MOTOVAN MOTOSPORT INC. ET STEEN HANSEN MOTORCYCLES LTD.

Décisions


MOTOVAN MOTOSPORT INC. ETSTEEN HANSEN MOTORCYCLES LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-98-058 et AP-98-082

TABLE DES MATIÈRES

Appels n os AP-98-058 et AP-98-082

EU ÉGARD À des appels entendus le 7 avril 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national les 2 juin et 16 octobre 1998 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

MOTOVAN MOTOSPORT INC. ET
STEEN HANSEN MOTORCYCLES LTD. Appelantes

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Les appels sont rejetés.


Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre présidant

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les marchandises en cause sont divers modèles de casques pour motocyclistes importés au Canada entre le 13 novembre 1996 et le 17 octobre 1997. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les casques pour motocyclistes en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6506.10.90 à titre d'autres coiffures de sécurité, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 6506.10.10 à titre de coiffures de sécurité « [p]our pompiers; doublés de plomb, à l'usage des radiographes; d'escalade et d'alpinisme; de football; de sécurité aux fins industrielles », comme l'ont soutenu les appelantes.

DÉCISION : Les appels sont rejetés. Ni les éléments de preuve ni le contexte du numéro tarifaire 6506.10.10 n'appuient la position des appelantes. Par conséquent, le Tribunal conclut que les casques pour motocyclistes en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6506.10.90 à titre d'autres coiffures de sécurité.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 7 avril 1999 Date de la décision : Le 21 janvier 2000
Membre du Tribunal : Peter F. Thalheimer, membre présidant
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Donald Petersen, pour les appelantes Étienne Trépanier et Louis Sébastien, pour l'intimé





Les deux présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national (maintenant le commissaire, Agence des douanes et du revenu du Canada) le 2 juin 1998 (AP-98-058) et le 16 octobre 1998 (AP-98-082) concernant des marchandises importées au Canada entre le 13 novembre 1996 et le 17 octobre 1997. Les appelantes, qui ont le même représentant, ont demandé que les appels soient réunis puisqu'ils ont trait aux mêmes marchandises et à la même question.

Les marchandises en cause sont divers modèles de casques pour motocyclistes. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les casques pour motocyclistes en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6506.10.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres coiffures de sécurité, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 6506.10.10 à titre de coiffures de sécurité « [p]our pompiers; doublés de plomb, à l'usage des radiographes; d'escalade et d'alpinisme; de football; de sécurité aux fins industrielles », comme l'ont soutenu les appelantes.

À l'audience, les appelantes ont convoqué plusieurs témoins. Le représentant des appelantes a demandé au Tribunal de reconnaître à la plupart des témoins, qui ont comparu au nom de ces dernières, la qualité d'expert dans leur domaine particulier. Le Tribunal a rejeté la demande susmentionnée pour l'un ou l'autre des motifs suivants : 1) les témoins n'avaient pas les connaissances spécialisées (acquises soit par une formation officielle, soit par une expérience professionnelle) requises pour que la qualité d'expert dans le domaine particulier proposé leur soit reconnue; 2) les compétences et connaissances spécialisées des témoins ne se rapportaient pas à la question en litige ou ne pouvaient fonder leur opinion, puisque les questions qui auraient fait l'objet d'une telle opinion ne s'inscrivaient pas dans le champ d'application de leurs compétences et de leurs connaissances spécialisées.

Par exemple, le Tribunal n'a pas reconnu à M. Daniel Baldwin, un détaillant de motocyclettes, de motoneiges et de véhicules tout terrain (VTT), la qualité d'expert dans le domaine des lois ontariennes régissant l'usage des casques lors de la conduite de tels véhicules, ni la qualité d'expert dans le domaine des casques dont le port est obligatoire lors de la conduite de tels véhicules. Cependant, le Tribunal a entendu le témoignage de M. Baldwin pour ce qui a trait aux faits au sujet desquels il a acquis une connaissance personnelle : l'absence de différences notables entre les divers types de casques utilisés lors de la conduite de tels véhicules; le fait que, pour être utilisés au Canada, lesdits casques doivent satisfaire une de quatre normes reconnues; et le fait que la très grande majorité de ses ventes de VTT sont faites à des fermiers qui s'en servent aux fins de plusieurs applications liées à l'exploitation agricole. Au cours du contre-interrogatoire, M. Baldwin a admis que les fermiers qui se servent de VTT portent des casques.

Le Tribunal a aussi entendu le témoignage de M. Mervyn Stubinsky, trappeur de profession. Le représentant des appelantes a demandé au Tribunal de reconnaître à M. Stubinsky la qualité de témoin expert en trappage. Cependant, étant donné que le témoignage d'expert soumis par M. Stubinsky devait avoir pour but de fournir une opinion ayant trait à l'usage qu'il fait d'une motocyclette ou d'un casque pendant son activité de trappage, le Tribunal a été d'avis que, bien que les 40 années qu'il compte à titre de trappeur pouvaient certes lui valoir la qualité d'expert en trappage, M. Stubinsky ne pouvait soumettre d'opinion pour ce qui concerne une question qui ne s'inscrit pas dans le champ de sa compétence spécialisée, tel le port d'un casque pour motocycliste. Le Tribunal a donc conclu que l'utilisation que faisait M. Stubinsky d'un casque dans le cadre de l'activité de trappage ne lui permettait pas de fournir au Tribunal un avis d'expert sur les casques en cause, tout comme le port de raquettes à neige ne lui permettrait pas de fournir un avis d'expert sur les raquettes à neige. Cependant, le Tribunal a entendu le témoignage de M. Stubinsky pour ce qui a trait à son expérience personnelle du trappage et au fait qu'il porte un casque pour se rendre d'un piège à un autre lorsqu'il se sert soit de sa motoneige, soit de son VTT, des véhicules de nos jours nécessaires à l'exercice de sa profession.

M. Lawrence Hacking, qui possède une vaste expérience professionnelle dans le domaine des industries de la motocyclette, du VTT et de la motoneige, a également témoigné au nom des appelantes. M. Hacking a déclaré que l'activité commerciale liée aux véhicules à but récréatif constitue, à elle seule, une industrie composée de fabricants et de détaillants. En ce qui concerne l'utilisation de la motocyclette dans les autres industries, M. Hacking a témoigné que les motocyclettes servent dans diverses applications industrielles, par exemple, dans les services de messageries par motocyclette, aux forces policières et dans des applications militaires. M. Hacking a également expliqué que les VTT servent non seulement en agriculture mais aussi dans l'industrie du pipeline d'hydrocarbures, tandis que les motoneiges et, dans une certaine mesure, les motocyclettes servent maintenant dans l'industrie du tourisme. Au cours du contre-interrogatoire, M. Hacking a admis que l'utilisation principale des trois types de véhicules susmentionnés se rapporte au transport dans tous les cas, c.-à-d. pour se déplacer ou se rendre d'un lieu à un autre.

Le dernier témoin des appelantes a été M. Pancho Deriger, professeur de soudage au Collège Algonquin. Pour l'essentiel, M. Deriger a témoigné qu'un casque de soudage se résume strictement à une visière-écran dotée d'une ouverture qui permet au soudeur de voir son travail. De fait, M. Deriger a précisé qu'un casque de soudage est un écran qui protège le visage plutôt qu'un véritable casque, bien qu'il soit désigné par l'expression casque de soudage.

Les avocats de l'intimé ont convoqué un témoin, M. Arne Bjermeland, applicateur du Tarif au ministère du Revenu national (maintenant l'Agence des douanes et du revenu du Canada); ce dernier travaille au sein d'une section qui traite des appels. La pertinence de la majeure partie du témoignage de M. Bjermeland était hautement susceptible d'être mise en question, puisqu'il a expliqué la façon dont le classement contesté s'est fait, ce qui est inutile, puisqu'il est précisément du ressort du Tribunal en l'espèce d'appliquer sa compétence et de classer les marchandises en cause en conséquence. Le renvoi de M. Bjermeland à l'exposé de position qu'il avait préparé, et qui fonde le mémoire de l'intimé, était également susceptible d'être mis en question, particulièrement à la lumière du fait que ledit exposé inclut des éléments de preuve par ouï-dire au sujet d'une conversation qu'il a eue avec quelqu'un de l'Association canadienne de normalisation (CSA). Le Tribunal a toutefois accepté d'entendre la preuve, surtout parce que le représentant des appelantes a exhorté le Tribunal à laisser M. Bjermeland poursuivre son témoignage. Sur la foi des explications qu'il avait reçues de la CSA, M. Bjermeland a établi une distinction entre les coiffures de sécurité aux fins industrielles et les casques pour motocyclistes d'après le moindre degré d'impact associé à la conception des coiffures de sécurité aux fins industrielles, ladite conception visant à protéger le porteur contre les chocs résultant de la chute ou de la projection de petits objets, tel un marteau. M. Bjermeland a aussi déclaré que l'expression « [c]oiffures […] de sécurité aux fins industrielles » qui se trouve dans le Tarif des douanes a une connotation spéciale qui se retrouve dans les règlements provinciaux concernant la construction. M. Bjermeland a conclu, à la lumière de son expérience, que les coiffures de sécurité aux fins industrielles sont, fondamentalement, les casques appelés casques de protection ou casques de sécurité.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Bjermeland a précisé que le port d'un casque de sécurité est aussi requis dans des secteurs d'industrie autres que celui de la construction, par exemple en inspection des viandes. Lorsqu'il lui a été demandé de comparer les divers types de casques déposés en preuve, M. Bjermeland a déclaré qu'un casque en particulier, qu'il classerait à titre de coiffure de sécurité aux fins industrielles, était muni d'un bourrelet et représentait un produit à peu près intermédiaire entre le casque pour motocycliste et la coiffure de sécurité aux fins industrielles.

À la lumière des éléments de preuve déposés à l'audience, la position principale des appelantes a été que le mot « industrielles » dans l'expression « [c]oiffures […] de sécurité aux fins industrielles » du numéro tarifaire 6506.10.10 ne doit pas être interprété de façon restrictive. Le représentant des appelantes a donc soutenu que, en plus de l'industrie de la construction, il existe plusieurs types d'industries, y compris celles du trappage, du tourisme, des loisirs et de la course à motocyclette. Il a ajouté que, étant donné qu'il existe des éléments de preuve que les casques pour motocyclistes ou pour motoneigistes servent à des travailleurs ou à des personnes qui œuvrent dans les industries susmentionnées, les marchandises en cause sont visées par l'expression « [c]oiffures […] de sécurité aux fins industrielles » qui se trouve dans le Tarif des douanes.

Le Tribunal est d'avis qu'un tel raisonnement, sur lequel repose la majeure partie de l'argumentation des appelantes, ne résiste tout simplement pas à l'analyse. Les appelantes ne contestent pas que les casques en cause soient des casques pour motocyclistes. Manifestement, et les éléments de preuve corroborent une telle conclusion, les casques pour motocyclistes sont fabriqués en vue de la protection des chauffeurs et des passagers de tels véhicules de transport et, de ce fait, leur résistance au choc est beaucoup plus élevée que celle des casques dits de construction ou de protection [parfois appelés, en anglais, « hard hats» [3] ]. De plus, lorsqu'ils sont à bord de tels véhicules, ce ne sont pas tous les conducteurs ou les passagers qui travaillent. Par conséquent, le simple fait que lesdits casques puissent être portés par une personne qui œuvre dans un secteur d'industrie donné n'en fait pas des coiffures de sécurité aux fins industrielles. La même chose est vraie pour ce qui concerne l'industrie des véhicules à but récréatif dont les appelantes ont fait mention, puisqu'il ne peut être dit des personnes qui portent de tels casques lorsqu'elles sont sur une motocyclette ou une motoneige à des fins de transport ou de loisirs, qu'elles font partie de cette industrie, tout comme il ne peut être dit des conducteurs et des passagers de véhicules automobiles qu'ils font partie de l'industrie de l'automobile.

De plus, un principe capital sous-jacent à l'établissement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [4] veut qu'il soit attribué aux marchandises un seul classement, basé sur les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] . Comme il est mentionné dans McGoldrick's Canadian Customs Tariff, « Harmonized System » Volume 1 [6] :

These [ General Rules ] provide a methodical approach to classifying goods and ensure that products can be simply and clearly assigned a single classification number.

(Ces [Règles générales] donnent une démarche méthodique pour le classement des marchandises et garantissent l'attribution simple et claire d'un seul numéro de classement aux produits.) [7]

La position défendue par les appelantes porterait gravement atteinte au principe susmentionné puisque des marchandises, indépendamment de leur nature véritable, pourraient être classées d'après un certain type d'utilisation finale d'ordre secondaire ou accessoire, comme les fins de sécurité industrielle alléguées des casques pour motocyclistes.

Le Tribunal fait également observer que l'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, il est tenu compte, notamment, des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [8] . Les Notes explicatives de la position no 65.06 prévoient que la position « couvre notamment les coiffures de sécurité (celles utilisées pour la pratique des sports, les casques pour militaires, pompiers, motocyclistes ainsi que les casques pour mineurs ou ouvriers du bâtiment, par exemple) ». Il n'y a pas de Notes explicatives qui s'appliquent à la sous-position no 6506.10 et, donc, au niveau du numéro tarifaire de la nomenclature canadienne, le Parlement a choisi de ne subdiviser la sous-position no 6506.10 qu'en deux numéros tarifaires, l'un de ces numéros se rapportant à des coiffures de sécurité spécifiques (c.-à-d. le no 6506.10.10) et l'autre numéro se rapportant, à titre de numéro tarifaire résiduel, aux « autres coiffures de sécurité » (c.-à-d. le no 6506.10.90).

De fait, la décision concernant les casques ou catégories de casques spécifiques qui devaient être visés par le numéro tarifaire non résiduel semble avoir été prise avec un soin particulier. Un tel soin dans la prise de ladite décision ressort, notamment, du traitement accordé aux coiffures de sécurité utilisées pour la pratique des sports et celles utilisées aux fins industrielles dans le numéro tarifaire 6506.10.10. Ce numéro tarifaire renvoie, notamment, aux coiffures de sécurité d'escalade, d'alpinisme et de football, qui, manifestement, entrent dans la catégorie des coiffures de sécurité utilisées « pour la pratique des sports » dont il est fait mention dans les Notes explicatives de la position no 65.06. Le numéro tarifaire 6506.10.10 établit aussi une catégorie générique pour les « [c]oiffures […] de sécurité aux fins industrielles », qui comprend les « casques pour mineurs ou ouvriers du bâtiment » dont il est fait mention dans les Notes explicatives. Ainsi, dans le cas de la pratique des sports, le Parlement a pris une description générique dans les Notes explicatives et l'a fractionnée en indiquant quelles activités seraient comprises dans le numéro tarifaire non résiduel, le reste de la catégorie étant compris dans le numéro tarifaire résiduel. Dans l'autre cas, le Parlement a fait le contraire et a établi, dans le numéro tarifaire non résiduel, une dénomination générique pour les « [c]oiffures […] de sécurité aux fins industrielles » à partir des « casques pour mineurs ou ouvriers du bâtiment » mentionnés dans les Notes explicatives. Pourtant, rien n'est dit au sujet des casques pour motocyclistes également mentionnés dans les Notes explicatives. Plutôt que d'appuyer la position des appelantes, ce qui précède semble indiquer que les casques pour motocyclistes ont délibérément été omis du numéro tarifaire non résiduel et qu'ils tombent donc clairement dans le numéro tarifaire résiduel à titre d'autres coiffures de sécurité.

Ni les éléments de preuve ni le contexte du numéro tarifaire 6506.10.10 n'appuient la position des appelantes. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6506.10.90 à titre d'autres coiffures de sécurité.

Enfin, le Tribunal trouve peu de fondement juridique aux arguments avancés par les appelantes, dans leur mémoire, au sujet du fait que les casques pour motocyclistes seraient davantage assimilés aux casques de football et, à l'audience, au sujet du classement des casques de soudeurs.

Par conséquent, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3. Transcription de l’audience publique, le 7 avril 1999 aux p. 59-60.

4. Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

5. Supra note 2, annexe I [ci - après Règles générales].

6. Montréal, McMullin, 1998.

7. Ibid. à la p. 16.

8. Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [ci - après Notes explicatives].


Publication initiale : le 15 février 2000