TRANSILWRAP OF CANADA, LTD.

Décisions


TRANSILWRAP OF CANADA, LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-97-104

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 3 mars 1999

Appel n o AP-97-104

EU ÉGARD À un appel entendu les 21 octobre et 15 décembre 1998 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 14 août 1997 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

TRANSILWRAP OF CANADA, LTD. Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre présidant

Raynald Guay ______ Raynald Guay Membre

Pierre Gosselin ______ Pierre Gosselin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelante exploite une entreprise d'art graphique et de conditionnement à Scarborough, en Ontario. L'appelante importe diverses pellicules pour lamination en provenance d'une unité de production aux États-Unis. Ces pellicules sont vendues sous le nom de Trans-Kote. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3920.10.00 à titre de feuilles en matières plastiques non alvéolaires, en polymères d'éthylène, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3920.62.00 à titre de feuilles ou pellicules en matières plastiques non alvéolaires, en polyéthylène téréphtalate, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3920.10.00 à titre de feuilles en matières plastiques non alvéolaires, en polymères d'éthylène. Le Tribunal arrive à cette conclusion du fait qu'il a été conclu que les marchandises en cause sont faites d'une couche de polyéthylène téréphtalate et d'une couche d'éthylène, dont ni l'un ni l'autre ne contribue à 95 p. 100 ou davantage en poids à la teneur totale de polymères. Par conséquent, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position visant le monomère qui prédomine en poids, c.-à-d., en l'espèce, l'éthylène.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 21 octobre et 15 décembre 1998 Date de la décision : Le 3 mars 1999
Membres du Tribunal : Peter F. Thalheimer, membre présidant Raynald Guay, membre Pierre Gosselin, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Margaret Fisher
Ont comparu : Barry P. Korchmar, pour l'appelante Colleen Mackey, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 14 août 1997 aux termes de l'article 63 de la Loi.

L'appelante exploite une entreprise d'art graphique et de conditionnement à Scarborough, en Ontario. L'appelante importe diverses pellicules pour lamination en provenance d'une unité de production aux États-Unis. Ces pellicules sont vendues sous le nom de Trans-Kote. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 3920.62.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre de feuilles en matières plastiques non alvéolaires, en polyéthylène téréphtalate (PET), et ont bénéficié des avantages du code 7934 de l'annexe du Décret de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane sur les produits chimiques et les matières plastiques [3] . Par la suite, les marchandises en cause ont été reclassées dans le numéro tarifaire 3920.10.00 à titre de feuilles en matières plastiques non alvéolaires, en polymères d'éthylène. L'appelante a demandé un réexamen des décisions susmentionnées. Dans une décision du 14 août 1997, l'intimé a rejeté la demande et a confirmé le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3920.10.00.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3920.10.00 à titre de feuilles en matières plastiques non alvéolaires, en polymères d'éthylène, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3920.62.00 à titre de feuilles ou pellicules en matières plastiques non alvéolaires, en PET, comme l'a soutenu l'appelante.

Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire de l'annexe I du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

39.20 Autres plaques, feuilles, pellicules, bandes et lames, en matières plastiques non alvéolaires, non renforcées ni stratifiées, ni pareillement associées à d'autres matières, sans support.

3920.10.00 -En polymères de l'éthylène

-En polycarbonates, en résines alkydes, en polyesters allytiques ou en autres polyesters :

3920.62.00 --En polyéthylène téréphtalate

L'audience du présent appel a été ouverte le 21 octobre 1998. En raison de questions de procédure et de dépôt d'éléments de preuve concernant, principalement, le témoignage d'expert que l'appelante voulait produire, le Tribunal a ajourné l'appel avec le consentement des deux parties. Ce faisant, le Tribunal a autorisé le dépôt, par les deux parties, d'exposés et de rapports d'expert supplémentaires. De même, le Tribunal a ordonné aux parties de soumettre une lettre conjointe précisant quels échantillons, dans l'analyse de l'intimé [4] , correspondent aux marchandises en cause ou de s'entendre sur le fait que le monomère qui prédomine en poids dans les marchandises en cause est l'éthylène. La lettre susmentionnée devait être déposée dans les plus brefs délais.

L'audience s'est poursuivie le 15 décembre 1998. Dans le traitement des questions préliminaires, il a été demandé au représentant de l'appelante de motiver son opposition à l'ébauche de lettre que l'avocate de l'intimé a fourni relativement à la directive du Tribunal du 21 octobre 1998. Le représentant a expliqué que l'appelante n'a pas contesté le fait que, dans tous les échantillons analysés, la couche d'éthylène pesait plus que le PET. L'appelante s'est plutôt opposée au libellé de certaines positions comprises dans le tableau fourni par l'intimé. Le représentant a aussi avisé le Tribunal qu'il ne convoquerait pas un de ses témoins experts, M. A.T.P. (Alex) Zahavich, Ph.D., et a demandé que le rapport de ce dernier soit retiré du dossier du présent appel.

Le représentant de l'appelante a convoqué deux témoins. Le premier était M. Dennis Cline, directeur du Marketing à la société Transilwrap of Canada, Ltd. M. Cline travaille pour cette société depuis 11 ans, où, en plus de son poste actuel, il a assumé diverses fonctions, y compris celle de directeur de la production. Il a témoigné que les marchandises en cause sont importées en rouleaux principalement d'une largeur de 45 po à 60 po et d'une longueur de 5 000 pi à 30 000 pi. Les marchandises en cause sont ensuite revendues telles quelles ou coupées à longueur. Il a expliqué que, bien que l'appelante fabrique diverses pellicules de ce genre, faites de polyesters ou pour la lamination, les marchandises en cause sont des produits Trans-Kote à base de PET identifiées par les lettres « FG » ou « MR ». Ces lettres ne représentent rien de particulier, mais indiquent plutôt une différence de rendement entre les deux produits.

En ce qui concerne l'utilisation des marchandises en cause, M. Cline a déclaré que les marchandises en cause servent à laminer divers substrats, mais surtout du papier. À titre d'exemples de produits laminés avec les marchandises en cause, il a mentionné les menus de restaurant, les cartes et tout article imprimé destiné à du travail artistique. Il a aussi déclaré que les marchandises en cause sont connues sous l'appellation de pellicules de polyester, notamment parce que la protection qu'achète le consommateur est celle que confère la pellicule de polyester. M. Cline a aussi expliqué le processus d'application des marchandises en cause à un substrat comme le papier et a particulièrement souligné comment l'application de chaleur au produit permet à l'adhésif à l'éthylène de remplir sa fonction. Lorsque la pellicule et le substrat deviennent un produit laminé, celui-ci est refroidi.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Cline a convenu que, d'une façon générale, les marchandises en cause peuvent être décrites comme étant des « matières plastiques ». Il a aussi convenu que les marchandises en cause ne sont pas « collantes » en l'état dans lequel elles sont importées. Il a déclaré que le composant polyéthylène des marchandises en cause était appliqué sous forme de revêtement adhésif et n'était pas, à prime abord, une pellicule. Cela dit, il a convenu que la partie en polyéthylène de la pièce B-3 [5] a l'apparence d'une feuille. En ce qui a trait aux diverses qualités protectrices des marchandises en cause, M. Cline a déclaré qu'elles découlent principalement de la pellicule de polyester.

Le deuxième témoin de l'appelante était M. Zhi Yuan (Wayne) Wang, Ph.D., professeur de chimie organique et de chimie des polymères à Carleton University. Le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert en chimie des polymères. M. Wang a décrit l'analyse qui a été réalisée sur quatre des six échantillons et qui font l'objet de son rapport. Il a expliqué s'être servi d'une méthode de décapage au solvant pour enlever le polyéthylène ou, ce qu'il a appelé, la « couche de revêtement » [traduction]. Il a ensuite confirmé les composants de chaque couche des marchandises en cause. Il a conclu que les quatre échantillons ne sont pas des copolymères, mais plutôt des pellicules de PET pur revêtues d'un adhésif, qui est un copolymère d'éthylène et d'acétate. Il a aussi convenu que le poids du revêtement de polyéthylène était plus élevé que celui de la pellicule de PET. M. Wang a établi une distinction entre les « copolymères » et les mélanges ou combinaisons de polymères et a signalé qu'il ne faut pas les confondre. Il a déclaré qu'un produit fait d'un copolymère simple ne peut être séparé sans dégradation au polymère. Le fait qu'il a pu séparer clairement les couches comprises dans les échantillons qu'il a analysés prouve uniquement que le produit soumis à l'analyse n'est pas un copolymère.

M. Wang a parlé longuement de la signification de l'expression « matières plastiques ». Il a convenu que le polyéthylène et le PET sont des matières plastiques, mais uniquement dans un sens large. Il a déclaré que, en chimie des polymères, l'expression « matières plastiques » se rapporte habituellement à un produit fini, un produit en vente dans le sens commercial du terme, tandis que les mots comme « polymère » « copolymère » et « homopolymère » servent à décrire les matériaux qui composent le produit. Il a ajouté qu'un produit fait de matières plastiques n'est pas, en soi, un polymère; il peut s'agir d'un produit polymère, mais non d'un polymère pur simple. M. Wang a aussi été interrogé au sujet du document du Comité du Système harmonisé intitulé Synthèse des observations sur le Chapitre 39 et commentaires du Bureau technique [6] . (la Synthèse du Bureau technique) et, plus précisément, au sujet des paragraphes 11 et 12 de ce document. À son avis, les observations comprises dans ce document se rapportent à des matériaux et non à des marchandises.

Subséquemment, on a demandé à M. Wang s'il considérait les marchandises en cause comme étant des matériaux ou des marchandises en polymères. Il a répondu que ce sont des marchandises composées de polymères. Il les a décrites comme étant des marchandises polymériques, non des polymères, parce que ce sont des marchandises finies. Au cours du contre-interrogatoire, M. Wang a convenu que les marchandises en cause peuvent être formées par un procédé d'extrusion.

L'avocate de l'intimé a convoqué Mme Kevser Taymaz, Ph.D., comme témoin. Mme Taymaz est chimiste à la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire du ministère du Revenu national depuis 1981, et y assume des fonctions de conseillère analyste principale depuis 1992. L'avocate a demandé au Tribunal de reconnaître à Mme Taymaz la qualité d'expert en chimie des polymères. Le représentant de l'appelante s'y est opposé, principalement, pour le motif que l'expertise de Mme Taymaz semble se rapporter aux techniques analytiques et instrumentales ayant trait à la chimie, par opposition à la chimie des polymères, et parce qu'elle n'avait pas donné de cours en chimie des polymères au Canada. Le Tribunal a reconnu à Mme Taymaz la qualité d'expert en chimie, ayant de l'expérience en chimie des polymères.

Il a été demandé à Mme Taymaz d'expliquer l'analyse afférente à la pièce B-3. Elle a expliqué qu'elle a pris une partie des échantillons originaux fournis au laboratoire et qu'elle les a coupés en morceaux. Elle a conservé un morceau en tant qu'exemple du produit original. Au moyen d'un solvant approprié, elle a dissous la couche de polymère d'éthylène d'un autre morceau, et il en est resté la couche de PET. Elle a ensuite dissous la couche de PET d'un troisième morceau au moyen d'un solvant approprié et il en est resté la couche de polymère d'éthylène. Selon Mme Taymaz, les marchandises en cause sont composées, à 99,9 p. 100, de polymères, dans lesquels la part d'aucun monomère ne représente plus de 95,0 p. 100 des marchandises.

Au cours du contre-interrogatoire, Mme Taymaz a décrit les marchandises en cause comme E9‚tant des marchandises polymériques, c.-à-d., des marchandises faites de polymères. En réponse à des questions du Tribunal, il lui a été demandé si les couches produites par suite de l'analyse afférente à la pièce B-3 étaient des pellicules. Elle a répondu qu'elles l'étaient.

En plaidoirie, le représentant de l'appelante a soutenu que les éléments de preuve montraient que, au moment de leur importation et par la suite, les marchandises en cause étaient des pellicules. Les témoins experts ont aussi témoigné qu'il s'agissait de marchandises et non de matériaux. Il a fait valoir que l'intimé a convenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 39.20 et a renvoyé le Tribunal à la Note de Chapitre 1 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [7] du Chapitre 39. Il a soutenu que, aux termes de cette note, l'expression « matières plastiques » s'entend des matières des positions nos 39.01 à 39.14 et ne sert ni à renvoyer à un produit ni à en désigner un. En outre, il a soutenu que les marchandises en cause sont des marchandises faites de matériaux, à savoir, le PET et le polyéthylène. Il a invoqué le témoignage des témoins experts et a déclaré que les marchandises en cause sont des marchandises qui, tout en se trouvant avoir été faites à partir de polymères, ne constituent pas elles-mêmes des polymères.

Le représentant de l'appelante a souligné que le libellé de chacune des positions nos 39.01 à 39.14 est qualifié de l'expression « sous formes primaires ». Il a soutenu que, au moment de leur importation, les marchandises en cause ne sont pas des marchandises sous formes primaires. Il a renvoyé le Tribunal à la Synthèse du Bureau technique qui, a-t-il soutenu, prévoit que le Chapitre 39 englobe des « substances », mais pas des marchandises. Par conséquent, le critère de la teneur en poids mentionné dans ledit document n'est destiné à s'appliquer qu'aux matériaux ou aux formes primaires. Il a ensuite soutenu que la Note 4 du Chapitre 39 s'applique aux matériaux sous formes primaires et que le critère de la teneur en poids dont il est fait mention dans la Note 4 ne s'applique donc qu'aux formes primaires. Puisque les marchandises en cause ne sont, en aucun sens du terme, des polymères, l'intimé leur a incorrectement appliqué le critère de la teneur en poids. Le représentant a attribué la confusion qui s'est produite à l'usage que font les consommateurs de l'expression « matières plastiques ». Les témoins ont déclaré que le PET et le polyéthylène sont eux-mêmes des matières plastiques, mais que ce ne sont pas ces derniers qui font l'objet du classement. Ce sont les pellicules qui font l'objet du classement. Les marchandises sont des pellicules de polyesters faites de PET, et doivent donc être classées dans la sous-position no 3920.62.

Le représentant de l'appelante a soutenu que, si le Tribunal en vient à considérer la Règle 3 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [8] (les Règles générales), alors, étant donné que les marchandises en cause sont commercialisées et vendues en tant que pellicules de polyester et remplissent une fonction de pellicules de polyester, c'est à titre de pellicules de polyester qu'elles sont le mieux décrites. Il a aussi présenté des observations concernant les Règles 3 b) et 3 c) des Règles générales.

Le représentant de l'appelante a traité de l'applicabilité du code 7934 aux marchandises en cause et a soutenu que, si elles sont classées dans le numéro tarifaire 3920.62.00, alors elles ne sont pas exclues de l'application du code puisque, au moment de leur importation, la largeur des marchandises en cause est supérieure à 15 centimètres.

Enfin, le représentant de l'appelante a traité de la décision que le Tribunal a rendue dans l'affaire Continuous Colour Coat Limitedc. Le sous-ministre du Revenu nationa l [9] . Il a souligné que la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada [10] (la Section de première instance), qui a confirmé la décision du Tribunal, avait fait l'objet d'un appel auprès de la Cour d'appel fédérale [11] . Il s'est ensuite référé à la décision du Tribunal et a soutenu que la question de savoir si les marchandises visées dans cette affaire étaient elles-mêmes des polymères n'avait pas été soulevée. La décision se concentrait sur la question de savoir si les marchandises étaient des copolymères ou non, et les éléments de preuve portaient à croire que les marchandises étaient de nouveaux produits, qui étaient des polymères. Le représentant a soutenu que les éléments de preuve dans l'affaire susmentionnée avaient mené à une confusion quant à savoir ce que c'est qu'un produit polymérique. Il a soutenu que l'examen de la Note 1 du Chapitre 39 peut être entouré d'une confusion du même ordre. Il a déclaré que la Note 1 traite de matériaux et que, même si un produit est fait de polymères, cela ne fait pas du produit lui-même un polymère. Par ailleurs, s'il ne s'agit pas d'un polymère, le critère de la teneur en poids énoncé à la Note 4 du Chapitre 39 ne peut pas nécessairement s'appliquer.

L'avocate de l'intimé a d'abord soutenu que le représentant de l'appelante n'a soumis aucune source pour fonder une interprétation si originale de la Note 1 du Chapitre 39. Elle a convenu qu'il était vrai que la Note 1 renferme, pour les fins de la présente affaire, la seule définition pertinente de l'expression « matières plastiques ». Cependant, elle a dit ne pas être d'accord que cette définition ne s'applique qu'aux matières plastiques sous leurs formes primaires. L'avocate a soutenu qu'il ressort clairement du libellé de la Note 1 que la définition s'applique dans l'ensemble de la nomenclature, c.-à-d. tant dans le Chapitre 39 que dans les autres.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la Note 1 du Chapitre 39 exige que les marchandises en cause soient formées à partir des matières primaires désignées, qu'elles prennent leur forme par un procédé, comme, en l'espèce, l'extrusion et qu'elles conservent cette forme lorsque le procédé a été appliqué. L'avocate a soutenu que le témoignage des deux experts confirme que les marchandises en cause sont composées de polymère d'éthylène, qui est dénommé dans la position no 39.01, et de PET, qui est dénommé dans la position no 39.07. Leur témoignage a aussi confirmé que les marchandises en cause ont pris leur forme par extrusion et conservent cette forme lorsque l'influence externe, soit la chaleur soit la pression, a cessé de s'exercer. Par conséquent, au sens de la Note 1 du Chapitre 39, les marchandises en cause sont des matières plastiques.

En ce qui concerne la nature des marchandises en cause, l'avocate de l'intimé a soutenu qu'il est clair qu'elles n'ont plus leurs formes primaires, mais qu'elles ont la forme de feuilles. Elle a suggéré que ce fait saute aux yeux simplement en regardant l'échantillon et que, s'il fallait un élément de preuve supplémentaire, le deuxième essai de l'intimé, qui a séparé chaque partie d'un échantillon et a démontré que ce qui restait présentait la forme d'une feuille ou d'une pellicule, a montré d'une façon déterminante que les marchandises en cause sont des feuilles multicouches. De plus, il s'agit du genre de produit que le Tribunal a examiné dans l'affaireContinuous Colour.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, puisque le résultat de l'appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale n'est pas encore connu, le droit qui prévaut présentement est celui qui se rapporte à la décision de la Section de première instance, qui a confirmé la décision du Tribunal. Plus précisément, la Section de première instance a confirmé la notion que chaque couche de polymère dans un produit multicouches contribue à la « teneur totale en polymères du produit ». Elle a soutenu qu'il s'agit là d'une interprétation des Notes 1 et 4 du Chapitre 39. L'avocate a fait valoir que les éléments de preuve montrent que la teneur totale en polymères des marchandises en cause comprend à la fois la couche de PET et celle de polymère d'éthylène et que pas un seul monomère ne contribue à 95 p. 100 ou davantage en poids à la teneur totale desdites marchandises.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la seule tentative du représentant de l'appelante d'établir une distinction entre le présent appel et l'affaire Continuous Colour se trouvait dans le rapport de l'expert que l'appelante a retiré. Elle a invoqué de nouveau la décision de la Section de première instance et a soutenu qu'il y était spécifiquement conclu que la Note 4 du Chapitre 39 offre une définition inclusive du terme « copolymère », une définition plus large que la définition scientifique, et que cette définition lie maintenant le Tribunal. L'avocate a aussi présenté des observations ayant trait à l'application de la Règle 3 des Règles générales.

En réponse, le représentant de l'appelante a soutenu que c'était le témoignage de Mme Taymaz, comme la décision du Tribunal l'a reflété dans l'affaire Continuous Colour décrivant les marchandises visées dans cette affaire comme un « produit polymérique », qui a mené à la confusion de l'avocate de l'intimé quand elle a indiqué aujourd'hui que les marchandises en cause sont des produits polymériques. Il a souligné que les deux experts ont été interrogés à savoir si un nouveau polymère avait été produit et si les marchandises en cause pouvaient être décrites comme étant des polymères au moment de l'importation, et que, aux deux questions, les deux experts ont répondu que non. Il a aussi réitéré son observation que le critère du poids inclus dans la Note 4 du Chapitre 39 ne peut s'appliquer à un produit et qu'il ne peut s'appliquer qu'à un polymère, un copolymère ou un homopolymère. Enfin, il a soutenu que le Tribunal n'est pas lié par ses décisions antérieures et que chaque affaire doit être jugée sur le fond.

Le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 3920.10.00 à titre de feuilles en matières plastiques non alvéolaires en polymères d'éthylène. Le Tribunal arrive à cette conclusion en tenant compte du fait que c'est la loi et les principes applicables à l'interprétation de la loi, y compris ceux énoncés dans les Règles générales, qui doivent régir le classement des marchandises en cause. Comme le Tribunal l'a souligné dans York Barbell Co. Ltd.c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [12] , la Règle 1 des Règles générales est de la plus grande importance quant au classement des marchandises. La Règle 1 prévoit que le classement est d'abord déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. En outre, la Règle 6 indique, notamment, que le classement dans les sous-positions est déterminé d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles 1 à 5 des Règles générales. De plus, dans le présent appel, le Tribunal tire sa conclusion en se fondant sur la décision que la Section de première instance a rendue dans l'affaire Continuous Colour, dont il est discuté ci-après.

Le Tribunal observe que les parties ont convenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 39.20. Le Tribunal est d'accord avec l'avocate de l'intimé sur le fait que la Note 1 du Chapitre 39 fournit une définition de l'expression « matières plastiques » qui s'applique dans l'ensemble de la nomenclature, c.-à-d. à la fois dans le Chapitre 39 et dans les autres. Le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve montrent que les marchandises en cause répondent à cette définition et, par conséquent, que les marchandises en cause doivent être considérées comme étant des feuilles de matières plastiques.

Le Tribunal est convaincu non seulement que les marchandises en cause sont des feuilles de matières plastiques, mais aussi qu'elles sont composées de deux couches de polymères. Comme le montre clairement la pièce B-3, les marchandises sont composées d'une couche de PET et d'une couche de polyéthylène. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, M. Wang a décrit les marchandises en cause comme étant des marchandises faites de polymères et comme étant des marchandises polymériques. Mme Taymaz les a décrites en des termes très similaires. Le Tribunal est d'accord avec l'avocate de l'intimé sur le fait que ces descriptions sont similaires à celles des marchandises classées par le Tribunal dans l'affaire Continuous Colour, en ce qu'elles sont composées de couches de polymères différents.

Le Tribunal se trouve ainsi amené à examiner la Note 4 du Chapitre 39. Cette note prévoit, notamment, ce qui suit :

Sauf dispositions contraires, au sens du présent Chapitre, les copolymères [...] et les mélanges de polymères relèvent de la position couvrant les polymères du comonomère qui prédomine en poids sur tout autre comonomère simple, les comonomères dont les polymères relèvent de la même position étant à considérer comme constituant un comonomère simple.

On entend par copolymères tous les polymères dans lesquels la part d'aucun monomère ne représente 95 % ou davantage en poids de la teneur totale du polymère.

Dans l'affaire Continuous Colour, le Tribunal a déclaré que la Note 4 du Chapitre 39, de concert avec la Note de sous-position 1 du Chapitre 39, présente une définition plus vaste des termes « copolymère » et « polymère » que les définitions du dictionnaire déposées en preuve. Le Tribunal a poursuivi en déclarant que « le troisième paragraphe de la Note 4 renferme une définition spécifique du terme “copolymère”, dans le but de faciliter le classement des produits visés par le Chapitre 39 ». Le Tribunal a ajouté qu'il concluait qu'il était raisonnable d'interpréter ces termes d'une manière conforme à la déclaration comprise dans la Synthèse du Bureau technique prévoyant « qu'aux fins de la définition comprise dans le troisième paragraphe de la Note 4, les copolymères peuvent également être désignés “polymères” [13] ».

Dans son analyse de cette partie de la décision du Tribunal dans l'affaire Continuous Colour, le juge Joyal a déclaré, notamment, ce qui suit :

La principale question à résoudre en l'espèce concerne l'interprétation par le Tribunal de la note 4 du chapitre 39 de l'annexe I du Tarif, telle qu'elle s'applique au produit de l'appelante.

L'avocat de l'appelante soutient que le Tribunal a commis une erreur en jugeant qu'un produit formé de deux couches distinctes de polymères est un copolymère. Le Tribunal est parvenu à cette conclusion après avoir retenu la définition large de « copolymère » figurant à la note 4 et à la note de sous-position 1 du chapitre 39 de l'annexe I, conjuguée avec la prescription du Comité du Système harmonisé.

Si on s'en tient aux définitions données par le Gage Canadian Dictionary des mots « polymère » [...] « copolymère » [...] « polymériser » [...], on est enclin à conclure qu'un copolymère n'est pas un polymère tant qu'il n'a pas été polymérisé. Cette définition plus restrictive, que confirme le témoignage de l'expert, pourrait être considérée comme participant de la « démarche scientifique » pour qualifier ce qui constitue un copolymère. Mais si on considère les dispositions en jeu dans leur ensemble, la note 4 donne une définition large du terme « copolymère », par lequel « on entend ... tous les polymères ».

En l'espèce, je ne suis pas convaincu que l'interprétation faite par le Tribunal soit déraisonnable de quelque manière que ce soit. Saisi de témoignages différents sur la définition de polymère, il a opté pour la définition large figurant dans la Loi, et non pour la définition « scientifique » plus restrictive. Cette conclusion est conforme aux règles d'interprétation établies et n'est nullement moins raisonnable que celle de l'appelante [14] .

Le Tribunal est d'avis qu'il s'agit là d'un énoncé de droit concernant l'interprétation des termes « copolymère », « polymère » et « homopolymère » pour les fins de la Loi. Le Tribunal souhaite réitérer l'énoncé qu'il a fait dans l'affaire Continuous Colour que, à son avis, la Note 4 du Chapitre 39 est rédigée d'une manière particulière dans le but de faciliter le classement des produits visés par le Chapitre 39 et que, comme l'a reconnu la Section de première instance, une telle opinion se trouve reflétée dans la Synthèse du Bureau technique.

À la lumière du fait qu'il a été conclu que les marchandises en cause sont faites d'une couche de PET ainsi que d'une couche d'éthylène, dont ni l'un ni l'autre ne contribue à 95 p. 100 ou davantage en poids à la teneur totale en polymères des marchandises en cause [15] conformément à la Note 4 du Chapitre 39, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position visant ce monomère qui prédomine en poids, c.-à-d., en l'espèce, l'éthylène. Les marchandises en cause sont donc correctement classées dans le numéro tarifaire 3920.10.00.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. DORS/88-74, le 31 décembre 1987, Gazette du Canada Partie II, vol. 122, no 2 à la p. 750.

4. Pièce du Tribunal AP-97-104-23.

5. Analyse des marchandises en question réalisée selon un protocole appelé « Extraction par solvant du polyéthylène téréphtalate en feuilles multicouches » [traduction] (voir le témoignage de Mme Kevser Taymaz, Ph.D., pour de plus amples détails sur l'analyse).

6. Conseil de coopération douanière, Comité du Système harmonisé, 21e Session, Bruxelles, 1980, document no 26.185 f, O. ang., N8-339. Le paragraphe 11 du document prévoit : « En général, [le Chapitre 39] comprend des substances appelées polymères, constituées par des molécules caractérisées par la répétition d'un ou de plusieurs types de motifs monomères ». Ce document fait l'objet de plus ample discussion ci-après.

7. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

8. Supra note 2, annexe I.

9. Appels nos AP-93-274 et AP-93-294, le 31 août 1994.

10. Continuous Colour Coat Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, [1997], non publiée, no du greffe T-2831-94, le 27 octobre 1997.

11. Continuous Colour Coat Limited c. Le sous-ministre du Revenu national, no du greffe A-854-97.

12. Appel no AP-91-131, le 16 mars 1992.

13. Supra note 9 à la p. 6.

14. Supra note 10 aux pp. 4 à 6.

15. Supra note 4.


Publication initiale : le 4 mars 1999