FLECK MANUFACTURING INC.

Décisions


FLECK MANUFACTURING INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-96-226

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 18 décembre 1997

Appel n o AP-96-226

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 août 1997 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 19 décembre 1996 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

FLECK MANUFACTURING INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les marchandises en cause sont divers articles fabriqués par l'appelant et décrits dans son mémoire comme étant des câbles électriques, des rallonges électriques, des fils pour véhicule automobile et des câbles de démarrage ainsi que des harnais de montage et des connecteurs pour remorque. L'appelant s'est vu refuser une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale perçue en conformité avec l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Après avoir examiné avec soin tous les éléments de preuve et tenu compte de l'évolution de la jurisprudence des tribunaux, le Tribunal est d'avis que le fil et les câbles conducteurs électriques ne sont admissibles au taux réduit de la taxe que s'ils font partie d'un bâtiment ou d'un autre projet de construction. Il serait absurde, par exemple, de conclure que le cordon de raccordement amovible d'une poêle à frire électrique est admissible au taux réduit de la taxe en tant que produit visé dans les rubriques « Matériaux de construction » et « Matériel pour bâtiments » de l'annexe IV de la Loi sur la taxe d'accise. Pour conclure de la sorte, le Tribunal devrait faire complètement abstraction des rubriques « Matériaux de construction » et « Matériel pour bâtiments ». Cela, selon les tribunaux, ne peut se faire.

Le Tribunal est d'avis que les rubriques donnent vraiment un contexte à la liste d'éléments qui y sont énumérés. Bien que l'alinéa 61-085 des Canadian Sales Tax Reports, invoqué par les avocats des deux parties, ne soit pas un modèle de clarté ou de cohérence, il semble de fait indiquer que les marchandises finies ne sont pas du type qui sont assujetties au taux réduit de la taxe.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 5 août 1997 Date de la décision : Le 18 décembre 1997
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Raynald Guay, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : Gerry Stobo
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Kathleen McManus, pour l'intimé





Les marchandises en cause sont divers articles fabriqués par l'appelant et décrits dans son mémoire comme étant des câbles électriques, des rallonges électriques, des fils pour véhicule automobile et des câbles de démarrage ainsi que des harnais de montage et des connecteurs pour remorque. L'appelant s'est vu refuser une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale perçue en conformité avec l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), qui prescrit ce qui suit :

50.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

(1.1) La taxe prévue au paragraphe (1) est imposée aux taux suivants :

b) neuf pour cent, dans le cas des marchandises énumérées à l'annexe IV (Matériaux de construction et Matériel pour bâtiments).

Aux termes de la partie I de l'annexe IV de la Loi, plus de 30 catégories de marchandises sont admissibles à ce taux réduit de la taxe. L'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi indique ce qui suit : « Fil et câbles électriques et de télécommunications; transformateurs, coupe-circuit et matériel électrique connexe conçus pour être installés en permanence dans un système d'alimentation en électricité ».

L'avocat de l'appelant a convoqué un témoin, M. Ted Paul Novakowski, analyste des coûts chez NOMA Industries (NOMA), la société remplaçante de Fleck Manufacturing Inc. M. Novakowski a produit trois pièces qui, ainsi qu'il l'a expliqué, sont représentatives de la gamme des marchandises en cause. Les pièces sont les suivantes :

1. une simple rallonge électrique du type couramment utilisé dans les résidences;

2. un ensemble de câbles de démarrage;

3. une rallonge électrique extérieure.

M. Novakowski a expliqué comment NOMA fabrique les marchandises finies à partir de leurs parties constitutives. Il a expliqué qu'il faut ajouter une fiche ou des connecteurs aux deux extrémités du câble électrique en vue de leur commercialisation. Il s'agit de marchandises finies, appelées rallonges, câbles de démarrage, etc. M. Novakowski a reconnu que, bien qu'une rallonge pourrait être utilisée sur un chantier de construction, il ne s'agit pas d'un article intégré au projet de construction ou à un bâtiment. Il a indiqué que NOMA fabrique aussi du câblage électrique utilisé dans la fabrication des principaux appareils électroménagers, par exemple les laveuses, sécheuses, etc., et que ceux-ci sont considérés comme étant des articles visés par l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi.

L'avocat de l'appelant a ensuite déposé en preuve plusieurs publications, montrant des câbles d'imprimante, de modem, d'accessoires multi-utilisateurs, etc., pour démontrer que des articles, comme les marchandises en cause, sont de fait désignés, en anglais, comme des « cables» (« câbles ou fil »), même s'ils sont fixés à divers types de connecteurs. Il a souligné que la désignation de chaque article comportait une épithète, d'une façon fort semblable à la présence des qualificatifs«extension» (« de rallonge ») ou « booster » (« de démarrage ») qui accompagnent le mot anglais « cables» pour désigner les marchandises en cause.

L'avocat de l'appelant a déclaré qu'il y a deux questions en litige dans le présent appel. La première consiste à déterminer si les marchandises peuvent être qualifiées de fil et câbles électriques aux termes de l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi. Si c'est le cas, la deuxième question consiste à déterminer si elles doivent aussi être un « matériau de construction ou du matériel pour bâtiments » pour être admissibles au taux réduit de la taxe.

Abordant la première question, l'avocat de l'appelant a déclaré que les marchandises en cause, étant des câbles de démarrage, des rallonges d'intérieur et d'extérieur, sont correctement dénommées comme « [f]il et câbles électriques » et, de ce fait, relèvent de l'annexe IV de la Loi. La portée du libellé de l'article 4 n'est pas, selon l'avocat, limitée au fil et aux câbles électriques installés dans un bâtiment, plutôt, elle englobe tout fil et tous câbles. Si le fil ou les câbles transmettent l'électricité, ils sont admissibles au taux réduit de la taxe aux termes de l'annexe IV. Le fait que les marchandises en cause soient fixées à des connecteurs, ce qui leur permet de servir sans modification ultérieure, n'est pas pertinent. En termes simples, ce sont du fil ou des câbles électriques. Il a déclaré que les publications produites comme pièces étayent une telle opinion, étant donné que les produits qui y sont décrits, bien qu'ils soient à l'état fini, sont appelés, en anglais, « cables» (« fil et câbles »). L'avocat a ajouté que le taux réduit de la taxe s'appliquerait à tout fil ou tous câbles capables de conduire l'électricité, à l'état fini ou non. De même, selon les arguments de l'avocat, tout fil ou tous câbles, qu'ils soient des cordons de raccordement amovibles de poêle à frire électrique, des rallonges qui servent dans une maison à des fins domestiques provisoires ou du fil installé dans la charpente de bâtiments, sont des articles assujettis au taux réduit de la taxe.

Abordant la deuxième question, l'avocat de l'appelant a soutenu qu'il n'est pas obligatoire que les marchandises énumérées à l'annexe IV de la Loi soient nécessairement utilisées en tant que matériaux de construction ou matériel pour bâtiments. À l'appui de son affirmation, il a souligné que lorsque le Parlement veut imposer une condition concernant les marchandises dénommées dans l'annexe susmentionnée, il le fait de manière explicite. L'avocat a fait état de certains des articles de l'annexe IV où sont énoncées des exigences ou des conditions d'utilisation, comme l'article 5, « Matériel à combattre et à détecter l'incendie devant être installé dans des bâtiments » (soulignement ajouté), ou l'article 9, « Réservoirs à eau chaude et chauffe-eau devant être installés à demeure dans des systèmes d'alimentation en eau pour bâtiments » (soulignement ajouté). L'avocat a fait observer qu'aucune qualification similaire n'accompagne l'expression « [f]il et câbles électriques » à l'article 4. Par conséquent, le Parlement n'avait manifestement pas l'intention que des conditions comme « devant être installé[s] dans des bâtiments » s'appliquent au fil et aux câbles électriques.

L'avocat de l'appelant a ensuite traité de l'importance qu'il convient de donner aux rubriques « Matériaux de construction » et « Matériel pour bâtiments ». Selon l'avocat, il convient de ne se reporter que rapidement aux rubriques et intertitres des articles puisque ni le libellé de l'article 4 ni les utilisations auxquelles le fil ou les câbles sont destinés sont ambigus. Le fait que des connecteurs y soient fixés et qu'ils soient à l'état fini ne modifie pas leur nature de fil ou de câbles électriques. À l'appui de cette affirmation, l'avocat a renvoyé à l'affaire Skoke-Graham c. La Reine [2] où le juge Kellock est cité avec approbation au sujet d'une décision [3] selon laquelle ni le titre ni les rubriques ne peuvent servir à déterminer le sens des « mots [de la Loi] » qui en soi sont « clairs et précis ».

L'avocat de l'appelant a cité la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Microtel Limited c. Le ministre du Revenu national [4] à l'appui de son affirmation qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les rubriques et les intertitres pour placer les mots dans leur contexte ou les qualifier. Dans l'affaire Microtel, le Tribunal a conclu que le matériel de commutation téléphonique et les câbles de raccordement, qui n'étaient pas intégrés à un projet de construction, pouvaient, néanmoins, être admissibles aux termes de l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi à l'application de la taxe de vente au taux réduit. Dans l'affaire Microtel, le Tribunal a renvoyé à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Chateau Manufacturing Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] , où elle a statué que la rubrique « Matériaux de construction » ne limitait ni ne restreignait les éléments mentionnés à l'article 4. Par conséquent, le Tribunal a donné aux termes utilisés à l'article visé « l'interprétation la plus large qui soit compatible avec le contexte dans lequel ils étaient utilisés [6] ». De plus, le Tribunal a déclaré que, si le Parlement avait voulu imposer des conditions afférentes au fil ou aux câbles, il aurait déclaré que les câbles de raccordement doivent être intégrés à un projet de construction.

Pour arriver à sa décision, le Tribunal a distingué deux décisions antérieures [7] qui concluaient que, pour être admissibles à l'application du taux réduit de la taxe, les marchandises doivent faire partie d'un projet de construction. Il a alors établi que la différence entre l'affaire Microtel et les affaires antérieures citées résidait dans le libellé spécifique des articles considérés dans ces affaires. Dans une affaire, le libellé précisait « pour installation permanente dans un bâtiment », à savoir dans l'affaire Selenia, et le libellé indiquait « pour servir dans des bâtiments » dans l'affaire Perma Tubes. Les qualificatifs dans les affaires susmentionnées prévoyaient spécifiquement que les marchandises devaient être installées dans des bâtiments ou dans d'autres projets de construction.

L'avocat de l'appelant a soutenu que la décision dans l'affaire Microtel devait être reprise, non seulement en raison de la façon dont elle abordait l'interprétation des marchandises de l'annexe IV de la Loi, mais également en raison de la similarité des produits : des câbles de raccordement destinés à du matériel téléphonique et, dans le présent appel, des rallonges électriques, ou câbles de rallonge, et des câbles de démarrage.

L'avocat de l'appelant a exhorté le Tribunal à ne pas tenir compte de sa décision antérieure dans l'affaire Rova Products Canada Inc. c. Le ministre du Revenu national [8] puisque le Tribunal a rendu cette décision deux ans avant celle de l'affaire Microtel et que le raisonnement dans cette dernière a donc prépondérance, même s'il n'a alors était fait aucunement mention de la décision antérieure. Dans l'affaire Rova, les marchandises en cause incluaient des cordons téléphoniques qui étaient reliés à des prises téléphoniques murales et à un téléphone. En rejetant l'appel, le Tribunal a déclaré :

Après avoir considéré le contexte dans lequel se situe la partie I de l'annexe IV, le Tribunal conclut que le Parlement n'avait pas pour intention que les cordons en question soient visés par les dispositions de l'article 4. L'examen de ce contexte laisse plutôt penser que cet article ne vise que le matériel et les éléments entrant dans la composition d'un bâtiment ou d'un autre projet de construction [9] .

Il s'agit là, selon l'avocat, d'une interprétation tout simplement erronée qui ne devrait pas être reprise.

Cependant, si le Tribunal est d'avis que le sens de l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi est ambigu, il peut alors se reporter aux rubriques et, par exemple, aux documents d'interprétation. L'avocat de l'appelant a ensuite renvoyé à l'alinéa 61-085 des Canadian Sales Tax Reports [10] où il est écrit : « 1. All wire and cable designed for conducting electricity will qualify for the lower rate of tax. » (« 1. Tout fil et tous câbles électriques conçus pour transmettre l'électricité sont admissibles au taux réduit de la taxe ») (soulignement ajouté). Cependant, l'avocat a poursuivi en faisant observer que, selon l'alinéa 61-085, les cordons pour appareils électroménagers (sans fiche) de longueur aléatoire étaient admissibles à un taux réduit de la taxe, alors que les cordons pour appareils électroménagers avec fiche étaient assujettis à un taux plus élevé de la taxe. L'avocat a souligné que les cordons pour appareils électroménagers, avec ou sans fiche, ne sont normalement pas utilisés dans les projets de construction et ne peuvent donc, d'aucune façon, être considérés comme étant des « matériaux de construction », et que, pourtant, selon les Canadian Sales Tax Reports, ils sont admissibles au taux réduit de la taxe. En outre, l'avocat a fait observer que les « [a]utomotive wire, copper » « fil pour véhicule automobile, de cuivre » est admissible à un taux réduit de la taxe, selon l'alinéa 61-085. Ce fil, comme les cordons pour appareils électroménagers, ne peut être utilisé dans les projets de construction et ne peut donc pas être considéré à titre de « matériaux de construction ». Enfin, l'avocat a fait observer que, lorsqu'il y a confusion dans une disposition de taxation, ladite disposition devrait être interprétée d'une manière favorable au contribuable [11] .

L'avocate de l'intimé a souligné que, dans l'affaire Rova, le Tribunal a élaboré un test en deux étapes. En premier lieu, il doit déterminer si les marchandises en cause entrent dans le champ d'application de la description des marchandises énoncée dans une disposition déterminée de l'annexe IV de la Loi et, le cas échéant, il doit poursuivre son examen pour déterminer si les marchandises font aussi partie d'un projet de construction.

Selon l'avocate de l'intimé, les marchandises en cause ne peuvent pas être qualifiées de « [f]il et câbles électriques » parce que cette expression désigne du fil ou des câbles auxquels aucun connecteur n'est fixé. Par conséquent, selon une lecture ordinaire de l'expression susmentionnée, les marchandises en cause ne correspondent pas à la description énoncée à l'article 4 de la partie I de l'annexe IV de la Loi.

L'avocate de l'intimé a ensuite traité du manque de cohérence entre les décisions du Tribunal dans les affaires Microtel et Rova. Elle a souligné que, dans l'affaire Microtel, le Tribunal a abondamment invoqué la décision rendue en 1983 par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Chateau Manufacturing. Elle a ajouté que la décision dans cette affaire ne concernait pas un produit fini, mais plutôt une remise à jardin prête-à-assembler et qu'il fallait ajouter d'autres pièces et du travail pour en faire un produit fini. Les faits des deux affaires susmentionnées sont donc différents. En outre, l'avocate a fait observer que la décision dans l'affaire Chateau Manufacturing est antérieure aux jugements, plus récents, de la Cour suprême du Canada concernant le rôle des rubriques et des intertitres. Par conséquent, le Tribunal s'est appuyé incorrectement sur l'affaire susmentionnée quant au rôle des rubriques et des intertitres.

L'avocate de l'intimé est d'avis que la perspective la plus contemporaine concernant le rôle interprétatif des rubriques et des intertitres est clairement articulée par le juge Estey dans l'affaire The Law Society of Upper Canada c. Joel Skapinker [12] :

Il est manifeste que, quel qu'en soit le but, ces rubriques ont été ajoutées de façon systématique et délibérée de manière à faire partie intégrante de la Charte. La Cour doit, à tout le moins, en tenir compte pour déterminer le sens et l'application des dispositions de la Charte. L'influence qu'aura une rubrique sur ce processus dépendra de plusieurs facteurs dont (sans que cette énumération se veuille exhaustive) la difficulté d'interpréter l'article à cause de son ambiguïté ou de son obscurité, la longueur et la complexité de la disposition, l'homogénéité apparente de la disposition qui suit la rubrique, l'emploi de termes génériques dans la rubrique, la présence ou l'absence d'un ensemble de rubriques qui semblent séparer les divers éléments de la Charte et le rapport qui existe entre la terminologie employée dans la rubrique et le contenu de la disposition qui la suit. Des droits disparates paraîtront moins bien regroupés par une rubrique qu'un ensemble de droits homogène.

Il faut à tout le moins examiner la rubrique et, à partir de son texte, tenter de discerner l'intention des rédacteurs du document. Cela constitue tout au plus une étape dans le processus d'interprétation constitutionnelle. Il est difficile de prévoir une situation où la rubrique aura une importance déterminante. D'autre part, il est presque aussi difficile de concevoir une situation où l'on pourrait écarter rapidement la rubrique. [13] (Soulignement ajouté)

L'avocate de l'intimé a poursuivi en renvoyant au Driedger [14] , qui fait autorité en matière d'interprétation des lois et qui, considérant l'importance des rubriques et des intertitres, indique : « L'utilité principale des rubriques est, cependant, d'éclairer le sens ou la portée des dispositions auxquelles elles se rapportent. Leur fonction est très semblable à celle des intertitres [15] » [traduction].

En réponse aux autres points soulevés par l'avocat de l'appelant, l'avocate de l'intimé a affirmé que tous les éléments des divers articles de l'annexe IV de la Loi avaient un dénominateur commun, à savoir qu'ils n'étaient pas des produits finals en eux-mêmes, mais étaient plutôt des « matières ou éléments destinés à la fabrication de quelque chose d'autre [16] » [traduction]. Par conséquent, ils peuvent être justement qualifiés de matériaux de construction. L'avocate a cité l'affaire Selenia, dans laquelle le Tribunal a fait observer que les différents articles de la partie I de l'annexe IV de la Loi contiennent « une liste exhaustive de matières premières et d'articles, notamment des articles [...] qui sont ou seront utilisés pour la construction de bâtiments [ou diverses autres choses] [17] ». De plus, « le dénominateur commun des produits énumérés dans cette partie est que ces produits doivent être utilisés pour la construction d'un des projets énumérés dans la liste [18] ». L'avocate a rappelé au Tribunal que chacune des marchandises en cause était un produit fini ou un produit final et qu'aucune ne servait dans des projets de construction.

L'avocate de l'intimé a reconnu que l'alinéa 61-085, que l'avocat de l'appelant a invoqué, n'est pas entièrement cohérent ainsi que l'a indiqué ce dernier. Cependant, l'avocate de l'intimé n'est pas d'avis que l'alinéa 61-085 manque de cohérence lorsqu'il énonce que « [t]out fil et tous câbles électriques sont admissibles au taux réduit de la taxe » [traduction] et lorsqu'il y est ajouté plus loin que certains « produits finals » [traduction] sont assujettis au taux plus élevé de la taxe. En vérité, il semblerait que l'alinéa 61-085 confirme l'application du taux plus élevé de la taxe aux produits finis, comme les rallonges fixées à des connecteurs, tandis que le taux réduit s'applique aux rallonges de longueurs aléatoires, sans connecteur.

En conclusion, l'avocate de l'intimé a soutenu que, même si le Tribunal conclut que ces marchandises finies sont du fil ou des câbles électriques, celles-ci ne satisfont pas au deuxième niveau du critère établi dans l'affaire Rova parce que ce ne sont pas des matériaux et des articles qui sont destinés à former une partie intégrante d'un bâtiment ou d'un autre projet de construction.

L'examen des éléments contradictoires dans la jurisprudence du Tribunal et de l'évolution de la jurisprudence établie par les tribunaux amène le Tribunal à croire que la déclaration la plus claire concernant le rôle des rubriques et des intertitres est celle qui se trouve énoncée dans l'affaire Skapinker. De plus, cette affaire a été citée avec approbation dans le cadre d'une récente affaire entendue par la Cour d'appel fédérale portant sur l'interprétation d'une disposition de la Loi. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale devait décider si une taxe, prévue dans la Loi, était une taxe spécifique sur la quantité d'essence et de combustible diesel vendue ou une taxe ad valorem. La Cour d'appel fédérale, dans son analyse des faits et de la Loi, a déclaré notamment ce qui suit :

Cette interprétation de la taxe comme une taxe spécifique est fondée sur la rubrique de l'annexe II.1 intitulée « Taux spécifiés pour produits pétroliers ». Cette rubrique indique clairement que le Parlement avait l'intention d'imposer, par l'annexe II.1, qui est intégrée dans la Loi par l'alinéa 50(1.1)c), une taxe spécifique sur l'essence et le combustible diesel. Pour interpréter les lois fédérales, il faut considérer les rubriques comme une partie intégrante du texte législatif et en tenir compte au même titre que toute autre caractéristique relative au contexte de la loi en question.

Même si l'arrêt Skapinker portait sur l'utilisation des rubriques dans un contexte constitutionnel, le même raisonnement devrait s'appliquer dans le cas des lois fédérales ordinaires [...] Ainsi, dans la présente affaire, une certaine importance aurait dû être donnée à la rubrique de l'annexe II.1, étant donné, surtout, que la terminologie qui y est utilisée concerne directement le contenu des dispositions de ladite annexe [19] . (Soulignement ajouté)

Après avoir examiné avec soin tous les éléments de preuve et tenu compte de l'évolution de la jurisprudence des tribunaux, le Tribunal est d'avis que le fil et les câbles électriques ne sont admissibles au taux réduit de la taxe que s'ils constituent une partie d'un bâtiment ou d'un autre projet de construction. Il serait absurde, par exemple, de conclure que le cordon de raccordement amovible d'une poêle à frire électrique est admissible au taux réduit de la taxe en tant que produit visé dans les rubriques « Matériaux de construction » et « Matériel pour bâtiments » de l'annexe IV de la Loi. Pour conclure de la sorte, le Tribunal devrait faire complètement abstraction des rubriques « Matériaux de construction » et « Matériel pour bâtiments ». Cela, selon les tribunaux, ne peut se faire.

Le Tribunal est d'avis que les rubriques donnent vraiment un contexte à la liste des éléments qui y sont énumérés. Pour les raisons avancées par l'avocate de l'intimé, le Tribunal préfère le raisonnement qui sous-tend la décision antérieure qu'il avait rendue dans l'affaire Rova à la décision plus récente qu'il a rendue dans l'affaire Microtel.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. [1985] 1 R.C.S. 106.

3. Attorney-General of Canada c. Jackson, [1946] R.C.S. 489.

4. Appel no AP-90-113, le 26 janvier 1994.

5. Numéro du greffe A-797-80, le 9 décembre 1983.

6. Supra note 4 à la p. 1.

7. Perma Tubes Ltd. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-267, le 19 août 1991; et Selenia Food Equipment Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1988), 13 R.C.T 139.

8. Appel no 3107, le 18 mars 1992.

9. Ibid. aux pp. 2-3.

10. North York, CCH Canadian, 1990.

11. Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3.

12. [1984] 1 R.C.S. 357.

13. Ibid. aux pp. 376-377.

14. R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., Toronto, Butterworths, 1994.

15. Ibid. à la p. 270.

16. Transcription de l'argumentation, le 5 août 1997 à la p. 43.

17. Supra note 7 à la p. 152.

18. Ibid.

19. Sa Majesté La Reine c. Canadian Turbo (1993) Ltd., non publié, no du greffe A-375-95, le 3 décembre 1996 aux pp. 9-10.


Publication initiale : le 24 mars 1998