HILARY'S DISTRIBUTION LTD.

Décisions


HILARY'S DISTRIBUTION LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-010

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 25 septembre 1998

Appel n o AP-97-010

EU ÉGARD À un appel entendu le 8 décembre 1997 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 30 janvier 1997 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HILARY'S DISTRIBUTION LTD. Appelante

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les comprimés normalisés d'ail de marque Kwai sont correctement classés dans le numéro tarifaire 2106.90.99 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre d'autres médicaments (à l'exclusion des produits de la position no 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le principal argument de l'avocat de l'intimé est que, pour que les marchandises en cause soient considérées comme des médicaments, il doit exister un ensemble d'éléments de preuve scientifiques à l'appui de toute déclaration d'utilité ou d'efficacité lorsque les marchandises servent à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. Bien que cette norme puisse sembler raisonnable, le Tribunal est d'avis que cette norme n'est nullement fondée dans la nomenclature, ni dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises ni dans le Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Cela étant dit, le Tribunal croit également que déclarer simplement qu'un produit est un médicament ne suffit de toute évidence pas à en faire un médicament. L'appelante a en fait produit, dans la présente affaire, un ensemble considérable d'éléments de preuve pour montrer que les marchandises sont des médicaments. Parmi ces éléments de preuve, plusieurs études ou résumés d'études ont un poids particulier. Quant aux documents susmentionnés, le Tribunal accepte, d'une façon générale, le témoignage du témoin expert au sujet des lacunes dans la conception des divers essais qui viennent miner la fiabilité de nombreuses conclusions. Par ailleurs, il est presque impossible de considérer comme complètement non fondée, et de rejeter, l'affirmation selon laquelle les propriétés médicamenteuses de ces marchandises sont reconnues. Des spécialistes éminents des maladies cardio-vasculaires admettent ces propriétés. Tout en reconnaissant qu'il ne s'agit que d'opinions diffusées dans les médias, il faut leur accorder un certain poids. Bien que ces commentaires ne prouvent pas l'utilité des marchandises, ils indiquent de façon certaine que plusieurs considèrent qu'elles possèdent des propriétés médicamenteuses.

En ce qui a trait à la position no 21.06, le Tribunal doit d'abord déterminer si les marchandises peuvent être définies comme des « préparations alimentaires ». Après avoir examiné les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises relatives à la position no 21.06, le Tribunal déclare qu'il existe au moins trois motifs de conclure que les comprimés normalisés d'ail ne peuvent être compris dans ladite position. En premier lieu, ils ne sont pas présentés en tant que suppléments alimentaires, bien qu'ils pourraient également être définis comme tels. En deuxième lieu, ils ne contiennent aucune vitamine ajoutée. En troisième lieu, et il s'agit peut-être du motif le plus pertinent, la dernière phrase des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation de codification des marchandises non seulement exclut les préparations analogues destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou des affections, mais précise que ce sont des articles de la position no 30.03 ou 30.04.

Quant à la position no 30.04, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve au dossier suffisent pour indiquer que les comprimés d'ail sont utilisés directement ou indirectement dans le traitement ou la prévention des maladies cardio-vasculaires. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les comprimés d'ail en cause peuvent être définis comme des médicaments aux fins du classement dans la position no 30.04.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 8 décembre 1997 Date de la décision : Le 25 septembre 1998
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Michael A. Sherbo, pour l'appelante Jan Brongers, pour l'intimé





Le présent appel, entendu par un seul membre du Tribunal [1] , est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [2] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 30 janvier 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi.

Les marchandises en cause sont des comprimés normalisés d'ail de marque Kwai. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2106.90.99 de l'annexe I du Tarif des douanes [3] à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.99 à titre d'autres médicaments (à l'exclusion des produits de la position no 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

21.06 Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

2106.90 -Autres

2106.90.99 ----Autres

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

3004.90 -Autres

3004.90.99 ----Autres

M. Allan Ingles, pharmacien au service de la société Hilary's Distribution Ltd., a témoigné au nom de l'appelante. M. Ingles a expliqué que les comprimés normalisés d'ail de marque Kwai sont fabriqués selon des méthodes pharmaceutiques à partir d'ail chinois produit dans des conditions contrôlées de culture. Selon M. Ingles, les comprimés comprennent deux ingrédients actifs : 1) l'alliine, un acide aminé et 2) l'alliinase, une enzyme. En présence d'humidité, les deux ingrédients interagissent et produisent un troisième ingrédient, soit l'allicine, qui « produit des effets médicinaux dans le corps » [4] [traduction]. Chaque comprimé est normalisé à 100 mg de poudre d'ail, et la dose quotidienne indiquée sur l'emballage est de 2 comprimés, 3 fois par jour.

M. Ingles a décrit le procédé de séchage des gousses d'ail et la méthode de production des comprimés normalisés. Commentant la recommandation d'ingérer les comprimés sans les mâcher, M. Ingles a expliqué que le but premier de cette directive est que le comprimé atteigne l'intestin grêle avant la désintégration de l'enrobage. Au cours du contre-interrogatoire, M. Ingles a indiqué que la directive a aussi pour objet de prévenir le problème d'odeur associé à la consommation d'ail.

Se reportant à plusieurs documents, M. Ingles a décrit les marchandises en cause comme un « médicament à base de produits végétaux, préparé à partir d'ail » [5] [traduction] et a ajouté que les comprimés ont un effet positif sur l'augmentation des lipides dans le sang et de la fluidité du sang et qu'ils servent dans le traitement de l'artériosclérose (calcification ou durcissement des artères). M. Ingles a aussi présenté des observations sur plusieurs des documents soumis, dans lesquels il est fait mention que les marchandises en cause sont efficaces dans la prévention ou le traitement des maladies cardio-vasculaires. Selon M. Ingles, cette affirmation se fonde sur huit « effets » :

• réduction du cholestérol total

• réduction des lipoprotéines de basse densité

• augmentation des lipoprotéines de haute densité

• anti-aggrégation plaquettaire

• réduction des triglycérides

• réduction du taux de glycémie

• réduction de la perte d'élasticité des artères (artériosclérose)

• réduction de la fréquence de la claudication intermittente [6]

M. Ingles a ajouté que c'est à cause des effets de l'ail que la société Lichtwer Pharma GmbH, la deuxième société de produits pharmaceutiques en importance d'Allemagne, a mis au point les comprimés normalisés d'ail de marque Kwai. De plus, l'utilité des médicaments à base d'ail a été confirmée en Allemagne par le Bureau fédéral de la santé et, en 1988, le Bundesanzeiger (le Bulletin fédéral) a publié une monographie où l'efficacité de l'ail contre l'augmentation des lipides du sang et pour la prévention des changements vasculaires liés au vieillissement est établie [7] .

M. Ingles a témoigné au sujet de la teneur de diverses feuilles de renseignements et de divers rapports de recherche, articles de presse, résumés scientifiques et sommaires de symposiums, traitant tous des effets réputés bénéfiques des comprimés de poudre d'ail sur le système cardio-vasculaire. Une des pièces produites [8] , c'est-à-dire une coupure d'une publication s'adressant au grand public, citait le Dr Kenneth Melvin, à ce moment-là cardiologue-conseil au Women's College Hospital et chef du Service de cardiologie au Doctors Hospital, qui déclarait que « les résultats d'essais cliniques à grande échelle, portant sur des milliers de patients en Europe et aux États-Unis, indiquent des effets bénéfiques évidents sur la régulation de l'hypertension artérielle, du taux élevé de cholestérol et des maladies vasculaires périphériques » [traduction] et que « lorsque les comprimés de poudre d'ail sont pris en dose quotidienne moyenne de 1 200 mg pendant une longue période de temps, la tension artérielle diminue légèrement et le taux de cholestérol baisse d'environ 12 p. 100 » [traduction].

M. Ingles a aussi cité des observations du Dr Gustav G. Belz, professeur de cardiologie à l'Université de Hambourg en Allemagne. En réponse à une question sur la possibilité de remplacer les médicaments synthétiques couramment utilisés en cardiologie par des comprimés d'ail, M. Belz a répondu ce qui suit : « Nous pourrions certainement dire que, au niveau de la prévention, les comprimés normalisés d'ail sont efficaces et présentent un risque beaucoup plus faible d'effets secondaires que les médicaments synthétiques. Dans une perspective thérapeutique, la question est plus délicate et il nous faudrait probablement disposer d'autres études, mais, pour ma part, je n'hésite pas à utiliser l'ail avec mes patients » [9] [traduction].

M. Ingles a aussi discuté d'une étude scientifique intitulée Treatment of Hyperlipidaemia with Garlic-powder Tablets: Evidence from the German Association of General Practitioners' multicentric placebo-controlled double-blind study [10] (« Traitement de l'hyperlipémie par les comprimés de poudre d'ail : résultats de l'étude à double anonymat contrôlée contre placebo de l'Association allemande des médecins omnipraticiens »). Cette étude conclut que les comprimés normalisés d'ail « peuvent, si la dose est suffisante, être considérés comme une solution de rechange pour les médecins omnipraticiens dans le traitement de l'hyperlipémie légère ou moyenne [11] » [traduction]. M. Ingles a indiqué que l'hyperlipémie est un état caractérisé par des taux élevés de lipides dans le sang et est considéré à la fois comme un trouble médical et comme le précurseur de maladies cardiaques graves.

M. Ingles a aussi mentionné que l'appelante possède une liste de plus de 4 000 médecins de l'Ontario qui prescrivent ou recommandent périodiquement des comprimés normalisés d'ail de marque Kwai à leurs patients. Selon M. Ingles, les marchandises en cause sont utilisées en thérapie « d'appoint »; il a expliqué que ce genre de thérapie s'ajoute à la thérapie principale [12] . Il a alors poursuivi son témoignage au sujet des utilisations à des fins prophylactiques des comprimés normalisés d'ail.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Ingles a reconnu que l'emballage des marchandises en cause n'indiquait pas qu'elles sont censées être utilisées pour traiter des maladies ou des affections, mais il a expliqué que c'était pour que l'emballage soit conforme aux règlements sur les aliments et les drogues du Canada, qui interdisent la publicité pour tout médicament censé modifier ou atténuer les conditions relatives à plusieurs maladies particulières, y compris les maladies du cœur. De même, l'emballage de l'aspirine ne fait pas mention des bénéfices connus de ce médicament dans le traitement des maladies cardio-vasculaires.

En réponse à une question de l'avocat de l'intimé, M. Ingles a dit qu'il recommanderait aux médecins de prescrire des comprimés d'ail aux patients souffrant de maladie du cœur, mais que c'était aux médecins de prescrire les comprimés en fonction des besoins de chaque cas.

Quant à savoir si les huit effets décrits ci-dessus étaient, selon M. Ingles, des maladies en soi, ce dernier a expliqué que chaque effet était soit une maladie soit le symptôme d'une maladie. À un stade avancé, certains des symptômes sont considérés comme des maladies. M. Ingles mentionne, par exemple, que la perte considérable d'élasticité vasculaire est définie comme de l'artériosclérose, qui est considérée comme une maladie. M. Ingles reconnaît aussi que des facteurs tels que l'âge, le sexe, le régime, la grossesse, la ménopause et certaines habitudes de vie (par exemple, usage du tabac et condition physique) ont, ou peuvent avoir, des effets sur un ou plusieurs de ces effets. M. Ingles a expliqué que les essais étaient cependant conçus de manière à tenir compte de ces facteurs et que, par exemple, la distribution par sexe ou par âge dans le groupe expérimental et dans le groupe témoin était équilibrée.

En ce qui concerne les éléments de preuve documentaires fournis par l'appelante, M. Ingles a reconnu que les documents n'étaient pas tous de véritables études, mais que beaucoup étaient plutôt des comptes rendus d'études. M. Ingles a aussi mentionné qu'il était bien compris et généralement admis, à la suite d'une étude célèbre réalisée par le groupe de Framingham, qu'une réduction de 1 p. 100 du taux de cholestérol est égale à une réduction de 2 p. 100 des risques associés aux maladies cardio-vasculaires. M. Ingles a reconnu que ladite étude n'était pas au dossier, mais a ajouté qu'elle était bien connue dans le milieu médical. En se fondant sur les conclusions de cette étude, M. Ingles a affirmé qu'une réduction de 12 p. 100 du cholestérol, c'est-à-dire la réduction médiane que les comprimés normalisés Kwai sont censés réaliser, équivalait plus ou moins à une réduction de 25 p. 100 des risques de maladies du cœur.

L'avocat de l'intimé a mis en doute la validité des conclusions de certaines des études, soit par suite d'une explication inadéquate ou d'une lacune dans le concept expérimental de ces études. Par exemple, l'avocat a fait remarquer que plusieurs études portaient sur des hommes et des femmes d'âge divers et qu'il ne semblait pas que ces facteurs aient été correctement considéré dans la conception de l'étude. M. Ingles a répondu que plusieurs tentatives d'équilibrer des facteurs comme l'âge et le sexe avaient été faites, mais que ce qui était pertinent, c'était la signification statistique des résultats.

Face à la suggestion de l'avocat de l'intimé que les conclusions réservées de plusieurs de ces essais constituaient une reconnaissance du caractère un peu suspect de l'efficacité de l'ail, M. Ingles a répondu que tirer cette conclusion est comme douter de l'efficacité de l'aspirine dans le traitement d'un mal de tête ordinaire uniquement parce que l'aspirine n'est pas aussi puissante que la morphine. Il a ajouté qu'il y avait différents degrés de maladies du cœur et que la thérapie par l'ail est bénéfique, bien qu'elle ne soit pas aussi puissante que certains autres traitements.

M. Sam Kacew, Ph.D., Département de pharmacologie de l'Université d'Ottawa, a témoigné pour le compte de l'intimé à titre de témoin expert en pharmacologie. Le Pr Kacew a également eu la permission de donner son opinion sur la question de savoir si les documents présentés à titre d'éléments de preuve par l'appelante constituent des preuves scientifiques valables que les marchandises en cause sont des médicaments.

En résumé, selon le Pr Kacew, les rapports soumis par l'appelante ne sont pas des éléments de preuve fiables que l'ail est un médicament parce que lesdits rapports ne contiennent pas de données et ne citent aucune preuve scientifique. Le Pr Kacew a mentionné cette lacune à maintes reprises en réponse à des questions sur la valeur de ces rapports. Le Pr Kacew a fourni des détails considérables sur les erreurs méthodologiques et les lacunes statistiques inhérentes à la conception des expériences de bon nombre de ces études. Ces défauts peuvent se résumer au fait que les concepteurs de l'expérience n'ont pas réussi à séparer convenablement ou à expliquer la plupart des variables. Ainsi, selon le Pr Kacew, il est impossible de déterminer si l'effet observé provient du traitement ou s'il a été causé par une des variables. À titre d'exemple, le Pr Kacew a expliqué que, si des hommes et des femmes participent à un essai, ils doivent être séparés pour que les résultats de l'étude soient significatifs, étant donné que les niveaux de lipides sanguins peuvent être différents selon les sexes. Donc, ils doivent être séparés dans un essai clinique pour que l'étude produise des résultats significatifs.

Le Pr Kacew a aussi fait remarquer que plusieurs documents n'étaient pas des études, mais simplement le résultat de recherches par Medline. Dans deux ou trois cas, il a reconnu que les documents présentés au Tribunal étaient de véritables études mais a ajouté que, dans chacun de ces cas, la conception de l'essai était imparfaite et les conclusions obtenues et publiées ne pouvaient pas être considérées comme fiables.

Le représentant de l'appelante a soutenu que la preuve de l'efficacité d'un produit n'était pas nécessaire pour que les marchandises soient classées dans la position no 30.04, mais que le classement est fondé sur la notion d'utilisation prévue et sur le fait que les marchandises ont été prévues pour la vente au détail sous forme de doses. Il a fait remarquer que l'avocat de l'intimé n'avait présenté ni Notes légales ni Notes de Section pour appuyer ses prétentions sur la nécessité de la preuve de l'efficacité. Pour appuyer la position de l'appelante, le représentant a cité la note 2 de la Section VI de l'annexe I du Tarif des douanes, selon laquelle « tout produit qui, en raison, soit de sa présentation sous forme de doses, soit de son conditionnement pour la vente au détail, relève de l'un des nos 30.04, [...] devra être classé sous cette position et non dans une autre position de la Nomenclature ».

Faisant référence à la décision du Tribunal dans l'affaire Hung Gay Enterprises Ltd.c. L e sous - ministre du Revenu national [13] , dans laquelle le produit est décrit comme un remède traditionnel chinois à base d'herbes pris pour guérir un état de disharmonie du yin et du yang [14] , le représentant de l'appelante a fait remarquer que le Tribunal avait conclu que le produit était un médicament, malgré l'absence de preuves de son efficacité, en se fondant sur le fait que le produit en cause est mis en vente au détail et contient un verre à mesurer ainsi que des instructions sur la posologie.

Le représentant de l'appelante a également mentionné la décision du Tribunal dans l'affaire Yves Ponroy Canadac. L e sous-ministre du Revenu national [15] , dans laquelle le Tribunal a déterminé que les compléments alimentaires pouvant être utilisés pour prévenir ou traiter une maladie ou une affection quelconque peuvent être classés dans la position no 30.04, à condition qu'ils soient présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

D'après le représentant de l'appelante, si la preuve de l'efficacité était requise pour que le produit soit classé dans la position no 30.04, il faudrait un haut niveau d'expertise pour évaluer la recherche justificative qui servirait à classer correctement les produits similaires et, de plus, il faudrait une décision du Tribunal dans le cas de chaque « médicament ».

À propos de la pertinence de la décision du Tribunal dans l'affaire Flora Distributors Ltd.c. L e sous-ministre du Revenu national [16] , le représentant de l'appelante a noté que le litige, dans cette affaire, consistait à déterminer si les capsules d'ail étaient des huiles essentielles, qui sont classées dans la position no 33.01, ou des compléments alimentaires, qui sont classés dans la position no 21.06. Le représentant a fait remarquer que, en décidant que les capsules d'ail n'étaient pas des huiles essentielles mais des compléments alimentaires, il n'a jamais été question que ces marchandises pouvaient en fait être des médicaments et aucun élément de preuve à cet effet n'a été présenté au Tribunal au cours de cette procédure.

Le représentant de l'appelante a ensuite attiré l'attention du Tribunal sur le paragraphe 16 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [17] (les Notes explicatives) de la position no 21.06, qui précise, entre autres, ce qui suit :

Les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires […] présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues (n os 30.03 ou 30.04).

Le représentant de l'appelante a ensuite fait référence à la Note A)12) des Notes explicatives de la position no 13.02 pour montrer que, à un autre endroit de la nomenclature tarifaire, l'ail était inclus dans le groupe des « autres extraits médicinaux ». De plus, la décision du Tribunal dans l'affaire Upjohn Inter - American Corporationc. L e sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [18] , à laquelle l'avocat de l'intimé a renvoyé, n'était pas très utile pour le présent appel, étant donné qu'elle concernait la position no 30.03 et non la position no 30.04.

En ce qui concerne la position no 21.06, le représentant de l'appelante a soutenu que, dans la mesure où cette position renvoie à des « [p]réparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs », il s'agit d'un classement résiduel qui doit être utilisé en dernier ressort. Il a soutenu que, si une autre position convenait, c'est celle-ci qui s'appliquerait. Le représentant s'est également appuyé sur la décision de la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Shaklee Canada Inc.c. Sa Majesté la Reine [19] pour soutenir que les marchandises en cause n'étaient ni des aliments ni des préparations alimentaires.

Le représentant de l'appelante a pris acte des sept avis extraits du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [20] (les Avis de classement) par l'intimé et a fait remarquer que seulement trois de ces sept avis avaient trait à la position no 21.06. Par conséquent, trois avis seulement peuvent possiblement être utiles. Il a fait remarquer que, dans les trois cas, le comité qui a formulé l'avis l'a fait sans le bénéfice de témoignages d'experts. De plus, aucun de ces avis ne concerne les marchandises en cause ni ne donne les raisons sur la manière dont le comité est parvenu à sa décision de classer certaines marchandises dans la position no 21.06.

En conclusion, le représentant de l'appelante a soutenu que les marchandises en cause devraient être classées dans la position no 30.04 pour le motif que leur effet thérapeutique ou prophylactique est prouvé, qu'elles sont conditionnées pour la vente au détail et que leur usage prévu est la diminution du taux de cholestérol. Cependant, il a admis que l'emballage ne fait nullement mention de l'usage prévu, mais a expliqué l'absence de cette indication par la nécessité de se conformer à la réglementation nationale. De toute manière, cet usage est clairement indiqué dans les brochures et dans la documentation scientifique.

L'avocat de l'intimé a commencé son plaidoyer en caractérisant la présente affaire, et les affaires semblables, de « question des aliments de santé ». Il a dit que le litige entoure le classement de produits comestibles dont la consommation est censée être bonne pour la santé. Plus précisément, ces marchandises devraient-elles faire partie des préparations alimentaires, et être classées dans la position no 21.06, ou des médicaments, et être classées dans la position no 30.04? L'avocat a soutenu que, jusqu'à la publication de la décision du Tribunal dans l'affaire Yves Ponroy, l'intimé avait tenu pour acquis que la question était essentiellement une question de fait et que, si un importateur pouvait fournir des éléments de preuve montrant qu'un aliment de santé ou un produit à base de plantes médicinales pouvait véritablement prévenir la maladie, ou la traiter, les marchandises seraient classées dans les médicaments. Cependant, si les éléments de preuve montrent simplement que ces produits contribuent au bien-être général, plutôt que d'être vraiment efficaces pour combattre la maladie, ces produits devraient être classés dans les préparations alimentaires.

Cependant, l'avocat de l'intimé a soutenu que le Tribunal, dans sa décision de l'affaire Yves Ponroy, semble avoir décidé qu'un importateur n'est pas obligé de montrer qu'un produit est scientifiquement prouvé être un médicament efficace pour qu'il soit classé dans la position no 30.04. Il suffit qu'il comporte une indication relative à son utilisation pour la prévention ou le traitement de la maladie et qu'il soit présenté sous forme de doses ou conditionné pour la vente au détail.

Selon l'avocat de l'intimé, le Tribunal s'est servi du mauvais critère dans l'affaire Yves Ponroy. Il a demandé au Tribunal de décider plutôt que l'efficacité médicale est pertinente pour déterminer si des marchandises importées sont des médicaments, plutôt que des préparations alimentaires. De ce fait, l'avocat a soutenu que le présent appel devrait être rejeté pour manque d'éléments de preuve. Subsidiairement, l'avocat a soutenu que, puisque les marchandises en cause ne comportent pas d'indication relative à leur utilisation pour prévenir ou traiter la maladie, elles ne se qualifient pas comme des « médicaments » en vertu de la norme appliquée dans l'affaire Yves Ponroy.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il est bien établi que, dans le contexte d'un appel, c'est à l'appelante de prouver que la décision de l'intimé était incorrecte. Il a également allégué que, contrairement à ce que prétend le représentant de l'appelante, en vertu de l'article 11 du Tarif des douanes, les Avis de classement sont généralement pertinents lorsqu'il s'agit de déterminer le classement.

Poursuivant cet argument, l'avocat de l'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont simplement de l'ail broyé encapsulé et que l'ail est de toute évidence un aliment. Il a attiré l'attention du Tribunal sur la définition de « garlic » (« ail ») du Concise Oxford Dictionary of Current English [21] , qui précise, en partie, ce qui suit : « any of various alliaceous plants ... the strong-smelling pungent-tasting bulb of this plant, used as a flavouring in cookery » [22] (« plante du genre Allium [...] le bulbe à odeur forte et saveur piquante de cette plante est utilisé comme condiment en cuisine »). En citant cette définition, l'avocat a soutenu que la seule différence entre l'ail ordinaire et les marchandises en cause était le fait que ces dernières ont été préparées et traitées, de façon à être encapsulées dans plusieurs couches d'enrobage pour permettre au consommateur d'ingérer de l'ail sans qu'il y ait de problème de mauvaise haleine. L'avocat a également soutenu que les marchandises en cause étaient des « préparations alimentaires » et noté que le mot « preparation » (« préparation ») est défini de la façon suivante : « specially prepared substance, esp. a food or medicine » [23] (« substance spécialement préparée, en particulier un aliment ou un médicament »).

L'avocat de l'intimé a également renvoyé le Tribunal à la décision qu'il a rendue dans l'affaire Flora Distributors. Bien que les faits de cette affaire ne soient pas en relation directe, le Tribunal est alors arrivé à la conclusion suivante :

De l'avis du Tribunal, les marchandises en cause correspondent effectivement à la description générale des préparations alimentaires non dénommées ni incluses ailleurs dans la position no 21.06, ainsi qu'à celle donnée dans les notes explicatives qui s'y rapportent. Les Notes explicatives de la position no 21.06 indiquent qu'elle englobe « [l]es préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires, à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnées de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer ». Les Notes explicatives ajoutent en outre que ces « préparations sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé ». Les éléments de preuve présentés au Tribunal indiquent que les marchandises en cause sont des suppléments alimentaires provenant d'extraits de plantes, en l'occurrence des gousses d'ail, présentés dans des emballages. Le Tribunal reconnaît que l92'étiquette apposée sur les marchandises en cause n'indique pas que leur but est de maintenir l'organisme en bonne santé. Cependant, les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause sont utilisées à cette fin [24] .

L'avocat de l'intimé a maintenu que la situation est la même dans la présente affaire. Il a particulièrement fait remarquer que les Notes explicatives de la position no 21.06 renvoient, entre autres choses, aux « préparations destinées à être utilisées, soit en l'état, soit après traitement [...] dans l'alimentation humaine [...] 8) [aux] comprimés pour usages alimentaires, à base de parfums naturels ou artificiels [...] 14) [aux] produits constitués par un mélange de plantes ou parties de plantes [...] d'espèces différentes ou par des plantes ou parties de plantes [...] d'une ou plusieurs espèces mélangés avec d'autres substances [...] qui ne sont pas consommés en l'état, mais sont des types utilisés pour la préparation d'infusions ou de tisanes, y compris les produits censés apporter le soulagement de certains maux ou contribuer au bon état général et au bien-être [... et] 15) [aux] mélanges constitués par des plantes [...] qui ne sont pas destinés à être consommés en l'état, mais sont des types utilisés soit directement pour aromatiser des boissons ». Bien que l'avocat ait concédé que les marchandises en cause ne sont pas nettement classées dans l'un de ces paragraphes, il a ajouté que l'énumération des produits de la position no 21.06 commence par les mots « [s]ont notamment classés ici », ce qui indique que la liste des marchandises dans les Notes explicatives n'est pas exhaustive des marchandises pouvant être classées dans la position no 21.06.

Alléguant que les marchandises en cause ne sont pas des médicaments, l'avocat de l'intimé a soutenu que les Notes explicatives de la position no 30.03, en particulier la référence aux « préparations médicamenteuses sous forme de mélanges, de la nature de celles qui figurent dans les pharmacopées officielles, et les spécialités pharmaceutiques [...] etc. », s'appliquent également à la position no 30.04 parce que les deux positions sont si clairement reliées. La seule vraie distinction entre les deux positions est que la position no 30.03 concerne les produits en vrac, tandis que la position no 30.04 s'applique aux produits conditionnés pour la vente au détail.

Se tournant vers la jurisprudence, l'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelante est obligée de prouver que les marchandises sont des préparations médicamenteuses utilisées pour traiter ou prévenir la maladie [25] . Il a allégué que le simple fait d'indiquer que des marchandises sont utilisées comme préparations médicamenteuses est insuffisant. Il doit exister des preuves scientifiques réelles de l'efficacité du produit. Il a allégué que cette façon de voir est appuyée par les Notes explicatives de la position no 30.04, qui précisent, entre autres, que les marchandises qui sont censées traiter des affections ou contribuer à la santé générale et au bien-être, mais dont les infusions ne constituent pas une dose thérapeutique ou prophylactique d'un ingrédient actif spécifique à une affection, sont exclues de cette position. Il estime que les Notes explicatives invitent le Tribunal à faire une distinction entre les produits de santé qui prétendent simplement soulager des affections et les véritables médicaments qui contiennent une dose thérapeutique ou prophylactique d'un ingrédient actif. Autrement dit, une préparation alimentaire est un produit qui prétend simplement soulager, tandis qu'un médicament est un produit qui, de fait, soulage.

L'avocat de l'intimé a ensuite allégué que plusieurs des Avis de classement contiennent de nombreux exemples de produits qui font état de propriétés médicamenteuses, mais qui ne sont pas inclus dans la position no 30.04. Il mentionne, par exemple, que le Comité de la Nomenclature qui émet les Avis de classement a décidé que la racine de ginseng n'était pas un médicament. Il est noté dans l'Avis de classement qui concerne le ginseng que « les effets thérapeutiques ou prophylactiques du ginseng sont plutôt douteux et que le ginseng n'est pas généralement accepté comme médicament » [traduction]. Il a allégué, en se fondant sur ces décisions, que ce que le Comité avait en tête, c'est qu'il faut fournir des éléments de preuve scientifiques pour montrer l'efficacité des marchandises. Il a fait remarquer que, dans l'affaire Yves Ponroy, le Tribunal n'avait pas explicitement tenu compte des avis et des décisions du Comité de la Nomenclature. Bien que l'avocat reconnaisse que les Notes explicatives ne disent pas explicitement que des preuves scientifiques sont requises, il a mis en doute le fait que des Notes explicatives puissent établir exactement quels éléments de preuve sont requis.

L'avocat de l'intimé a soutenu que des éléments de preuve scientifiques sont requis dans tous les cas, à l'exception peut-être de certains médicaments dont l'efficacité est si généralement acceptée et notoire qu'il serait possible, en fait, d'admettre d'office que ce sont des médicaments.

Pour prouver son affirmation que l'appelante n'a pas réussi à prouver que les marchandises en cause sont des médicaments, l'avocat de l'intimé s'est surtout attaché aux prétendus effets de l'ail sur les taux de cholestérol et de triglycérides. Il a soutenu qu'aucun des documents déposés à titre d'éléments de preuve par l'appelante n'appuie cette prétention. Grâce au témoin de l'intimé, il a été montré que les études ou essais ne sont pas fiables et que les conclusions tirées par l'appelante sur l'utilisation thérapeutique ou prophylactique des marchandises sont non fondées.

L'avocat de l'intimé a également fait remarquer que, même si le « critère » utilisé dans l'affaire Yves Ponroy était appliqué dans la présente affaire, les marchandises en cause ne satisferaient pas à ce critère, étant donné que leur emballage ne comporte aucune indication de la prétendue utilisation thérapeutique ou prophylactique. Bien qu'il ait pris bonne note de ce que dit le témoin de l'appelante pour expliquer l'absence de cette indication, il a soutenu que ces restrictions ne sont pas pertinentes.

En conclusion, l'avocat de l'intimé a soutenu que, même si l'appelante avait raison de penser que les Notes explicatives de la position no 30.03 ne peuvent pas s'appliquer à la position no 30.04, cette logique s'appliquerait également à l'argument de l'appelante selon lequel les Notes explicatives de la position no 13.02 appuient le point de vue selon lequel les extraits d'ail sont des médicaments. En outre, le Conseil de coopération douanière indique clairement que l'efficacité est pertinente.

En classant les marchandises dans l'annexe I du Tarif des douanes, le Tribunal est conscient de la très grande importance de la Règle 1 des Règles générales d'interprétation du Système harmonisé [26] . Cette règle établit que le classement est d'abord déterminé en fonction des termes des positions et de toute Note de Chapitre s'y rapportant. Le Tribunal doit par conséquent déterminer si les marchandises en cause sont nommées ou décrites de façon générale dans une position particulière. Si elles le sont, elles doivent alors être classées dans cette position sous réserve de toute Note de Chapitre s'y rapportant. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte des Avis de classement et des Notes explicatives.

Le Tribunal est d'accord avec l'avocat de l'intimé pour dire que la présente affaire s'inscrit fondamentalement dans une série qui porte sur le classement de marchandises pouvant être considérées comme des préparations alimentaires ou comme des médicaments. Le Tribunal fait aussi remarquer que beaucoup de Notes explicatives dont il faut tenir compte ne sont pas elles-mêmes parfaitement claires et dépourvues d'ambiguïté et qu'il est quelquefois difficile de découvrir la véritable intention de plusieurs énoncés.

Que les marchandises en cause puissent être classées soit dans la position no 21.06 ou dans la position no 30.04 semble clair. De toute évidence, l'ail est un aliment. Que la poudre d'ail normalisée, encapsulée et ainsi présentée pour la vente au détail devrait être considérée comme un aliment n'est toutefois pas aussi clair. Par contre, il est également clair que les comprimés d'ail sont présentés, en général, comme des médicaments et que beaucoup les considèrent comme tels.

L'argument principal de l'avocat de l'intimé est que, pour que les marchandises en cause puissent être considérées comme des médicaments, il doit exister un ensemble de preuves scientifiques à l'appui de toute prétention d'utilité ou d'efficacité lorsque les marchandises sont utilisées à des fins prophylactiques ou thérapeutiques. Bien que, de l'avis du Tribunal, cela puisse sembler une norme raisonnable, elle n'a aucun fondement dans la nomenclature, les Notes explicatives ou les Avis de classement.

Le représentant de l'appelante soutient qu'il est parfaitement clair dans les Notes explicatives que l'emballage et la façon de présenter les marchandises déterminent si celles-ci sont classées dans une position ou dans l'autre. Néanmoins, ayant pris cette position, le représentant a présenté un grand nombre de documents qui appuient son point de vue, fondé sur la prétendue efficacité des marchandises, selon lequel celles-ci sont des médicaments.

Pour sa part, l'avocat de l'intimé admet promptement que, s'il existait des éléments de preuve probants de leur efficacité, les marchandises seraient classées dans la position no 30.04 à titre de médicaments, mais qu'aucun élément de preuve n'appuie cette affirmation.

Le Tribunal croit, pour sa part, qu'il doit exister des indications raisonnables que les marchandises sont des médicaments, mais ne considère pas qu'il serait raisonnable ou nécessaire d'appliquer des normes rigoureuses comme le demande avec insistance l'avocat de l'intimé. Le Tribunal ne trouve nulle part, dans les termes des positions ou dans les Notes explicatives, d'appui à l'argument selon lequel la preuve scientifique inattaquable et documentée de l'efficacité est exigée pour le classement. En fait, si c'était le cas, les Notes explicatives deviendraient redondantes.

Cela étant dit, le Tribunal croit qu'il est clair également que simplement déclarer qu'un produit est un médicament n'en fait pas un médicament. En fait, dans la présente affaire, l'appelante a déposé un ensemble considérable d'éléments de preuve pour montrer que les marchandises sont des médicaments. Parmi les éléments de preuve documentaires présentés par l'appelante, plusieurs études ou résumés d'études ont un poids particulier. En ce qui concerne ces documents, le Tribunal accepte, en général, le témoignage du témoin expert sur les lacunes dans la conception des différents essais, lacunes qui sont telles que de nombreuses conclusions ne sont pas fiables. Par ailleurs, il est presque impossible de considérer comme complètement non fondée, et de rejeter, l'allégation selon laquelle les propriétés médicamenteuses de ces marchandises sont reconnues. Il s'agit là de l'opinion de spécialistes éminents des maladies cardio-vasculaires, comme le Dr Melvin et le Dr Belz. Le Tribunal est conscient que cet avis est simplement celui dont les médias ont fait état, mais leur accorde un certain poids. Bien que ces remarques ne prouvent pas l'efficacité des marchandises, elles indiquent de façon certaine que beaucoup considèrent qu'elles possèdent des propriétés médicinales.

En tentant d'appliquer les Notes explicatives de la position no 30.03 à la position no 30.04, l'avocat de l'intimé a soutenu que la seule distinction réelle entre les marchandises qui peuvent être classées dans la position no 30.03 et celles qui peuvent être classées dans la position no 30.04 est simplement que les premières sont des marchandises en vrac, tandis que les dernières ont été conditionnées pour la vente au détail. Il semble au Tribunal que la raison de cette distinction est évidente. Lorsque les marchandises sont présentées en vrac, il est nécessaire qu'elles soient connues comme médicaments, d'où la référence aux marchandises qui figurent dans les pharmacopées officielles, aux médicaments brevetés, etc. Cependant, lorsque les marchandises sont « présentées sous forme de doses pour la vente au détail » aucune autre information n'est nécessaire étant donné qu'elles satisfont aux exigences des Notes explicatives.

En ce qui concerne la position no 21.06, la première question dont le Tribunal doit se saisir est de déterminer si des marchandises peuvent être décrites comme des « préparations alimentaires ». Le Tribunal est d'avis que la réponse à cette question n'est pas évidente. Les marchandises en cause sont présentées sous forme de comprimés normalisés, et leur apparence n'indique pas clairement que ce sont des compléments alimentaires. Cependant, la consultation des Notes explicatives de la position no 21.06 révèle que plusieurs produits qui ne semblent pas être des préparations alimentaires sont, néanmoins, classés comme telles.

Pour bien comprendre le champ d'application prévu pour les Notes explicatives de la position no 21.06, il est utile de les lire en entier. La première partie des Notes explicatives déclare que certaines « [p]réparations alimentaires » sont classées dans cette position « [à] condition qu'elles ne soient pas reprises dans d'autres positions de la Nomenclature ». Autrement dit, il s'agit d'une position résiduelle pour les marchandises qui ne sont pas prévues ailleurs. Les Notes explicatives définissent ensuite deux groupements. Le groupe A comprend les « préparations destinées à être utilisées, soit en l'état, soit après traitement (cuisson, dissolution ou ébullition dans l'eau ou le lait, etc.), dans l'alimentation humaine ». Le groupe B comprend les « préparations composées entièrement ou partiellement de substances alimentaires, entrant dans la préparation de boissons ou d'aliments ». Les marchandises en cause ne font partie ni de l'un ni de l'autre groupement puisqu'elles ne sont utilisées dans aucun aspect de la préparation des aliments. Cependant, les Notes explicatives poursuivent en offrant pas moins de 16 exemples de types de marchandises incluses dans la position no 21.06. De ceux-ci, les 15 premiers ne sont pas pertinents, étant donné que le type de marchandises qui est décrit dans chaque cas est invariablement utilisé pour la préparation d'autres aliments ou de boissons ou pour la consommation ou pour être ingéré en l'état (p. ex., « 5) [...] miel naturel enrichi de gelée royale d'abeilles »).

Le dernier exemple cité vise des « préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires, à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnées de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer. Ces préparations sont souvent présentées dans des emballages indiquant qu'elles sont destinées à maintenir l'organisme en bonne santé. Les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues (n os 30.03 ou 30.04) » (soulignement ajouté).

Il y a au moins trois motifs pour lesquels il faut conclure que les comprimés normalisés d'ail ne peuvent pas être inclus dans la position no 21.06. Premièrement, ils ne sont pas présentés comme des compléments alimentaires, en dépit du fait qu'ils pourraient être définis comme tels. Deuxièmement, ils ne contiennent pas de vitamines ajoutées. Troisièmement, et il s'agit peut-être là de la raison la plus significative, la dernière phrase des Notes explicatives non seulement exclut les préparations similaires destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections, mais précise que ce sont des produits des positions no 30.03 ou 30.04.

Il est à noter ici que la phrase utilise le mot « destinées », ce qui représente une norme bien moins élevée que celle sur laquelle l'intimé insiste.

L'analyse pourrait s'arrêter ici, puisqu'il est clair que les marchandises en cause n'ont de place évidente nulle part dans la position no 21.06, et qu'il est impossible d'interpréter un des 16 exemples pour qu'il inclue les marchandises. Cependant, il faut mentionner que les 16 exemples sont précédés du mot « notamment », ce qui signifie que la liste n'est pas exhaustive. Il est, par conséquent, raisonnable d'examiner les Notes explicatives relatives à la position no 30.04 afin de déterminer si elles peuvent clairement inclure ou spécifiquement exclure les marchandises en cause.

En ce qui concerne la position no 30.04, le Tribunal note qu'elle prévoit le classement de « [m]édicaments [...] constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentées sous forme de doses ou conditionnées pour la vente au détail ».

Bien que l'avocat de l'intimé ait demandé avec insistance au Tribunal de reconsidérer son raisonnement dans l'affaire Yves Ponroy, en ce qui concerne principalement la question de l'efficacité des marchandises qui peuvent être classées dans la position no 30.04, le Tribunal ne voit aucune raison de le faire, pour les raisons mentionnées précédemment. Le Tribunal est d'avis que les Notes explicatives de la position no 30.04 n'exigent pas que l'efficacité des produits classés dans cette position soit scientifiquement prouvée. Autrement dit, il n'est pas nécessaire de montrer qu'un produit guérit réellement une affection ou une maladie pour que ce produit soit considéré comme un médicament.

Le Tribunal souligne ses commentaires dans l'affaire Baxter Corporationc. L e sous-ministre du Revenu national [27] , dans lesquels le Tribunal renvoie à la décision qu'il a rendue dans l'affaire Upjohn, lorsqu'il a été décidé que, « [s]elon le Tribunal, la position no 30.04 renvoie à des substances utilisées pour traiter des maladies ou pour les prévenir. C'est ce qui ressort des définitions de dictionnaires du terme « therapeutic » (thérapeutique), qui signifie « curative; of the healing art » (curatif; pratiques destinées à guérir) et du terme « prophylactic » (prophylactique), qui signifie « tending to prevent disease or other misfortune (qui vise à prévenir une maladie ou une adversité) » [28] . Selon le Tribunal, cela signifie que, pour qu'un produit soit classé dans la position no 30.04, il doit faire preuve de certaines propriétés « curatives » afin que son utilisation dans le traitement d'une maladie soit acceptée. Le Tribunal note que le New Lexicon Webster's Dictionary of the English Language dit que le mot « curative » (« curatif ») signifie « having remedial properties, helping to cure » [29] (« qui a des propriétés curatives, qui contribue à la guérison »). Le Tribunal est d'avis que suffisamment d'éléments de preuve indiquant que les comprimés d'ail possèdent des propriétés curatives contribuant à la « guérison » ou au « traitement » des maladies cardio-vasculaires ont été déposés au dossier dans la présente affaire. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les comprimés d'ail en cause peuvent être définis comme des médicaments aux fins du classement dans la position no 30.04.

Bien que le Tribunal reconnaisse devoir, en vertu de l'article 11 du Tarif des douanes, tenir compte des Avis de classement pour l'interprétation des positions et des sous-positions, aucun des Avis de classement présentés par l'avocat de l'intimé n'est, de l'avis du Tribunal, pertinent pour déterminer le classement des marchandises en cause. Les Avis de classement présentés par l'avocat concernaient d'autres produits que des capsules d'ail. De plus, les Avis de classement ne portaient pas réellement sur la question de l'efficacité.

Étant donné que toutes les conditions de la position no 30.04 ont été, de l'avis du Tribunal, respectées, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.99.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L’article 3.2 du Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, ajouté par DORS/95-27, le 22 décembre 1994, Gazette du Canada Partie II, vol. 129, no 1 à la p. 96, prévoit, en partie, que le président du Tribunal peut, compte tenu de la complexité des questions en litige et du précédent susceptible d’en découler, décider qu’un seul membre constitue le quorum aux fins de connaître de tout appel interjeté devant le Tribunal aux termes de la Loi sur les douanes.

2. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Transcription de l’audience publique, le 8 décembre 1997 à la p. 15.

5. Pièce 11C, Kwai Scientific Brochure à la p. 4.

6. M. Ingles a dit que le terme « claudication » décrit une affection touchant les personnes vieillissantes et leur causant de la douleur dans les jambes lorsqu’elles marchent.

7. Supra note 5 à la p. 8.

8. Pièce 11K, Women’s Health Matters, vol. 1, no 7, mars 1995.

9. Pièce 11L, Natural Health Products Report, août-septembre 1997 à la p. 14.

10. Pièce 11X, Groupe d'études sur la phytothérapie, Association allemande des médecins omnipraticiens.

11. Ibid. à la p. 7.

12. À ce sujet, il a été fait mention d'une étude effectuée par le Dr Melvin intitulée Effects of Garlic Powder Tablets on Patients with Hyperlipidaemia in Canadian Clinical Practice («Effets des comprimés de poudre d'ail sur les patients atteints d'hyperlipémie en médecine clinique au Canada»), pièce 11W à la p. 32.

13. Appel no AP-96-044, le 5 juin 1997.

14. Ibid. à la p. 5.

15. Appel no AP-96-117, le 5 décembre 1997.

16. Appel no AP-94-199, le 8 octobre 1996.

17. Conseil de coopération douanière, 1reéd., Bruxelles, 1986.

18. Appel no AP-90-197, le 20 janvier 1992.

19. Non publiée, numéro du greffe T-3012-90, le 28 février 1995.

20. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

21. Huitième éd., Oxford, Clarendon Press, 1990.

22. Ibid. à la p. 486.

23. Ibid. à la p. 941.

24. Supra note 16 à la p. 7.

25. Supra note 18.

26. Supra note 3, annexe I.

27. Appel no AP-93-092, le 26 juillet 1994.

28. Ibid. à la p. 5.

29. New York, Lexicon Publications, 1987 à la p. 236.


Publication initiale : le 2 novembre 1998