SYMTRON SYSTEMS INC.

Décisions


SYMTRON SYSTEMS INC.
Dossier no : PR-97-008

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 10 septembre 1997

Dossier no : PR-97-008

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société Symtron Systems Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Aux termes du paragraphe 30.15(4) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Symtron Systems Inc. le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa réponse à l’invitation à soumissionner.

Aux termes du paragraphe 30.16(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur accorde à Symtron Systems Inc. le remboursement des frais qu’elle a engagés pour le dépôt et le traitement de sa plainte.

Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Susanne Grimes
_________________________
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire







Date de la décision : Le 10 septembre 1997

Membre du Tribunal : Charles A. Gracey

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud

Plaignant : Symtron Systems Inc.

Avocats pour le plaignant : Marshall N. Margolis
Lynda P.S. Covello

Intervenant : I.C.S. International Code Fire Services Inc.

Avocats pour l’intervenant : Louise Tremblay
Brian Riordan
Ronald M. Auclair

Institution fédérale : Construction de Défense Canada

DÉCISION DU TRIBUNAL

INTRODUCTION

Le 12 juin 1997, la société Symtron Systems Inc. (Symtron) a déposé une plainte aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) concernant un marché public (numéro d’invitation HQ60151) passé par Construction de Défense Canada (Construction de Défense) portant sur la fourniture de deux systèmes de formation à la lutte contre l’incendie (SFLI), dont un à Halifax (Nouvelle-Écosse) et l’autre à Esquimalt (Colombie-Britannique), pour le compte du ministère de la Défense nationale (MDN).

Symtron a soutenu que l’adjudication projetée du marché à I.C.S. International Code Fire Services Inc. (ICS) malgré les plaintes de Symtron, les lacunes du rapport soumis par la société Morrison Hershfield [2] (le Rapport MH) et la non-conformité manifeste d’ICS aux propres critères de sélection de Construction de Défense a eu pour effet d’établir un préjugé favorable à l’endroit d’ICS et ce, aux dépens de Symtron. Il s’agit là, selon Symtron, d’une infraction manifeste à l’Accord de libre-échange nord-américain [3] (ALÉNA), et plus précisément à l’article 1008 et aux alinéas 1014(4)a), 1015(4)a) et 1015(4)d).

Symtron a demandé, à titre de mesure corrective, que l’adjudication soit reportée jusqu’à ce que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) se prononce relativement à la plainte. Elle a aussi demandé le remboursement des frais qu’elle a engagés pour le dépôt et le traitement de sa plainte. Symtron a demandé que le Tribunal recommande l’annulation de toute adjudication ou de toute adjudication envisagée du marché en question et l’adjudication de ce dernier à Symtron. En revanche, si le marché ne lui était pas adjugé, Symtron a demandé que le Tribunal recommande que Construction de Défense présente au Tribunal une proposition de dédommagement, élaborée conjointement avec Symtron, qui reconnaisse que le marché aurait dû être adjugé à Symtron et que cette dernière aurait eu la possibilité d’en tirer un profit.

CONTEXTE

Le 13 juin 1997, le Tribunal a déterminé que les conditions d’enquête précisées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [4] (le Règlement) avaient été remplies relativement à la plainte et a décidé d’enquêter sur l’affaire. Le même jour, le Tribunal a rendu une ordonnance reportant l’adjudication d’un marché relativement à l’appel d’offres en cause jusqu’à ce que le Tribunal ait déterminé le bien-fondé de la plainte. Le 16 juin 1997, Construction de Défense a informé le Tribunal qu’un marché avait été adjugé à ICS le 10 juin 1997. Le 23 juin 1997, le Tribunal a donc annulé son ordonnance du 13 juin 1997. Le 4 juillet 1997, Construction de Défense a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (RIF) en application de l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [5] . Le 9 juillet 1997, le Tribunal a accordé à ICS l’autorisation d’intervenir dans l’affaire. Le 23 juillet 1997, ICS a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal et, le 24 juillet 1997, Symtron a déposé ses observations sur le RIF auprès du Tribunal. Le 30 juillet 1997, le Tribunal a demandé à Construction de Défense de produire d’autres renseignements. Construction de Défense a répondu à la demande du Tribunal le 31 juillet 1997. Le 8 août 1997, Symtron a déposé ses observations sur les autres renseignements déposés auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a rendu sa décision en fonction des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 18 octobre 1996, un avis de projet de marché relativement au besoin en cause et les documents d’appel d’offres ont été diffusés par l’intermédiaire du Service des invitations ouvertes à soumissionner (SIOS). Le 27 février 1997, Symtron a déposé une plainte auprès du Tribunal soutenant, en partie, que Construction de Défense avait, contrairement à l’alinéa 1015(4)a) de l’ALÉNA, retenu pour adjudication éventuelle des soumissions qui, au moment de leur ouverture, n’étaient pas conformes aux exigences essentielles dans les documents d’invitation à soumissionner. Le même jour, le Tribunal a décidé d’enquêter sur l’affaire et, le 28 février 1997, a rendu une ordonnance reportant l’adjudication d’un marché relativement à cette affaire.

Le 6 mai 1997, le Tribunal a rendu sa décision dans l’affaire [6] . Le Tribunal a conclu, en partie, que Construction de Défense avait mal appliqué les dispositions relatives à l’exigence d’admissibilité obligatoire minimale dans la demande de proposition (DDP) et que, par conséquent, Construction de Défense avait envisagé d’adjuger un marché à des fournisseurs qui pouvaient ou ne pouvaient pas être conformes aux exigences essentielles de la DDP. Le Tribunal a donc recommandé que « Construction de Défense réévalue les propositions de Symtron et d’ICS pour ce qui est de l’exigence d’admissibilité obligatoire minimale, conformément aux dispositions de la DDP et de l’ALÉNA, et passe ensuite ce marché comme le prévoient la DDP et l’ALÉNA [7] ».

L’exigence d’admissibilité obligatoire minimale susmentionnée est énoncée à la section 00002 de la DDP, « CRITÈRES DE SÉLECTION », et indique notamment, ce qui suit :

1. Pour que son offre soit étudiée, le fournisseur éventuel de ce système de formation à la lutte contre l’incendie doit donner tous les renseignements demandés aux annexes 001, 002 et 003. Pour que l’offre soit retenue, l’exigence minimale à remplir est la suivante :

• L’entreprise doit avoir réalisé avec succès un système de formation à la lutte contre l’incendie contrôlé par ordinateur et alimenté au gaz propane dont la valeur minimale de construction s’élève à un million de dollars en devises canadiennes.

3. La proposition ne sera pas évaluée si les feuilles de renseignements relatives à l’expérience antérieure obligatoire, selon le point 12 - section 00100, ne sont pas remplies ou s’il est impossible de vérifier la référence, et elle sera dans ce cas jugée inadmissible et l’enveloppe « B »[[8] ] sera renvoyée sans être ouverte.

[Traduction]

Le point 12 de la section 00100 de la DDP mentionne ce qui suit :

Seules les sociétés et le personnel clé ayant auparavant fourni et construit une installation de formation à la lutte contre l’incendie contrôlée par ordinateur seront considérées pour le projet. Se reporter à la section 00002, Critère de sélection.

Afin de permettre l’évaluation de l’expérience antérieure de chaque soumissionnaire, la proposition doit comprendre les renseignements suivants :

.1 Remplir la formule de demande, comprise dans la présente demande de propositions.

.2 Remplir les formules concernant l’expérience antérieure, comprises dans la présente demande de propositions.

.3 Remplir la formule concernant l’expérience du personnel clé pour des projets comparables, comprise dans la présente demande de propositions.

.4 Les formules doivent être complètement remplies.

.5 Se servir d’une formule par projet.

[Traduction]

Après avoir examiné quels professionnels possédaient les titres et les qualités préalables dans le domaine spécialisé de l’incendie, Construction de Défense et le MDN ont mandaté, le 20 mai 1997, la société d’experts-conseils Morrison Hershfield pour une vérification indépendante de la conformité des soumissions d’ICS et de Symtron à l’exigence d’admissibilité obligatoire minimale établie dans la DDP.

Morrison Hershfield a soumis son rapport le 5 juin 1997 à Construction de Défense, y compris la description de la méthode retenue pour procéder à l’examen et en arriver à ses conclusions.

La méthode a consisté à examiner les documents pertinents, y compris : a) les pages 15 et 16 [dans la version anglaise] de la décision rendue par le Tribunal le 6 mai 1997; b) les spécifications sur le rendement du système de formation à la lutte contre l’incendie; c) des extraits des propositions d’ICS et de Symtron, à savoir, l’annexe 001 « Formule de demande », l’annexe 002 « Feuille de renseignements sur l’expérience antérieure obligatoire » et l’annexe 003 « Expérience du personnel clé pour des projets comparables ». De même, la méthode a compris l’élaboration d’un questionnaire fondé sur les critères obligatoires pour aider à la collecte de renseignements par téléphone.

Les conclusions du Rapport MH se lisent intégralement comme suit :

À notre avis, les sociétés ICS International Code Fire Services Inc. et Symtron Systems, Inc. satisfont toutes deux au critère de l’expérience antérieure obligatoire tel qu’il est défini dans la spécification des exigences de rendement et la section 1.1 du présent rapport.

Les références indiquées ont confirmé que les renseignements fournis aux annexes 002 et 003 des soumissions, portant sur « l’expérience antérieure obligatoire » et « l’expérience du personnel clé pour des projets comparables », étaient exacts et complets. Lesdites références ont confirmé que les deux sociétés et le personnel compris dans leur liste possèdent une expérience manifeste en conception, en fourniture et en construction de systèmes de formation à la lutte contre l’incendie contrôlés par ordinateur et alimentés au gaz propane dont la valeur minimale de construction s’élève à un million de dollars en devises canadiennes. Les deux sociétés susmentionnées ont l’expérience de la gestion et de la coordination d’un projet de cette envergure jusqu’à sa complète réalisation.

[Traduction]

Le 10 juin 1997, Construction de Défense a fait parvenir des copies du Rapport MH au Tribunal, à ICS et à Symtron et a octroyé le marché à ICS. Le 16 juin 1997, Construction de Défense a avisé le Tribunal que le marché avait été adjugé à ICS.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position de Symtron

Dans ses observations sur le RIF, Symtron soutient que Construction de Défense ne s’est pas correctement conformée au mandat qu’elle avait reçu du Tribunal puisqu’elle a omis de se reporter à l’ALÉNA et à la DDP. Cette représentation fallacieuse, selon Symtron, a biaisé les directives que Construction de Défense a données à Morrison Hershfield.

Symtron soutient aussi que Construction de Défense a omis de donner à Symtron l’occasion de présenter ses observations sur le Rapport MH avant l’adjudication du marché, privant ainsi Symtron de son droit fondamental que lui confèrent les lois canadiennes, y compris l’ALÉNA, au respect des principes de la justice naturelle. Symtron soutient que « les droits légaux fondamentaux doivent avoir préséance sur les considérations opérationnelles, y compris les questions prétendument environnementales » [traduction].

Symtron avance en outre que le fait que seule l’offre d’ICS ait fait l’objet d’un examen administratif final avant l’adjudication du marché porte fort à croire à l’existence d’un préjugé favorable à l’endroit d’ICS, contraire à l’ALÉNA.

Symtron fait valoir que la conclusion de Construction de Défense selon laquelle seulement les deux dernières pages de la décision rendue par le Tribunal le 6 mai 1997 étaient pertinentes pour la nouvelle évaluation de l’admissibilité de Symtron et d’ICS a été une décision arbitraire et une erreur de principe. De plus, la décision de Construction de Défense selon laquelle il n’était pas nécessaire de vérifier le rôle d’ICS dans la coentreprise qui a réalisé le projet pour la Marine australienne a été une erreur de principe fondamentale et une mauvaise interprétation de la décision du Tribunal.

Symtron soutient de plus que Construction de Défense a incorrectement étendu la définition des critères de sélection en incluant la valeur du projet global, y compris les travaux de génie civil, en contradiction directe avec le sens tiré d’une lecture courante de la spécification des exigences de rendement établie dans la DDP. Une telle interprétation, selon Symtron, permet que des parties non admissibles soient considérées admissibles en raison de travaux accessoires de construction réalisés par des parties autres que le soumissionnaire ou qui se rapportent à d’autres éléments que ceux du système pertinent. Il est reconnu et précisé dans le document de soumission même que la partie portant sur les installations de formation à la lutte contre l’incendie (IFLI) sera construite et réalisée séparément de la partie portant sur la construction du SFLI. Symtron conclut que les directives données par Construction de Défense à Morrison Hershfield étaient trompeuses à cet égard.

Symtron déclare en outre que Construction de Défense ne donne aucun détail dans son enquête sur les réponses données à Morrison Hershfield à plusieurs des questions soulevées. Symtron soutient qu’il est donc impossible d’apprécier si Morrison Hershfield a correctement appliqué les renseignements dont cette dernière disposait ou si les conclusions qu’elle a atteintes tiennent à la lumière des éléments de preuve recueillis. Par exemple, Morrison Hershfield a omis de vérifier si ICS était partenaire dans une coentreprise pour le projet pour la Marine australienne, et l’omission d’une telle vérification doit entraîner l’exclusion d’ICS. Symtron soutient aussi que Construction de Défense a omis de déclarer, aussi clairement qu’elle aurait dû, la nature de sous-traitance du lien entre ICS et Australian Construction Services et, compte tenu de la valeur estimative du contrat de sous-traitance et des travaux réalisés par ICS, le fait qu’il ne s’agissait pas d’un important contrat de sous-traitance.

En résumé, Symtron soutient que Construction de Défense a omis de se comporter en conformité avec l’esprit et l’intention de l’ALÉNA. Le résultat final, selon Symtron, a directement induit Morrison Hershfield en erreur sur la portée de la tâche de vérification qui lui était demandée et la rigueur dans le détail nécessaire.

Position de Construction de Défense

Dans sa réponse à la plainte, Construction de Défense soutient que la plainte de Symtron est dénuée de tout fondement et devrait être rejetée. Plus précisément, Construction de Défense soutient qu’une évaluation indépendante doit se fonder sur des renseignements impartiaux et non biaisés. Des renseignements impartiaux et pertinents à la question de l’exigence obligatoire minimale ont donc été communiqués à Morrison Hershfield. Cette dernière a reçu tous les renseignements relatifs à la question en litige tels qu’ils avaient initialement été fournis par les soumissionnaires. Ces renseignements, selon Construction de Défense, ont constitué le point de départ d’une démarche indépendante d’entrevues avec les références citées, dans le but soit de confirmer soit d’infirmer l’affirmation d’un soumissionnaire qui disait satisfaire les exigences minimales stipulées.

Quant à la question de savoir si ICS était ou non partenaire dans une coentreprise pour le projet de la Marine australienne, Construction de Défense soutient qu’il n’était pas nécessaire de vérifier ce point, puisque le Rapport MH avait établi que le rôle joué par ICS dans le projet était « un rôle majeur » [traduction] et que « les connaissances techniques clés concernant la conception de systèmes, la simulation, la mise en service et la formation avait été fournies par ICS » [traduction]. Construction de Défense soutient que, de ce simple fait, le Rapport MH a démontré qu’ICS satisfaisait les exigences obligatoires minimales de la spécification.

En ce qui a trait à la prétendue erreur d’interprétation du critère de sélection faite par Morrison Hershfield, Construction de Défense soutient que, dans le contexte, le terme « construction » signifie la fourniture et l’installation d’un composant ou d’un système complet y compris toutes les activités accessoires. Le terme doit donc englober tous les coûts associés à une telle installation et c’est à partir de ce principe que Morrison Hershfield a déterminé que la valeur du projet de la Marine australienne dépassait un million de dollars en devises canadiennes.

En ce qui a trait aux lacunes du processus d’examen comme tel, Construction de Défense soutient que le questionnaire a permis à Morrison Hershfield d’obtenir l’information pertinente essentielle dont elle avait besoin pour appliquer ses connaissances expertes professionnelles. Quant au choix de personnes avec qui elle a communiqué, Construction de Défense soutient que le choix d’un représentant de l’utilisateur, c’est-à-dire la Marine australienne, était plus judicieux que le choix d’un représentant de Australian Construction Services. Le fait qu’il n’y ait pas eu de communication avec toutes les références indiquées montre, selon Construction de Défense, que l’examen a été exécuté d’une manière efficiente et non qu’il n’était pas complet.

En ce qui a trait aux infractions précises à l’ALÉNA, Construction de Défense soutient, relativement à l’article 1008, que : 1) le besoin de SFLI a été diffusé par l’intermédiaire du SIOS et assujetti à un appel d’offres en régime concurrentiel; 2) l’admissibilité des soumissionnaires a été déterminée par un comité formé de membres du personnel technique du MDN ayant des connaissances et de l’expérience dans le domaine des SFLI; 3) le comité, bien qu’il ait à l’origine reconnu les trois soumissionnaires comme étant admissibles, a exclu l’un d’entre eux lorsqu’il est devenu manifeste que la situation de ce dernier avait changé sensiblement; 4) à la suite de la décision du Tribunal, la recommandation de ce dernier a été acceptée et une évaluation indépendante a été ordonnée. Un tel comportement, selon Construction de Défense, témoigne de procédures transparentes et n’établissant aucune distinction. Enfin, pour ce qui est des alinéas 1014(4)a) et 1015(4)a) de l’ALÉNA, Construction de Défense soutient que le Tribunal a déjà statué dans le dossier no PR-96-030 qu’aucune négociation du type visé par l’article 1014 de l’ALÉNA n’avait eu lieu. La nouvelle évaluation indépendante faite par Morrison Hershfield a confirmé la conclusion initiale du comité d’évaluation du MDN qu’ICS possédait les compétences et les ressources nécessaires pour concevoir, construire et installer les SFLI requis.

En résumé, Construction de Défense soutient que le marché public portant sur les SFLI a été exécuté aux termes des importants principes de passation de marché, y compris la prudence, la probité, l’accessibilité et le régime concurrentiel. Il a été tenu compte des directives du Conseil du Trésor en matière de passation des marchés et des usages de l’industrie et, par conséquent, le marché a pleinement respecté l’esprit et la lettre de l’ALÉNA. La plainte devrait être rejetée, et Construction de Défense devrait obtenir le remboursement de ses frais, aux termes des dispositions de la Loi sur le TCCE.

Position d’ICS

Dans ses observations sur le RIF, ICS soutient que l’évaluation indépendante de son admissibilité a été exécutée aux termes des directives établies par le Tribunal dans la décision qu’il a rendue le 6 mai 1997. En outre, elle soumet que le Rapport MH qui a fondé la décision de Construction de Défense démontre clairement qu’ICS répondait aux exigences requises.

Quant aux renseignements généraux fournis par Construction de Défense à Morrison Hershfield pour que cette dernière effectue la vérification, ICS soutient que les pages 15 et 16 [dans la version anglaise] de la décision du Tribunal sont les seules pages pertinentes à la question en litige, le Tribunal ayant alors jugé non fondés les éléments de la plainte qui portaient sur les autres questions en litige. En ce qui a trait aux affidavits détaillés et aux autres renseignements, ICS soutient qu’ils démontrent non seulement qu’ICS était admissible à soumissionner pour le marché en cause, mais aussi qu’il s’agit là d’une information non pertinente en l’espèce. En vérité, il convient qu’une évaluation indépendante ne s’appuie pas sur l’information fournie par les parties, mais se fonde plutôt sur des renseignements impartiaux et non biaisés. Quant à la question de la coentreprise, ICS soutient que la véritable question est ici de savoir si ICS a acquis ou non l’expérience et le savoir-faire nécessaires pour pouvoir réaliser le projet en cause. Tout le reste n’est qu’une question de forme. Le Rapport MH est clair sur la question de fond. ICS a acquis les connaissances expertes et le savoir-faire requis par la DDP.

En ce qui a trait à la question selon laquelle Morrison Hershfield aurait mal interprété les critères de sélection, ICS soutient que cette société d’experts-conseils a ciblé ses questions directement sur le point en litige et qu’il n’est absolument pas fondé de prétendre que de tels professionnels, sans intérêt dévolu dans le résultat de leur examen, sont arrivés à une conclusion erronée.

En ce qui a trait au processus d’examen même, ICS soutient que le questionnaire dont les ingénieurs se sont servi s’adressait directement au fond de la question et a permis à ces derniers d’obtenir l’information essentielle. En outre, ICS soutient que bien que les ingénieurs aient, par inadvertance, parlé avec une personne liée à ICS, ils ont aussi parlé avec deux autres personnes qui n’ont absolument aucun lien avec elle. De même, ICS soutient que la décision de Morrison Hershfield de choisir un représentant de la Marine australienne, non lié à la filiale australienne d’ICS, plutôt qu’un représentant de Australian Construction Services n’a rien d’inconvenant.

En résumé, ICS soutient que la conclusion du Rapport MH portant sur l’admissibilité d’ICS est correcte et fondée sur une interprétation appropriée des critères de sélection. Enfin, ICS demande que le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire et lui accorde le remboursement des frais qu’elle a engagés dans la préparation et le dépôt de ses observations en opposition à la plainte de Symtron.

Décision du Tribunal

Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le 6 mai 1997, le Tribunal a conclu qu’une plainte déposée par Symtron à l’égard de l’invitation à soumissionner no HQ60151, le même marché public qui fait l’objet du litige dans la présente affaire, était fondée. Le Tribunal a recommandé que « Construction de Défense réévalue les propositions de Symtron et d’ICS pour ce qui est de l’exigence d’admissibilité obligatoire minimale, conformément aux dispositions de la DDP et de l’ALÉNA, et passe ensuite ce marché comme le prévoient la DDP et l’ALÉNA [9] ». Dans une lettre datée du 14 mai 1997, Construction de Défense a avisé le Tribunal qu’elle mettait en œuvre les recommandations du Tribunal et, dans une lettre datée du 10 juin 1997, Construction de Défense a expliqué au Tribunal dans quelle mesure les recommandations susmentionnées avaient été mises en œuvre.

Construction de Défense a expliqué qu’elle avait mandaté la société d’ingénieurs-conseils Morrison Hershfield pour une vérification indépendante des dires tant de Symtron que d’ICS, relativement à leur compétence dans le domaine des SFLI, par rapport à l’exigence minimale stipulée dans le critère de sélection pour le marché public en cause. De l’avis de Morrison Hershfield, ICS et Symtron satisfaisaient toutes deux le critère de l’expérience antérieure obligatoire. Construction de Défense a avisé le Tribunal que, à son avis, par la vérification indépendante, il avait été satisfait aux recommandations du Tribunal et qu’elle se préparait à adjuger le marché public, comme prévu, à ICS.

En premier lieu, le Tribunal fait observer que la question en litige ne consiste pas à déterminer si Construction de Défense a correctement mis en œuvre ou non les recommandations que le Tribunal a rendues le 6 mai 1997. Le Tribunal est d’avis que, en mettant en œuvre les recommandations du Tribunal, Construction de Défense a de fait prolongé le processus de passation du marché public et, par conséquent, rendu possible la présentation de nouvelles contestations par les fournisseurs éventuels. L’alinéa 1017(1)a) de l’ALÉNA prescrit que le processus de passation des marchés débute au moment où une entité décide des produits ou services à acquérir et se poursuit jusqu’à l’adjudication du marché.

La plainte dont il est question dans les présentes, bien qu’elle fasse partie intégrante du même processus de passation du marché public visé dans le dossier no PR-96-030, est une plainte distincte et doit être traitée comme telle par le Tribunal. Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte, qui, en l’espèce, vise des événements survenus après la décision du 6 mai 1997 et la mise en œuvre des recommandations du Tribunal, c’est-à-dire la démarche de Construction de Défense pour déterminer si ICS et Symtron se conformaient à l’exigence d’admissibilité minimale obligatoire et l’utilisation subséquente du Rapport MH pour fonder la décision d’adjuger le marché à ICS. Le Tribunal doit déterminer si cette partie du processus de passation du marché a été exécutée aux termes des exigences des dispositions pertinentes de l’ALÉNA.

Une condition obligatoire de participation à l’invitation à soumissionner en cause, énoncée au paragraphe 1 de la section 00002, « CRITÈRES DE SÉLECTION », était que les soumissionnaires devaient démontrer qu’ils avaient réalisé avec succès un SFLI contrôlé par ordinateur et alimenté au gaz propane d'une valeur minimale de construction de un million de dollars en devises canadiennes. De même, les soumissionnaires devaient, aux termes du paragraphe 3 de la section 00002, fournir des feuilles de renseignements sur toute leur expérience antérieure, contenant de l’information vérifiable. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer, notamment, si, au moment de la nouvelle évaluation de l’admissibilité de Symtron et d’ICS, la conclusion de Construction de Défense, selon laquelle ICS répondait aux conditions et aux exigences objectives susmentionnées à la date de clôture des soumissions, était conforme aux dispositions de l’alinéa 1015(4)a) de l’ALéNA et si la décision de Construction de Défense d’adjuger un marché à ICS à partir d’un tel fondement est conforme aux dispositions de l’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA.

Symtron soutient que Construction de Défense a incorrectement instruit Morrison Hershfield en ne lui fournissant que les deux dernières pages des conclusions du Tribunal plutôt que le texte intégral, qui aurait mieux éclairé le processus d’évaluation. Construction de Défense a expliqué que seules les deux dernières pages étaient pertinentes à la réévaluation de l’admissibilité au plan technique d’ICS et de Symtron et ne faisaient simplement que soulever la question de savoir si la participation d’ICS au projet de la Marine australienne suffisait pour répondre aux exigences obligatoires établies dans la DDP.

Le Tribunal fait cependant observer que l’ensemble des conclusions qu’il a rendues le 6 mai 1997 relate en détail les allégations de Symtron à l’endroit d’ICS et, de l’avis de Tribunal, il ne peut être dit que ces allégations ne sont pas pertinentes. En vérité, elles sont pertinentes dans la mesure où le Tribunal a conclu que Construction de Défense avait « mal appliqué les dispositions relatives à l’exigence d’admissibilité obligatoire minimale dans la DDP [10] ». Dans ce contexte, il est possible de conclure que Construction de Défense aurait fait preuve de plus de prudence en présentant la totalité du texte des conclusions, ou rien du tout à cet égard, à Morrison Hershfield aux fins de l’évaluation.

Le Tribunal fait observer que Construction de Défense n’était pas tenue de fournir à Morrison Hershfield quelque partie que ce soit des conclusions que le Tribunal avait rendues le 6 mai 1997. Cependant, Construction de Défense a communiqué à Morrison Hershfield les deux dernières pages des conclusions du Tribunal et il faut en tenir compte. Plus précisément, dans sa décision du 6 mai 1997, le Tribunal a soulevé la question de savoir si le degré de participation d’ICS au projet de la Marine australienne était suffisant pour satisfaire l’exigence d’admissibilité obligatoire minimale. La déclaration du Tribunal, selon laquelle « [l]a participation d’ICS au projet susmentionné a pris la forme d’une coentreprise, comme il est indiqué dans sa proposition et comme il est prévu dans les feuilles de renseignement sur l’expérience antérieure obligatoire dans la DDP [11] », est d’un intérêt particulier. Le Tribunal avait alors poursuivi en exprimant l’avis que « la participation à une coentreprise serait suffisante pour établir qu’ICS remplit l’exigence minimale si Construction de Défense est convaincue que la participation d’ICS à la coentreprise lui a permis d’acquérir la connaissance et le savoir-faire pour être en mesure de réaliser un tel projet [12] ». Il est maintenant manifeste d’après les éléments de preuve soumis par Symtron, qu’ICS pourrait ne pas avoir participé au projet en tant que partenaire dans une coentreprise, mais plutôt en tant que sous-traitant pour le projet de la Marine australienne. Le Rapport MH indique simplement qu’ICS « a travaillé avec les entreprises locales » [traduction], sans préciser la nature de la relation.

Le Tribunal est disposé à accepter l’opinion d’expert de Morrison Hershfield, selon laquelle ICS a la compétence pour réaliser un projet tel que celui qui est envisagé dans la DDP. Cela est cependant bien différent d’une conclusion selon laquelle ICS répondait entièrement à toutes les exigences établies dans la DDP. Le Tribunal est d’avis que Construction de Défense n’a pas agi raisonnablement lorsqu’elle a accepté le Rapport MH comme satisfaisant entièrement les exigences d’admissibilité établies dans la DDP. Étant donné l’importance apportée à la structure de coentreprise et étant donné que le Rapport MH passe ce point sous silence, Construction de Défense aurait dû faire preuve d’un plus grand souci du détail dans son appréciation.

En outre, il est maintenant manifeste que les avis divergent quant à la valeur financière de certains projets. Par exemple, le Rapport MH déclare que « [l]a valeur de construction des quatre projets énumérés à la section 2.2 du présent rapport a dépassé dans chaque cas un million de dollars en devises canadiennes » [traduction], tandis qu’ICS, dans sa soumission, indique que la valeur du projet West Midlands, un des quatre projets susmentionnés, a été de 250 000 £ (500 000 $ CAN). En outre l’interprétation correcte du mot « construction » comme s’appliquant uniquement au SFLI ou comme englobant l’ensemble du projet fait maintenant l’objet d’un débat entre les parties.

Bien que le Tribunal reconnaisse que Morrison Hershfield, comme Construction de Défense, était justifiée d’appliquer son jugement professionnel à la situation, et que c’était en fait ce qui était attendu d’elle, le Tribunal est d’avis que cela ne soustrait pas Construction de Défense de l’obligation qu’elle avait de fournir une base qui permette d’exercer un tel jugement professionnel. Cela n’a pas été fait. De ce fait et dans l’ensemble, le Tribunal n’est pas convaincu que Construction de Défense a correctement établi si ICS est ou n’est pas un fournisseur admissible au sens du paragraphe 1 de la section 00002 de la DDP. De l’avis du Tribunal, la question n’a pas été tranchée et, par conséquent, il ne peut être dit avec certitude qu’ICS n’est pas un soumissionnaire conforme ou n’était pas admissible au marché en cause. D’autre part, il ne peut être établi qu’ICS est un soumissionnaire conforme. Un contrat lui a cependant été adjugé et le Tribunal traitera de cette question ci-dessous.

Symtron soutient spécifiquement que Construction de Défense a agi contrairement aux dispositions du paragraphe 1008(1) de l’ALÉNA puisque, au moment de l’examen administratif, seule ICS a fait l’objet de l’examen administratif final. À cet égard, le Tribunal fait observer qu’ICS est le soumissionnaire au prix le plus bas et que Construction de Défense a considéré ICS comme étant le soumissionnaire conforme au prix le plus bas. Dans ce contexte, le Tribunal fait observer qu’il est courant que l’organisme d’approvisionnement porte son attention uniquement sur le soumissionnaire conforme au prix le plus bas puisque, selon les règles d’adjudication établies dans la DDP, il s’agit du premier fournisseur de la liste susceptible d’obtenir le marché. Le Tribunal ne trouve donc rien d’incorrect dans une telle pratique et n’y voit pas d’expression de traitement préférentiel.

En ce qui a trait à l’existence de négociations contraires à l’alinéa 1014(4)a) de l’ALÉNA, le Tribunal conclut qu’aucune négociation n’a eu lieu avec ICS dans cette affaire et que, par conséquent, une telle allégation est dénuée de fondement.

Pour décider d’une mesure corrective, le Tribunal doit tenir compte d’un certain nombre de facteurs énoncés au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. En l’espèce, le Tribunal est convaincu que le prix soumissionné par ICS est inférieur au prix soumissionné par Symtron. De plus, de l’avis du Tribunal, le Rapport MH et Construction de Défense établissent qu’ICS possède la compétence nécessaire pour réaliser le marché. Il s’agit là d’un fait que Symtron ne conteste pas. Cela ne répond cependant pas à la question centrale de savoir si ICS est ou non un fournisseur admissible au sens de la DDP. En fait, le Tribunal a déterminé que la question n’est pas encore tranchée et, par conséquent, que la plainte est fondée. Cependant un marché a été adjugé à ICS, et le Tribunal est d’avis que cela cause un dommage à Symtron. À tout le moins, Symtron avait droit à une évaluation juste de toutes les offres. Cela n’a pas été fait, et le doute plane sur le résultat correct. Par conséquent, pour tenter autant que possible de replacer Symtron dans la situation où elle était au moment du début de l’invitation à soumissionner en cause, le Tribunal accorde à Symtron le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa réponse à l’invitation à soumissionner.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine, compte tenu de l’objet de la plainte, que le marché n’a pas été mené conformément à l’ALÉNA et, par conséquent, que la plainte est fondée.

Aux termes des paragraphes 30.15(4) et 30.16(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Symtron le remboursement des frais qu’elle a engagés pour la préparation de sa réponse à l’invitation à soumissionner et pour le dépôt et le traitement de sa plainte.


1. L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.).

2. Société d’ingénieurs-conseils engagée par Construction de Défense pour effectuer une vérification indépendante de la compétence minimale d’ICS relativement aux critères d’admissibilité à soumissionner.

3. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

4. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

5. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912 modifiées.

6. Symtron Systems Inc., dossier no PR-96-030, Décision du Tribunal.

7. Ibid. à la p. 17.

8. Enveloppe contenant la proposition financière du soumissionnaire.

9. Supra note 7.

10. Ibid.

11. Ibid.

12. Ibid.


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Publication initiale : le 30 septembre 1997