THOMSON-CSF SYSTEMS CANADA INC.

Décisions


THOMSON-CSF SYSTEMS CANADA INC.
Dossier no : PR-2000-010

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 12 octobre 2000

Dossier no : PR-2000-010

EU ÉGARD À une plainte déposée par Thomson-CSF Systems Canada Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.




James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre présidant


Susanne Grimes

Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire
 
 

Date de la décision :

Le 12 octobre 2000

   

Membre du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseillers pour le Tribunal :

Gilles B. Legault

 

John Dodsworth

   

Partie plaignante :

Thomson-CSF Systems Canada Inc.

   

Conseillers pour la partie plaignante :

Richard A. Wagner

 

Katherine A. Evans

   

Intervenantes :

BAE Systems Canada Inc.

 

Oerlikon Aerospace Inc.

   

Conseillers pour les intervenantes :

Richard A. Wagner

 

Barbara McIsaac

 

Kris Klein

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

David M. Attwater

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 30 mai 2000, Thomson-CSF Systems Canada Inc. (Thomson) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (no d'invitation F7018-9-0073/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) relativement à la fourniture d'un système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM)2 utilisant l'appel sélectif numérique sur ondes métriques (AFN VHF) pour le Canada, y compris les « services requis d'ingénierie, de fourniture, d'aide à l'installation, de mises à l'essai, de formation et de documentation » [traduction], pour le compte de la Garde côtière canadienne (GCC), une composante du ministère des Pêches et des Océans.

Thomson a allégué que le Ministère n'a pas passé le marché public en question en conformité avec les dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur 3 , en n'appliquant pas correctement les exigences de l'article 4.17, « Redondance de l'équipement » [traduction] de la Spécification technique et opérationnelle (la Spécification) comprise dans la demande de propositions (DP), lequel a été identifié pendant la période de soumission. À ce titre, Thomson a prétendu que le Ministère a incorrectement déterminé que sa première proposition ne respectait pas les exigences de cet article, tout en concluant, d'autre part, par erreur, qu'Oerlikon Aerospace Inc. (Oerlikon) y satisfaisait. Thomson a en outre soutenu que le Ministère a également conclu à tort que le produit offert dans sa seconde proposition n'était pas un produit éprouvé offert en vente libre. De plus, Thomson a affirmé que le Ministère a conclu à tort qu'Oerlikon avait une expérience de projets SMDSM « semblables », tel que le prévoyait la DP.

Thomson a demandé, à titre de mesure corrective, que le marché adjugé à Oerlikon soit résilié et qu'une nouvelle invitation à soumissionner soit lancée.

Le 6 juin 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 4 . Le Tribunal a avisé les parties qu'Oerlikon et BAE Systems Canada Inc. (BAE) avaient été autorisés à intervenir dans l'affaire les 19 juin et 6 juillet 2000 respectivement. Le 17 juillet 2000, le Ministère a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 5 . Le 27 juillet 2000, Oerlikon a déposé auprès du Tribunal ses observations sur la plainte. Le même jour, Thomson et BAE ont déposé auprès du Tribunal leurs observations sur le RIF. Les observations de Thomson et de BAE étaient accompagnées d'affidavits signés par des spécialistes en systèmes de communication. Le 4 août 2000, le Tribunal a demandé que le Ministère précise certains aspects du RIF. Le 11 août 2000, le Ministère a donné les précisions demandées. Le 18 août 2000, Thomson a fait parvenir au Tribunal des observations sur ces renseignements supplémentaires et, le 23 août 2000, elle a déposé des observations complémentaires.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 15 septembre 1999, la GCC a fait parvenir une demande au Ministère pour la fourniture d'un SMDSM ASN VHS. Un avis de projet de marché (APM) pour ce besoin a été diffusé par l'intermédiaire du Service électronique d'appels d'offres canadien (MERX), le 12 novembre 1999. Trois reports de soumission ont été accordés pendant la période d'invitation à soumissionner de quatre mois. Pendant cette période, huit modifications ont été apportées à la DP en réponse à 95 questions de fournisseurs potentiels.

Les articles suivants sont pertinents dans la présente affaire.

L'article 7 de la DP prévoit, notamment, ce qui suit :

L'entrepreneur doit se charger de l'ensemble des services relatifs à l'ingénierie, la fourniture, l'aide à l'installation, la mise à l'essai, la formation et la documentation pour un Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) utilisant l'appel sélectif numérique sur ondes métriques (ASN VHF) pour le Canada.

[Traduction]

L'article 20 de la DP précise, notamment, ce qui suit :

L'entrepreneur doit fournir tous les articles précisés dans l'Énoncé du travail relativement au système utilisant l'appel sélectif numérique VHF pour la Garde côtière canadienne (SOW-001), version E02, en date du 15 octobre 1999.

[Traduction]

L'article 36 de la DP indique : « Pour être considérée comme recevable, une proposition doit satisfaire à toutes les exigences obligatoires de cette invitation à soumissionner. Les soumissions ne satisfaisant pas à toutes les exigences obligatoires seront rejetées » [traduction].

L'article 37 de la DP prévoit que « [l]a proposition du soumissionnaire sera évaluée conformément aux Instructions aux soumissionnaires relativement au système ASN VHF de la Garde côtière, version E01 » [traduction].

L'article 2.8 des « Instructions aux soumissionnaires » prévoit notamment : « La Couronne se réserve le droit de demander des démonstrations de tout équipement décrit par le soumissionnaire comme "éprouvé et offert en vente libre" » [traduction].

L'article 2.11 des « Instructions aux soumissionnaires » précise que le soumissionnaire doit inclure « [d]es exemples de projets semblables qui ont été complétés et réussis ailleurs avec succès par le soumissionnaire, incluant des éléments comme les techniques de gestion de projet utilisées, les retards connus, et l'indexation des coûts. Seront retenus les soumissionnaires qui ont complété avec succès des projets semblables de fourniture et d'installation » [traduction].

L'article 3.1 des « Instructions aux soumissionnaires » indique, notamment, ce qui suit : « Les propositions seront d'abord étudiées pour vérifier le respect de toutes les exigences obligatoires (les exigences obligatoires sont identifiées par le mot « doit ») et apparaissent dans la Spécification technique et opérationnelle et dans l'Énoncé du travail » [traduction].

L'article 1.1 de la Spécification se lit, notamment, comme suit :

Le système qui doit être fourni est appelé « système ASN » ou « système » dans ce document.

Le travail attendu de développement, de production et de mise en oeuvre du système par l'entrepreneur est identifié dans l'Énoncé du travail (ÉT) pour le système ASN. L'équipement, les matériaux et les services qui doivent être fournis par l'entrepreneur et ceux qui doivent être fournis par la Couronne sont également identifiés dans l'Énoncé du travail.
Ceci n'est pas une spécification de système en développement. Seuls des systèmes éprouvés, offerts en vente libre, ou l'intégration de systèmes éprouvés, offerts en vente libre, doivent être présentés et seront admissibles.

[Traduction]

L'article 1.3 de la Spécification prévoit notamment, ce qui suit : « L'équipement doit être installé aux centres des SCTM [Services de communications et de trafic maritimes] et à leurs stations radio à distance mentionnés à l'annexe D et décrits à l'annexe C. Chacun de ces centres doit être pourvu de deux postes de travail opérateurs complètement autonomes, agissant à titre de postes principal et de réserve. Pour assurer une disponibilité élevée, l'entrepreneur doit fournir des émetteurs-récepteurs à deux fréquences réglés au canal 70 aux sites éloignés. Les modems et l'équipement associé doivent également être installés dans une configuration double et redondante. Ils doivent être configurés pour être compatibles avec l'équipement de communication qui pourrait être disponible comme il est précisé à l'ANNEXE C » [traduction].

L'article 2.8 de la Spécification est rédigé, notamment, comme suit :

Toutes les parties et tous les éléments du matériel informatique doivent être offerts dans le commerce. L'usage de logiciels ou de matériel informatique propres à une seule compagnie devrait être minimisé. Les logiciels doivent être documentés conformément à l'article 9.7 du SOW 001.
Afin que les coûts du système soient aussi bas que possible, l'entrepreneur devrait utiliser dans toute la mesure du possible de l'équipement « offert en vente libre ».
Les articles offerts dans le commerce et en vente libre (OCVL) ne doivent pas être utilisés en dehors de leur spécification publiée.

[Traduction]

L'article 4.7 de la Spécification prévoit :

Les modems cellulaires ASN principal et de réserve doivent avoir la capacité optionnelle de contrôler les émetteurs principal et de réserve, et la commutation d'antennes doit être automatique. La commande principale/de réserve des postes de travail doit être surveillée, et le poussoir d'émission doit être sous contrôle. Lorsque le canal 70 est en service, la transmission doit suspendre le poussoir d'émission jusqu'à ce que le canal 70 soit libre.

[Traduction]

L'article 4.17 de la Spécification prévoit :

La conception de système doit comprendre une redondance intrinsèque suffisante pour permettre une reconfiguration à distance en cas d'une défaillance de l'émetteur ou du récepteur. De plus :
a) la défaillance d'un élément unique ne doit pas causer la défaillance du système entier; et
b) la défaillance d'un élément unique ne doit pas causer la défaillance de l'interface de transmission d'un site radio.

[Traduction]

Les questions et réponses suivantes sont pertinentes à cette affaire.

Question 8 : La figure 1 de la Spécification signifie que le commutateur principal/de réserve permettra uniquement le relayage du signal du modem ASN/récepteur choisi aux SCTM plutôt que l'émission de deux signaux provenant des récepteurs principal et de réserve. Est-ce là la bonne interprétation?
Réponse 8 : Non. Les signaux combinés des deux récepteurs seront transmis au centre SCTM.
Question 33 : Référence à la Modification 001 de l'invitation à soumissionner, Q et R 8

La réponse du gouvernement à la question sur la figure 1 était que les signaux combinés des deux récepteurs seront envoyés au centre SCTM. Dans ce cas, quelle est la fonction du commutateur principal/de réserve des sites éloignés de la figure 1?

Réponse 33 : La figure 1 est un diagramme fonctionnel uniquement. Le commutateur principal/de réserve, quelle qu'en soit la forme, sera ou ne sera pas utilisé selon la configuration de la solution de l'entrepreneur.
Question 34 : Référence à SPEC-001, annexe D, figure 1

Les sites éloignés desservis par les lignes terrestres sont présentés avec des récepteurs et émetteurs VHF distincts et des antennes Rx et Tx distinctes. Quelle est la raison d'être de l'utilisation de cette architecture plutôt que l'utilisation de radios Tx/Rx VHF comme aux autres sites éloignés? Tous les sites éloignés servis par les lignes terrestres doivent-ils avoir cette architecture? Des postes radios émetteurs/récepteurs peuvent-ils être proposés telles qu'ils sont illustrés aux autres sites éloignés de la figure 1 ayant une seule antenne pour l'émission et la réception?

Question 34 : Nous le répétons, la figure 1 est uniquement un diagramme fonctionnel. Les diverses configurations illustrées sont simplement des exemples de ce que les différents entrepreneurs pourraient proposer. Par exemple, toutes/certaines des configurations de sites éloignés peuvent être telles qu'elles sont décrites dans les illustrations du haut, ou toutes/certaines pourraient être telles qu'elles sont décrites dans n'importe laquelle des autres illustrations, ou elles pourraient être entièrement différentes. Un fournisseur de systèmes ASN VHF utilise la configuration démontrée dans l'illustration du bas (antennes d'émission et de réception distinctes) afin d'échantillonner les signaux transmis pour des raisons de santé.
Question 68 : ÉT par. 4.5.5.2 Formation

2e article « Après que la GCC a fourni deux systèmes... comme il est décrit à l'article 7 »
Par « systèmes », la GCC signifie-t-elle les installations des SCTM ou les sites éloignés ou une combinaison des deux. Il y a un conflit apparent de terminologie à plusieurs endroits dans la documentation en ce qui concerne le terme « système ». Prière de confirmer la définition de ce terme.

Réponse 68 : Dans le cas présent, la GCC transportera deux séries d'équipement du centre SCTM avec l'équipement de sites éloignés aux sites de formation. Dans d'autres parties de la documentation, le terme « système » doit être compris dans son contexte puisque les systèmes globaux sont constitués d'autres « systèmes ». La région des Laurentides fait exception parce que seulement un système y sera utilisé.

[Traduction]

Six propositions ont été reçues de cinq soumissionnaires, y compris deux propositions de Thomson. La première proposition de Thomson s'appuyait sur de l'équipement ASN de Secmat NT (première proposition). La deuxième proposition s'appuyait sur de l'équipement ASN de Thrane & Thrane (deuxième proposition).

D'après le RIF, les propositions techniques ont été soumises à la GCC pour l'évaluation technique. Pendant deux semaines, une équipe constituée de cinq spécialistes opérationnels et techniques provenant des régions et de l'administration centrale de la GCC, avec l'aide d'un agent du Ministère, ont évalué les soumissions en suivant les directives de la DP.

Deux propositions ont été jugées pleinement conformes, dont celle d'Oerlikon. Quatre propositions ont été jugées non conformes aux exigences obligatoires de la documentation relative à l'invitation à soumissionner, notamment les première et deuxième propositions de Thomson.

La première proposition de Thomson a été jugée non conforme parce qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences obligatoires établies aux articles 4.7 et 4.17 de la Spécification. La deuxième proposition de Thomson a également été jugée non conforme puisqu'elle comprenait un logiciel en développement, non disponible dans le commerce, au moment de la clôture des soumissions.

Le 4 mai 2000, le marché a été adjugé à Oerlikon, le fournisseur qui a offert le meilleur rapport entre les points mérités aux points de vue techniques et gestion, et le prix. Le 8 mai 2000, des lettres de regret ont été envoyées à tous les autres soumissionnaires. Le même jour, une demande d'information a été reçue de Thomson. La réunion d'information a eu lieu le 16 mai 2000, date à laquelle Thomson s'est vue informée des forces et des faiblesses de ses propositions.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

En réponse à l'allégation de Thomson que les réponses aux questions 8, 33 et 34, lesquelles constituent des parties des modifications à l'invitation à soumissionner, « ont assoupli l'exigence de la DP qu'il n'y ait aucun point unique de défaillance » [traduction] de l'équipement fourni par l'entrepreneur, le Ministère a fait valoir que les modifications à l'invitation à soumissionner n'ont pas modifié l'exigence de redondance de l'équipement fourni par l'entrepreneur, en vertu de l'article 4.17 de la Spécification. Le Ministère a soutenu que ces questions n'étaient pas orientées vers l'exigence de redondance de l'article 4.17. Plutôt, elles demandaient des précisions sur le diagramme fonctionnel illustré dans la figure 1 de l'appendice D de la Spécification. Selon le Ministère, le rôle des diagrammes fonctionnels est simplement d'illustrer les fonctions qui doivent être exécutées par le système ASN VHS, sans décrire les moyens techniques par lesquels ces fonctions sont accomplies.

Le Ministère a en outre avancé que, conformément à l'article 4.17 de la Spécification, seul l'équipement qui doit être fourni par l'entrepreneur devait contenir une redondance suffisante pour éviter un point unique de défaillance. Dans un tel contexte, le Ministère a ajouté que la question de savoir si tout le système ASN VHF, incluant les éléments du SMDSM fournis par le gouvernement, comprend un point unique de défaillance, n'était pas pertinente à l'exigence de redondance de l'équipement fourni par l'entrepreneur dans la Spécification.

Le Ministère a de plus soutenu qu'une description de l'équipement présentée à l'annexe C de la Spécification, sous le titre « Port d'accès au MUX du site » [traduction], démontre que l'équipement fourni par l'entrepreneur doit connecter avec un port d'accès unique de l'équipement fourni par la GCC. Ceci est confirmé par la réponse à la question 8, et est constaté dans la plainte de Thomson. Le Ministère a soutenu que l'exigence de l'article 4.17 de la Spécification devait être interprétée en harmonie avec l'exigence susmentionnée.

Le Ministère a affirmé que le fait que Thomson ne puisse pas concevoir un système qui répondait aux spécifications techniques de l'invitation à soumissionner ne signifiait pas qu'un tel système était techniquement impossible. Cela signifiait simplement que la conception de système utilisée par Thomson, dans sa première proposition, ne satisfaisait pas à ces exigences. Le Ministère a affirmé que, contrairement à l'allégation de Thomson, la Spécification ne limitait pas les soumissionnaires à l'utilisation de dispositifs simples de « disjonction exclusive », tel qu'illustré à la page 3 de la plainte. Par exemple, le Ministère a soutenu que Thomson aurait pu utiliser des « commutateurs programmables », p. ex. des routeurs, et, de fait, Thomson a proposé une telle solution dans sa deuxième proposition. Le Ministère a en outre reconnu qu'« une architecture fondée sur un routeur, correctement conçue et configurée, aurait satisfait aux exigences de redondance de l'article 4.17 de la Spécification » [traduction].

Le Ministère a indiqué que la première proposition de Thomson avait été jugée irrecevable parce qu'elle n'avait pas satisfait aux deux exigences obligatoires contenues dans les articles 4.7 et 4.17 de la Spécification. Le Ministère a affirmé que la première proposition de Thomson avait omis de fournir la commutation automatique croisée obligatoire entre les modems ASN et les émetteurs qui était exigée par l'article 4.7. De fait, le Ministère a soutenu que Thomson, lorsqu'on lui a demandé de clarifier cet élément de sa proposition, a indiqué que les conditions étaient satisfaites en retirant le câble de connexion d'un modem et en le branchant dans l'autre modem. Le Ministère a ajouté, au sujet de l'explication de Thomson, que la solution qu'elle avait proposée en considération de l'article 4.7 était déterminée par les conditions de redondance de l'article 4.17, qu'un « système de commutation redondant » [traduction] correctement intégré aurait évité cette énigme. En fait, le Ministère a noté que, dans sa deuxième proposition, Thomson a utilisé ladite approche avec de l'équipement provenant d'un autre fabricant. Compte tenu de ce qui précède, le Ministère a avancé qu'il était justifié de déclarer la première proposition de Thomson non conforme pour ne pas avoir satisfait aux exigences obligatoires de l'article 4.7 ou de l'article 4.17.

En ce qui concerne la deuxième proposition de Thomson, le Ministère a soutenu qu'elle avait été jugée non conforme parce que, contrairement aux dispositions de l'article 1.1 de la Spécification, elle proposait l'utilisation d'un logiciel qui n'était pas offert dans le commerce et en vente libre. De fait, le Ministère a soutenu que Thomson a proposé d'utiliser un logiciel encore en développement et non disponible au moment de la clôture des soumissions. Le Ministère, citant la Cour suprême du Canada6 et se référant à l'alinéa 1015(4)a) de l'Accord de libre-échange nord-américain 7 , a soutenu que les conditions de l'article 1.1 devaient être respectées par les soumissionnaires au moment de la clôture des soumissions.

À l'égard de l'exigence que les soumissionnaires possèdent une expérience de projets « semblables » et du personnel familier avec ces derniers, le Ministère a soumis que les documents d'invitation à soumissionner n'imposaient pas, comme exigence obligatoire ou « de sélection », que les soumissionnaires aient une expérience de projets identiques, comme il est soutenu par Thomson. Le Ministère a plutôt avancé que l'information de gestion et l'expérience du soumissionnaire avec des projets semblables faisaient partie des exigences cotées de la DP. Les soumissionnaires qui pouvaient faire preuve d'une plus grande expérience de projets semblables, et de leur gestion, se méritaient une note plus élevée pour cette dimension de leur proposition. Bien que l'article 2.11 des « Instructions aux soumissionnaires » ait rendu la soumission de renseignements sur les projets semblables obligatoire pour les soumissionnaires, la DP ne faisait pas de l'évaluation de cette information un critère obligatoire de la DP. Le Ministère a soutenu qu'aucune proposition de soumissionnaire ne pouvait être rejetée pour cette raison, puisqu'il n'y avait aucune exigence minimale de point établie dans la DP pour ce facteur d'évaluation. Dans les circonstances, des propositions plus faibles sur ce point se méritaient simplement moins de points, affectant conséquemment les chances de réussite du soumissionnaire.

Le Ministère a demandé le remboursement des frais qu'il a engagés relativement à la plainte et, subsidiairement, a réservé le droit de présenter d'autres exposés relatifs à l'adjudication des frais dans la présente affaire.

En réponse à la demande de précisions du Tribunal, le Ministère a soutenu que le mot « système » utilisé dans l'article 4.17 de la Spécification, doit être interprété en se référant à l'article 1.1. Ce dernier prévoit que le système qui doit être fourni, c.-à-d., l'équipement offert par l'entrepreneur, est appelé le « système » dans la Spécification. Puisque l'article 4.17 prévoit que le « système » doit avoir une redondance intrinsèque, le Ministère a affirmé que cette disposition exige que seul l'équipement offert par l'entrepreneur ait une redondance intrinsèque. Le Ministère a ajouté que la Spécification a été écrite de cette façon afin que, lorsque des accords internationaux exigent des mises à niveau du SMDSM/ASN VHS du Canada, les seules mises à niveau nécessaires seraient au plan de l'infrastructure existante de la GCC.

À l'égard de la question de la « disponibilité d'un logiciel OCVL au moment de la clôture des soumissions » [traduction], le Ministère a soutenu, en citant les décisions du Tribunal dans les dossiers nos PR-96-0218 et PR-95-0019 , que la conformité d'une proposition aux exigences obligatoires des documents d'invitation à soumissionner doit être déterminée au moment de la clôture des soumissions. Conséquemment, le Ministère a soutenu que, parce que le logiciel proposé dans la deuxième proposition de Thomson était encore en développement au moment de la clôture des soumissions, il ne satisfaisait pas à l'exigence obligatoire selon laquelle le logiciel doit être OCVL. Par surcroît, le Ministère a fait valoir que, en vertu de l'article 2.8 des « Instructions aux soumissionnaires », le logiciel de la deuxième proposition de Thomson, pour être correctement démontré, devait être complètement fonctionnel et n'exiger aucun développement supplémentaire au moment de la clôture des soumissions. Dans le même ordre d'idée, le Ministère a soutenu que l'article 3.3 de la Spécification prévoyait, à titre d'exigence obligatoire, que le logiciel proposé soit apte à exécuter plusieurs fonctions, laquelle exigence, selon le Ministère, en vertu de la décision du Tribunal dans Mechron et London Photocopy, devait être satisfaite au moment de la clôture des soumissions.

Finalement, le Ministère a fourni un diagramme détaillé des systèmes prévus à la proposition d'Oerlikon et à la première proposition de Thomson et a expliqué pourquoi la première répondait aux exigences de l'article 4.17 de la Spécification, tandis que la seconde n'y satisfaisait pas.

Position d'Oerlikon

Oerlikon a soutenu que l'exigence de la GCC que le système fourni par l'entrepreneur ne comprenne pas un point unique de défaillance (souvent appelé système redondant) est une condition claire de la DP et qu'elle est légitime et réalisable. Plus particulièrement, Oerlikon a soutenu que l'article 4.17 de la Spécification est clair et que les réponses de la GCC aux questions 8, 33 et 34 n'ont d'aucune façon modifié cette exigence. Les réponses donnaient seulement des précisions. Oerlikon a en outre soutenu que Thomson savait que cette exigence demeurait inchangée et a choisi, peut-être pour des considérations de prix, de ne pas clarifier sa proposition en ce qui a trait à cette exigence.

Oerlikon a ajouté que, compte tenu de l'importance et de la raison d'être du SMDSM, la condition de redondance est légitime. Faisant observer que, puisque l'équipement fourni par le gouvernement (EFG) n'offre qu'un point unique de connexion, il est possible qu'il ne soit pas un organe redondant, Oerlikon a soutenu que l'état de redondance de l'EFG importe peu dans la question de savoir si le système fourni par l'entrepreneur satisfait à la condition de redondance. De plus, Oerlikon a soutenu que la condition est réalisable par une configuration de commutation programmable simple et générique, telle que celle décrite dans sa proposition.

À l'égard de la question OCVL, Oerlikon a soutenu que la DP était claire et exigeait que le logiciel proposé ait été éprouvé. Dans ce contexte, Oerlikon a soutenu que la GCC et du Ministère avait parfaitement le droit de déclarer que le logiciel en développement offert par Thomson était non conforme et, en l'absence d'une violation des dispositions de l'ACI, le Tribunal n'a pas compétence pour renverser les décisions de la GCC et du Ministère à ce sujet.

À l'égard de la question de la démonstration d'expérience « semblable », Oerlikon a soutenu qu'elle avait fait la preuve, à la satisfaction du Ministère et de la GCC, qu'elle possède une telle expérience, et qu'il n'est pas de la compétence du Tribunal de réévaluer la proposition d'Oerlikon. Par surcroît, Oerlikon a soutenu que le fait que Thomson ait attribué au terme « semblable » le sens de « identique » n'a simplement aucun fondement. Oerlikon a soutenu qu'une telle interprétation ferait restriction au commerce et qu'elle constituerait une violation des dispositions de l'ACI. Oerlikon a conclu que, de toute façon, l'exigence de démontrer une expérience semblable n'est pas une exigence obligatoire; c'est plutôt une exigence cotée.

Position de Thomson

Thomson a soutenu que l'invitation à soumissionner violait le paragraphe 506(6) de l'ACI, du fait qu'elle contenait une exigence impossible à satisfaire ou, encore, que les exigences de la DP ont été modifiées, qu'elles étaient ambiguës ou rendues ambiguës par le Ministère et qu'il était incorrect d'éliminer la proposition de Thomson pour cette raison.

Thomson a soutenu que l'article 4.17 de la Spécification impose trois exigences obligatoires, nommément : 1) la redondance intrinsèque, 2) la défaillance d'un élément unique ne doit pas entraîner la défaillance du système entier; et 3)  la défaillance d'un élément unique ne doit pas entraîner la défaillance de l'interface de transmission de tout site radio. Thomson a soutenu que cette combinaison d'exigences ne peut être satisfaite, particulièrement en tenant compte de l'exigence selon laquelle le système proposé par le soumissionnaire doit être connecté avec un port d'accès unique fourni par le client (l'interface RS-23210 ).

Thomson n'a pas contesté l'affirmation du Ministère selon laquelle, de façon générale, il était possible de connecter avec un port d'accès unique en utilisant un commutateur programmable; néanmoins, ceci n'est pas possible lorsque l'entrée de données unique est une interface RS-232, comme dans la présente. Thomson a soutenu que le Ministère, dans le RIF, a abordé la question de la redondance seulement de façon générale, et non pas de façon particulière dans le contexte de l'interface RS-232 et, conséquemment, n'a pas présenté d'élément de preuve pour appuyer la déclaration que l'exigence de redondance intrinsèque de la DP pouvait être satisfaite.

De plus, Thomson a soutenu que les réponses du Ministère aux questions 8, 33 et 34, en combinaison avec l'impossibilité technique de réaliser de telles spécifications, a altéré la DP en modifiant l'exigence ou en introduisant une ambiguïté relativement à la nature obligatoire des exigences contenues dans l'article 4.17 de la Spécification. Thomson a ajouté que son interprétation des réponses du Ministère aux questions susmentionnées était raisonnable dans les circonstances et que, par conséquent, sa proposition n'aurait pas dû être rejetée pour cette raison.

À l'égard des exigences de l'article 4.7 de la Spécification, Thomson a soutenu avoir conçu le système dans chacune de ses deux propositions pour satisfaire le mieux possible aux exigences de grande fiabilité du système et, dans toute la mesure du possible, de respecter les exigences de redondance et d'absence de point unique de défaillance. Thomson a soutenu qu'il est conséquemment incorrect de statuer qu'un système de contrôle d'émetteur est non conforme lorsqu'il satisfait aux exigences fonctionnelles globales de contrôle d'émetteur et de fiabilité de système maximale, en invoquant le fait que de telles exigences d'émetteur ne sont pas conformes à la condition d'absence de point unique de défaillance. Thomson a soutenu, à l'égard de l'article 4.7, que la caractéristique de contrôle de l'émetteur n'est pas astreinte à l'exigence imposée par la GCC de connecter avec un dispositif de communication unique RS-232. Elle dépend néanmoins des interfaces inhérentes au matériel informatique autour duquel le système global est conçu.

Thomson a soutenu que la DP, modifiée par les questions et réponses au cours du processus de soumission, exigeait que deux modems soient intégrés au SMDSM à titres de modems principal et de réserve, et que le SMDSM connecte avec une interface RS-232 unique fournie par le client, à partir de seulement un modem à la fois. Thomson a soutenu que, telle qu'elle est établie ci-dessus, cette exigence demandait un dispositif de commutation, un équipement de diversité par commutation ou un multiplexeur de données, l'un desquels constituerait un point de défaillance du SMDSM, même si des mécanismes redondants étaient proposés. Dans un tel contexte, Thomson a soutenu que la demande de précision du Ministère (question 14) et la réponse de Thomson à cet égard devaient normalement être interprétées pour faire la preuve que le Ministère n'avait pas saisi complètement les incohérences des exigences de la DP au moment d'examiner les soumissions. De fait, le Ministère n'a pas compris que l'ajout d'un deuxième multiplexeur (également appelé MRT Mux) et d'un commutateur déplaçait simplement le point de défaillance du multiplexeur au commutateur. Thomson a soutenu qu'il est techniquement impossible que le SMDSM proposé par Oerlikon ait été conforme à toutes les exigences obligatoires de la DP, particulièrement celle de l'unique interface RS-232 / absence de point unique de défaillance.

À l'égard de la question OCVL, Thomson a soutenu que l'exigence que les propositions comprennent de l'équipement OCVL semblait peu cohérente dans la DP et dans toutes les questions/réponses, étant parfois obligatoire, parfois souhaitable et que, dans ces conditions, il était raisonnable que Thomson interprète que l'exigence était souhaitable. Thomson a observé que le logiciel qui doit être porté à la plate-forme Windows NT, et à cause duquel sa deuxième proposition a été rejetée, est présentement opérationnel dans à peu près 40 pays autour du monde, représentant environ 40 p. 100 du marché mondial. De plus, Thomson a soutenu que le « développement » comprend l'analyse d'un produit et les modifications de conception qui y sont apportées. Selon Thomson, le fait de changer simplement la plate-forme d'opération d'un logiciel ne constitue pas un développement, puisque aucune modification n'est apportée à la fonctionnalité du logiciel en soi. Ce n'est qu'une adaptation qui tient compte des préférences du client en matière de plate-forme hôte et que cela se produisait souvent en informatique.

À l'égard des exigences d'expérience aux articles 2.10 et 2.11 de la DP, Thomson a invoqué que des soumissionnaires dépourvus de l'expérience mentionnée dans ces articles n'auraient pas dû être considérés en vue de l'adjudication. Thomson a soutenu que, en vérité, le terme « similar » (« semblable »), pris au sens propre, signifie « having characteristics in common; strictly comparable; alike in substance or essentials; not differing in shape, but only in size or position; the possibility of being mistaken for each other; and a marked likeness »11 (« ayant des caractéristiques en commun; rigoureusement analogue; semblable en substances ou en essence; ne différant pas en forme, mais seulement en taille ou en position; possibilité d'être confondu l'un pour l'autre; ressemblance marquée »). Conséquemment, Thomson a soutenu que les soumissionnaires dépourvus d'expérience dans la mise en oeuvre de SMDSM seraient incapables de satisfaire à l'exigence obligatoire de fournir une expérience confirmée et des curriculums vitæ de personnel possédant une telle expérience.

Dans ses observations sur la version publique des renseignements supplémentaires, Thomson a soutenu que le Ministère, de nouveau, n'a pas réussi à faire concorder la condition de l'article 4.17 de la Spécification, portant sur l'absence de point unique de défaillance au sein du système offert par l'entrepreneur. Thomson a soutenu qu'il s'agit d'une exigence impossible à satisfaire techniquement. À l'égard de la question OCVL, Thomson a soutenu que le Ministère n'a pas réussi à identifier un article ou un élément de la DP qui exigeait qu'un logiciel OCVL soit disponible au moment de la clôture des soumissions. Par surcroît, Thomson a soutenu que le motif énoncé par le Ministère, s'appuyant sur des décisions antérieures du Tribunal, est indéfendable. Selon Thomson, accepter cette allégation engagerait les entrepreneurs à l'obligation abusive d'obtenir des avis juridiques en ce qui concerne la conformité de leur soumission avec la jurisprudence avant de présenter une demande d'évaluation. Thomson a réitéré que, quoi qu'il en soit, le logiciel qu'il avait proposé satisfaisait aux exigences de la DP au moment de la clôture des soumissions.

À l'égard de la troisième question du Tribunal, Thomson a soutenu que la réponse du Ministère à la demande de précision du Tribunal était irrecevable puisqu'elle n'offrait pas d'aide en sus des renseignements déjà fournis par Oerlikon dans sa proposition. Thomson a présenté des observations sur la proposition d'Oerlikon en identifiant et en décrivant un point unique de défaillance au sein de son système proposé.

Dans ses observations finales du 23 août 2000, Thomson a renvoyé le Tribunal aux articles 40 à 42 des ses observations sur le RIF à l'égard de la raison pour laquelle sa première proposition n'a pas satisfait aux exigences de l'article 4.17 de la Spécification. Thomson a en outre soutenu que le Ministère n'avait pas réussi à prouver qu'un système avait ou aurait pu être proposé, lequel répondrait à toutes les conditions de la DP, en particulier à la condition d'absence de point unique de défaillance.

Position de BAE

BAE a indiqué qu'elle appuie entièrement la plainte de Thomson, particulièrement en ce qui a trait à son allégation qu'il était techniquement impossible de satisfaire aux exigences de la DP. BAE a soutenu que l'inclusion de deux voies distinctes à l'équipement de multiplexage de la GCC était la seule architecture qui aurait pu être conforme aux exigences des articles 1.3 et 4.17 de la Spécification, parce que le moment où aurait lieu le basculement des deux systèmes redondants vers l'alimentation commune du multiplexeur deviendrait un point de défaillance critique pour la sécurité. De plus, la connexion permanente au multiplexeur constituerait également un point unique de défaillance. BAE a soutenu que, dans l'industrie de l'aviation, seuls les systèmes redondants doubles de bout en bout sont jugés aptes à satisfaire l'exigence de sécurité d'absence de point unique de défaillance. BAE a soutenu l'affirmation de Thomson selon laquelle, dans sa réponse à la question 34, le Ministère a modifié la nature obligatoire de l'exigence de l'article 4.17 de la Spécification. En effet, selon BAE, la réponse du Ministère à la question 34 pouvait uniquement être interprétée comme laissant supposer une volonté d'accepter des configurations de rechange, ce qui ne répondrait pas à l'exigence de fournir une ligne unique à l'interface du gouvernement.

En résumé, BAE a entièrement appuyé les prétentions de Thomson que les exigences de l'invitation à soumissionner n'étaient pas claires et étaient viciées par une impossibilité technique, que les offres de marché soumises en réponse à la DP étaient incorrectement évaluées, et que le contrat devrait être résilié et les exigences du marché public remises en question.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu'il a décidé d'enquêter, limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit, notamment, que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé en conformité avec les dispositions de l'ACI.

Le paragraphe 506(6) de l'ACI prévoit notamment que « [l]es documents d'appel d'offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères ».

Le Tribunal déterminera si certaines dispositions de la DP et certaines réponses de précision s'y rapportant identifiaient clairement les exigences du marché public; si, à l'égard de ces dispositions, elles étaient clairement identifiées obligatoires ou souhaitables dans les documents d'invitation à soumissionner; si, lors de l'évaluation des première et deuxième propositions de Thomson et de la proposition d'Oerlikon en fonction de cette invitation à soumissionner, le Ministère et la GCC se sont conformés aux règles énoncées dans la DP et les documents apparentés.

Le Tribunal note que l'article 36 de la DP indique clairement que, pour être jugées recevables et être considérées en vue de l'adjudication, les propositions doivent satisfaire à toutes les exigences obligatoires de la DP. Le Tribunal est également convaincu que, pour être recevables, les propositions doivent répondre aux exigences de l'article 4.17 de la Spécification, particulièrement à la lumière des réponses que le Ministère a données aux questions 8, 33 et 34. Thomson a allégué que, dans les circonstances, les réponses du Ministère aux questions 8, 33 et 34 doivent, nécessairement, être interprétées comme un assouplissement des exigences de l'article 4.17; autrement, une impossibilité technique apparaît. Le Ministère conteste cette allégation, soutenant que les réponses susmentionnées précisaient l'objet des diagrammes fonctionnels de l'appendice D de la DP.

Le Tribunal conclut que les réponses aux questions 8, 33 et 34 n'assouplissaient pas les dispositions de l'article 4.17 de la Spécification, qui exigeait que : 1) la conception du système proposé par les fournisseurs potentiels comporte une redondance inhérente suffisante et n'ait aucun point unique de défaillance; 2) que la défaillance de tout élément unique n'entraîne pas la défaillance de l'interface de tout site radio. Le Tribunal est convaincu que les réponses du Ministère à la question 8 et, particulièrement, aux questions 33 et 34, précisaient que les diagrammes fonctionnels étaient destinés à communiquer les exigences de la GCC aux fournisseurs potentiels, sans prescrire une approche particulière ou spécifique ou une solution pour satisfaire ces exigences. Le Tribunal est d'avis que ces réponses, d'aucune façon, n'abordaient la teneur de l'énoncé des besoins lui-même.

Thomson a en outre allégué que l'impossibilité technique à laquelle sa plainte fait référence réside fondamentalement dans l'exigence que les systèmes proposés par les soumissionnaires doivent connecter avec une unique interface RS-232 fourni par le client. Pour sa part, le Ministère a affirmé que ce fait est hors de cause, puisque seul l'équipement qui doit être fourni par l'entrepreneur doit avoir une redondance intrinsèque et aucun point unique de défaillance. Le Ministère a fondé cette allégation sur l'article 1.1 de la Spécification qui définit le terme « système » pour les besoins de la Spécification, y compris l'article 4.17, comme signifiant « le système qui sera fourni » [traduction], par opposition au SMDSM en entier, qui comprend l'équipement fourni par l'entrepreneur et l'EFG. Puisque le RS-232 fait partie de l'EFG, le fait qu'il puisse constituer un point unique de défaillance est hors du propos de la décision de savoir si les systèmes proposés par les soumissionnaires répondent aux exigences de l'article 4.17.

Le Tribunal conclut que le mot « système », dans le contexte de l'article 4.17 de la Spécification, signifie le système qui sera fourni par l'entrepreneur, et ne comprend pas ou ne se prolonge pas à l'EFG. Le Tribunal observe que la réponse du Ministère à la question 68, qui fait partie des documents d'invitation à soumissionner, indique que, généralement, « le terme système devra être pris dans son contexte » [traduction]. Le Tribunal est d'avis que la définition la plus pertinente du terme « système » dans le contexte de l'article 4.17 de la Spécification se trouve à l'article 1.1, qui prévoit, notamment, ce qui suit : « Le système qui doit être fourni est appelé « système ASN » ou « système » dans cette [Spécification] » [soulignement ajouté] [traduction]. Le Tribunal, conséquemment, conclut que le terme « système », tel qu'il est utilisé dans l'article 4.17, se réfère seulement au système qui sera fourni, et non pas à l'EFG qui, par définition, a déjà été fourni et est en possession de la GCC.

Ayant déterminé que le Ministère n'a pas assoupli les exigences de l'article 4.17 de la Spécification par le biais du processus des questions et réponses, et ayant également déterminé que les exigences de l'article 4.17 s'appliquent uniquement au système qui doit être fourni par l'entrepreneur, ce qui ne comprend pas l'interface RS-232, le Tribunal conclut que Thomson n'a pas établi qu'il était impossible techniquement de satisfaire les exigences de l'article 4.17. Conséquemment, le Tribunal conclut que le Ministère a agi conformément à l'ACI lorsqu'il a rejeté la première proposition de Thomson pour ne pas avoir respecté les exigences de l'article 4.17. Le Ministère et la GCC ont estimé que la solution proposée par Thomson, dans sa première proposition, ne pouvait pas réussir une reconfiguration à distance en cas de défaillance d'un émetteur ou d'un récepteur. En tout état de cause, on ne doit pas s'acharner sur cette question puisque la plainte de Thomson se fonde sur la prémisse qu'il était impossible de satisfaire aux exigences de la Spécification.

Le Tribunal, en l'absence de l'impossibilité technique prétendue par Thomson, conclut également que la plainte de Thomson selon laquelle le Ministère et la GCC ont jugé à tort que la proposition d'Oerlikon était recevable, est dénuée de fondement. Cette prétendue impossibilité technique avancée par Thomson s'appuyait clairement sur la nécessité de connecter avec une unique interface RS-232 fourni par le gouvernement qui, nécessairement, créait un point unique de défaillance du système, tel que ce terme avait été interprété par Thomson. En revanche, le Tribunal est d'avis que la question en litige disparaît lorsque le terme « système », tel qu'il apparaît dans l'article 4.17 de la Spécification, est interprété pour signifier uniquement « le système fourni par l'entrepreneur », l'interface RS-232 problématique ne faisait pas alors partie du système offert.

À l'égard de l'allégation de Thomson qu'Oerlikon ne possédait pas l'expérience « semblable » requise d'un SMDSM, ou du personnel doté de l'expérience requise, pour que sa proposition pour cette invitation à soumissionner soit recevable, le Tribunal conclut que cette allégation est dénuée de fondement. Le Tribunal est d'avis que l'article 2.11 des « Instructions aux soumissionnaires » établit clairement que les soumissionnaires ayant complété avec succès des projets de fourniture ou d'installation semblables, y compris des éléments comme les techniques de gestion de projet utilisées, les délais connus et l'indexation des coûts, seront retenus. Cette disposition, clairement, n'est pas obligatoire et, aussi clairement, n'exige pas des soumissionnaires et des employés proposés qu'ils aient l'expérience d'avoir complété avec succès des projets de fourniture ou d'installation « identiques ». Le Tribunal est d'avis que Thomson n'a pas produit d'élément de preuve, quel qu'il soit, pour appuyer son affirmation que la seule expérience acceptable était celle acquise en ayant complété avec succès des projets SMDSM identiques. Thomson n'a pas non plus produit d'élément de preuve que l'incapacité d'une proposition de fournisseur à satisfaire cette exigence ou à proposer du personnel répondant à cette exigence résulterait nécessairement en rien de plus que l'obtention d'une note de zéro en regard de cette exigence. Bien que ceci puisse compromettre de façon significative les chances de réussite d'un soumissionnaire, ceci ne rendrait pas la proposition non conforme ou non valable selon les exigences de la DP.

Le Tribunal doit finalement aborder l'allégation de Thomson que sa seconde proposition a été déclarée à tort non valable pour ne pas avoir proposé un système éprouvé en vente libre. Bien que Thomson ait indiqué, dans son exposé, que le Ministère était incapable de citer toute disposition de la DP exigeant que le système proposé soit « OCVL au moment de la clôture des soumissions », cet argument n'a pas été avancé par Thomson dans sa plainte. Plutôt, Thomson a soutenu que le système qu'il proposait dans sa deuxième proposition n'était pas en développement, puisque la fonctionnalité du système qu'il proposait existait en DOS12 , et était utilisé dans quelques 40 pays différents, représentant environ 40 p. 100 du marché pour de tels systèmes, au moment de la clôture des soumissions. Selon Thomson, seule une simple adaptation était nécessaire pour tenir compte des préférences de plate-forme hôte de la GCC qui demandaient le portage à la plate-forme Windows NT.

En ce qui a trait à sa deuxième proposition, Thomson a soutenu que le système qu'elle a proposé n'est pas un système en développement du fait que la fonctionnalité du système existait déjà en DOS et demandait seulement une adaptation pour fonctionner avec Windows NT. Néanmoins, il apparaît clairement au Tribunal que Thomson n'a jamais affirmé que le système qu'elle proposait, dans sa seconde proposition, était un système en vente libre. Plutôt, il a soutenu que le système était éprouvé en vente libre en DOS, et avait simplement besoin d'être adapté pour fonctionner avec Windows NT. Le Tribunal est d'avis que, parce que Thomson n'a jamais fait valoir que le système qu'elle proposait, dans sa deuxième proposition, était en vente libre et parce que, en utilisant les mots mêmes de Thomson, le système demandait une « adaptation », il était raisonnable que le Ministère conclût que ce n'était pas un système offert dans le commerce, éprouvé, en vente libre.

Thomson a en outre allégué qu'on faisait référence à l'exigence que l'équipement et les logiciels proposés par les soumissionnaires soient OCVL de façon peu cohérente dans la DP et dans tout le processus des questions/réponses, la mentionnant comme étant parfois obligatoire et, en d'autres temps, souhaitable, et que, dans ces conditions, il était raisonnable d'interpréter que l'exigence était souhaitable. L'article 2.8 de la Spécification exigeait des entrepreneurs qu'ils utilisent, dans toute la mesure du possible, de l'équipement offert dans le commerce et en vente libre. Thomson a soutenu que ceci a introduit une certaine ambiguïté quant à la question de savoir si l'exigence était obligatoire. D'autre part, l'exigence que le système proposé soit un système éprouvé, en vente libre, ou l'intégration d'un système éprouvé, en vente libre, était indiquée dans l'article 1.1 de la Spécification comme suit : « Ceci n'est pas une spécification de systèmes en développement. Seuls les systèmes éprouvés, en vente libre, ou l'intégration de systèmes éprouvés, en vente libre, doivent être présentés et seront acceptables » [soulignement ajouté] [traduction]. Dans cet article, le mot « doivent » est en caractères gras et en italiques et, selon la disposition de l'article 3.1 des « Instructions aux soumissionnaires », ceci indique qu'il s'agit d'une exigence obligatoire. Le Tribunal est d'avis que l'exigence que le système/logiciel proposé ne soit pas en développement était clairement indiquée comme exigence obligatoire de la DP. De plus, dans la mesure où l'élément d'ambiguïté perçu par Thomson existait, le Tribunal est d'avis que l'ambiguïté prétendue était immédiatement perceptible et que Thomson n'était pas libre d'adopter une interprétation particulière rendant l'exigence de la DP, manifestement identifiée obligatoire, inopérante, sans d'abord demander une précision auprès du Ministère. Pour des raisons évidentes d'équité et de transparence, les soumissionnaires ne sont pas libres de prendre de telles décisions unilatéralement sans en informer les autres soumissionnaires et sans le consentement du Ministère.

Le Tribunal est également convaincu que l'exigence que le système proposé par les soumissionnaires soit « offert dans le commerce et éprouvé » devait être satisfaite au moment de la clôture des soumissions. Bien que cette notion ait pu être exprimée plus clairement dans les documents d'invitation à soumissionner, les dispositions de la DP, lorsque lues dans leur totalité, soutiennent une telle interprétation. En particulier, le Tribunal est d'avis que l'article 2.8 des « Instructions aux soumissionnaires » confirme ce fait clairement.

Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que le Ministère a agi correctement lorsqu'il a déclaré que la deuxième proposition de Thomson était non recevable pour ne pas avoir proposé un système éprouvé, en vente libre, au moment de la clôture des soumissions.

Le Ministère a demandé, dans le RIF, l'occasion de présenter d'autres exposés relatifs à l'adjudication des frais dans la présente affaire. Le Tribunal a décidé que les circonstances de l'affaire ne justifient pas le paiement de frais par Thomson13 . Par conséquent, il n'est pas nécessaire de présenter des exposés à ce sujet et il n'y aura pas de frais d'accordés.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public a été passé conformément aux dispositions de l'ACI et que, par conséquent, la plainte n'est pas fondée.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), ch. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . Ce système permet à la Garde côtière canadienne d'assurer l'écoute des signaux de détresse maritimes en utilisant sa chaîne de stations radio.

3 . Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].

4 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

5 . D.O.R.S./91-499.

6 . La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, [1981] 1 R.C.S. 111 à la p. 121.

7 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur 1er janvier 1994).

8 . London Photocopy (7 février 1997).

9 . Mechron Energy (18 août 1995) [ci-après Mechron].

10 . L'interface RS-232 est une norme de l'industrie qui se rapporte aux communications de données, ce par quoi de l'information est transmise d'un dispositif (l'émetteur) à un autre dispositif (le récepteur). L'interface RS-232 est un système de transmission de données asymétrique, poste à poste, capable de recevoir des données au moyen d'un câble unique, et ne pouvant recevoir des signaux provenant de plus d'une source à la fois. Voir les observations de Thomson sur le RIF au paragraphe 15.

11 . Voir les observations de Thomson sur le RIF au paragraphe 72.

12 . Disk Operating System [Logiciel gérant le stockage et la recherche d'informations sur disques].

13 . Flolite Industries, Addendum (7 août 1998), PR-97-045 (TCCE).


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Publication initiale : le 14 novembre 2000