BRUNSWICK INTERNATIONAL (CANADA) LIMITED

Décisions


BRUNSWICK INTERNATIONAL (CANADA) LIMITED
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-98-100

TABLE DES MATIÈRES

Appel n o AP-98-100

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 juin 1999 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 25 novembre 1998 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BRUNSWICK INTERNATIONAL (CANADA) LIMITED Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie (dissidence du membre Close).


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Patricia M. Close ______ Patricia M. Close Membre

Peter F. Thalheimer ______ Peter F. Thalheimer Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national, aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes, concernant la valeur en douane de certaines pièces d'équipement de jeu de quilles et de billard importées au Canada par l'appelante. Les importations en cause comprennent trois types de marchandises : des biens d'équipement de jeu de quilles, de petits articles de jeu de quilles et des articles de billard. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la valeur en douane des marchandises en cause doit être fondée sur le prix auquel l'appelante a censément acheté les marchandises de la société Brunswick Bowling & Billiards Corporation (BB&B), comme l'a soutenu l'appelante, ou si la valeur en douane des marchandises en cause doit être fondée sur le prix auquel BB&B vend censément les marchandises à l'utilisateur final canadien, comme l'a déterminé l'intimé.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Quant à la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles, le Tribunal est d'avis que la valeur en douane desdites marchandises doit être fondée sur la valeur transactionnelle entre l'appelante et BB&B. L'appelante et BB&B sont des personnes morales distinctes, et l'appelante n'est pas la mandataire de BB&B. Il y a vente entre BB&B et l'appelante, et vente entre l'appelante et l'utilisateur final canadien. La vente entre BB&B et l'appelante est une vente pour exportation au Canada, et l'appelante, ayant un établissement stable au Canada, est un « acheteur au Canada ». Finalement, il existait un prix déterminé payé ou à payer au moment où les marchandises en cause ont été vendues par BB&B à l'appelante pour exportation au Canada. Par conséquent, la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles doit être déterminée d'après la valeur transactionnelle entre l'appelante et BB&B.

Le membre dissident est d'avis, en ce qui concerne les biens d'équipement de jeu de quilles, qu'il n'y a pas eu vente entre l'appelante et BB&B au sens du paragraphe 48(1) de la Loi sur les douanes. Étant donné le degré de contrôle exercé par BB&B sur les ventes à l'utilisateur final canadien et sur le prix transactionnel des marchandises payées par l'appelante, l'appelante n'a pas participé à deux ventes indépendantes (une vente entre BB&B et l'appelante et l'autre entre l'appelante et l'utilisateur final canadien), mais a plutôt aidé à la conclusion d'une seule vente entre BB&B et l'utilisateur final canadien. Par conséquent, la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles doit être fondée sur la valeur de la vente établie dans le contrat de vente avec l'utilisateur final, et non sur la valeur transactionnelle entre BB&B et l'appelante.

Durant l'audience, l'appelante a déclaré qu'elle ne traiterait pas de la question de la valeur en douane des petits articles de jeu de quilles et des articles de billard. Puisque l'appelante a omis de produire des éléments de preuve qui établissent un fondement prima facie permettant de mettre en doute la justesse de la détermination de l'intimé relativement à de telles marchandises, le Tribunal détermine que la partie de l'appel qui porte sur lesdites marchandises est rejetée.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 29 juin 1999 Date de la décision : Le 14 décembre 1999
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Patricia M. Close, membre Peter F. Thalheimer, membre
Avocat pour le Tribunal : Tamra Alexander
Greffier : Anne Turcotte
Ont comparu : Kenneth H. Sorensen, Brenda C. Swick-Martin et Trina Fraser, pour l'appelante Elizabeth Richards, pour l'intimé





INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national le 25 novembre 1998, aux termes de l'article 63 de la Loi, concernant la valeur en douane de certaines pièces d'équipement de jeu de quilles et de billard importées au Canada par l'appelante. Les importations en question comprennent trois types de marchandises : des biens d'équipement de jeu de quilles, de petits articles de jeu de quilles et des articles de billard. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la valeur en douane de ces marchandises doit être fondée sur le prix auquel l'appelante a censément acheté les marchandises de la société Brunswick Bowling & Billiards Corporation (BB&B), une corporation du Delaware située à Muskegon (Michigan) et à Bristol (Wisconsin), comme l'a soutenu l'appelante, ou si la valeur en douane des marchandises doit être fondée sur le prix auquel BB&B vend censément les marchandises à l'utilisateur canadien, comme l'a déterminé l'intimé. Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

48. (1) [. . .] la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elle sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable et si [. . .]

d) l'acheteur et le vendeur ne sont pas liés au moment de la vente des marchandises pour exportation ou, s'ils le sont :

(i) ou bien le lien qui les unit n'a pas influé sur le prix payé ou à payer [. . .]

(4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

Le Règlement sur la détermination de la valeur en douane [2] donne la définition suivante de l'expression « acheteur au Canada » :

2.1 Pour l'application du paragraphe 45(1) de la Loi, « acheteur au Canada » s'entend :

a) d'un résident;

b) d'une personne, autre qu'un résident, qui a un établissement stable au Canada;

c) d'une personne, autre qu'un résident, qui n'a pas d'établissement stable au Canada et qui importe les marchandises faisant l'objet de la détermination de la valeur en douane :

(i) pour sa consommation ou son utilisation personnelles et qui ne les destinent pas à la vente,

(ii) pour les vendre au Canada pourvu que, avant leur achat, elle n'ait pas passé un accord visant leur vente à un résident.

L'article 2 du Règlement donne la définition de l'expression « établissement stable » et du mot « résident » aux fins de la définition ci-dessus :

« établissement stable » Lieu d'affaires fixe d'une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l'intermédiaire duquel elle exerce son activité.

« résident »

a) Une personne physique qui réside habituellement au Canada;

b) une personne morale qui exerce son activité au Canada et dont la gestion et le contrôle s'exercent au Canada;

c) une société de personnes ou autre organisme non constitué en personne morale qui exerce son activité au Canada, si le membre ou la majorité des membres qui en exercent la gestion et le contrôle résident au Canada.

PREUVE

Messieurs Kenneth Lindgren, C.P.A., gestionnaire de la fiscalité, Brunswick Corporation, Pat Haggerty, gestionnaire de district - Canada, Brunswick International (Canada) Limited, et Pat Mitchell, président de la société Expert Fishing Co. (Expert Fishing), ont témoigné au nom de l'appelante. M. Lindgren a expliqué que la Brunswick Corporation est une société ouverte dont les actions sont transigées à la bourse de New York et qui possède plusieurs sociétés qui fabriquent et vendent du matériel récréatif, tel que du matériel de pêche, de jeu de quilles, de billard et de conditionnement physique. M. Lindgren a déclaré que la Brunswick Corporation est propriétaire exclusive de BB&B et de la société Brunswick International Limited. Il a déclaré que cette dernière société est la propriétaire exclusive de l'appelante. Selon le rapport du groupe Brunswick Indoor Recreation Group de la Brunswick Corporation présentant une mise à jour sur l'établissement des prix intersociétés de 1997 (le Rapport sur l'établissement des prix de 1997), qu'a décrit M. Lindgren, BB&B et l'appelante sont deux parties intégrantes du Brunswick Indoor Recreation Group, par l'intermédiaire duquel la Brunswick Corporation et ses sociétés affiliées coordonnent la vente des produits dans le monde. BB&B s'approvisionne en équipement de billard et de jeu de quilles Brunswick soit en fabriquant elle-même les produits ou en les achetant d'autres fournisseurs. L'appelante achète de BB&B l'équipement de billard et de jeu de quilles Brunswick pour les vendre à des clients au Canada.

M. Lindgren a expliqué que l'appelante a été constituée en société au Canada le 2 septembre 1971 et qu'elle peut exercer ses activités dans diverses provinces canadiennes. M. Lindgren a indiqué que l'appelante a son bureau de vente principal à Mississauga (Ontario), où travaillent le personnel administratif et une personne responsable du contrôle des stocks, ainsi que trois autres bureaux de vente au Canada. Il a témoigné que l'appelante mène également ses opérations financières à Mississauga, sous la direction de son trésorier et secrétaire adjoint. Il a déclaré que l'effectif de vente de l'appelante fait de la sollicitation auprès de la clientèle canadienne pour vendre des biens d'équipement de jeu de quilles. Quant aux ventes susmentionnées, M. Lindgren a déclaré que BB&B s'occupe de la comptabilité et de la vérification du crédit au nom de l'appelante. M. Lindgren a déclaré que l'appelante paie BB&B pour ces services et que cette dernière tient, pour le compte de l'appelante, des livres comptables et des dossiers financiers distincts. Il a ajouté que l'appelante conçoit elle-même ses propres annonces et fait de la publicité au Canada. M. Lindgren n'a pas été en mesure de confirmer si BB&B approuve les annonces publicitaires, mais a pu confirmer qu'elles ne font pas l'objet de l'approbation de la Brunswick Corporation.

M. Lindgren a témoigné que l'appelante a remis des T-4 à une quarantaine d'employés au cours des années qui ont fait l'objet de l'examen de l'intimé. Il a déclaré qu'aucun des employés de l'appelante n'est aussi à l'emploi de la Brunswick Corporation ou de BB&B. M. Lindgren a témoigné que l'appelante administre des régimes de soins médicaux, de soins dentaires et de retraite pour ses employés et produit des déclarations canadiennes de revenu. M. Lindgren a déclaré que l'appelante possède deux comptes de banque au Canada, l'un servant aux fins d'exploitation générale et l'autre portant intérêt et servant aux fins de la paie. M. Lindgren a témoigné que les employés canadiens sont payés à même le compte de paie canadien de l'appelante. Au cours du contre-interrogatoire, M. Lindgren a reconnu que les chèques des employés sont émis à Tulsa (Oklahoma) et à Muskegon.

M. Lindgren a indiqué que l'appelante compte deux directeurs canadiens et un directeur américain et que les réunions de son conseil d'administration sont tenues au Canada. Il a déclaré que l'appelante est propriétaire de biens-fonds à Dauphin (Manitoba) où est érigé un entrepôt. Il a précisé que l'appelante garde des stocks à l'entrepôt et qu'elle a confié, en sous-traitance, la direction de l'entrepôt à Expert Fishing. M. Lindgren a témoigné que l'appelante a entrepris, en son propre nom, des recours juridiques au Canada pour recouvrer des créances radiées.

M. Lindgren a décrit les étapes d'une vente de biens d'équipement de jeu de quilles ainsi que le rôle qu'assument l'appelante et BB&B. M. Lindgren a expliqué que BB&B doit, aux termes des lois fiscales des États-Unis, établir un prix de cession des biens d'équipement de jeu de quilles vendus par BB&B à l'appelante comparable au prix qui prévaudrait entre personnes non liées. L'étude sur l'établissement des prix de la Brunswick Corporation a indiqué que le prix de revient majoré de 18 p. 100 est le prix entre personnes sans lien de dépendance aux fins de l'impôt sur le revenu des États-Unis. M. Lindgren a témoigné que, sauf dans le cas de produits abandonnés ou d'excédent de stocks, l'appelante obtient toujours les biens d'équipement de jeu de quilles de BB&B au prix de revient majoré de 18 p. 100. M. Lindgren a déclaré que BB&B ne vend jamais directement aux utilisateurs finals au Canada.

M. Lindgren a expliqué que l'appelante possède un effectif de vente au Canada, dont les membres communiquent avec des clients éventuels pour qu'ils achètent des biens d'équipement de jeu de quilles. Le personnel de vente de l'appelante communique avec les clients éventuels, négocie le prix de vente et les modalités du contrat et accepte la commande sous réserve de l'approbation d'une vérification de crédit faite par BB&B pour l'appelante. Les vendeurs passent un contrat avec le client au nom de l'appelante et reçoivent un acompte du client. Le versement d'acompte est établi au nom de l'appelante et déposé dans la boîte postale scellée de l'appelante au Canada. Le vendeur établit ensuite un sommaire de vente qui précise l'équipement souhaité par le client, ainsi que les spécifications pertinentes, et transmet le sommaire à BB&B. M. Lindgren a déclaré que l'appelante n'achète pas de marchandises de BB&B avant d'avoir trouvé un client parce que ces marchandises font l'objet de commandes sur mesure spéciales et que le coût d'entreposage serait trop élevé.

M. Lindgren a expliqué que BB&B expédie des marchandises directement au client de l'appelante. BB&B émet une facture couvrant les marchandises à l'appelante, et une facture est envoyée aux clients, au nom de l'appelante. Le client paie la facture par chèque établi à l'ordre de l'appelante, ledit chèque étant déposé dans la case postale scellée de l'appelante au Canada. M. Lindgren a témoigné que les marchandises sont expédiées FAB par BB&B et que le titre et la responsabilité des marchandises passent alors à l'appelante. M. Lindgren a déclaré que, bien que BB&B et l'appelante aient un accord de transport conjoint par l'intermédiaire de la Brunswick Corporation, l'appelante paie le transporteur directement. M. Lindgren a témoigné que, si une transaction passée entre l'appelante et son client avorte, c'est à l'appelante qu'incombe la responsabilité de payer les marchandises. M. Lindgren a témoigné que l'appelante assume la responsabilité de tous les frais de garantie afférents à la vente.

M. Lindgren a déclaré que les dossiers financiers de l'appelante corroborent son témoignage, puisqu'ils démontrent ce qui suit : 1) la vente entre BB&B et l'appelante, et entre l'appelante et le client canadien; 2) les niveaux des stocks à l'entrepôt du Manitoba; 3) les paiements de l'appelante en contrepartie des services fournis par ses filiales et les services de transport; 4) le nombre d'employés; 5) les régimes de retraite et d'avantages sociaux; 6) les frais de garantie. M. Lindgren a déclaré que l'appelante est un centre de profit distinct de BB&B et de la Brunswick Corporation et que les profits tirés de l'exploitation de l'appelante sont réinvestis au Canada. Il a aussi déclaré que l'appelante a le pouvoir d'acheter les fournitures dont elle a besoin, mais a reconnu que la démarche privilégiée est l'achat par l'intermédiaire de la Brunswick Corporation, en vue d'optimiser ses ressources financières.

Tant dans le cadre de l'interrogatoire principal que dans le cadre du contre-interrogatoire, M. Lindgren s'est vu poser des questions sur le contenu des contrats passés entre l'appelante et ses clients canadiens. Plus précisément, il a été interrogé à savoir pourquoi, si les contrats sont passés entre l'appelante et ses clients canadiens, les dispositions portant sur le paiement, la formation du personnel et les garanties font référence aux installations de BB&B, au Michigan. M. Lindgren a expliqué que l'appelante a copié les contrats de BB&B et, par erreur, a conservé les renvois susmentionnés. D'une façon similaire, M. Lindgren a déclaré que l'« Accord de représentation » soumis en preuve, qui semble être passé entre BB&B et un distributeur canadien, était entre l'appelante et le distributeur canadien. M. Lindgren a déclaré que, en dépit des termes de l'accord, c'est l'appelante et non BB&B qui est propriétaire des stocks, paye les frais d'expédition de tous les produits, s'occupe de la facturation et recueille les montants de la vente au détail et fournit du crédit aux distributeurs canadiens. M. Lindgren a aussi déclaré que la lettre soumise en preuve, qui semble être une lettre d'acceptation par BB&B destinée à un client canadien, était de fait une lettre de relations publiques qui n'est expédiée que dans une proportion de 20 à 25 p. 100 des cas, parfois même après l'installation des marchandises.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Lindgren a reconnu que, dans la plupart des cas, l'appelante paie BB&B pour les marchandises après avoir été elle-même payée par le client. M. Lindgren a aussi soutenu que les relevés compris dans les déclarations de revenus de l'appelante, qui portent à croire que cette dernière n'a pas payé de salaires pour ses cadres ni d'honoraires aux directeurs, sont erronés.

Dans son témoignage, M. Haggerty a affirmé avoir le pouvoir de conclure des contrats au nom de l'appelante. Il a dit négocier la combinaison de produits et le prix de vente des biens d'équipement de jeu de quilles avec le client au nom de l'appelante. Il a ajouté que, bien qu'il utilise les formules de contrat de BB&B, il détient l'entier pouvoir de modifier les modalités au besoin. M. Haggerty a déclaré qu'il ne fait pas quotidiennement rapport à BB&B de ses négociations ni de ses ventes. M. Haggerty a ajouté que, même dans les cas où un client a signé un contrat qui porte par erreur le nom de BB&B, le client sait qu'il traite avec l'appelante. M. Haggerty a dit considérer les écrits commerciaux et administratifs comme ayant un caractère secondaire.

M. Haggerty a témoigné que le sommaire de vente constitue la commande de l'appelante à BB&B. Il a déclaré que, pendant que BB&B procède à la vérification du crédit, il continue de travailler avec le client pour faciliter le financement. Il continue aussi de travailler avec le client pour veiller à ce que toutes les exigences préalables à l'installation soient satisfaites, et discute avec le client du service après-vente. M. Haggerty a témoigné que l'appelante organise aussi de la formation pour ses clients au Canada.

M. Haggerty a expliqué au Tribunal qu'il consulte BB&B durant la négociation d'un contrat portant sur des marchandises qui ne font pas partie intégrante de la gamme de produits habituels de BB&B, qui comprend 6 000 unités de gestion de stock. Dans de telles circonstances, il fait parvenir une demande d'exception à BB&B dans le but d'évaluer le prix de revient majoré de 18 p. 100 pour établir ses marges. M. Haggerty a confirmé le témoignage de M. Lindgren concernant la démarche suivie dans la vente de biens d'équipement de jeu de quilles ainsi que la responsabilité de l'appelante quant aux frais de la garantie.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Haggerty a été interrogé relativement à divers documents où il semblerait que BB&B a modifié la commande de l'appelante. M. Haggerty a témoigné que BB&B veillait à ce que les bonnes marchandises soient commandées pour compléter le système de jeu de quilles. Il a dit que de veiller à ce qu'un client reçoive le bon produit est dans l'intérêt des deux sociétés.

M. Mitchell a témoigné que l'appelante est propriétaire de l'entrepôt du Manitoba et que c'est l'appelante qui paie Expert Fishing en contrepartie de la gestion de l'entrepôt [3] . M. Mitchell a ajouté que l'appelante lui avait demandé de placer des étiquettes sur les marchandises en entrepôt pour indiquer que les marchandises sont la propriété de l'appelante.

PLAIDOIRIE

Au cours de l'audience, les avocats de l'appelante ont déclaré que cette dernière n'aborderait pas la question de la valeur en douane des petits articles de jeu de quilles ni des articles de billard. Dans leur plaidoirie, les avocats n'ont abordé que la question de la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles.

Les avocats de l'appelante ont fait valoir que les critères pour l'application de la valeur transactionnelle entre l'appelante et BB&B pour déterminer la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles sont les suivants :

a) il doit y avoir vente entre l'appelante et BB&B;

b) la vente doit être « pour exportation au Canada »;

c) l'appelante doit être un « acheteur au Canada »;

d) il doit exister un prix déterminé payé ou à payer par l'appelante à BB&B lorsque les marchandises sont vendues pour exportation.

Les avocats de l'appelante ont soutenu qu'il y a eu vente entre l'appelante et BB&B, puisqu'il n'existe pas de liens de mandataire-mandant entre les deux sociétés. Les avocats ont affirmé que le fait que les deux sociétés sont liées n'empêche pas le recours à la méthode de la valeur transactionnelle et n'est pas déterminant de la question de savoir s'il y a vente entre les sociétés [4] . Les avocats ont fait valoir les faits suivants, entre autres, à titre d'éléments de preuve de la vente entre BB&B et l'appelante et de la vente entre l'appelante et son client canadien : 1) les employés de l'appelante sollicitent la clientèle canadienne pour obtenir des achats et négocient les modalités du contrat avec les clients; 2) l'appelante passe un contrat avec le client canadien, sous réserve uniquement de la vérification de crédit exécutée par BB&B; 3) le contrat est envoyé à BB&B à l'unique fin de permettre la vérification de crédit; 4) le sommaire de vente, qui est préparé par l'employé de vente de l'appelante, tient lieu d'offre d'achat, par l'appelante, de marchandises de BB&B; 5) les employés de l'appelante continuent leur consultation auprès du client canadien pendant que la vérification de crédit suit son cours; 6) BB&B expédie les marchandises lorsque la vérification de crédit débouche sur une approbation, et l'expédition des marchandises constitue l'acceptation par BB&B de l'offre d'achat de l'appelante; 7) les marchandises sont expédiées directement au client canadien; 8) BB&B facture les marchandises à l'appelante; 9) les livres de l'appelante montrent un compte fournisseur pour BB&B et les livres de BB&B montrent un compte client pour l'appelante; 10) une facture est expédiée au client canadien au nom de l'appelante, et il y est précisé que le client doit payer l'appelante; 11) le paiement des marchandises est effectué par l'appelante à BB&B par virement télégraphique; 12) le client canadien paie l'appelante, et les fonds sont déposés au compte de banque canadien de cette dernière. Les avocats ont soutenu que les faits en l'espèce sont très similaires aux faits dans l'affaire Moda Imports [5] , où le Tribunal a conclu qu'il y avait vente entre la société mère et sa filiale.

En ce qui concerne les contrats de vente passés avec les clients canadiens de l'appelante et d'autres documents qui précisent que BB&B est le vendeur, ou font mention des installations de BB&B relativement à certaines modalités, les avocats de l'appelante ont soutenu que les documents en cause doivent être interprétés de la manière « la plus logique d'un point de vue commercial » [6] . Les avocats ont affirmé que les déclarations des témoins de l'appelante, selon lesquelles ces documents étaient des documents américains que l'appelante a utilisés sans avoir apporté les adaptations indiquées, effacent toute ambiguïté qui pourrait exister à leur propos. Les avocats ont aussi souligné que, dans le cas de cinq des six contrats au dossier, l'appelante est spécifiquement désignée au titre de vendeur des biens d'équipement de jeu de quilles au client canadien. Les avocats ont soutenu que les éléments de preuve révèlent que la nature véritable de la transaction commerciale a été celle d'une vente entre BB&B et l'appelante et entre l'appelante et le client canadien.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que la vente entre BB&B et l'appelante est une vente pour exportation au Canada, puisque BB&B expédie les marchandises directement des États-Unis au client de l'appelante au Canada. Les avocats ont soutenu que la vente entre l'appelante et le client canadien est une vente nationale.

Les avocats de l'appelante ont soutenu que l'appelante est un « acheteur au Canada ». Ils ont ajouté que l'appelante est un « résident », au sens du Règlement modifiant le Règlement sur la détermination de la valeur en douane [7] . Les avocats ont affirmé qu'un « résident » est une personne morale qui exerce son activité au Canada et dont la gestion et le contrôle s'exercent au Canada. Les avocats ont soutenu que l'appelante exerce son activité au Canada, du fait que, notamment, elle conclut des ventes, possède un entrepôt, tient un stock, emploie du personnel, possède des comptes de banque, paie des impôts et administre des régimes d'avantages sociaux et de retraite au Canada. Ils ont soutenu que la gestion et le contrôle de l'appelante s'exercent au Canada, du fait que, notamment, M. Haggerty est responsable des affaires courantes de l'appelante et M. Bob Culver, de Mississauga, investit les profits de l'appelante au Canada sans être assujetti à une autorité américaine.

Comme argument subsidiaire, les avocats de l'appelante ont soutenu que, si l'appelante n'est pas un résident, elle a un établissement stable au Canada. Ils ont déclaré que deux critères s'appliquent pour établir l'existence d'un établissement stable au Canada : 1) il doit y avoir un lieu d'affaires fixe d'une personne, et 2) la personne doit exercer son activité par l'intermédiaire dudit lieu d'affaires. Les avocats ont soutenu que l'appelante possède plusieurs lieux d'affaires fixes, y compris l'entrepôt du Manitoba et quatre bureaux au Canada par l'intermédiaire desquels les employés de vente de l'appelante ont vendu des biens d'équipement de jeu de quilles durant la période visée par la vérification. Pour les motifs qui précèdent, relativement aux critères requis pour établir que l'appelante est un résident, les avocats ont soutenu que l'appelante exerce son activité par l'intermédiaire de ses lieux d'affaires fixes. Les avocats ont soutenu que l'appelante est par conséquent un « acheteur au Canada ».

Finalement, les avocats de l'appelante ont soutenu qu'il y avait un prix déterminé à payer par l'appelante à BB&B lorsque les marchandises ont été vendues pour exportation au Canada et que ce prix ressortait des factures préparées par BB&B avant l'expédition desdites marchandises. Les avocats ont affirmé que le prix à payer était connu à la fois de BB&B et de l'appelante avant l'exportation, soit le prix de revient de BB&B majoré de 18 p. 100. Pour les motifs susmentionnés, les avocats ont soutenu que la valeur transactionnelle qui doit servir aux fins de la vente pour exportation des biens d'équipement de jeu de quilles à un acheteur au Canada est le prix transactionnel entre l'appelante et BB&B.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, puisque l'appelante n'a pas produit d'éléments de preuve à l'audience pour ce qui concerne les petits articles de jeu de quilles et les articles de billard, la partie de l'appel concernant la valeur en douane de ces marchandises devrait être rejetée.

L'avocate de l'intimé a dit être d'accord sur le fait que les quatre critères énoncés par les avocats de l'appelante sont nécessaires pour déterminer si la valeur transactionnelle est la valeur en douane des marchandises. L'avocate de l'intimé a soutenu qu'il n'y a pas eu de vente entre l'appelante et BB&B, puisque l'appelante agit à titre de mandataire de BB&B. L'avocate a soutenu que les éléments de preuve d'une relation de mandataire-mandant ressortent, notamment, des faits suivants : 1) la Brunswick Corporation a rédigé les formules de contrat utilisées par l'appelante; 2) dans certains des contrats, BB&B figure comme vendeur, et tous les contrats font référence aux installations de BB&B; 3) des éléments de preuve documentaires portent à conclure que c'est BB&B qui a accepté les contrats avec les clients canadiens; 4) l'appelante doit présenter des demandes d'exception à BB&B avant de s'engager à fournir des marchandises qui ne sont pas incluses dans la liste des produits de BB&B; 5) l'appelante ne tente pas d'obtenir de biens d'équipement de jeu de quilles en provenance d'aucun autre fabricant que BB&B; 6) d'autres documents utilisés par l'appelante font uniquement référence à BB&B; 7) l'appelante ne commande les marchandises qu'après avoir obtenu de façon sûre un client canadien; 8) BB&B examine les contrats au nom de l'appelante; 9) l'appelante soumet des rapports sur les produits défectueux à BB&B, et lui demande de les remplacer ou de les réparer. L'avocate a soutenu que la position de l'appelante, selon laquelle il y aurait de multiples erreurs dans les documents soumis en preuve, est indéfendable et que peu ou pas de poids doit être accordé aux témoignages des témoins de l'appelante.

L'avocate de l'intimé a soutenu que, en plus d'éléments de preuve documentaires précis, il existe d'autres éléments de preuve de l'existence de la relation de mandataire-mandant dont, entre autres, les faits suivants : 1) tous les livres comptables et toutes les factures sont préparés et conservés par BB&B; 2) BB&B émet tous les chèques; 3) les fournitures de bureau doivent être achetées de BB&B; 4) la participation de certains employés de BB&B dans le service après-vente est considérable; 5) le prix de BB&B ne fait pas l'objet de négociation; 6) les marchandises sont expédiées directement de BB&B à l'acheteur canadien; 7) l'appelante ne tient pas de stock; 8) la Brunswick Corporation négocie les contrats de transport et d'assurance; 9) les employés de BB&B exécutent les services liés à la garantie sur les marchandises au Canada. Par conséquent, l'avocate a soutenu que l'appelante est la mandataire de BB&B et qu'il n'y a pas de vente entre ces deux sociétés. Puisqu'il n'y a pas de vente entre BB&B et l'appelante, l'avocate a soutenu que la vente pour exportation à un acheteur au Canada doit être la vente entre BB&B et le client canadien.

S'il devait être déterminé qu'il y a eu vente entre l'appelante et BB&B, l'avocate de l'intimé a soutenu que l'appelante n'est pas un « acheteur au Canada » au sens du Règlement. Elle a soutenu que, pour les motifs déjà indiqués, BB&B exerce le contrôle sur l'activité et la gestion de l'appelante; par conséquent, l'appelante n'est pas un « résident ». En outre, puisque la sollicitation aux fins de vente est sous le contrôle d'une société américaine, l'avocate a soutenu que l'appelante n'a pas de lieu d'affaires fixe par l'intermédiaire duquel une activité est exercée au Canada. Par conséquent, l'appelante n'a pas d'« établissement stable » au Canada. Pour les motifs susmentionnés, l'avocate a soutenu que l'appelante n'est pas un acheteur au Canada.

DÉCISION

Les articles 47 et 48 de la Loi prévoient que la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, et si le prix payé ou à payer est déterminable. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, « acheteur au Canada » s'entend, au sens du Règlement, notamment, d'un résident ou d'une personne autre qu'un résident qui a un établissement stable au Canada. Quant aux personnes morales, « résident » s'entend au sens du Règlement d'une « personne morale qui exerce son activité au Canada et dont la gestion et le contrôle s'exercent au Canada ». Le Règlement définit « établissement stable » comme un « [l]ieu d'affaires fixe d'une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l'intermédiaire duquel elle exerce son activité ». Le Mémorandum D13-1-3 [8] énonce des lignes directrices relatives à la définition de l'expression « acheteur au Canada ». Le Mémorandum D13-4-2 [9] établit des lignes directrices sur l'interprétation de l'expression « vendues pour exportation au Canada ».

L'appelante n'a pas traitée de la question de la valeur en douane des petits articles de jeu de quilles ou d'articles de billard durant l'audience. Puisque l'appelante a omis de produire des éléments de preuve qui établissent un fondement prima facie qui justifierait de mettre en doute le bien-fondé de la détermination de l'intimé relativement à ces marchandises, la partie de l'appel concernant ces marchandises est rejetée.

Quant à la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles, l'appelante et l'intimé sont en désaccord sur deux points : 1) la question de savoir s'il y a eu vente entre l'appelante et BB&B; 2) la question de savoir si l'appelante est un « acheteur au Canada ». Le Tribunal accueille la position de l'appelante et de l'intimé selon laquelle, pour déterminer la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles d'après la valeur transactionnelle entre BB&B et l'appelante, les critères suivants doivent être satisfaits :

a) il doit y avoir vente entre l'appelante et BB&B;

b) la vente doit être « pour exportation au Canada »;

c) l'appelante doit être un « acheteur au Canada »;

d) il doit y avoir un prix déterminé payé ou à payer par l'appelante à BB&B lorsque les marchandises sont vendues pour exportation au Canada.

Le Tribunal traitera de chacun de ces critères à tour de rôle.

Y a-t-il vente?

L'examen par le Tribunal de la jurisprudence pertinente révèle qu'une vente est fondée sur trois éléments :

a) il doit y avoir deux parties, établies dans une relation de type acheteur-vendeur l'une par rapport à l'autre;

b) les deux parties doivent être d'accord sur une même proposition;

c) il doit y avoir cession de titre et considération en contrepartie [10] .

Pour qu'il y ait deux parties, dans une relation de type acheteur-vendeur l'une par rapport à l'autre, il doit exister deux entités juridiques distinctes qui participent à la transaction. Une des pierres angulaires du droit des sociétés au Canada est que les corporations, même lorsque l'une d'elle est une filiale à part entière de l'autre ou qu'elles sont toutes deux la propriété exclusive d'une même compagnie mère, sont des entités juridiques distinctes [11] . Ainsi, d'une façon générale, il peut y avoir une vente entre une corporation et sa société mère, sa succursale ou sa société sœur. Cependant, la présomption de l'existence d'une entité juridique distincte peut être réfutée dans des circonstances exceptionnelles. Lorsque la structure corporative établie a un caractère fictif, lorsqu'une société est entièrement dépendante de l'autre ou sa marionnette ou lorsqu'une filiale est « à la merci de la compagnie mère et doit lui obéir au doigt et à l'œil » [12] , les cours canadiennes ont « levé le voile de la compagnie » et ont conclu que les deux corporations ne formaient qu'une seule entité.

Le Tribunal est d'avis que l'appelante, BB&B et la Brunswick Corporation sont des entités juridiques distinctes. Le Tribunal fonde sa conclusion principalement sur les faits suivants : 1) la gestion courante de l'activité de l'appelante est exercée par M. Haggerty, un employé de l'appelante; 2) l'appelante est libre de négocier les modalités des ventes avec ses clients; 3) l'appelante emploie et rémunère ses propres employés et administre des régimes de retraite, de soins médicaux et de soins dentaires à l'intention de ces employés; 4) l'appelante possède ses propres lieux d'affaires au Canada; 5) bien qu'ils soient tenus par BB&B, les livres et les dossiers de l'appelante sont distincts; 6) l'appelante garde des comptes de banque distincts au Canada; 7) les recettes tirées de l'activité de l'appelante demeurent la propriété de l'appelante et sont investies par ses administrateurs. Étant donné ce qui précède, le Tribunal est d'avis que les circonstances exceptionnelles requises pour réfuter la présomption de l'existence d'une entité juridique distincte ne sont pas présentes en l'espèce. L'intimé n'a pas avancé que l'appelante avait été constituée en corporation dans le cadre d'une opération fictive et, étant donné que l'appelante est constituée en corporation depuis 1972, le Tribunal est d'avis que tel n'a apparemment pas été le cas. De plus, les éléments de preuve ne montrent pas que l'appelante est entièrement dépendante de BB&B ou de Brunswick Corporation ou qu'elle est « à leur merci ».

Le Tribunal constate que les corporations en cause ont poussé très loin la coordination de leurs efforts. BB&B a exécuté des services administratifs et de vérification de crédit pour l'appelante, la Brunswick Corporation a organisé un contrat de transport au nom de l'appelante, et BB&B a travaillé avec l'appelante pour veiller à ce que les bonnes marchandises soient commandées. De tels arrangements ne modifient pas l'avis du Tribunal. Le Tribunal est d'avis que de tels arrangements entre des sociétés liées, conçus dans le meilleur intérêt de chacune d'elles, sont prévisibles et qu'ils ne font pas, à eux seuls, des sociétés participantes une seule entité [13] . Le Tribunal est convaincu que l'appelante gère et contrôle suffisamment ses activités pour être plus qu'une simple marionnette de BB&B ou de la Brunswick Corporation.

Cependant, même si l'appelante et BB&B sont des entités juridiques distinctes, il pourrait tout de même ne pas y avoir vente entre elles si l'appelante agit à titre de mandataire au nom de BB&B, le mandant. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si la relation entre l'appelante et BB&B est une relation de mandataire-mandant ou une relation d'acheteur-vendeur. La relation de mandataire-mandant se trouve décrite dans une affaire entendue par la Cour suprême du Canada ainsi qu'il suit :

Le mandat est le rapport qui existe entre deux personnes dont l'une, l'agent, est en droit considérée comme la représentante de l'autre, le commettant, si bien que cet agent peut, par la conclusion de contrats ou l'aliénation de biens, influer sur la situation juridique du commettant à l'égard de tierces parties. [En italique dans l'original.] [14]

Il n'y a pas d'élément de preuve de l'existence d'un contrat explicite de mandataire-mandant entre BB&B et l'appelante. Pour déterminer s'il existe un contrat implicite de mandataire-mandant entre BB&B et l'appelante, le Tribunal doit examiner l'« effet en droit de la ligne de conduite » [15] [traduction] de l'appelante et de BB&B. Dans l'examen de la question de savoir s'il existe une relation de mandataire-mandant, les cours ont déterminé qu'une telle existence est une question de fait. Dans son ouvrage The Law of Agency, Fridman indique ce qui suit :

Dans toutes ces situations [lorsque les cours tentent de déterminer s'il existe une relation de mandataire-mandant ou d'acheteur-vendeur], le problème doit être tranché par un examen attentif des faits et, par surcroît, de la nature exacte de la relation établie entre les parties. À cet égard, les cours apportent un soin considérable à l'examen de la question de savoir si une partie, le prétendu « mandataire », doit rendre compte des montants d'argent qu'elle reçoit de l'autre partie, le prétendu « mandant » [16] .

[Traduction]

Le Tribunal a fait observer à plusieurs reprises que bien que les cours aient tenu compte de divers facteurs pour répondre à la question de savoir s'il existe une relation de mandataire-mandant ou d'acheteur-vendeur, y compris si l'une des parties doit rendre compte à l'autre de ses profits, la mesure dans laquelle une des parties contrôle l'autre et le degré de risque assumé par le présumé mandataire, aucun facteur n'a été considéré déterminant dans la question de la relation de mandataire-mandant par lesdites cours [17] .

Le Tribunal est d'avis que l'appelante n'est pas la mandataire de BB&B. Le Tribunal fonde cette conclusion principalement sur les faits suivants : 1) les employés de l'appelante sollicitent la clientèle canadienne pour réaliser des ventes, négocient les modalités du contrat (y compris la combinaison des produits et leur prix) et participent à des consultations suivies avec le client durant la livraison et l'installation; 2) la facture au client canadien est établie au nom de l'appelante et l'appelante reçoit tous les paiements du client canadien; 3) l'appelante prend le titre des marchandises au moment de leur expédition et assume le risque de défaut de paiement par le client canadien; 4) le client canadien traite avec l'appelante en ce qui concerne les réclamations au chapitre de la garantie; 5) l'appelante n'a pas à rendre compte à BB&B des recettes qu'elle tire de ses ventes.

Le Tribunal reconnaît l'existence de certains faits qui peuvent appuyer des conclusions dans le sens de l'existence d'une relation de mandataire entre l'appelante et BB&B. Plus précisément, l'existence 1) d'un contrat qui semble établi entre BB&B et le client canadien, 2) de contrats passés entre l'appelante et ses clients canadiens, mais qui renvoient aux installations de BB&B, 3) de la présumée lettre d'acceptation de BB&B à un client canadien et 4) d'une formule intitulée « EXCEPTION Overhead Video Display/Scoreboard Structure Certification » (« EXCEPTION - Certification de la structure du tableau d'affichage/de pointage vidéo ») portant le nom de BB&B a poussé le Tribunal à s'interroger sur la nature de la relation. Le Tribunal trouve étonnant que l'appelante n'ait pas apporté un plus grand soin au libellé de ses documents. Bien que l'avocate de l'intimé ait mis en doute la crédibilité des témoins de l'appelante dans sa plaidoirie, le Tribunal accepte l'explication des témoins de l'appelante selon laquelle cette dernière a utilisé, à ses propres fins, et sans en modifier les termes, des formules standard de BB&B pour les contrats et la certification. Le Tribunal fait également observer que la lettre « d'acceptation » dont il a été question a été envoyée après que les marchandises visées dans ladite lettre aient été installées dans les lieux d'affaires du client canadien et qu'elle n'a donc en aucune façon servi dans le cadre de l'acceptation du contrat du client canadien.

Le Tribunal fait également observer que l'appelante ne tenait pas de stock de biens d'équipement de jeu de quilles et plaçait une commande auprès de BB&B uniquement lorsqu'elle avait concrètement obtenu un nouveau client canadien. Étant donné le contexte où les biens d'équipement de jeu de quilles font l'objet d'une commande spéciale, sur mesure, et qu'ils sont trop volumineux pour être gardés en stock, le Tribunal n'est pas d'avis qu'une telle pratique justifie des conclusions selon lesquelles l'appelante serait la mandataire de BB&B. De plus, le Tribunal n'est pas convaincu que, dans les circonstances de l'espèce les efforts de coordination entre l'appelante et BB&B dans les domaines des services administratifs, de la vérification de crédit et des consultations sur les produits indiquent que l'appelante soit la mandataire de BB&B. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, un tel effort de coordination entre des sociétés liées est prévisible.

Ayant conclu que l'appelante et BB&B sont deux parties qui peuvent avoir une relation acheteur-vendeur, le Tribunal doit maintenant aborder les deux derniers éléments afin de savoir s'il y a vente. Le Tribunal est d'avis que le sommaire de vente de l'appelante constitue son offre d'achat à BB&B et que, lorsque BB&B expédie les biens d'équipement de jeu de quilles énumérés dans le sommaire de vente, l'expédition constitue l'acceptation, par BB&B, de l'offre d'achat de l'appelante. Les deux parties conviennent d'une transaction. En outre, au moment de l'expédition FAB des marchandises, le titre et le risque sont transmis à l'appelante. BB&B facture ensuite les articles à l'appelante, et l'appelante paie BB&B par virement télégraphique. Par conséquent, le Tribunal conclut que, étant donné que les deux parties conviennent des modalités de la transaction et qu'il y a cession des titres de propriété et considération en contrepartie, il y a vente entre l'appelante et BB&B.

Étant donné que le Tribunal a déterminé qu'il y a vente entre l'appelante et BB&B, il n'y a pas de vente entre BB&B et le client canadien qui puisse fonder la valeur en douane des marchandises en cause. Cependant, pour que la valeur en douane des marchandises en cause soit déterminée d'après la valeur transactionnelle entre l'appelante et BB&B, trois autres critères doivent être satisfaits .

La vente est-elle « une vente pour exportation au Canada »?

Pour que la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles soit déterminée d'après la valeur transactionnelle entre BB&B et l'appelante, la transaction doit être une vente pour exportation au Canada. Sur ce point, le Tribunal fait observer que les documents soumis en preuve et les déclarations des témoins considèrent tous que les biens d'équipement de jeu de quilles étaient pour exportation du Michigan au Canada. L'appelante a pris possession du titre des marchandises de BB&B lorsque ces dernières étaient encore au Michigan. Les marchandises ont ensuite été exportées directement du Michigan au Canada. Avant leur entrée au Canada, elles n'ont pas fait l'objet de commerce dans un autre pays, et le titre des marchandises n'a pas été cédé à aucune autre personne. Autrement dit, il n'y a pas eu d'interruption, sous forme d'action ou de personne, de l'exportation des marchandises du Michigan au Canada. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les biens d'équipement de jeu de quilles ont été vendus pour exportation au Canada.

L'appelante est-elle un « acheteur au Canada »?

Le troisième critère pour que la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles soit déterminée d'après la valeur transactionnelle entre BB&B et l'appelante est que l'appelante doit être un « acheteur au Canada ». Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Règlement définit l'expression « acheteur au Canada », notamment, comme s'entendant d'un résident ou d'une personne, autre qu'un résident, qui a un établissement stable au Canada. Le Règlement définit l'expression « établissement stable » comme suit : « [l]ieu d'affaires fixe d'une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l'intermédiaire duquel elle exerce son activité ».

Le Tribunal est d'avis que l'appelante a un établissement stable au Canada. L'appelante a divers lieux d'affaires fixes au Canada, y compris son entrepôt, un bureau principal de vente à Mississauga et trois autres bureaux de vente au Canada. L'appelante exerce en outre ses activités commerciales au Canada par l'intermédiaire des lieux d'affaires susmentionnés. Le Tribunal fonde sa décision principalement sur les facteurs suivants : 1) les employés de l'appelante sollicitent la clientèle pour obtenir des commandes au Canada; 2) les employés de l'appelante ont le pouvoir de négocier les modalités de la vente de biens d'équipement de jeu de quilles sans obtenir la confirmation de BB&B et ils ont le pouvoir de conclure des contrats au nom de l'appelante; 3) une facture est émise au nom de l'appelante, et tous les paiements versés par les clients canadiens sont reçus par l'appelante dans ses comptes de banque canadiens; 4) les clients canadiens traitent avec l'appelante en ce qui concerne les réclamations afférentes à la garantie sur les marchandises en cause; 5) l'appelante produit des déclarations canadiennes de revenu.

Étant donné que le Tribunal est d'avis que l'appelante a un établissement stable au Canada, il n'est pas nécessaire que le Tribunal examine la question de savoir si l'appelante est, ou non, un résident. De toutes façons, l'appelante serait un acheteur au Canada au sens du Règlement.

Le prix payé ou à payer était-il déterminé au moment de la vente des marchandises pour exportation au Canada?

Le quatrième critère qui doit être satisfait pour que la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles soit déterminée d'après la valeur transactionnelle entre BB&B et l'appelante est qu'il doit y avoir un prix déterminé, payé ou à payer par l'appelante à BB&B, au moment de la vente des marchandises pour exportation au Canada. Étant donné que le titre des biens d'équipement de jeu de quilles est cédé à l'appelante au moment de l'expédition des marchandises en cause, le Tribunal est d'avis que c'est à ce moment que la vente pour exportation au Canada a lieu. Par conséquent, c'est à ce moment que le prix payé ou à payer doit être déterminé. Les factures de BB&B à l'appelante établissent clairement le prix à payer par l'appelante à BB&B. Les éléments de preuve et les témoignages mis à la disposition du Tribunal confirment que ledit prix est connu des deux parties, à savoir l'appelante et BB&B, et que ce prix est le prix de revient de BB&B majoré de 18 p. 100. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il y avait un prix déterminé payé ou à payer par l'appelante à BB&B lorsque les marchandises ont été vendues pour exportation au Canada.

CONCLUSION

Étant donné que le Tribunal a conclu 1) qu'il y a vente de biens d'équipement de jeu de quilles entre l'appelante et BB&B, 2) que cette vente est une vente pour exportation au Canada, 3) que l'appelante est un acheteur au Canada et 4) qu'il existe un prix déterminé payé ou à payer par l'appelante à BB&B au moment de la vente des biens d'équipement de jeu de quilles pour exportation au Canada, le Tribunal est d'avis que la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles est la valeur transactionnelle entre l'appelante et BB&B. Par conséquent, la partie de l'appel concernant la valeur en douane des biens d'équipement de jeu de quilles est admise. À tous autres égards, l'appel est rejeté.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE CLOSE

Je conviens avec mes collègues que la première question à trancher dans le présent appel consiste à déterminer s'il y a eu, ou non, une vente de biens d'équipement de jeu de quilles entre l'appelante et BB&B, qui pourrait faire l'objet d'une appréciation de la valeur en douane calculée aux termes du paragraphe 48(1) de la Loi. Je suis d'accord avec mes collègues sur le fait que, pour qu'il y ait une telle vente, l'appelante et BB&B doivent être deux personnes morales distinctes dont la relation est une relation de type acheteur-vendeur et non de type mandataire-mandant. Je suis également d'accord avec mes collègues sur le fait que l'appelante et BB&B sont des personnes morales distinctes parce qu'il s'agit de deux compagnies légalement et séparément constituées en corporation. Bien que certains des éléments de preuve sur lesquels mes collègues se sont appuyés pour décider de la question, soient, à mon avis, à tout le moins ambigus [18] , je n'irais pas jusqu'à dire que les circonstances exceptionnelles requises pour réfuter la présomption de personne morale distincte existent.

À l'instar de mes collègues, je suis d'avis que le fait que l'appelante et BB&B sont des personnes morales distinctes n'implique pas nécessairement que les transactions passées entre ces deux sociétés soient des ventes. Ainsi que le Tribunal l'a déjà déclaré : « des entités légales distinctes peuvent être traitées comme des éléments intégrés d'une entreprise commerciale lorsqu'il s'agit de déterminer à quel moment se produit une vente » [19] .

À l'encontre de mes collègues, cependant, je suis d'avis que la relation entre BB&B et l'appelante n'était pas une relation de type acheteur-vendeur, mais que ces deux sociétés exerçaient une action intégrée de vente de biens d'équipement de jeu de quilles à des utilisateurs finals au Canada. Le moment de la vente pour exportation, par conséquent, ne coïncidait pas avec une transaction entre BB&B et l'appelante, mais avec une transaction entre BB&B et l'utilisateur final canadien des biens d'équipement de jeux de quilles. Je suis d'avis que le prix de cession entre sociétés qui a été établi entre BB&B et l'appelante n'est pas un prix de vente au sens du paragraphe 48(1) de la Loi, mais simplement une écriture comptable entre deux corporations liées. De ce fait, le prix de cession entre les deux corporations susmentionnées n'est pas un critère indiqué pour l'appréciation de la valeur en douane de la vente pour exportation au Canada; ladite valeur en douane doit plutôt être déterminée d'après le prix précisé dans le contrat de vente de biens d'équipement de jeu de quilles passé avec l'utilisateur final. Mes raisons sont les suivantes.

En premier lieu, plusieurs des facteurs sur lesquels mes collègues se sont principalement fondés pour déterminer que l'appelante n'est pas une mandataire ne me convainquent pas. Je suis d'avis que certains mandataires font de la sollicitation en vue de réaliser des ventes, négocient des prix de contrat et participent à des consultations suivies avec des clients. En outre, je n'interprète pas de la même façon que mes collègues certains des éléments de preuve invoqués à l'appui de leurs conclusions selon lesquelles, à leur avis, il existe une relation d'acheteur-vendeur et je tiens à souligner certains autres éléments de preuve qui fondent ma propre conclusion.

En ce qui concerne l'importance de la facture émise au nom de l'appelante à l'utilisateur final, il s'agit d'une facture émise par BB&B [20] . BB&B émet également une facture similaire, au nom de l'appelante, lorsque l'utilisateur final canadien compose un numéro en 800 pour lui commander directement des petits articles de jeu de quilles [21] . Bien que l'appelante n'ait pas participé à une telle transaction, BB&B émet tout de même des factures au nom de l'appelante à la fois à l'appelante et à l'utilisateur final au nom de l'appelante. À mes yeux, une telle facturation, dans les cas où la seule communication en a été une entre BB&B et l'utilisateur final, retire aux factures de biens d'équipement de jeu de quilles leur caractère d'indication de vente par l'appelante.

Pour ce qui est du témoignage selon lequel l'appelante serait payée par l'utilisateur final canadien, cela semble contredire dans une certaine mesure les modalités de paiement indiquées dans les contrats de vente. Tous les contrats de vente avec l'utilisateur final, qu'ils soient au nom de BB&B ou par la suite modifiés pour définir l'appelante comme étant le vendeur, indiquent, à la rubrique « Prix et modalités de paiement » [traduction], l'adresse de BB&B. Lesdits contrats stipulent ce qui suit : « Tous les paiements seront versés, sans déduction, à Brunswick, 525 West Laketon Avenue, Muskegon 49443 ou à tout autre lieu désigné à cette fin par Brunswick » [22] [traduction]. En pratique, cet autre lieu peut bien être la boîte postale scellée de l'appelante, qui, même si elle est une partie intégrante du compte de banque de l'appelante, n'est pas accessible aux employés de cette dernière. Les employés de BB&B, cependant, semblent être capables de tirer des chèques sur ce compte [23] .

Les témoins, pour expliquer ce qui précède et expliquer d'autres écarts entre les divers éléments de preuve documentaires et entre ces éléments et leur témoignage, ont fait état d'erreurs ou de négligence dans les écrits commerciaux et administratifs. Les documents contenant ces prétendues « erreurs » ou décrits comme du « travail d'écritures bâclé » incluaient les six contrats soumis en preuve [24] , les formules de déclaration de revenu de l'appelante [25] , la description de la structure organisationnelle de l'appelante fournie aux fins de vérification [26] et le Rapport sur l'établissement des prix de 1997 [27] . Bien qu'il puisse parfois y avoir des écarts entre les données concrètes de l'activité commerciale et les contrats formels qui fondent une telle activité [28] , j'ai peine à croire, en l'espèce, que les documents écrits et plus particulièrement les contrats de vente qui ont été utilisés pour négocier avec l'utilisateur final, ne sont pas les meilleurs indicateurs de la nature véritable des ventes de biens d'équipement de jeu de quilles Brunswick au Canada. À mon avis, il y a tout simplement trop de supposées « erreurs » dans trop de documents déposés par l'appelante pour que les témoignages de vive voix suffisent à écarter complètement la preuve écrite.

Quant au témoignage selon lequel l'appelante prend possession des titres des marchandises au moment de leur expédition, ledit témoignage a été fondé sur des factures renfermant une disposition selon laquelle il y a un point d'expédition franco à Muskegon [29] . Cependant, les mêmes factures indiquent par erreur que les marchandises sont expédiées à l'appelante. Dans les faits, les marchandises ont été expédiées directement à l'utilisateur final canadien [30] . D'autres témoignages concernant les titres des marchandises ont également contredit d'autres dispositions officielles et des notes écrites sur un contrat présentées comme éléments de preuve [31] .

En ce qui concerne le risque, il m'apparaît que, s'il y a risque pour l'appelante, ce risque n'est pas indépendant du risque pour BB&B. Les contrats de vente avec l'acheteur, bien que signés par l'appelante, ne sont pas, du moins aux termes du libellé des contrats écrits, exécutoires avant d'être approuvés par BB&B. Les contrats stipulent ce qui suit : « Ni la présente commande ni quelque modification apportée à ladite commande n'a de caractère obligatoire pour Brunswick [désignée dans certains contrats comme étant l'appelante, et dans d'autres comme étant BB&B] avant d'avoir été acceptée par écrit par un représentant autorisé de Brunswick à ses bureaux de Muskegon (Michigan) ou de Lake Forest (Illinois) ou avant l'expédition des marchandises visées » [32] [traduction].

De plus, c'est la Brunswick Corporation qui assure les marchandises durant leur transport et à l'ordre de laquelle la société d'assurance émettrait un chèque en cas de perte. La transmission par la Brunswick Corporation du crédit d'assurance à l'appelante semble n'être rien de plus qu'une écriture comptable.

Pour ce qui est du risque associé au crédit [33] , l'appelante ne commande pas les marchandises à moins d'avoir déjà un acheteur [34] et ne paie d'habitude pas pour lesdites marchandises avant d'avoir été payée par le client canadien [35] . Si la vérification de crédit préalable n'est pas correctement exécutée par BB&B, alors la position de l'appelante est telle que le risque est celui de BB&B. Cette position ressort manifestement du seul cas mentionné au dossier où une responsabilité a été engagée relativement à l'expédition de biens d'équipement de jeu de quilles [36] .

Les éléments de preuve concernant la garantie ne sont pas clairs non plus. L'appelante peut traiter avec le client en ce qui concerne les réclamations aux termes de la garantie, mais les contrats de vente indiquent ce qui suit : « Pour obtenir les services prévus par la garantie, l'acheteur doit soumettre un avis écrit décrivant la défectuosité, à Brunswick, 525, W. Laketon Avenue, Muskegon (Michigan) » [37] [traduction]. Cette adresse est celle de BB&B. Bien que le Rapport sur l'établissement des prix de 1997 indique que l'appelante paie les frais de la garantie associés à ses ventes [38] , les employés de BB&B exécutent les réparations prévues par la garantie au Canada [39] .

Le point final avancé par mes collègues est que l'appelante n'est pas tenue de rendre compte des recettes qu'elle tire de ses ventes à l'utilisateur final. La rentabilité de l'appelante, cependant, est déterminée par le prix de cession, qui n'est pas négocié entre BB&B et l'appelante [40] , mais est plutôt communiqué à l'appelante depuis le siège social de l'entreprise [41] . La liste des remises de l'appelante lui arrive aussi « d'en haut » [42] . Il me semble que, bien que l'appelante ne soit pas tenue de rendre compte de ses profits à BB&B, la détermination de ce que seront ses profits est entravée.

À mon avis, le contrôle sur les contrats de vente avec les utilisateurs finals canadiens s'exerce chez BB&B et non chez l'appelante. Non seulement, ainsi qu'il a déjà été indiqué, les contrats de vente n'ont-ils pas de valeur obligatoire avant d'être acceptés par BB&B, mais cette dernière exerce même le contrôle sur la formule utilisée pour établir les contrats. L'appelante se sert de formules de contrats établies puis modifiées par la suite, pour inclure le contenu canadien, par les avocats de Brunswick Corporation au nom de BB&B [43] . L'appelante, en négociant le prix à payer et en déterminant les biens d'équipement à commander, a uniquement changé les modalités désuètes desdits contrats [44] . Une fois le contrat de vente signé, il est transmis dans sa totalité à BB&B [45] .

À mon avis, BB&B exerce aussi le contrôle sur les aspects techniques de la vente. L'approbation de la commande, ou de toute modification d'une commande, est du ressort de la gestion des contrats et non de l'appelante. Chaque contrat relève d'un gestionnaire de contrat de l'entreprise, à Muskegon, qui veille à ce que les vendeurs qui signent le contrat commandent effectivement les bons produits [46] . La commande ne peut être inscrite au carnet de commandes à livrer avant que le siège social de l'entreprise ne l'examine et ne la trouve satisfaisante [47] . De plus, l'appelante a reçu la consigne de ne pas offrir ni de compléter quelque contrat que ce soit qui contient des articles exceptionnels avant d'avoir obtenu l'approbation, par le gestionnaire de contrat, d'une demande d'exception [48] . Ainsi que l'a déclaré M. Haggerty, le gestionnaire de contrat, à Muskegon, est celui « qui est responsable de chaque [contrat] durant son cheminement dans le système, à partir du moment où [l'appelante] envoie la commande à BB&B jusqu'à ce que cette dernière soit livrée » [49] [traduction].

Les contrats ont été signés par le directeur commercial de secteur (dans la plupart des cas, M. Haggerty), qu'importe le fait que lesdits contrats aient été établis au nom de BB&B, qu'ils aient été imprimés sur papier à en-tête de l'appelante mais sans autres changements par rapport aux contrats de BB&B, ou qu'ils aient été partiellement modifiés au nom de l'appelante. Cela, et le fait que l'incohérence des renvois à BB&B et à l'appelante dans tous les contrats n'ait pas semblé troubler les clients [50] ni le siège social de l'entreprise [51] , constituent, à mon avis, des éléments de preuve que les clients et les administrateurs de Brunswick Corporation sont pleinement conscients qu'ils traitent d'une seule transaction commerciale : la vente de biens d'équipement de jeu de quilles entre BB&B, par l'intermédiaire de l'appelante, à l'utilisateur final canadien.

À la lumière des facteurs susmentionnés, je suis d'avis que les contrats de vente reflètent le fait que le contrôle sur les modalités des ventes s'exerce à l'échelle globale de l'entreprise, à Muskegon ou à Lake Forest, et démontrent que BB&B et l'appelante sont indiscernables en ce qui concerne les contrats de vente. Comme M. Haggerty l'a déclaré : « Les liens qui ont été établis entre [l'appelante] et BB&B ont été poussés très loin, de sorte que je dirais que nous nous occupons tous les deux du meilleur intérêt de l'un et de l'autre, ce qui, par voie de cause à effet, protège les intérêts de notre société, de nos actionnaires partout dans le monde » [52] [traduction]. Bien qu'un tel degré de coordination puisse être prévisible dans le cas de sociétés liées, il devient à mon avis très difficile, en présence d'une telle coordination, de conclure par ailleurs, étant donné les éléments de preuve susmentionnés, que l'appelante n'agissait pas simplement au nom de BB&B dans la vente de ses produits au Canada.

Ensemble, les faits susmentionnés suffisent pour m'amener à conclure que la relation entre BB&B et l'appelante ne peut être qualifiée de relation de type acheteur-vendeur. Par conséquent, à mon avis, il n'y a pas eu, au sens du paragraphe 48(1) de la Loi, vente entre l'appelante et BB&B, mais plutôt vente entre BB&B et l'utilisateur final canadien.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2. D.O.R.S./86-792 [ci-après Règlement].

3. Lorsqu’on lui a présenté les éléments de preuve concernant un contrat de 1994 pour la gestion de l’entrepôt, conclu entre Expert Fishing et Zebco (une division de Brunswick Corporation, située à Tulsa), M. Lindgren a expliqué que le contrat de 1994 a été établi, mais jamais exécuté. M. Lindgren a déclaré que le contrat de 1994 n’était pas en vigueur en 1996 et que c’est l’appelante qui paie Expert Fishing en contrepartie de la gestion de l’entrepôt.

4. À l’appui de cette affirmation, les avocats de l’appelante ont invoqué l’affaire Moda Imports c. S.-M.R.N. (3 septembre 1997), AP-95-296 (T.C.C.E.) [ci-après Moda Imports].

5. Ibid.

6. À l’appui de cette affirmation, les avocats de l’appelante ont invoqué l’affaire Oceanic Exploration c. Denison Mines (13 décembre 1996), B322/94 (O.C.J.).

7. D.O.R.S./97-443.

8. Ministère du Revenu national, Valeur en douane - Règlement sur l’acheteur au Canada (Loi sur les douanes, article 48) (11 décembre 1998).

9. Ministère du Revenu national, Douanes et Accise, Valeur en douane : « Vendues pour exportation au Canada » (Loi sur les douanes, article 48) (21 août 1989).

10. Par exemple, voir l’affaire Joe Ng Engineering c. Gerling Global General Insurance (24 décembre 1997), SR-96-CU-112421 (C. Ont. Div. gén.), 37 O.R. (3d) 359.

11. Salomon c. Salomon, [1897] C.A. 22.

12. Covert c. Ministre des Finances (N.-É.), [1980] 2 R.C.S. 774 à la p. 793, citant l’affaire D.H.N. Food Distributors c. Tower Hamlets London Borough Council, [1976] 1 W.L.R. 852.

13. Canada (P.G.) c. Plotkins, [1939] R.C. de l’É. 1; et Gerrard-Ovalstrapping c. : M.R.N. (26 septembre 1994), AP-93-289 (T.C.C.E.).

14. R. c. Kelly, [1992] 2 R.C.S. 170, citant, avec autorisation, G.H.L. Fridman, The Law of Agency, 5e éd., (Londres, Butterworths, 1983) à la p. 9.

15. G.H.L. Fridman, The Law of Agency, 7e éd. (Toronto, Butterworths, 1996) à la p. 13.

16. Ibid. à la p. 29.

17. Par exemple, voir l’affaire Moda Imports, supra note 4 ; et l’affaire Jewelway International Canada c. S.-M.R.N. (26 mars 1996), AP-94-359 et AP-94-360 (T.C.C.E.).

18. Par exemple, il n’est pas évident que l’appelante exerce son activité quotidienne d’une manière que les personnes associent normalement à de la « gestion ». Bien que M. Haggerty (qui porte le titre plutôt suspect, pour une compagnie canadienne, de gestionnaire de district - Canada) affirme exercer le contrôle sur le budget et les dépenses, il doit faire parvenir des factures au Michigan même pour commander des crayons. Il n’y a même pas non plus de petite caisse (Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 94). Bien que l’appelante puisse avoir plusieurs employés de vente, les 40 feuillets T-4 produits en preuve se rapportent presque dans tous les cas à des menuisiers à contrat embauchés pour installer les allées de quilles (Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 85). Les chèques aux employés ont été signés au Michigan et en Oklahoma (Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 94). L’appelante a ses propres installations à Mississauga, mais, à l’occasion de la réduction de ses effectifs en 1996, elle semble avoir déménagé dans un bureau d’une autre filiale de Brunswick (Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 138 et 279). L’appelante ne tient aucun dossier ni livre. C’est BB&B qui le fait (Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 65). Le compte de banque de l’appelante fait l’objet de discussions ci-après.

19. Geo. Cluthé Manufacturing c. M.R.N. (5 juin 1989), appel no 3031 (T.C.C.E.) à la p. 6.

20. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 130-132.

21. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 273.

22. Pièce A-2, onglet 6 à la p. 109 et onglet 7 à la p. 171; et pièce B-2, onglet 17 à la p. 104 et onglet 18 à la p. 123. La page ajoutée à l’onglet 16 de la pièce B-1 (protégée) soumise à l’audience porte un libellé légèrement modifié.

23. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 94.

24. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 167 et 226-228.

25. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 153-154

26. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 83-85.

27. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 95-96.

28. Mattel Canada c. Canada (13 janvier 1999), A-291-97 (C.A.F.).

29. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 50; et pièce A-2, onglet 6 à la p. 114.

30. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 124.

31. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 106; et pièce B-1, onglet 8 (rendue publique dans une lettre des avocats de l’appelante le 28 juin 1999).

32. Voir, par exemple, la pièce A-2, onglet 7 à la p. 175, para. 15.

33. Pièce A-1, vol. II, onglet 17 à la p. 321 (rendue publique dans une lettre des avocats de l’appelante le 28 juin 1999). Ces états financiers de l’appelante renvoient à une « provision pour créances douteuses » [traduction].

34. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 103.

35. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 147.

36. Pièce B-1, onglet 14 à la p. 303 (rendue publique dans une lettre des avocats de l’appelante le 28 juin 1999); et Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 267.

37. Par exemple, voir la pièce A-2, onglet 6 à la p. 103.

38. Pièce A-2, onglet 5 à la p. 65.

39. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 178 .

40. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 100.

41. Le prix de cession ne répond pas, à mon avis, aux critères énoncés au sous-alinéa 48(1)d)(i) de la Loi, et les éléments de preuve à la pièce A-1, vol. I, onglet 5 à la p. 86 (protégée), et particulièrement à la note 7, montrent également probablement que le prix de cession ne répond pas aux critères énoncés au paragraphe 48(3).

42. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 269.

43. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux p. 216-217.

44. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 201; et pièce B-2, onglet 17 aux pp. 106-107.

45. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 128.

46. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 253.

47. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 238-241.

48. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 aux pp. 206 et 254-255.

49. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 253.

50. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 203.

51. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 120.

52. Transcription de l’audience publique, 29 juin 1999 à la p. 234.


Publication initiale : le 14 janvier 2000