la déclaration en détail des importations.

En ce qui a trait au premier point, les représentants de l'appelant ont soutenu que, compte tenu de l'« interprétation du critère de l'origine » de l'intimé, ce dernier a incorrectement établi différents taux de droits de douane pour les marchandises. À l'appui de leur argument, les représentants ont présenté des renseignements [5] démontrant que différents articles parmi les importations de meubles en rotin ont été assujettis à différents traitements tarifaires même s'il s'agissait des « mêmes marchandises ».

Quant au deuxième point, les représentants de l'appelant ont fait valoir que l'application rétroactive des droits de douane, environ deux ans après que l'intimé ait initialement accepté que les marchandises étaient d'origine américaine, était injuste. Étant donné le moment où une nouvelle cotisation a été établie, à la suite de circonstances échappant au contrôle de l'appelant, ce dernier s'est trouvé dans l'impossibilité d'inclure le montant des nouveaux droits de douane dans ses prix de vente, puisque les marchandises avaient déjà été vendues, et a ainsi subi un dommage considérable.

L'avocat de l'intimé a soutenu que ce dernier avait le pouvoir légal de déterminer l'origine et d'appliquer de façon rétroactive des droits de douane sur les marchandises en cause. Étant donné qu'il manquait certains renseignements au sujet de l'origine des marchandises lorsque les marchandises des deux premières expéditions ont été déclarées, l'agent de Revenu Canada n'a pas pu effectuer la détermination de l'origine des marchandises et celle-ci a été « considérée comme effectuée » aux termes de l'alinéa 57.2(2) de la Loi. Cette détermination a été appliquée aux marchandises incluses dans les deux premières expéditions, et aux marchandises des expéditions suivantes. Selon l'avocat, la loi prévoit qu'une nouvelle détermination de l'origine, fondée sur une vérification de l'origine, peut être effectuée dans les deux ans suivant la détermination initiale et cette nouvelle détermination a respecté le délai prescrit à l'article 61 de la Loi. L'avocat a ajouté que l'appelant savait que l'origine des marchandises faisait l'objet d'un réexamen, que ce dernier a été informé que, à la suite du réexamen, des droits de douane supplémentaires pourraient être imposés sur les marchandises importées après les deux premières transactions et que toute nouvelle détermination pourrait également influer sur les droits de douane payables sur les marchandises des expéditions subséquentes.

L'avocat de l'intimé a de plus soutenu que, pour lever les droits de douane, Revenu Canada calcule les droits de douane applicables principalement d'après les renseignements fournis par l'importateur, sous réserve de vérification et de cotisation subséquentes. En l'absence de preuve du contraire, le traitement tarifaire préférentiel des États-Unis a continué de s'appliquer sur la foi des déclarations de l'appelant, appuyées par le certificat d'origine de l'exportateur qui indiquait que les marchandises provenaient des États-Unis. L'appelant a été informé, au plus tard en août 1991, que l'origine des marchandises faisait l'objet d'un réexamen, ce qui lui aurait permis de modifier le prix de vente des marchandises à tout moment de manière à y inclure l'augmentation éventuelle des droits de douane à payer.

En ce qui a trait à la règle de l'origine applicable aux marchandises en cause, l'avocat de l'intimé a soutenu que l'alinéa 4a) de l'annexe 301.2 de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis [6] (l'ALÉ) prévoit que lorsque des marchandises non montées ou non finies entrent sur le territoire de l'une ou l'autre des parties à l'ALÉ, en l'espèce, au Canada, une proportion de 50 p. 100 de la valeur des marchandises doit être ajoutée dans le territoire de la partie, en l'espèce, les États-Unis, pour que des marchandises soient considérées comme provenant du territoire des États-Unis et que, à l'exception de certaines tables, les marchandises en cause ne respectaient pas ce critère de valeur ajoutée de 50 p. 100. Par conséquent, les marchandises en cause ne sont pas admissibles au traitement tarifaire préférentiel des États-Unis.

Après avoir étudié les éléments de preuve et les arguments soumis dans la présente affaire, ainsi que les dispositions législatives pertinentes, le Tribunal conclut à l'absence de motif permettant d'admettre le présent appel.

En ce qui a trait au premier point du litige, soit le manque de cohérence apparent de l'« interprétation du critère de l'origine » de l'intimé concernant les présumées « mêmes marchandises », le Tribunal n'a trouvé aucun élément de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle l'interprétation de l'intimé de la règle de l'origine applicable à cette affaire est erronée. Le Tribunal est d'avis qu'en réalité l'appelant conteste le fait que les présumées « mêmes marchandises » ont été classées de différentes façons dans le Tarif des douanes, donnant lieu à des traitements tarifaires différents, malgré la détermination de leur origine. Le Tribunal a été incorrectement saisi de cette question.

Le Tribunal fait observer qu'il importe de savoir que la nouvelle détermination de l'origine des marchandises et le classement de ces dernières dans le Tarif des douanes ont tous deux une incidence sur le taux de droits de douane applicables aux importations. Dans le présent appel, seules les décisions de l'intimé concernant l'origine des marchandises sont soumises au Tribunal. Par conséquent, le classement des marchandises dans le Tarif des douanes n'est pas visé par le présent appel. Cela dit, il importe de prendre note que le classement des marchandises par les agents des douanes de l'appelant n'a pas été mis en doute par Revenu Canada. Par conséquent, l'appelant est, en l'espèce, ultimement responsable de cet aspect du traitement tarifaire accordé aux marchandises à la suite de leur classement dans le Tarif des douanes.

En ce qui a trait au deuxième point en litige, soit l'application rétroactive des droits de douane, le Tribunal est d'avis que même si Revenu Canada a pris presque deux années complètes pour effectuer sa nouvelle détermination de l'origine des marchandises, à cause de raisons administratives internes, il l'a fait dans les limites de la Loi. L'article 57.2 de la Loi prévoit qu'à défaut de détermination par l'agent concernant l'origine des marchandises aux termes du paragraphe 57(1), celle-ci est « considérée comme effectuée » 30 jours après la déclaration en détail des marchandises, d'après les représentations faites à ce moment par la personne faisant la déclaration en détail pour les marchandises en cause. L'article 61 de la Loi, pris conjointement avec l'article 57.2, prescrit qu'une détermination considérée comme effectuée peut faire l'objet d'une révision dans les deux années suivant une telle détermination. L'appelant a été, de surcroît, informé au début de la période de réexamen qu'un réexamen serait mené et que des droits de douane supplémentaires pourraient lui être imposés si le réexamen ne prouvait pas le bien-fondé de la détermination initiale, considérée comme effectuée, de l'origine des marchandises. Par conséquent, le Tribunal conclut à l'absence de motif permettant d'admettre l'appel.

Tel que l'a soutenu l'avocat de l'intimé, l'appelant aurait pu augmenter ses prix de vente de marchandises importées après avoir été informé de la décision de Revenu Canada de procéder à un réexamen. Ainsi, le Tribunal n'est pas convaincu que l'appelant a été injustement traité par l'intimé quand celui-ci a effectué une nouvelle détermination de l'origine des marchandises ou une nouvelle cotisation du montant des droits de douane applicables aux marchandises.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

3. Pièce 15.

4. Le paragraphe 11 de l'énoncé conjoint des faits se lit comme suit : « En septembre 1996, l'intimé a partiellement admis l'appel de l'appelant en concluant que parmi les marchandises en cause, certaines tables étaient admissibles au TTÉU aux termes d'une interprétation révisée du critère de l'origine en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain. Cependant, le reste des marchandises faisant l'objet du litige n'était pas admissible au TTÉU et des relevés détaillés des ajustements reflétant cette décision ont été envoyés à l'appelant les 4 et 5 septembre 1996. En conséquence de la nouvelle détermination, le total des droits de douane et de l'impôt à payer est de 3 253,72 $, plus les intérêts » [traduction].

5. Pièce 11.

6. Recueil des traités du Canada, 1989, no 3 (R.T.C.).


Publication initiale : le 19 mars 1998