DOUGLAS ANDERSON ET CREED EVANS

Décisions


DOUGLAS ANDERSON ET CREED EVANS
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-043

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 13 janvier 1999

Appel n o AP-97-043 AP-97-043AP-97-043

EU ÉGARD à une nouvelle audience le 30 novembre 1998 aux termes du paragraphe 68(2) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue le 7 mai 1997 par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada concernant une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DOUGLAS ANDERSON ET CREED EVANS Appelants

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Il s'agit d'une nouvelle audience, à la suite d'une décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada, qui a eu pour effet de renvoyer l'affaire au Tribunal pour réexamen. Les marchandises en cause sont 910 armes à feu de 23 modèles différents. Celles-ci marchandises en causeont été saisies par un agent des douanes et ont de plus été classées par l'intimé en tant que « armes offensives » au sens du code 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes. Le code tarifaire renvoie à la définition de l'expression « armes prohibées » du Code criminel. Le Tribunal a conclu que, à l'exception de trois modèles d'arme à feu, les marchandises en causequestion n'étaient pas des armes prohibées. La Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a annulé la décision du Tribunal et lui a renvoyé l'affaire à cause pour le d'une erreur en droit concernant l'application de la jurisprudence pour interpréter le mot « pouvant », qui est inclus dans la définition de l'expression « arme prohibée » du Code criminel. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont des « armes prohibées ».

DÉCISION : L'appel est rejeté. Étant donné que l'appel a été renvoyé au Tribunal pour réexamen, il ne s'est pas agi d'une audience de novo. La décision du Tribunal se fonde donc sur les éléments de preuve se trouvant au dossier de l'affaire initiale. La jurisprudence a évolué depuis que le Tribunal a rendu sa décision initiale, particulièrement depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sa Majesté la Reinec. Bernhard Hasselwander. En se fondant sur les deux critères développés dans cette décision susmentionnée, à savoir que l'arme peut être transformée en une arme automatique dans un laps de temps assez court et avec assez de facilité, le Tribunal conclut donc que la reconversion d'un échantillon des marchandises en cause en armes automatiques s'est faite en un laps de temps assez court, s'échelonnant de 30 secondes à 37 minutes, et avec assez de facilité, compte tenu des outils et des pièces utilisés. Par conséquent, les marchandises en cause sont visées dans la définition de l'expression « arme prohibée » du Code criminel et sont donc, aux termes du Tarif des douanes, des « armes offensives », dont l'importation au Canada est prohibée.

Lieu de l'audience par voie de vidéoconférence : Hull (Québec) et Edmonton (Alberta) Date de l'audience : Le 30 novembre 1998 Date de la décision : Le mercredi 13 janvier 1999
Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant Raynald Guay, membre Peter F. Thalheimer, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffiers : Margaret Fisher et Anne Turcotte
Ont comparu : Rod J.A. Gregory, pour l'un des appelants (Douglas Anderson) Jocelyn Sigouin, pour l'intimé





Il s'agit d'une nouvelle audience d'un appel, entendue aux termes du paragraphe 68(2) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), à la suite d'une décision rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada (la Cour fédérale) qui a eu pour effet d'annuler une décision rendue par le Tribunal dans le cadre de l'appel initial et de lui renvoyer l'affaire pour réexamen [2] . Cette nouvelle audience s'est tenue par voie de vidéoconférence à Hull (Québec) et Edmonton (Alberta).

Comme dans le cadre de la décision initiale du Tribunal, les marchandises en cause sont 910 armes à feu de 23 modèles différents. Les marchandises en cause ont été saisies par un agent des douanes et ont de plus 9‚té classées par l'intimé en tant que « armes offensives » au sens du code 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes [3] , qui renvoie à la définition de l'expression « armes prohibées » sens du Code criminel [4] . Le Tribunal, dans sa décision initiale, a conclu que, à l'exception de trois modèles d'arme à feu, les marchandises en cause n'étaient pas des armes prohibées au sens du Code criminel et n'étaient donc pas visées des « armes offensives » au sens du Tarif des douanes. Les appelants et l'intimé ont interjeté appel de la décision auprès de la Cour fédérale.

La décision du Tribunal était fondée, notamment, sur son interprétation de la jurisprudence concernant l'interprétation de l'expression « arme prohibée » dans les affaires procédures au criminelles. Un des arguments particuliers qui a alors été présenté se rapportait à la possibilité de reconvertir les armes à feu. Ces dernières, avant leur importationau Canada, avaient été modifiées pour, censément, empêcher leur utilisation en mode automatique. Il s'est agi d'un argument crucial étant donné que, selon le Code criminel, l'expression « arme prohibée » signifie « toute arme à feu [...] pouvant tirer rapidement plusieurs balles pendant la durée d'une pression sur la détente » (soulignement ajouté). La jurisprudence invoquée gravitait autour de l'interprétation du mot « pouvant », d'où l'importance de la question de reconversion.

Dans sa décision, le Tribunal, après avoir examiné la jurisprudence, a exprimé un avis sur sa non-pertinence aux fins de classement tarifaire par rapport à une affaire criminelle. La Cour fédérale a conclu à une erreur d'interprétation à cet égard. L'affaire a donc été renvoyée au Tribunal pour réexamen. La seule question dont le Tribunal est saisi est donc une question de droit. De plus, à la lumière des motifs et de l'ordonnance de la Cour fédérale, le réexamen du Tribunal a porté sur l'application des interprétations judiciaires de l'expression « arme prohibée » aux éléments de preuve au dossier. Il ne s'agissait pas d'une audience de novo. Par conséquent, à l'audience, les avocats ont invoqué les éléments de preuve présents au dossier de l'affaire initiale, y compris les témoignages d'expert présentés par les armuriers convoqués par chacune des parties pour expliquer soit la conversion faite avant l'importation, soit la reconversion effectuée à partir d'une sélection au hasard d'armes à feu de chaque modèle.

Dans son exposé oral, l'avocat de l'un des appelants, Douglas Anderson, (l'avocat de l'appelant), a reconnu que, depuis la saisie des marchandises en cause, la jurisprudence a sensiblement évolué, particulièrement à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sa Majesté la Reinec. Bernhard Hasselwander [5] . L'avocat a admis que, à la lumière pour le motifdes éléments de preuve au dossier, il semblait possible de reconvertir certaines des marchandises en causequestion en armes entièrement automatiques. L'avocat a en outre admis que, même si les marchandises en cause ont été saisies en 1985, elles sont régies par les dispositions législatives présentement en vigueur. L'avocat a ajouté que la seule question sur laquelle le Tribunal doit statuer consiste donc à déterminer si le temps qu'il a fallu à l'expert de l'intimé pour reconvertir les armes à feu se situe dans les limites établies dans la décision rendue dans l'affaire Hasselwander. L'avocat a soutenu, à cet égard, que l'expert de l'appelant a présenté des éléments de preuve se rapportant à la durée et aux connaissances nécessaires pour reconvertir les marchandises en cause. L'avocat a demandé au Tribunal d'en tenir compte dans l'application des principes établis dans l'affaire Hasselwander.

Invoquant aussi l'affaire Hasselwander, l'avocate de l'intimé a soutenu que la Cour suprême du Canada a déterminé que le mot « pouvant » signifie « pouvant être transformée en une arme automatique dans un laps de temps assez court avec assez de facilité [6] » (soulignement ajouté). L'avocate a de plus invoqué la décision du Tribunal dans l'affaire Special Missions Group Limited c. L e sous-ministre du Revenu national [7] , une affaire , a-t-elle affirmé, similaire à la présente en termes des modifications apportées aux armes à feu. Le Tribunal, dans la cause susmentionnée, a appliqué la décision rendue dans l'affaire Hasselwander et a conclu que les armes à feu pouvaient être reconverties en armes automatiques dans un laps de temps assez court et avec assez de facilité. L'avocate a ajouté que le Tribunal avait aussi conclu que les questions de la disponibilité effective des pièces de rechange et de la connaissance des armes par les personnes qui les importaient n'étaient pas pertinentes. Elle a soutenu que, étant donné le type d'outils et de pièces utilisés en l'espèce pour reconvertir les marchandises en cause en armes au mode automatique, les marchandises en cause pouvaient être reconverties avec assez de facilité. Étant donné que les temps de reconversion s'échelonnent de 30 secondes à 37 minutes, l'avocate a conclu que le laps de temps était aussi assez court. De ce fait, les marchandises en cause étaient des « armes prohibées » au moment de leur importation.

Il convient de prendre note que la plupart des observations écrites de l'avocat de l'appelant portaient sur la disponibilité d'autres programmes et recours, y compris une procédure pour désactiver, sous surveillance de la Gendarmerie royale du Canada, les armes, et la disposition de marchandises importées en contravention de la loi ou la destination des objets abandonnés ou confisqués aux termes des paragraphes 102 et 142 respectivement. Même si, à l'audience, l'avocat a délaissé les observations susmentionnées, le Tribunal souhaite préciser qu'il n'a pas juridiction relativement à l'un quelconque des programmes ou recours susmentionnés. La juridiction du Tribunal, en l'espèce, se limite à la détermination du classement des marchandises en cause aux termes de l'article 67 et du paragraphe 68(2) de la Loi.

Ainsi que l'a reconnu l'avocat de l'appelant, la jurisprudence a considérablement évolué depuis la décision initiale du Tribunal, particulièrement depuis la décision rendue dans l'affaire Hasselwander. Le Tribunal est d'avis que, à la lumière de la décision rendue dans l'affaire Hasselwander, la seule question à trancher consiste à déterminer si le laps de temps et le degré de facilité ou de difficulté de la reconversion par l'expert de l'intimé d'un échantillon des armes à feu en question sont tels qu'ils s'inscrivent dans les limites des paramètres établis dans l'affaire Hasselwander. Le Tribunal fait également observer que, contrairement à la jurisprudence au moment de la décision initiale, il est clair, à la lumière de la décision rendue dans l'affaire Hasselwander, que le mot « capable» dans la version anglaise de la définition de l'expression « prohibited weapon» comprend « a potential for conversion [8] » (« une possibilité de transformation ») et que le mot « pouvant » dans la version française comprend « une possibilité qui doit encore se réaliser, une possibilité à venir par opposition à seulement une capacité immédiate [9] » [. Ibid.] . Ainsi, dans les causes où il est question d'armes à feu converties (ou, d'ailleurs, d'armes à feu reconverties), la Cour suprême du Canada a établi deux critères pour déterminer si une arme à feu peut tirer des balles en mode appelé automatique, à savoir, la conversion en une arme automatique dans un laps de temps assez court et avec assez de facilité.

Après avoir examiné les éléments de preuve à la lumière des critères énoncés dans l'affaire Hasselwander, le Tribunal conclut que la reconversion des marchandises en cause en armes automatiques a été faite en un laps de temps assez court, s'échelonnant de 30 secondes à 37 minutes. Le Tribunal fait observer, à cet égard, qu'il a été conclu, dans l'affaire Special Missions Group, qu'un travail de reconversion de cinq minutes à une heure s'inscrivait dans les limites établies dans la décision Hasselwander. Quant à savoir si les armes à feu en question ont été reconverties avec assez de facilité, le Tribunal est d'avis qu'il convient de tenir compte, notamment, de facteurs comme le type d'outils utilisés (y compris leur nature générale, par opposition à leur nature spécialisée, leur complexité, etc.) et la disponibilité des pièces ou la facilité avec laquelle elles peuvent être soit adaptées soit remplacées. Le Tribunal fait observer, à cet égard, qu'il ressort du témoignage de l'expert de l'intimé que la reconversion a été effectuée non pas dans un atelier d'usinage, mais simplement dans l'atelier de l'armurier du Service de police de Calgary. Le matériel utilisé a inclus une perceuse à colonne, une affûteuse, un outil Dremel, un groupe de soudage à l'arc, un chalumeau oxyacétylénique, du papier d'émeri, des limes, des pierres d'affûtage et des scies à métaux. Quant aux pièces utilisées, il n'a été nécessaire de fabriquer une tête de piston que dans un cas, les têtes de piston ayant, été trouvées, dans les autres cas, avec les armes à feu. Le Tribunal est d'avis que la plupart des outils utilisés ne sont pas complexes et que les pièces utilisées ont été rapidement disponibles ou faciles à remplacer et, par conséquent, que la reconversion satisfait également le deuxième critère établi dans l'affaire Hasselwander. Enfin, le Tribunal fait observer que l'avocat de l'appelant n'a présenté aucun argument concernant les trois modèles d'arme à feu qui pouvaient tirer en mode automatique en leur état au moment de leur expédition.

Le Tribunal conclut que toutes les marchandises en cause sont des « armes prohibées » au sens du Code criminel et qu'elles répondent donc à la définition de l'expression « armes offensives » au sens du code tarifaire 9965 de l'annexe VII du Tarif des douanes, qui en interdit l'importation au Canada.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Douglas Anderson et Creed Evans c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, appel no AP-89-234, le 6 avril 1992.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. L.R.C. (1985), ch. C-46.

5. [ 1993 ] 2 R.C.S. 398.

6. Ibid. à la p. 416.

7. Appel no AP-89-284, le 13 février 1996.

8. Supra note 6.

9. Ibid.


Publication initiale : le 27 janvier 1999