FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.

Décisions


FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-002

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 24 juillet 1998

Appel n o AP-97-002

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 octobre 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 28 janvier 1997 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre présidant

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les comprimés de griffe du diable sont correctement classés dans le numéro tarifaire 2106.90.99 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre d'autres médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que le produit en cause ne répond pas au sens ordinaire de l'expression « préparations alimentaires ». Il ne peut donc pas être classé dans le numéro tarifaire 2106.90.99. Le Tribunal accueille les éléments de preuve soumis par les témoins de l'appelant selon lesquels la griffe du diable sert au traitement de l'arthrite, qui est une affection ou une maladie. Le Tribunal attache une importance particulière au témoignage d'une pharmacienne qui, durant de nombreuses années, a traité avec des patients qui ont utilisé le produit en cause et qui a expliqué que les ingrédients contenus dans la griffe du diable agissent comme un agent anti-inflammatoire et soulagent la douleur, la raideur et l'enflure causées par l'arthrite. Le Tribunal est donc d'avis que le produit en cause peut être dénommé à titre de médicament. De plus, rien dans les Notes de Chapitres pertinentes, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises ni dans les termes de la position n'exige que l'efficacité d'un produit en tant que médicament ait été démontrée scientifiquement pour que ledit produit soit classé dans la position no 30.04. Autrement dit, il n'est pas nécessaire qu'il soit démontré qu'un produit guérit effectivement une affection ou une maladie. Cependant, le Tribunal est d'avis qu'il doit être démontré qu'un produit possède certaines propriétés « curatives » pour qu'il soit reconnu comme étant utilisé dans le traitement d'une maladie et classé dans la position no 30.04. Le Tribunal conclut que l'appelant s'est, en l'espèce, acquitté du fardeau de cette preuve.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 6 octobre 1997 Date de la décision : Le 24 juillet 1998
Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant Patricia M. Close, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Michael Sherbo, pour l'appelant Edward (Ted) Livingstone, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 28 janvier 1997 conformément à l'article 63 de la Loi.

Le produit en cause, nommé « Pagosid », est décrit comme étant des comprimés de racine de griffe du diable. Il est fabriqué à partir d'un extrait des tubercules secondaires d'une plante appelée griffe du diable. Il se compose d'un mélange d'extrait de plante, de lactose, de maltose et possiblement d'autres ingrédients. Le produit en cause est vendu sous diverses formes dans les magasins d'aliments de santé et dans les pharmacies qui vendent des médicaments traditionnels.

Au moment de son importation, le produit en cause a été classé dans le numéro tarifaire 3004.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. Aux termes de l'alinéa 61b) de la Loi, l'intimé a délivré un relevé détaillé de rajustement et reclassé le produit en cause dans le numéro tarifaire 2106.90.99 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs. Conformément à l'alinéa 63(1)a) de la Loi, l'appelant a déposé une demande de réexamen aux fins de reclassement du produit en cause dans le numéro tarifaire 3004.90.99. L'intimé a rejeté ladite demande.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 2106.90.99, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 3004.90.99, comme l'a soutenu l'appelant. Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

21.06 Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

2106.90 -Autres

2106.90.99 ----Autres

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

3004.90 -Autres

3004.90.99 ----Autres

Le premier témoin de l'appelant a été M. Bruce Dales, biochimiste, Recherche et développement, à la société Flora Manufacturing & Distributing Ltd. Le Tribunal a rejeté la demande du représentant de l'appelant qui aurait eu pour effet de reconnaître M. Dales à titre de témoin expert. Selon le Tribunal, ce dernier ne détenait pas les titres et qualités habituellement associés au titre de témoin expert. M. Dales a donc témoigné à titre de témoin ordinaire. Il a identifié le produit en cause et l'a décrit comme étant une herbe traditionnelle initialement utilisée en Afrique du Sud, mais maintenant utilisée et vendue à l'échelle mondiale pour traiter les symptômes de l'arthrite. M. Dales s'est ensuite appuyé sur plusieurs documents produits en preuve à l'appui de l'affirmation de l'appelant selon laquelle le produit en cause est un médicament plutôt qu'une préparation alimentaire. Il a témoigné que le ministère de la Santé se sert de la plupart des documents susmentionnés pour préparer ses guides sur le statut des produits pharmaceutiques et que les sociétés, comme l'appelant, s'en servent pour obtenir l'identification numérique du médicament (DIN).

Le premier document auquel M. Dales s'est reporté indique que la griffe du diable sert comme « thérapie de soutien contre la dégénérescence de l'appareil locomoteur » [3] [traduction]. Un autre document indique que « ce médicament a des propriétés antirhumatismales et antiphlogistiques, correspondant à celles des produits dérivés de la pyrazolone » [4] [traduction]. Le troisième document déclare que « des études cliniques effectuées en Allemagne indiquent que la plante possède effectivement des propriétés anti-inflammatoires comparables à celles de la phénylbutazone antiarthritique » [5] [traduction]. M. Dales s'est appuyé sur un quatrième document et a mentionné que ce dernier fournit des listes et des sommaires de diverses études et des effets pharmacologiques de la griffe du diable. Le prochain document auquel il s'est reporté était le British Herbal Compendium [6] , dont se servent les personnes autorisées à pratiquer la phytothérapie en Angleterre. Il a fait observer qu'on y trouve, à la rubrique « Indications » (« Indications »), la mention « arthroses douloureuses, tendinites; dyspepsie, inappétence » [7] [traduction]. Ensuite, M. Dales s'est appuyé sur une série de trois articles composés d'études menées en République populaire de Chine qui démontrent que le produit en cause sert à soulager les symptômes de l'arthrite, c'est-à-dire la douleur et l'inflammation [8] . Il s'est aussi reporté à une étude faisant état des divers effets de nature cardiovasculaire de la griffe du diable sur les chiens [9] .

Ensuite, M. Dales s'est appuyé sur un article rédigé en allemand. Il a expliqué que, selon cet article, la glycoside contenue dans la griffe du diable n'est pas très efficace, mais que l'extrait de cette plante est dans l'ensemble très efficace pour soulager la douleur et l'inflammation causées par l'arthrite. M. Dales s'est reporté à diverses autres études de l'efficacité de la griffe du diable dont quatre provenant du Journal of Ethnopharmacology. Il a expliqué que ces études expliquent les effets in vitro et cliniques de la racine de griffe du diable. Plus précisément, la première étude traite des effets de la griffe du diable sur les préparations musculaires isolées; la deuxième traite des effets de la griffe du diable sur l'activité cardiovasculaire; la troisième, des observations au microscope électronique à balayage pour le dépistage des substances chimiques actives; la quatrième, des effets de la griffe du diable sur le cœur. Ensuite, un document [10] présentant les faits nutritionnels relatifs au produit en cause a été présenté à titre d'élément de preuve. M. Dales a dit que, selon le document susmentionné, le produit en cause n'a aucune valeur nutritive. Plus précisément, trois comprimés de griffe du diable contiennent 2 p. 100 de vitamine C. Il faudrait, par conséquent, prendre beaucoup de comprimés pour absorber suffisamment de vitamine C pour se maintenir en santé. M. Dales a expliqué que le même document précise qu'une telle consommation entraînerait des complications gastro-intestinales.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Dales a dit ne pas être nutritionniste. Il a aussi témoigné que toutes les études sur lesquelles il s'est appuyé au cours de l'interrogatoire principal ont été payées par Dr. Dünner, le fabricant du produit en cause. Il a expliqué qu'un résultat qui n'est pas statistiquement significatif ne se traduit pas nécessairement par un résultat négatif. Il a précisé que le critère d'un résultat « statistiquement significatif » s'établit à 95 p. 100. Ainsi, s'ils ont déterminé que la probabilité que la griffe du diable soit efficace était de 70 p. 100, les chercheurs diraient que la substance n'est pas efficace. Pour conclure autrement, il leur faut un résultat d'au moins 95 p. 100. M. Dales a témoigné qu'aucun des documents auxquels il s'est reporté ne fait mention que la griffe du diable est efficace dans le traitement de l'arthrite. Plutôt, les auteurs des travaux tentent de décrire les éléments actifs du médicament.

L'avocat de l'intimé a ensuite demandé à M. Dales de lire des passages de trois documents [11] produits en preuve. Il a lu un passage du premier document intitulé « Investigations of Harpagophytum procumbens (Devil's Claw) in the treatment of experimental inflammation and arthritis in the rat » (« Études de l'harpagophyle étalé (griffe du diable) dans le traitement de l'inflammation et de l'arthrite d'expérimentation chez le rat ») qui prévoit que : « Si ces essais peuvent être considérés comme des indicateurs de prévision de l'efficacité chez les humains, la griffe du diable, aux doses recommandées, ne devrait montrer aucune activité antiarthritique » [traduction]. Un passage d'un deuxième document intitulé « Devil's claw (Harpagophytum procumbens): pharmacological and clinical studies » (« Griffe du diable (harpagophyle étalé) : études pharmacologiques et cliniques »), qu'il a lu, prévoit que : « Ces études avaient pour objet de déterminer la possibilité d'établir de prime abord le bien-fondé d'entreprendre d'autres études chez les patients, y compris des études contrôlées » [traduction]. Le passage prévoit aussi que : « Les résultats décrits ne justifient guère une telle action, et l'utilité de la griffe du diable en tant qu'agent antirhumatismal n'est pas encore démontrée » [traduction]. Le dernier document, intitulé « Devil's Claw (Harpagophytum procumbens): no evidence for anti-inflammatory activity in the treatment of arthritic disease » (« Griffe du diable (harpagophyle étalé) : aucune preuve d'action anti-inflammatoire dans le traitement de l'arthrite »), dont M. Dales a lu un passage, prévoit que : « Le manque d'activité pharmacologique observé dans le cadre de ces études de l'efficacité et le fait que Grahame et Robinson n'ont pas pu démontrer de changements significatifs chez 12 patients atteints de l'arthrite, lors d'un essai clinique préliminaire de six semaines, soulèvent des doutes quant au bien-fondé de l'utilisation de la griffe du diable dans le traitement de l'arthrite » [traduction].

Il a été demandé à M. Dales de lire une liste d'ingrédients contenus dans chaque comprimé du produit en cause. Chaque comprimé renferme : « Extrait en poudre de : Racine de griffe du diable (Harpagophytum procumbens) 1:2 .. 410 mg (équivaut à 820 mg de racine de griffe du diable) ». Il a aussi été demandé à M. Dales de lire le mode d'emploi suggéré sur la bouteille. Ce mode d'emploi est le suivant : « Prendre 1 comprimé trois fois par jour, avant les repas. Prendre sur une période d'au moins quatre semaines, période qui pourra s'étendre à 8 semaines ou plus, suivant les besoins. Garder au frais et au sec ».

En réponse à des questions du Tribunal, M. Dales a témoigné que le produit en cause n'a pas de DIN. Il a expliqué que l'obtention d'un DIN n'est pas exigée pour la vente de médicaments au Canada. Il a ajouté que, pour obtenir un DIN, il faut présenter une demande au ministère de la Santé (Santé Canada). Selon M. Dales, la plupart des médicaments traditionnels actuellement vendus et utilisés au Canada n'ont pas de DIN. Il a expliqué que, d'une façon générale, les fabricants n'aiment pas en obtenir parce qu'il y a beaucoup de tracasseries administratives en jeu, que cela ne modifie pas la qualité du produit lorsqu'ils en obtiennent un et que les gens prennent le produit indépendamment du fait qu'il a ou non un DIN. M. Dales a témoigné que le fait d'avoir un DIN ne présente aucun avantage concret. Il a parcouru les études présentées en preuve et a indiqué que certaines remontent aussi loin que dans les années 70, tandis que d'autres sont aussi récentes que l'année 1997. Il a fait observer que les études de l'appelant sont plus récentes que celles invoquées par l'intimé. M. Dales a expliqué que les « pharmacopées » sont des documents publiés dans les pays où se pratiquent les médecines traditionnelles. Elles servent de documents de référence aux personnes qui utilisent ou prescrivent des plantes médicinales. Elles expliquent le mode d'emploi pertinent pour que les médicaments visés soient sécuritaires et efficaces. Il a ajouté que les « pharmacopées » sont utilisées à l'échelle mondiale.

M. Dales a témoigné que le produit en cause se vend depuis des centaines d'années. Il a dit que, initialement, la griffe du diable a servi à traiter les ulcères, puis a plus tard été utilisée comme agent anti-inflammatoire et comme analgésique. Il a expliqué que l'« activité pharmacologique » signifie l'activité de la « plante » en général. Il a ajouté que lorsqu'on dit qu'une plante est bonne contre l'arthrite, par exemple, alors l'activité pharmacologique de cette plante est à l'endroit de l'arthrite. Il a témoigné que la griffe du diable est principalement utilisée comme agent anti-inflammatoire et comme agent antidouleur. Cependant, il a ajouté que, tout comme l'aspirine, cette plante peut également atténuer la fièvre. Il a témoigné que nulle part au monde ledit produit n'est vendu en tant que produit alimentaire et que quelqu'un qui s'en servirait à ce titre éprouverait beaucoup d'effets secondaires. De plus, cela coûterait très cher. Il n'existe aucune norme nutritionnelle pour la griffe du diable parce qu'elle n'a jamais été consommée en tant qu'aliment.

En réponse à des questions de l'avocat de l'intimé qui a repris les questions du Tribunal, M. Dales a témoigné que, si l'appelant indiquait sur l'emballage que la griffe du diable peut servir d'agent analgésique ou anti-inflammatoire, alors Santé Canada pourrait exiger qu'il obtienne un DIN pour ce produit. Il a témoigné que, pour l'appelant, il ne serait pas utile d'indiquer sur l'emballage à quoi sert le produit puisque cette information est disponible là où il est vendu. De plus, au prix auquel se vend le produit en cause, personne n'irait en acheter à moins de savoir pourquoi il en achète. Il a ajouté qu'il a goûté le produit en cause et que son goût est passablement mauvais. Il a dit ne pas être d'accord avec l'avocat sur le fait que, si l'appelant indiquait sur l'emballage à quoi sert la griffe du diable, le gouvernement voudrait la réglementer.

Au cours du réinterrogatoire, il a été demandé à M. Dales de lire des passages des documents qui ont été produits en preuve par l'avocat de l'intimé. Pour l'essentiel, un des passages lus par M. Dales indique que divers rapports ont été publiés depuis quelques années dans des journaux locaux du nord de l'Angleterre et de l'Écosse, faisant état des résultats miraculeux constatés chez les patients traités avec la griffe du diable contre la polyarthrite rhumatoïde infantile ou adulte. Un autre passage affirme que, dans une certaine étude, le critère d'admission du traitement par la griffe du diable était l'impuissance des méthodes de thérapie normale à contrer l'action de la maladie chez le patient. De plus, selon la même étude, 4 patients sur 12 ont démontré un certain degré d'amélioration subjective ou objective par rapport à certains paramètres. M. Dales a aussi lu certains extraits de ces documents selon lesquels la griffe du diable est une plante utilisée à des fins médicinales dans le traitement des symptômes de l'arthrite et que, au cours des récentes années, son acceptation en tant que traitement de l'arthrite s'est répandue tant au Canada qu'en Europe.

Le deuxième témoin de l'appelant, Mme Catherine Myerowitz, conseillère en nutrition et pharmacienne, a été reconnue à titre d'expert en pharmacie et en délivrance de plantes médicinales comme la griffe du diable. Elle a témoigné être titulaire d'un diplôme en sciences pharmaceutiques obtenu en Afrique du Sud. Elle y a, à un moment de sa carrière, travaillé à titre de pharmacienne. Elle a dit avoir, peu après son arrivée au Canada, travaillé pour l'appelant durant environ cinq ans. Elle a expliqué que l'ingrédient actif de la griffe du diable semble être une combinaison synergétique des composés que renferme l'extrait. Trois des composés connus sont l'harpagocide, l'harpagide et le procumbide. Elle a témoigné qu'il existe aussi d'autres composés qui n'ont pas encore été identifiés. Elle a ajouté que ces ingrédients ont un effet anti-inflammatoire. Ils combattent l'inflammation causée par l'arthrite et la douleur, la raideur et l'enflure qui accompagnent l'inflammation. Elle a témoigné que l'arthrite est une maladie. Elle a dit que la griffe du diable sert exclusivement à des fins thérapeutiques. Enfin, elle a témoigné qu'il est généralement reconnu qu'il n'existe pas de remède contre le rhume.

Au cours du contre-interrogatoire, Mme Myerowitz a expliqué que sa connaissance des effets de la griffe du diable provient de consultations avec d'autres pharmaciens et de discussions avec de nombreux patients qui ont utilisé le produit. Elle a témoigné que le produit n'agit pas toujours, mais qu'un pourcentage très élevé de patients sont soulagés s'ils prennent le médicament en conformité avec le mode d'emploi durant suffisamment longtemps. Elle a dit que, d'après son expérience, il faut en général de 4 à 6 semaines pour que les effets du produit se fassent sentir. Selon elle, même s'il est indiqué sur l'emballage que le produit devrait être pris sur une période de 20 semaines, un patient devrait cesser de le prendre si les symptômes disparaissent plus tôt. Cependant, en prendre durant 20 semaines ne causerait aucun tort. Elle a témoigné que les avantages de l'utilisation de la griffe du diable sont qu'elle ne produit aucun des effets secondaires associés aux autres médicaments anti-inflammatoires.

En réponse à des questions du Tribunal, Mme Myerowitz a témoigné qu'elle dit à ses patients de prendre la racine de griffe du diable 410, puisqu'il s'agit d'un extrait standardisé, mais qu'elle n'a aucune objection à ce que les patients en prennent sous une autre forme. Elle a dit que le produit a un goût extrêmement amer. Il était encore plus amer lorsqu'il n'était disponible que sous forme de plante séchée et qu'il devait être bu en infusion, comme le thé. Il n'est pas aussi amer sous forme de comprimé. Elle a témoigné que, lorsqu'elle travaillait en tant que pharmacienne, elle tenait des notes pour tenter de déterminer le délai nécessaire pour que la griffe du diable commence à agir et pour établir les résultats obtenus. Elle a témoigné que des gens qui ont utilisé la griffe du diable lui ont dit que les symptômes de l'arthrite avaient diminué. Elle a donné l'exemple d'une femme qui, après avoir pris la griffe du diable durant six semaines, a pu recommencer à faire de la poterie, une activité qu'elle avait dû abandonner à cause de la gravité de son arthrite aux mains. Elle a ajouté que, dans la plupart des cas, l'arthrite semble disparaître pendant un certain temps, parfois quelques années, puis revient et que les gens doivent recommencer le traitement. Elle a témoigné que, à son avis, la griffe du diable n'a aucune valeur nutritive.

Le dernier témoin de l'appelant a été M. Jens Tonnesen, directeur de l'exploitation chez Flora Distributors Ltd. Il a dit être chargé de l'importation de divers produits, y compris le produit en cause, que l'appelant importe depuis 1982. Il a expliqué qu'un document intitulé « Relieve Your Aching and Stiffness with Devil's Claw » [12] (« Soulager la douleur et la raideur avec la griffe du diable »), qui a été produit à titre d'élément de preuve, est distribué aux propriétaires et au personnel des magasins d'aliments de santé au Canada par les représentants des ventes de l'appelant lorsqu'ils visitent les clients ou à l'occasion de séminaires ou de conférences. Il a lu des passages du document susmentionné où il est écrit que « les propriétés anti-inflammatoires et anti-arthritiques de la racine de griffe du diable se manifestent en général en quelques semaines » [traduction] et où il est aussi écrit qu'« il est recommandé de prendre trois comprimés par jour sur une période de trois semaines » [traduction]. Enfin, il a témoigné que l'appelant commercialise et vend la griffe du diable à des fins de traitement de la douleur causée par l'arthrite.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Tonnesen a déclaré que le document dont il a fait mention énonce l'opinion de l'appelant sur l'utilisation de son produit. Il a expliqué que la posologie recommandée dans le document diffère de celle qui est recommandée sur l'emballage parce qu'elle a été rédigée par quelqu'un d'autre qu'un représentant de l'appelant et n'a pas été révisée par l'appelant. Il a dit que l'appelant est d'accord avec le document sur la portée générale des termes qui décrivent le médicament. M. Tonnesen a expliqué que, il y a trois ans, le produit était importé à titre de produit médicinal et que l'appelant était assujetti à des droits de douane de 9,5 p. 100. Par la suite, il a été convenu internationalement que le taux des droits de douane sur les produits médicinaux devrait être ramené à zéro. Peu après, le gouvernement a soudainement commencé à appeler le produit un supplément alimentaire.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Tonnesen a témoigné qu'un emballage de griffe du diable contenant un approvisionnement pour 20 semaines se vend, au détail, environ 17,65 $ l'unité, tandis qu'un emballage qui contient un approvisionnement suffisant pour quatre semaines se vend, au détail, environ 15,95 $ l'unité. Il a dit que, depuis qu'il travaille chez l'appelant, il a reçu plusieurs lettres de personnes qui ont utilisé la griffe du diable, et dit ne se souvenir d'aucune qui ait affirmé que le produit n'agissait pas. Il a témoigné que, à son avis et de l'avis de l'appelant, il ne fait aucun doute que le produit en question est un produit médicinal. Il a dit que le secteur d'activité de l'appelant est celui des plantes (herbes), et non celui des aliments. Selon M. Tonnesen, c'est une erreur d'appellation que de parler d'aliments de santé. Les gens se servent de cette expression simplement parce qu'il s'agit d'une expression couramment utilisée. Il a dit que, dans les magasins d'aliments de santé, il est possible de trouver des produits à base d'herbes médicinales et des produits de médecine traditionnelle.

Au cours du réinterrogatoire, M. Tonnesen a établi une distinction entre le rôle du ministère du Revenu national, qui réglemente l'importation des produits et traite de leur classement, et le rôle de Santé Canada, qui réglemente la vente au détail de telles marchandises, ce qui est tout autre chose.

Le représentant de l'appelant a soutenu que le classement tarifaire est déterminé au moment de l'importation en conformité avec le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [13] . Il a soutenu que tous les pays doivent classer les mêmes marchandises dans les six premiers chiffres, indépendamment de la manière dont leur gouvernement administre les politiques sur les drogues (médicaments) ou aliments. Le représentant a soutenu que le classement fait par l'intimé est erroné pour les quatre raisons suivantes : 1) l'intimé invoque les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [14] (les Notes explicatives) de la position no 30.03 à l'appui d'un classement dans la position no 30.04; 2) l'intimé s'est, à tort, appuyé sur la décision du Tribunal dans l'affaire Upjohn Inter - American Corporationc. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [15] ; 3) la position de l'intimé selon laquelle, pour qu'un produit soit classé dans la position no 30.04, il doit être démontré que ce produit est efficace est erronée; 4) l'interprétation que fait l'intimé des Notes explicatives de la position no 21.06 est également fausse.

À l'appui de son premier argument selon lequel les Notes explicatives de la position no 30.03 ne s'appliquent pas à la position no 30.04, le représentant de l'appelant a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Intercraft Industries of Canada Inc.c. Le sous-ministre du Revenu national [16] . Il a soutenu que les Notes explicatives d'une position ne s'appliquent pas à une autre position, à moins qu'il soit expressément énoncé qu'elles s'appliquent à une telle autre position. À l'appui de son argument, il a renvoyé aux Notes explicatives de la position no 76.10, qui prévoient que les « dispositions de la Note explicative du no 73.08 […] sont applicables mutatis mutandis aux articles de la présente position ». Étant donné l'absence de tels termes dans les Notes explicatives de la position no 30.03, les Notes explicatives de la position no 30.04 ne peuvent s'appliquer à cette position. Le représentant a fait observer que la position no 30.04 vise les médicaments qui sont conditionnés pour la vente au détail, tandis que la position no 30.03 vise les médicaments qui sont vendus en vrac. Il a soutenu que les deux m 9‚dicaments sont totalement différents et que des règles différentes régissent leur classement. Quant à son deuxième argument, le représentant a fait observer que la décision dans l'affaire Upjohn portait sur le classement tarifaire dans la position no 30.03 et, pour les motifs susmentionnés, qu'elle n'a pas rapport en l'espèce.

Le représentant de l'appelant a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Hung Gay Enterprises Ltd.c. Le sous-ministre du Revenu national [17] à l'appui de son troisième argument selon lequel il n'est pas nécessaire que l'efficacité d'un produit soit scientifiquement démontré pour que ce produit soit classé dans la position no 30.04. Il a soutenu que rien dans l'annexe I du Tarif des douanes ni dans les Notes explicatives ne prescrit une telle démonstration. Plutôt, selon le représentant, ces documents prévoient le contraire. Il a fait observer que les « [p]réparations contre la toux et le rhume » sont classées dans le numéro tarifaire 3004.90.99 même s'il n'existe aucun remède connu contre le rhume. Le représentant a soutenu que statuer en faveur de l'intimé signifierait que les médicaments contre des maladies comme le SIDA ne pourraient être classés dans la position no 30.04 avant que leur efficacité ait fait l'objet d'une démonstration scientifique probante. Il a soutenu qu'il serait illogique de classer de tels produits à titre d'aliments ou à d'autres titres qu'un médicament.

Selon le représentant de l'appelant, les éléments de preuve montrent clairement que la griffe du diable n'est pas un aliment et ne peut donc être classée dans la position no 21.06. Il a renvoyé aux éléments de preuve qui montrent que ce produit n'a pas de valeur nutritive. À l'appui de son argument, il a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Shaklee Canada Inc.c. Le ministre du Revenu national [18] , qui a été confirmée par la Cour fédérale du Canada [19] . Dans l'affaire susmentionnée, il a été conclu que des marchandises similaires aux marchandises en cause étaient des suppléments alimentaires ou suppléments nutritionnels et non des aliments. Il a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Baxter Corporationc. Le sous-ministre du Revenu national [20] à l'appui de son argument selon lequel la position no 21.06 prévoit le classement des aliments ou mélanges ordinaires utilisés dans la préparation de tels aliments.

À l'appui de son argument, le représentant de l'appelant a renvoyé au paragraphe 16 des Notes explicatives de la position no 21.06, qui prévoit que les préparations ou suppléments alimentaires destinés à prévenir ou à traiter les maladies ou affections sont exclus de ladite position et doivent être classés dans la position no 30.03 ou no 30.04. Il a soutenu que, puisque la griffe du diable est destinée à prévenir une maladie ou affection, elle ne peut être classée dans la position no 21.06. Selon le représentant, les éléments de preuve montrent que l'arthrite est une maladie. Il a invoqué les Notes explicatives de la position no 30.04 à l'appui de son argument selon lequel, puisque la griffe du diable est un médicament qui est conditionné pour la vente au détail, elle doit être classée dans ladite position. Les Notes explicatives prévoient aussi que les médicaments présentés sous forme de doses comme des comprimés doivent être classés dans la position no 30.04. Il a soutenu que le produit en cause satisfait le critère susmentionné. Selon le représentant, les Notes explicatives n'exigent pas que l'utilisation prévue soit indiquée sur l'étiquette. L'utilisation prévue peut être décrite dans la documentation ou de toute autre façon. Il a soutenu que, de toute façon, l'emploi recommandé de la griffe du diable est énoncé sur l'emballage. Enfin, il s'est reporté à la Note explicative de la position no 30.04, qui prévoit que les suppléments alimentaires sont exclus de ladite position.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelant doit démontrer que le produit est un remède efficace contre l'arthrite pour qu'il puisse être considéré comme étant un médicament préparé à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. Il a soutenu que l'appelant n'en a pas fait la preuve en l'espèce et que l'appel doit donc être rejeté. Autrement dit, le produit en cause ne peut être classé dans la position no 30.04. L'avocat a soutenu qu'il doit satisfaire aux trois critères suivants pour qu'un produit soit classé dans la position no 30.04 : 1) le produit doit être un médicament; 2) il doit être constitué par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques; 3) il doit être présenté sous forme de doses ou conditionné pour la vente au détail. L'avocat a invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Upjohn quant à la signification qu'il convient d'attribuer aux termes « médicaments », « thérapeutiques » et « prophylactiques ». L'avocat a soutenu que l'affaire susmentionnée est pertinente même si elle traitait de la position no 30.03 plutôt que de la position no 30.04, puisque les termes utilisés dans les deux positions sont les mêmes. La seule différence est qu'une des deux positions traite des produits présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail. Cela, selon l'avocat, n'a aucune incidence sur la signification qu'il convient d'attribuer aux termes « médicaments », « thérapeutiques » et « prophylactiques ».

Dans l'affaire Upjohn, le Tribunal a interprété la position no 30.03 comme renvoyant à des substances utilisées pour traiter des maladies ou pour les prévenir, ou à des préparations médicinales utilisées pour traiter ou prévenir la maladie. Selon l'avocat de l'intimé, l'appelant doit produire des preuves scientifiques probantes que le produit est destiné à traiter ou à prévenir une maladie pour qu'il soit classé à titre de « médicament ». Il a soutenu que le terme « traiter » n'a pas la même signification que le terme « guérir ». Il a ajouté qu'il ne fait aucun doute qu'il n'existe aucun médicament qui « guérisse » le rhume. Cependant, il existe des médicaments qui traitent ou soulagent les symptômes du rhume, dont les agents antihistaminiques, les décongestionnants et tout type de médicament qui diminue la fièvre. Par conséquent, ils constituent un traitement contre la maladie, toutefois sans la guérir. Il a soutenu qu'il existe des médicaments qui accomplissent la même fonction dans le cas de l'arthrite. Ils ne guérissent pas l'arthrite, mais ils en atténuent les symptômes. Selon l'avocat, le fait qu'un produit guérisse une maladie ou non n'a aucune importance. Ce qui importe, c'est qu'il doit être démontré qu'il la traite.

Selon l'avocat de l'intimé, il importe que l'efficacité d'un produit soit scientifiquement démontré pour qu'il soit classé dans la position no 30.04 afin d'éviter que celle-ci ne soit accessible à toutes sortes de produits, permettant aux importateurs de faire entrer dans ladite position n'importe quel produit dont ils prétendent être destiné à des fins médicinales. Il a ajouté que, si une telle preuve d'efficacité n'est pas requise, alors les importateurs n'auront qu'à alléguer qu'un produit est destiné au traitement d'une maladie et qu'il est préparé sous forme de doses et conditionné pour la vente au détail, pour que ledit produit soit classé dans la position no 30.04. Selon l'avocat, une telle façon de faire est manifestement erronée. Il s'est reporté aux Notes explicatives de la position no 30.04 à l'appui de son argument selon lequel l'efficacité d'un produit doit être démontré pour que le produit soit classé dans ladite position. Il a soutenu que les Notes explicatives prévoient qu'un produit doit contenir des substances médicinales dans une proportion suffisante pour servir à des fins thérapeutiques ou prophylactiques pour être classé dans la position no 30.04. Il a soutenu que le produit doit faire un certain bien à l'organisme. De plus, l'avocat a soutenu que les infusions d'herbages qui se veulent soulager certains maux ou contribuer au bon état général et au bien-être sans constituer une dose thérapeutique ou prophylactique d'un ingrédient actif sont exclues de la position no 30.04.

Selon l'avocat de l'intimé, aucun élément de preuve n'a montré que la griffe du diable contient un composant actif efficace dans le traitement de l'arthrite. L'avocat a examiné les éléments de preuve et a soutenu qu'il en ressort que l'efficacité du produit en cause n'a pas encore été démontrée de façon probante. Il a ajouté que, selon certaines études, la griffe du diable soulage certains symptômes de l'arthrite, tandis que, selon d'autres, elle n'a aucune efficacité. Il a renvoyé à une étude en particulier qui a démontré que la griffe du diable n'est efficace que par voie d'injection dans l'abdomen des souris, et n'a aucun effet, même léger, lorsqu'elle est administrée par voie orale. L'avocat a aussi fait observer qu'un grand nombre des études produites en preuve ont été commanditées par les fabricants de produits de griffe du diable. Il a soutenu que la griffe du diable est un produit analogue au ginseng, à l'huile d'onagre et aux solutions aqueuses d'éthanol provenant de diverses plantes (herbes), qui sont classées dans les positions « alimentaires ». Il a renvoyé au Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [21] (les Avis de classement) à l'appui de son argument. Un Avis de classement prévoit que la « [g]omme à mâcher à la nicotine » est classée dans la sous-position no 2106.90. Il a fait observer que les éléments de preuve déposés dans le cadre du présent appel montrent que la gomme à mâcher à la nicotine n'a aucune valeur nutritive. L'avocat a renvoyé aux éléments de preuve qui montrent l'existence de trois schémas posologiques suggérés pour la griffe du diable. Il a soutenu que cet état des choses est attribuable au fait que la dose efficace est inconnue.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la décision du Tribunal dans l'affaire Hung Gay se distingue de la présente affaire du fait que, dans l'affaire Hung Gay, le Tribunal a conclu que le produit en cause était un « tonique » et donc, de ce fait, exclu de la position no 30.04. Dans la mesure où le Tribunal a déclaré qu'il n'est pas nécessaire que l'efficacité d'un produit soit démontrée pour qu'il soit classé dans la position no 30.04, l'avocat a soutenu que le Tribunal a fait erreur. Enfin, l'avocat a soutenu que l'affaire Shaklee est différente du présent appel du fait que le Tribunal et la Cour fédérale du Canada traitaient alors d'une exemption aux termes de la Loi sur la taxe d'accise [22] et non d'un classement tarifaire aux termes de la Loi sur les douanes.

La Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [23] (les Règles générales) est d'une importance cruciale pour déterminer le classement des marchandises dans l'annexe I du Tarif des douanes. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Chapitres pertinentes. Par conséquent, le Tribunal doit d'abord déterminer si le produit en cause est dénommé ou décrit de façon générale dans une position particulière. S'il l'est, il doit alors y être classé, sous réserve de toute Note de Chapitre pertinente. L'article 11 du Tarif des douanes précise quele Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives pour interpréter les positions ou les sous-positions.

La position no 21.06 prévoit le classement des « [p]réparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs ». Les Notes explicatives de la position no 21.06 prévoient en outre que les « préparations désignées sous le nom de compléments alimentaires [suppléments alimentaires], à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnées de vitamines [...] sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues (nos 30.03 ou 30.04) ». Le Tribunal est d'avis que le produit en cause ne répond pas au sens ordinaire de l'expression « préparations alimentaires ». Le Tribunal s'appuie à cet égard sur la décision qu'il a rendue dans l'affaire Shaklee. Les produits en cause dans l'affaire Shaklee étaient des vitamines, des minéraux et des fibres. En appliquant le critère énoncé dans l'affaire Shaklee, le Tribunal est d'avis qu'une personne ordinaire, bien informée des conditions prescrites et des définitions du dictionnaire, ne conclurait pas que le produit en cause est un « aliment ». Les éléments de preuve montrent que le produit en cause ne serait pas mangé en tant qu'« aliment » parce qu'il a mauvais goût, et que quelqu'un qui en mangerait éprouverait des effets secondaires graves. En outre, le Tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve qui lui permettrait de conclure que le produit en cause est un « supplément alimentaire ». En fait, les éléments de preuve montrent que le produit en cause n'a aucune valeur nutritive. Par conséquent, il ne peut être classé dans le numéro tarifaire 2106.90.99.

La position no 30.04 prévoit le classement des « [m]édicaments [...] constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail ». Dans l'affaire Baxter Corporation, le Tribunal a invoqué la décision qu'il avait rendue dans l'affaire Upjohn lorsqu'il a conclu que « [s]elon le Tribunal, la position no 30.04 renvoie à des substances utilisées pour traiter des maladies ou pour les prévenir. C'est ce qui ressort des définitions de dictionnaires [...] du terme “therapeutic” (thérapeutique), qui signifie “curative; of the healing art” (curatif; pratiques destinées à guérir) et du terme “prophylactic” (prophylactique), qui signifie “tending to prevent disease or other misfortune” (qui vise à prévenir une maladie ou une adversité) ».

Le Tribunal accueille les éléments de preuve soumis par les témoins de l'appelant selon lesquels la griffe du diable sert au traitement de l'arthrite, qui est une affection ou une maladie. Le Tribunal attache une importance particulière au témoignage de Mme Myerowitz, une pharmacienne qui, durant de nombreuses années, a traité avec des patients qui ont utilisé le produit en cause et qui a expliqué que les ingrédients contenus dans la griffe du diable agissent comme un agent anti-inflammatoire et soulagent la douleur, la raideur et l'enflure causées par l'arthrite. Le Tribunal est donc d'avis que le produit en cause peut être dénommé à titre de médicament. Le Tribunal est d'accord avec le représentant de l'appelant sur le fait que rien dans les Notes de Chapitres pertinentes, les Notes explicatives ni dans les termes de la position n'exige que l'efficacité d'un produit en tant que médicament ait été démontrée scientifiquement pour que ledit produit soit classé dans la position no 30,04. Autrement dit, il n'est pas nécessaire qu'il soit démontré qu'un produit guérit effectivement une affection ou une maladie. Cependant, le Tribunal est d'avis qu'il doit être démontré qu'un produit possède certaines propriétés « curatives » pour qu'il soit reconnu comme étant utilisé dans le traitement d'une maladie et classé dans la position no 30.04. Le mot « curative» (« curatif ») est défini dans le New Lexicon Webster's Dictionary of the English Language comme « having remedial properties, helping to cure » [24] (« ayant des propriétés curatives, aidant à guérir »). Le Tribunal est d'avis que l'appelant s'est, en l'espèce, acquitté du fardeau de cette preuve. Le produit en cause a des propriétés curatives qui aident à « guérir » ou à « traiter » l'arthrite.

Le Tribunal fait observer que les éléments de preuve montrent que le produit en cause est « présenté sous forme de doses ou conditionné pour la vente au détail », comme le prévoient les termes de la position no 30.04.

Toutes les conditions de la position no 30.04 étant satisfaites, le Tribunal conclut que le produit en cause est classé dans le numéro tarifaire 3004.90.99.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Herbal Drugs and Phytopharmaceuticals, A handbook for practice on a scientific basis, Stuttgart, Medpharm Scientific, 1994 à la p. 249.

4. R.F. Weiss, Herbal Medicine, Beaconsfield, Beaconsfield à la p. 266.

5. J.A. Duke, CRC Handbook of Medicinal Herbs, Boca Raton, CRC Press à la p. 222.

6. Vol. 1, British Herbal Medicine Association.

7. Ibid. à la p. 78.

8. Y. Peida et Y. Xiuyan, Preliminary Clinical Observation On Treatment of 40 cases of Arthritis with Pagosid, Branch of Rheumatology and Clinical Immunology, Department of Internal Medicine, First Affiliated Hospital, Sun Yet Sen University of Medical Science.

9. F. Occhiuto et A. De Pasquale, Electrophysiological and Haemodynamic Effects of Some Active Principles of Harpagophytum Procumbens DC. in the Dog, Département de biopharmacie, Université de Messine, 1990.

10. Pièce A-4.

11. Pièce B-1.

12. Pièce A-5.

13. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

14. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

15. Appel no AP-90-197, le 20 janvier 1992.

16. Appels nos AP-93-358 et AP-93-353, le 14 mars 1995.

17. Appel no AP-96-044, le 5 juin 1997.

18. Appel no 2940, le 6 septembre 1990.

19. Shaklee Canada Inc. c. Sa Majesté la Reine, numéro du greffe T-3012-90, le 28 février 1995.

20. Appel no AP-93-092, le 26 juillet 1994.

21. Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1987.

22. L.R.C. (1985), ch. E-15.

23. Supra note 2, annexe I.

24. Édition encyclopédique, New York, Lexicon Publications, 1987 à la p. 236.


Publication initiale : le 13 août 1998