RICHARDS PACKAGING INC. ET DUOPAC PACKAGING INC.

Décisions


RICHARDS PACKAGING INC. ET DUOPAC PACKAGING INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
v.
EASTMAN CHEMICAL CANADA INC.
Appels nos AP-98-007 et AP-98-010

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 10 février 1999

Appels n os AP-98-007 et AP - 98 - 010

EU ÉGARD À des appels entendus le 9 novembre 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RICHARDS PACKAGING INC. ET DUOPAC PACKAGING INC. Appelantes

ET

L E SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

ET

EASTMAN CHEMICAL CANADA INC. Intervenante

Les appels sont rejetés.


Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre présidant

Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre

Richard Lafontaine ______ Richard Lafontaine Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les deux présents appels sont interjetés aux termes de la Loi sur les douanes. Le produit en cause, la résine de polyéthylène téréphthalate (PET) sous forme de granules, sert à fabriquer des bouteilles. La première question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si le Tribunal peut annuler des réexamens faits par un agent désigné parce que, soi-disant, ils n'ont pas été faits selon les conditions que le ministre du Revenu national estime souhaitables aux termes de l'alinéa 61e) de la Loi sur les douanes. La deuxième question en litige consiste à déterminer si le produit en cause peut être importé en franchise en vertu du code 7902 du Décret de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane sur les produits chimiques et les matières plastiques. Le Tribunal doit donc décider si la définition du terme « composition » dans la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39 de l'annexe I du Tarif des douanes s'applique. Relativement à cette question, le Tribunal doit également déterminer si l'acétate de cobalt utilisé dans la fabrication de la résine PET est un colorant ou un catalyseur au sens de la Note supplémentaire 2a).

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Pour ce qui est de la première question, la compétence du Tribunal en l'espèce découle de l'article 67 de la Loi sur les douanes,lequel se rapporte à des décisions prises par l'intimé en vertu de l'article 63 ou 64. La décision prise par un agent désigné n'est pas mentionnée aux articles 63 et 64. En outre, à titre d'organisme d'appel établi par la loi, dont le mandat consiste à entendre des appels en vertu de la Loi sur les douanes, le Tribunal n'a aucune compétence pour réviser un réexamen fait par un agent désigné. Pour ce qui est de la deuxième question, les éléments de preuve montrent que le jaunissement qui se produit dans la résine PET est attribuable, en partie, à la présence de sous-produits, en particulier l'acétaldéhyde qui a un goût indésirable. L'acétate de cobalt contribue à la prévention de ce jaunissement, mais, après son action, il est rendu inactif. Il ne s'agit ni d'un colorant ni d'un catalyseur au sens de la Note supplémentaire 2a).

Date de l'audience : Le 9 novembre 1998 Date de la décision : Le 10 février 1999
Membres du Tribunal : Peter F. Thalheimer, membre présidant Pierre Gosselin, membre Richard Lafontaine, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Michael Sherbo, pour les appelantes Darell Kloeze, pour l'intimé Robert J. Whitten, pour l'intervenante





Les deux présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de plusieurs décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 23 et 26 mars 1998 (appel no AP-98-007) et le 19 mai 1998 (appel no AP-98-010). Les appelantes, qui ont le même représentant, ont demandé que les appels soient entendus conjointement puisqu'ils portent sur le même produit et sur les mêmes questions.

Le produit en cause est la résine de polyéthylène téréphthalate (PET) sous forme de granules servant à la fabrication de bouteilles. Il y a deux questions en litige dans ces appels. La première consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour annuler des réexamens faits par un agent désigné parce que, soi-disant, ils n'ont pas été faits selon les conditions que le ministre du Revenu national estime souhaitables aux termes de l'alinéa 61e) de la Loi. La deuxième question en litige, relative au classement tarifaire [2] , consiste à déterminer si le produit en cause peut être importé en franchise en vertu du code 7902 du Décret de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane sur les produits chimiques et les matières plastiques [3] (le Décret), adopté aux termes du paragraphe 68(1) du Tarif des douanes [4] . Pour les raisons expliquées ci-après, le Tribunal est d'avis qu'il n'a manifestement pas compétence pour traiter de la première question. Par conséquent, le sommaire des lois, des faits et des arguments ci-après qui s'appliquent en l'espèce ne porte que sur la question du classement.

La partie pertinente du Décret se lit comme il suit :

Compositions à mouler de ce qui suit, incluant les compositions partiellement formulées :

7902

Polyesters saturés du no tarifaire 3907.99.00 et les marchandises des nos tarifaires 3907.40.10, 3907.40.90, 3907.50.00, 3907.60.00 ou 3915.90.50, à l'exclusion de ce [qui] suit :

Polyéthylène téréphthalate présentant une teneur en dioxyde de titane, employé comme délustrant, comprise entre 0,2 % et 0,6 %;

Polyols de polyesters, saturés et aromatiques. (Soulignement ajouté.)

Le classement du produit en cause dans le numéro tarifaire 3907.60.00 de l'annexe I du Tarif des douanes en tant que polyéthylène téréphthalate n'est pas en litige. En fait, les deux questions principales soulevées relativement au classement portent sur le sens de l'expression « [c]ompositions à mouler » utilisée dans le Décret et, accessoirement, au sens du terme « composition », dans la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39 de l'annexe I du Tarif des douanes, comme il suit :

Au sens du classement à l'intérieur d'une sous-position du présent Chapitre, on entend par « composition » seulement les polymères, copolymères, mélanges de polymères et les polymères modifiés chimiquement qui contiennent des substances non-polymériques telles que :

1o) des initiateurs, des activateurs et des catalyseurs, qui aident à la réaction ou à l'utilisation des substances polymériques dans un procédé éventuel;

2o) des colorants. (Soulignement ajouté.)

À l'audience, les appelantes, l'intimé et l'intervenante ont chacun fait appel à un témoin expert dans le domaine de la chimie. En outre, les appelantes et l'intervenante ont chacune fait appel à un témoin à qui il a été demandé de décrire la pratique dans l'industrie.

M. Perry Watson, chef de l'exploitation à la société Richards Packaging Inc., a témoigné en premier lieu pour le compte des appelantes. M. Watson a indiqué que Richards Packaging Inc. importe et utilise la résine PET comme matière première dans la fabrication de contenants en plastique pour les industries des aliments, des produits chimiques et de l'eau. M. Watson a indiqué que la transparence du contenant en plastique est extrêmement importante, surtout relativement à certains produits, comme l'eau embouteillée, parce que si la résine PET jaunissait, cela nuirait à la vente du produit final. M. Watson a expliqué que, après des pourparlers avec ses fournisseurs sur la façon d'améliorer les marchandises et d'éliminer la teinte jaunâtre, il a été décidé d'ajouter de l'acétate de cobalt au cours de la production de la résine PET. M. Watson a également témoigné au sujet de trois missives de ses fournisseurs [5] , lesquelles, a-t-il précisé, confirment que de l'acétate de cobalt est ajouté au produit en cause à titre de colorant. M. Watson a ajouté que les concurrents, et généralement les fabricants de matériaux plastiques, estiment que le produit en cause est une composition à mouler, ce qui, a-t-il précisé, est corroboré par des lettres d'autres concurrents dans l'industrie où évoluent les appelantes [6] .

M. William Edward Fidler, docteur en chimie, a été appelé à titre de témoin expert pour les appelantes et il a indiqué au Tribunal que le produit en cause est une combinaison d'éthylène-glycol, de diéthylène-glycol et d'acide téréphtalique, et que l'acétate de cobalt, une substance non polymérique, est ajouté à titre de colorant dans certains cas. M. Fidler a expliqué que le cobalt contient une couleur violacée, car il s'agit d'une combinaison de bleu et de rouge. Il a aussi expliqué que le violet est le complément parfait du jaune et que, si on ajoute un peu d'acétate de cobalt dans la fabrication du produit en cause, on obtient une teinte neutre. Ce fait, a-t-il soutenu, est reconnu dans un brevet portant sur la transparence du copolyester qui a été attribué à la société Eastman Chemical Company en 1997 [7] . De l'avis de M. Fidler, il n'y a pas de doute que l'acétate de cobalt a transmis sa propre couleur au produit en cause, qu'il a dissimulé la teinte indésirable dans la résine PET et que, par conséquent, il constitue un colorant, même si la couleur définitive dépend de la couleur inhérente du matériau de base. En contre-interrogatoire, M. Fidler a mentionné que l'acétate de cobalt sert également de catalyseur tant pour la polymérisation que pour la réduction du jaunissement. Il a aussi admis qu'il ne savait pas exactement à quel moment, dans le procédé de fabrication, l'acétate de cobalt est ajouté. Mais, s'il sert de colorant, a-t-il précisé, il est très probable que l'acétate de cobalt serait ajouté à l'étape de la granulation, juste avant que le matériau passe dans l'extrudeuse de granulation qui, par son action de mélange, amalgamerait bien les additifs. En réponse aux questions posées par le jury, M. Fidler a expliqué que l'acétate de cobalt est introduit au début du procédé de production s'il est utilisé comme catalyseur de polymérisation. Il a aussi précisé que, étant donné le nombre de milligrammes par litre (mg/l) de cobalt qui se trouvent dans le produit en cause, il est possible que l'acétate de cobalt serve à la fois de catalyseur et de colorant. Il a toutefois admis que personne ne pouvait dire avec certitude si l'acétate de cobalt était ajouté au début ou à la fin du procédé, à titre de catalyseur ou de colorant.

M. Brian J. Finch, chef, Laboratoire des polymères, Direction des travaux scientifiques et de laboratoire au ministère du Revenu national (Revenu Canada), a comparu à l'audience à titre de témoin expert appelé par l'intimé. M. Finch a témoigné que des échantillons des trois types de produits en cause ont été envoyés au laboratoire de Revenu Canada pour analyse. Les résultats des essais ont indiqué qu'aucun des échantillons n'était une « composition » au sens de la définition de ce terme à la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39. M. Finch a expliqué que, après avoir pris connaissance de nouvelles données quant à la présence d'acétate de cobalt, il a constaté, à la suite d'autres essais, la présence de cobalt seulement, dans des concentrations de 41, 64 et 80 mg/l. En se fondant sur ces chiffres, il a fait d'autres calculs au moyen de la formule chimique pour déterminer la proportion d'acétate de cobalt dans les échantillons. Dans le cas d'une certaine marque de commerce, 64 mg/l de cobalt représentaient 110 mg/l d'acétate de cobalt. M. Finch a également témoigné que 10 000 mg/l ne représentent que 1 p. 100 du poids et que la proportion d'acétate de cobalt dans le produit en cause, comme il l'est indiqué ci-dessus, est donc inférieure à 1 p. 100 du poids : il pourrait donc s'agir d'une impureté de fabrication. Il a reconnu que les rapports concluaient que le produit serait considéré comme une composition seulement si l'acétate de cobalt agissait comme colorant. Sur ce dernier point, M. Finch a admis, en contre-interrogatoire, que la conclusion finale dans les rapports selon laquelle la couleur rouge violacée de l'acétate de cobalt ne paraît pas, mais sert plutôt à dissimuler la teinte jaunâtre indésirable de la résine PET, était fondée sur des renseignements que le laboratoire de Revenu Canada a obtenu de la société Eastman Kodak. M. Finch a réitéré en contre-interrogatoire que la couleur rouge violacée de l'acétate de cobalt ne paraît pas, bien que, a-t-il admis, cette substance change la couleur de la résine PET.

M. Louis T. Germinario, associé de recherche, chimie, physique et analytique, à la société Eastman Chemical Company, a témoigné à titre d'expert pour le compte de l'intervenante. Il a expliqué le procédé de fabrication de la résine PET. Au début de la phase de la fonte, l'éthylène-glycol, l'acide téréphtalique et des catalyseurs sont versés dans une cuve de réaction. À la fin de la phase de la fonte, le produit est transformé en granules. Les granules sont mis à l'état solide de façon à avoir la viscosité intrinsèque nécessaire pour la fabrication de bouteilles suffisamment solides. Selon le procédé de production utilisé (M. Germinario a parlé de diverses méthodes de production selon les divers brevets en vigueur), une série de catalyseurs sont ajoutés soit pour faciliter le procédé de polymérisation, soit pour améliorer la couleur. Il a également expliqué que l'un des complexes jaunes qui se forment dans les polymères est associé à la présence d'acétaldéhyde. À titre de catalyseur pour empêcher la formation d'acétaldéhyde, a-t-il poursuivi, il faut ajouter du cobalt au début du procédé de fabrication en même temps que les autres catalyseurs, sans quoi l'acétaldéhyde reste et le polymère n'est pas conforme aux spécifications de l'industrie pour la résine PET de qualité de bouteilles transparentes. M. Germinario a également expliqué que, en plus de créer une couleur indésirable, l'acétaldéhyde engendre un goût indésirable. En réponse aux questions soulevées par le jury, M. Germinario a précisé que, si le cobalt sert de colorant, c'est-à-dire à la dernière étape du procédé de fabrication, le produit contiendra beaucoup d'acétaldéhyde de sorte qu'il ne respectera toujours pas les spécifications de l'industrie parce que le produit final, c'est-à-dire les bouteilles, aura le goût de l'acétaldéhyde. M. Germinario a également expliqué que du phosphore est ajoutE9‚ pour désactiver les catalyseurs une fois qu'ils ont fait leur travail. Cela empêche la formation d'autres sous-produits, dont l'acétaldéhyde. De l'avis de M. Germinario, la quantité de cobalt trouvée à l'occasion des essais de laboratoire faits par Revenu Canada correspond à la quantité de cobalt qui a servi à l'activité catalytique. En contre-interrogatoire, M. Germinario a admis que, dans le procédé de fabrication qu'il a décrit, l'action de l'acétate de cobalt donne au produit final une couleur différente et atténue la teinte jaune. Toutefois, en réponse à une question du jury, il a précisé qu'il s'agit là plutôt d'un procédé lié au contrôle de la couleur, au moyen duquel la formation d'une couleur est empêchée.

M. Jean M. Grondin, directeur des ventes, U.S. & Canada Plastics Sales, à la société Eastman Chemical Company, a comparu à titre de témoin pour le compte de l'intervenante. M. Grondin a affirmé que les lettres de l'industrie, produites par les appelantes (pièce A-2) pour appuyer leur allégation selon laquelle la résine claire PET constitue des « [c]ompositions à mouler », ne proviennent pas des principaux transformateurs de résine PET au Canada. M. Grondin a également expliqué que ni lui ni ses clients n'ont jamais mentionné une composition à mouler en parlant de résine PET, qu'on appelle plutôt toujours « polymère de bouteille PET » [traduction]. Pour ce qui est de la présence d'acétaldéhyde et de son goût indésirable, M. Grondin a confirmé qu'il s'agit là d'une importante préoccupation pour l'industrie, surtout celle de l'eau embouteillée. En contre-interrogatoire, il a admis qu'il n'y aurait pas de problème si l'utilisateur final n'était pas incommodé par le goût de l'acétaldéhyde.

Le représentant des appelantes a allégué que, pour ce qui est la question du classement, le produit en cause est une composition à mouler au sens du code 7902 du Décret. Le représentant a ajouté que, même si ces termes ne sont pas définis dans le Tarif des douanes, M. Watson, qui a 30 ans d'expérience, avait indiqué dans son témoignage que le produit en cause était décrit comme une composition à mouler. Ce témoignage, a poursuivi le représentant, est corroboré par les déclarations faites par des représentants de l'industrie. En revanche, le représentant a allégué que le produit en cause relève quand même du code 7902 lorsque les termes « compositions » et « à mouler » sont interprétés individuellement. En premier lieu, a-t-il expliqué, il n'y a pas de doute que le produit en cause sert au moulage. En deuxième lieu, les éléments de preuve indiquent que le produit en cause, du fait qu'il est un polymère, peut être considéré comme une « composition » selon la définition courante de ce terme, a-t-il ajouté, qui mentionne « la combinaison de parties ou d'éléments distincts pour constituer un ensemble [8] » [traduction]. Le représentant a ajouté à cet égard que la définition du terme « composition » dans la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39 ne s'applique pas dans ce cas, puisqu'elle est expressément limitée au classement des marchandises figurant aux positions du Chapitre 39. Selon le représentant, il existe des situations où les définitions s'appliquent à toute la nomenclature, mais ce n'est manifestement pas le cas ici, comme l'indiquent clairement les termes figurant au début de la Note supplémentaire 2a). Toutefois, même si on applique cette définition, le représentant a-t-il poursuivi, le produit en cause relève quand même du code 7902 parce que l'acétate de cobalt, qui est une substance non polymère, sert soit de colorant, soit de catalyseur. À son avis, il y a suffisamment d'éléments de preuve, notamment le brevet que possède l'intervenante, pour établir que l'acétate de cobalt peut servir de colorant. Le représentant a soutenu, à cet égard, qu'il n'existe pas d'élément de preuve permettant d'affirmer qu'il est impossible d'utiliser le cobalt comme colorant. En outre, il a été établi que certains utilisateurs finals ne peuvent même pas se soucier du tout de la détérioration du goût qui peut être causée par les sous-produits lorsque du cobalt est ajouté à une étape ultérieure. Toutefois, si le Tribunal devait décider que le cobalt n'est pas un colorant, le représentant a en outre allégué qu'il constitue, du moins, un catalyseur qui sert à la production d'une bouteille transparente et que, par conséquent, le produit peut être considéré comme un catalyseur selon la définition figurant à la Note supplémentaire 1a).

L'intimé conteste essentiellement le fait que le produit en cause est une « composition » selon la définition de la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39. Selon cette définition et compte tenu des éléments de preuve, l'avocat de l'intimé a allégué qu'il s'agit ici de déterminer si le cobalt qui se trouve dans les échantillons du produit en cause a joué le rôle de colorant ou a constitué un catalyseur au sens de cette note. L'avocat a soutenu que, selon le paragraphe 68(3) du Tarif des douanes, qui suit en partie, le Tribunal est tenu d'examiner la définition se trouvant à la Note supplémentaire 2a) :

Les termes de l'annexe II s'entendent au sens de l'annexe I.

L'avocat de l'intimé a ajouté que l'acétate de cobalt présent dans le produit en cause est plutôt une impureté de fabrication, c'est-à-dire qu'il représente moins de 1 p. 100 du poids, ce qui est une exception à l'application de la définition de « composition » dans la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39 qui est mentionnée dans la Note supplémentaire 2b). L'avocat a également allégué que l'acétate de cobalt n'est pas un colorant puisqu'il ne transmet pas sa propre couleur rouge violacée au produit en cause, mais qu'il masque plutôt la couleur jaune de la résine PET. En outre, a ajouté l'avocat, les éléments de preuve révèlent que l'utilisation d'acétate de cobalt comme colorant n'est pas le meilleur procédé de fabrication. Par conséquent, à la lumière des éléments de preuve, l'avocat a indiqué qu'il est peu probable que le produit en cause a même été fabriqué selon un tel procédé. Il a soutenu que, selon M. Germinario, l'acétate de cobalt est utilisé au tout début de la phase de fonte à titre de catalyseur pour empêcher le jaunissement. En outre, l'acétate de cobalt empêche non seulement le jaunissement, mais aussi la formation d'acétaldéhyde et de son goût connexe. La fonction principale du cobalt, a ajouté l'avocat, est clairement d'agir à titre de catalyseur de façon à empêcher la formation de sous-produits détériorants comme le jaunissement et le mauvais goût. Cela étant dit, l'acétate de cobalt utilisé dans ce procédé n'est pas un catalyseur au sens de la Note supplémentaire 2a) parce qu'il est neutralisé une fois que le phosphore est ajouté. La Note supplémentaire 2a), a allégué l'avocat, tient compte de la situation où un catalyseur est ajouté pour jouer un rôle additionnel, par exemple, celui de favoriser l'expansion d'un polymère à certaines fins bien définies, comme pour l'isolation. Dans le cas en l'espèce, le cobalt n'est plus un catalyseur après l'addition de phosphore et il ne contribue plus à l'action ultérieure ou à l'utilisation du produit dans un procédé éventuel, comme l'indique la Note supplémentaire 2a).

Le représentant de l'intervenante a essentiellement appuyé la position de l'intimé. Il a ajouté que, contrairement au témoin expert appelé par les appelantes, le témoignage de M. Germinario est fondé sur sa propre connaissance à jour et directe à titre d'associé de recherche contribuant à la fabrication de résine PET de qualité pour la fabrication de bouteilles transparentes. Le représentant a également contesté les éléments de preuve présentés par les appelantes en signalant que les lettres en provenance de représentants de l'industrie et servant à appuyer la position des appelantes comprenaient des lettres des appelantes elles-mêmes.

Pour ce qui est de la question de compétence, les appelantes ont demandé au Tribunal d'annuler les réexamens faits par un agent désigné en vertu de l'alinéa 61e) de la Loi pour le motif qu'il ne s'agit pas de décisions valables parce qu'elles n'ont pas été prises selon les conditions que le ministre du Revenu national estime souhaitables et qui sont décrites dans un mémorandum. Ces réexamens ont précédé les autres réexamens qui ont été faits par l'intimé et dont le Tribunal est saisi en appel.

La compétence du Tribunal en l'espèce découle de l'article 67 de la Loi sur les douanes, qui précise les décisions prises par l'intimé en vertu de l'article 63 ou 64. La décision rendue par un agent désigné n'est pas prévue aux articles 63 et 64. En outre, à titre d'organisme d'appel créé par une loi et dont le mandat consiste à entendre les appels en vertu de la Loi, le Tribunal n'a pas compétence pour réviser le réexamen fait par un agent désigné. Cette question relève de la Cour fédérale du Canada. Le Tribunal remarque que le représentant des appelantes a allégué qu'il est maintenant trop tard pour faire appel à la Cour fédérale du Canada pour la révision des réexamens par l'agent désigné. Telle est peut-être la situation, mais le Tribunal ne peut se reconnaître compétent ni pour des motifs pratiques ni d'ailleurs pour une question d'équité. Le Tribunal fait observer, en outre, qu'il peut y avoir des situations où il devra déterminer s'il a été légalement saisi d'un appel en vertu de la Loi : par exemple, lorsque l'appelante allègue que l'intimé a rendu une décision en vertu de l'article 63 ou 64 de la Loi, mais que l'intimé nie qu'une telle décision existe [9] ; ou lorsque l'appelante prétend que la décision de l'intimé n'a pas été prise dans le délai prescrit par la loi [10] . Toutefois, il ne s'agit pas en l'espèce de l'une de ces situations, surtout du fait que les critères que, prétendument, l'agent désigné n'a pas appliqués, ne sont pas prévus dans la Loi, mais plutôt dans un document de politique administrative [11] . Enfin, le Tribunal fait observer que, s'il décidait, en l'espèce, que les réexamens par l'agent désigné ne sont pas valables, cela conduirait probablement à la conclusion que les réexamens ultérieurs par l'intimé ne sont pas plus valables, ce qui signifierait, en fin de compte, que le Tribunal n'a pas été saisi légalement des appels et qu'il n'a pas compétence pour traiter même de la question du classement. Cette conclusion ne serait d'aucune utilité pour les appelantes.

Au sujet de la question du classement, le Tribunal estime que le témoignage de M. Germinario est difficilement contestable, à la lumière du fait que les appelantes ont été incapables de fournir un élément de preuve convaincant quant à l'utilisation de l'acétate de cobalt à titre de colorant dans le produit en cause et étant donné que le Tribunal a conclu que la définition du terme « composition » dans la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39 s'applique en l'espèce.

Pour ce qui est de la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39, le Tribunal est d'avis que le paragraphe 68(3) du Tarif des douanes ordonne au Tribunal de tenir compte de la définition du terme « composition » qui y figure. De l'avis du Tribunal, une fois ce premier pas franchi, la définition n'est plus limitée au classement à l'intérieur des sous-positions. Les motifs de cette décision sont les suivants. En premier lieu, dans l'affaire Atlas Alloys, une Division de Rio Algom Limitéec. L e sous-ministre du Revenu national [12] , le Tribunal a accepté d'utiliser une définition énoncée à la partie 4 du Tarif des douanes, même si cette disposition prévoit qu'elle s'applique aux annexes I et II et qu'elle est muette pour ce qui est des codes figurant dans un décret sur la réduction ou la suppression des droits de douane. Le Tribunal a conclu que les codes tarifaires indiqués dans un décret pris en vertu de l'article 68 du Tarif des douanes et ceux qui figurent à l'annexe II du Tarif des douanes font partie d'« un système intégré de dispositions prévoyant des concessions pour la réduction ou la suppression des droits de douane [13] ». La situation en l'espèce est semblable. Cette façon de voir correspond également à deux principes importants de l'interprétation des lois. Selon le premier principe, qui tient à la méthode d'interprétation grammaticale ou littérale, il faut déterminer le sens d'un terme selon le contexte de la loi [14] . Le deuxième principe, appelé « [l]e principe de l'uniformité d'expression », tient à la méthode d'interprétation contextuelle et logique, selon laquelle il faut présumer, dans une loi ou un règlement, que le même terme a partout le même sens [15] . En outre, selon l'alinéa 15(2)b) de la Loi de l'interprétation [16] , les dispositions interprétatives d'un texte « s'appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique [17] ». Si le paragraphe 68(3) du Tarif des douanes aurait pu être plus clair quant à son application aux décrets pris en vertu du paragraphe 68(1), le fait qu'il ne mentionne que l'annexe II semble beaucoup plus une omission que l'expression d'une intention selon laquelle cette disposition interprétative ne devrait absolument pas s'appliquer à de tels décrets. Dans ce cas, le Décret comme tel emploie des termes figurant dans l'annexe I et, comme l'a indiqué l'avocat de l'intimé, il est tout à fait raisonnable de se reporter à la définition dans la Note supplémentaire 2a). Enfin, quant à l'argument selon lequel le Tribunal devrait considérer la définition du terme « composition » dans la Note supplémentaire 2a), étant donné que l'expression utilisée au code 7902 est « [c]ompositions à mouler », le Tribunal constate que, dans l'affaire Simmons Canada Inc. et Les Entreprises Sommex Ltéec. L e sous - ministre du Revenu national [18] , il a accepté de s'en remettre à la définition du terme « meubles » dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [19] pour interpréter le terme « meubles rembourrés » contenu dans un code.

Une fois qu'il est décidé que la définition dans la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39 s'applique, le Tribunal est d'avis que l'expression « [a]u sens du classement à l'intérieur d'une sous-position du présent Chapitre » au début de la note ne restreint pas son application à des éléments de classement dans les sous-positions de ce chapitre. L'intention du paragraphe 68(3) du Tarif des douanes est clair : les termes de l'annexe II et, en raison de la décision du Tribunal ci-dessus, les termes du Décret « s'entendent au sens de l'annexe I ». Ainsi, le Tribunal est convaincu que, dans l'application du paragraphe 68(3) dans le contexte de la Note supplémentaire 2a), il doit tout simplement appliquer la définition peu importe la phrase d'introduction.

Pour ce qui est des éléments de preuve en l'espèce, le Tribunal constate que le fardeau repose sur les appelantes. Dans l'affaire Assessment Commissionerc. Mennonite Home Association [20] , la Cour suprême du Canada a jugé qu'« [i]l est, bien entendu, clairement établi que même si les termes de la loi doivent nettement imposer la taxe afin d'y assujettir la personne visée, celle - ci doit, à son tour, établir clairement que son cas s'insère dans l'exemption si elle veut s'en prévaloir [21] » (soulignement ajouté). Ce principe a été appliqué par les tribunaux dans la jurisprudence mettant en cause diverses lois fiscales [22] . Le Tribunal est d'avis que le principe s'applique relativement à ces appels, étant donné le dispositif général de la Loi, du Tarif des douanes et des lois connexes, c'est-à-dire celui de prélever des taxes et des droits sur les marchandises importées [23] et parce que les appelantes demandent l'application d'une disposition d'exception qui supprime les droits de douane normalement imposés à de telles marchandises.

Le Tribunal constate davantage que les appelantes ont produit, à titre de pièces, des lettres des fabricants du produit en cause qui affirment qu'ils ont utilisé de l'acétate de cobalt en tant que colorant. Selon l'article 22 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [24] , de tels documents peuvent être produits en preuve, même si les appelantes n'ont pas mis à la disposition du Tribunal les témoignages relativement aux questions exposées dans les documents autres que celui de M. Watson. Toutefois, selon l'article 22 des Règles, le Tribunal peut décider « de l'importance à accorder » à ces documents. Le Tribunal constate également que l'expert retenu par le représentant des appelantes a témoigné, en se fondant sur cette information, que, bien qu'il ne savait pas à quel moment dans le procédé de fabrication l'acétate de cobalt était ajouté, il serait ajouté, à son avis, à une étape ultérieure, très probablement à celle de la granulation.

En revanche, M. Germinario, l'expert retenu par l'avocat de l'intimé, a témoigné que le jaunissement de la résine PET est attribuable notamment à la présence de sous-produits, particulièrement de l'acétaldéhyde, lequel produit également un goût indésirable. M. Germinario a indiqué que, pour empêcher la formation de l'acétaldéhyde, du cobalt et d'autres catalyseurs sont ajoutés en même temps au début du procédé de fabrication. Après que les catalyseurs ont accompli leur action, du phosphore est ajouté pour les neutraliser. Selon son témoignage, si de l'acétate de cobalt est utilisé en tant que colorant à ce qu'il a appelé l'étape finale du procédé de fabrication, la résine PET aura une forte teneur en acétaldéhyde et les produits finals auront son goût indésirable. Le Tribunal constate à cet égard que, malgré l'indication du représentant des appelantes selon laquelle il ne s'agit peut-être pas là d'un problème pour les appelantes et leurs clients, son propre témoin, M. Watson, a indiqué que le produit en cause est transformé en contenants de plastique, lesquels servent dans les industries des aliments, des produits chimiques et de l'eau embouteillée. Manifestement, le goût indésirable nuirait aux industries des aliments et de l'eau embouteillée, comme l'indiquent les éléments de preuve. Le Tribunal estime également que, si l'acétate de cobalt était utilisé en tant que colorant, les spécifications de l'industrie pour la fabrication de bouteilles transparentes ne serait pas respectées en raison de la forte teneur en acétaldéhyde de la résine PET.

Le Tribunal est davantage convaincu que l'acétate de cobalt n'est pas un « colorant » au sens ordinaire du terme [25] , puisqu'il est convaincu qu'il a été ajouté pour empêcher la formation d'une couleur plutôt que pour modifier la teinte de la résine PET. M. Germinario a indiqué que le cobalt est utilisé dans un procédé de contrôle de la couleur et que le brevet sur lequel les appelantes se sont fondées à la pièce A-10 mentionne « des résidus d'agents de contrôle de la couleur » [traduction] et non des colorants, s'agissant de cobalt et d'autres substances.

Bref, le Tribunal est convaincu que l'acétate de cobalt a été ajouté à la résine PET en tant que catalyseur dans le procédé de polymérisation pour empêcher la formation d'acétaldéhyde. Le Tribunal constate que, à l'audience, le représentant des appelantes a cherché à faire reconnaître l'acétate de cobalt comme un catalyseur aux fins de l'alinéa 1o de la Note supplémentaire 2a) du Chapitre 39. Il est clair, toutefois, selon la formulation précise de cette disposition, que les « catalyseurs » envisagés ici sont ceux qui contribuent à l'action ou à l'utilisation des substances polymériques dans un procédé éventuel quelconque. Les éléments de preuve montrent au contraire que les catalyseurs de polymérisation du produit en cause ont été rendus inactifs par l'ajout de phosphore pour empêcher la formation de sous-produits indésirables.

Pour l'ensemble de ces motifs, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. Le classement tarifaire est ainsi défini à l’article 2 de la Loi : « Le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire dans l’annexe I du Tarif des douanes et, le cas échéant, dans un code des annexes II ou VII de cette loi ou dans un décret d’application des articles 62 ou 68 de cette loi ».

3. DORS/88-74, le 31 décembre 1987, Gazette du Canada Partie II, vol. 122, no 2 à la p. 750.

4. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

5. Pièce A-1.

6. Pièce A-2.

7. Pièce A-10.

8. Transcription de l'argumentation publique, le 9 novembre 1998, à la p. 8.

9. Voir Vilico Optical Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-94-365, le 7 mai 1996; et Philips Électronique Ltée c. Le sous-ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-95-224, le 18 décembre 1997.

10. Voir Douglas Anderson et Creed Evans c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-234, le 6 avril 1992, à la p. 2 (en appel à la Cour fédérale du Canada, la décision a été renvoyée au Tribunal, mais seulement sur la question du classement, et non sur la question de compétence).

11. Mémorandum D11-6-1, Détermination de l'origine, classement tarifaire et appréciation de la valeur en douane des marchandises et leur révision et réexamen, Ministère du Revenu national, le 19 juin 1996.

12. Le Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-95-194, le 22 novembre 1996.

13. Ibid. à la p. 6.

14. C.J. Michael Flavell c. Le sous-ministre du revenu national, Douanes et a ccise, [ 1997 ] 1 C.F. 640 aux pp. 662-663.

15. P.-A. Côté, Interprétation des lois, 2e éd. (Cowansville : Yvon Blais, 1991), à la p. 313.

16. L.R.C. (1985), ch. I-21.

17. Selon le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'interprétation, le terme « texte » comprend une loi ou un règlement, et le mot « règlement », à son tour, comprend un décret pris dans l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime d'une loi fédérale.

18. Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-96-063, AP-96-085 et AP-96-089, le 15 septembre 1997.

19. Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996.

20. (1972), [1973] R.C.S. 189.

21. Ibid. à la p. 194.

22. St. Lawrence Power Co. c. Minister of Revenue, Ontario High Court of Justice, 23 O.R. (2d) 61, le 22 novembre 1978; Colonial Realty Service Ltd. c. Le Ministre du Revenu national, Cour canadienne de l'impôt, B _ 1987 ] A.C.I. no 210, le 27 mars 1987; et Optimism Place Second Stage Residences c. Stratford (City), Ontario Court (General Division), 11 O.R. (3d) 534, le 26 octobre 1992.

23. Voir les articles 2 (« droits ») et 17 de la Loi.

24. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912.

25. Le représentant des appelantes a présenté la définition suivante : « Élément, surtout une teinture, un pigment, une encre ou une peinture, qui colore ou modifie la teinte d'un autre élément » [traduction] (soulignement ajouté), mémoire des appelantes, à la p. 10.


Publication initiale : le 25 février 1999