SAFETY PROJECTS INTERNATIONAL INC.

Décisions


SAFETY PROJECTS INTERNATIONAL INC.
Dossier no : PR-98-007

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 24 août 1998

Dossier no : PR-98-007

EU ÉGARD À une plainte déposée par la société Safety Projects International Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.), modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de la décision : Le 24 août 1998

Membre du Tribunal : Raynald Guay

Gestionnaire de l’enquête : Randolph W. Heggart

Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant

Plaignant : Safety Projects International Inc.

Institution fédérale : Ministère des Pêches et des Océans

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

INTRODUCTION

Le 26 mai 1998, la société Safety Projects International Inc. (Safety) a déposé une plainte aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (la Loi sur le TCCE) à l’égard du marché public passé par le ministère des Pêches et des Océans (le Ministère) (demande de proposition no FP802-7-0456) portant sur l’acquisition d’un programme de gestion de sécurité.

Safety a soutenu que, parce que le Ministère se souciait de faire en sorte que la proposition de la société Det Norske Veritas (DNV), l’adjudicataire éventuelle du marché, soit retenue, il a omis de reconnaître le mérite de la proposition de Safety à plusieurs égards. Safety a soutenu que le Ministère a grossièrement et injustement sous-évalué l’offre qu’elle a faite en régime concurrentiel, ce qui a eu pour effet d’éliminer cette dernière avant de passer à la deuxième étape du processus de sélection des offres. Plus précisément, Safety a soutenu que : 1) le Ministère a omis de reconnaître son accréditation, même si elle répondait à tous les critères requis indiqués dans l’Énoncé des travaux; 2) le Ministère a coté sa proposition d’une façon inéquitable et injustifiable du fait qu’il l’a préjugée et a omis d’en examiner complètement tous les aspects; 3) le processus d’appel d’offres afférent au marché en question a favorisé un groupe particulier d’associations de sécurité avec lequel DNV a des liens d’affaires.

Safety a demandé, à titre de mesure corrective, que sa proposition fasse l’objet d’une nouvelle évaluation équitable et que, si elle est retenue en régime de concurrence, le contrat lui soit adjugé. Subsidiairement, elle a demandé le remboursement des frais qu’elle a engagés relativement à la préparation de son offre et au dépôt et au traitement de sa plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) ainsi qu’une indemnité en reconnaissance des profits qu’elle a perdus.

Le 1er juin 1998, le Tribunal a déterminé que les conditions d’enquête énoncées à l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (le Règlement) avaient été remplies relativement à la plainte et, en conformité avec l’article 30.13 de la Loi sur le TCCE, a décidé d’enquêter sur l’affaire. Le 25 juin 1998, le Ministère a déposé auprès du Tribunal un rapport de l’institution fédérale (RIF) conformément à l’article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [3] . Le 8 juillet 1998, Safety a déposé auprès du Tribunal ses observations sur le RIF. Le 29 juillet 1998, le Tribunal a demandé au Ministère de soumettre des renseignements supplémentaires sur l’accréditation en vérification. Le 10 août 1998, le Ministère a fait parvenir sa réponse au Tribunal et, le 14 août 1998, Safety a déposé ses observations sur la réponse du Ministère.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur la plainte à partir des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 28 octobre 1997, le Ministère a publié une demande de proposition (DP) relative à l’invitation à soumissionner en question, la date de clôture de réception des soumissions étant fixée au 11 décembre 1997.

La DP comprenait, notamment, les renseignements suivants sur l’évaluation des propositions :

Votre proposition sera évaluée en conformité avec les critères de sélection et les facteurs de pondération indiqués en détail à l’appendice « E ». Les propositions qui n’obtiennent pas au moins 75 p. 100 des points à la catégorie technique (critères de sélection à l’exclusion des coûts) seront jugées irrecevables et donc éliminées.

APPENDICE « E »

CRITÈRES DE SÉLECTION

1. COMPÉTENCE ET CAPACITÉ POUR L’EXÉCUTION DES TRAVAUX

(35 points - facteur de pondération 20)

1.1 Titres et qualités (10 points)

a) L’équipe proposée comprend-elle une combinaison équilibrée de gestionnaires de projet d’élaboration de systèmes et de formation, de vérificateurs et de personnel accrédité dans le domaine des programmes de sécurité?

b) Examen des titres et qualités, de la nature de la participation et de l’importance de l’effectif de l’entrepreneur en termes de réponse aux changements de personnel du projet.

1.2 Expérience (10 points)

a) Le personnel du projet que propose l’entrepreneur a-t-il de l’expérience en élaboration de systèmes de gestion de sécurité et de prestation de la formation afférente?

b) Vérifier que le personnel identifié par l’entrepreneur corresponde aux ressources affectées au projet, plutôt qu’à une liste des employés supérieurs de l’entrepreneur qui pourraient n’exercer que des fonctions de surveillance générale.

1.3 Vérification des références (15 points)

a) L’entrepreneur a-t-il mené à bonne fin des projets similaires du type en cause pour des organismes de portée nationale ou internationale ayant des activités diversifiées et étendues?

b) Trois références spécifiques doivent être fournies et le travail de l’entrepreneur ainsi que la nature de sa participation doivent faire l’objet d’une confirmation indépendante.

2. COMPÉTENCE POUR FOURNIR UNE APPROBATION ET UNE ACCRÉDITATION EN VÉRIFICATION
(15 points - facteur de pondération 10)

a) L’entrepreneur est-il membre d’un organisme reconnu, ou approuvé par un tel organisme, qui a conféré à l’entrepreneur le pouvoir d’évaluer et d’approuver des fonctions de vérification interne selon une norme reconnue?

b) L’entrepreneur peut-il décerner des accréditations en vérification aux employés ministériels qui accompliront des fonctions de vérification interne portant sur l’état du système de gestion du programme de sécurité?

3. GESTION DES TRAVAUX (15 points - facteur de pondération 15)

3.1 Programmation (3 points)

a) Le Plan de travail (échéancier, étapes) est-il réaliste et permettra-t-il l’obtention du produit final dans le délai imparti?

b) Les étapes et le calendrier de l’activité sont-ils conçus de façon raisonnable et comportent-ils une marge en cas d’imprévu? L’échéancier chronologique est-il réaliste et convient-il aux travaux?

3.2 Contrôle des travaux (3 points)

a) Quels sont les systèmes proposés pour contrôler la qualité des produits à chaque étape?

b) Quels sont les plans d’urgence inclus dans la proposition pour tenir compte de la possibilité que les ressources prévues et affectées cessent d’être disponibles?

3.3 Produits à livrer (9 points)

a) Les produits à livrer proposés sont-ils conformes à l’énoncé des travaux?

4. TOTAL PARTIEL DES POINTS TECHNIQUES 1 À 3

La note obtenue doit être d’au moins 860 points (pondérés) pour faire l’objet d’un examen ultérieur.

6. QUALITÉ DE LA PRÉSENTATION (10 points - facteur de pondération 50)

6.1 Les quatre entrepreneurs dont le prix par point est le moins disant seront invités à présenter un exposé oral.

[Traduction]

Durant la période de soumission, le Ministère a publié deux modifications à la DP. La première a eu pour effet de reporter la date de clôture de réception des soumissions au 17 décembre 1997. La deuxième, datée du 9 décembre 1997, avait pour but de fournir aux soumissionnaires des éclaircissements et des renseignements supplémentaires. Cette dernière se lit, en partie, comme suit :

Question 9.

Référence : l’alinéa 2.1.iii) à la p. 3 de 9 de l’Énoncé des travaux stipule que la formation donnée aux conseillers en santé et sécurité mènera à une accréditation reconnue en vérification de programmes de sécurité. Le critère 2.a) à la partie Critères de sélection de l’entrepreneur, à la p. 1 de 2, exige que l’entrepreneur soit membre d’un organisme reconnu, ou approuvé par un tel organisme, qui a conféré à l’entrepreneur le pouvoir d’évaluer et d’approuver des fonctions de vérification interne selon une norme reconnue. De plus, le critère 2.b) exige que l’entrepreneur puisse décerner des accréditations en vérification aux employés ministériels qui accompliront des fonctions de vérification interne portant sur l’état du système de gestion du programme de sécurité.

Question 10.

Nous aurions besoin d’éclaircissements sur la question de savoir si l’accréditation se rapporte aux vérifications internes ou s’il s’agit d’une accréditation spéciale en vérification de programmes de sécurité?

Question 11.

Si l’accréditation se rapporte à une accréditation en vérification de programmes de sécurité, envisagez-vous un organisme d’accréditation particulier?

Question 12.

Nous aurions besoin d’éclaircissements sur le critère 2.b), à la partie Critères de sélection de l’entrepreneur, où vous exigez que l’entrepreneur puisse décerner l’accréditation en vérification. Les entrepreneurs ne sont pas en mesure de décerner d’accréditation aux employés ministériels. Les accréditations sont normalement du ressort des organismes professionnels.

Question 13.

Votre intention est-elle que l’entrepreneur, au moyen de la formation, transmette suffisamment de connaissances pour que les conseillers en santé et sécurité au travail puissent obtenir l’accréditation de tels organismes professionnels?

Réponses 9, 10, 11, 12, 13

Notre objectif est de procurer à nos agents de santé et de sécurité au travail une formation et une expérience propres à l’obtention d’une accréditation d’un organisme d’accréditation reconnu tel l’Association of Accredited Safety Officers. Certaines entreprises dispensent une formation reconnue qui vaut aux fins de l’accréditation par un organisme accréditif. Il ne s’agit pas d’un programme de vérification interne.

[Traduction]

Selon le Ministère, cinq propositions ont été reçues, y compris celles de Safety et de DNV. Un comité de sélection comprenant trois fonctionnaires, soit un du Ministère, un du Secrétariat du Conseil du Trésor et un du ministère de la Santé, a évalué les propositions. Selon le rapport d’évaluation du comité, la proposition de DNV a été la seule à obtenir le résultat minimum de 860 points. La proposition de Safety a été éliminée et n’a fait l’objet d’aucun examen ultérieur. Le 16 février 1998, un marché de 897 808 $ a été accordé à DNV.

BIEN-FONDÉ DE LA PLAINTE

Position de Safety

Safety soutient que, contrairement à l’affirmation du Ministère selon laquelle il aurait procédé à un appel d’offres en régime de concurrence relativement à l’invitation à soumissionner en question, de fait, depuis le début, DNV, de concert avec l’Association pour la prévention des accidents industriels (APAI), a été l’entrepreneur favori du Ministère. Selon Safety, un tel état des choses est vérifié par l’inclusion, dans la DP, de l’alinéa 2.1iii) de l’Énoncé des travaux, qui indique ce qui suit : « La prestation et le suivi de la formation, dans les deux langues officielles, à l’intention des conseillers en santé et sécurité au travail du Ministère, qui mènera à une accréditation reconnue en tant que vérificateur de programmes de sécurité. La prestation d’une formation continue aux conseillers en santé et sécurité au travail dans le but de maintenir et d’améliorer les titres et qualités de ces derniers en vérification. La prestation de soutien et de surveillance à l’endroit des vérificateurs de programmes de sécurité interne, sous forme de l’évaluation des résultats de leur vérification et de la présentation de recommandations de formation supplémentaire et de mentorat au besoin » [traduction]. Une telle condition, selon Safety, empêcherait 99 p. 100 des entreprises intéressées à l’invitation à soumissionner de se qualifier, et explique pourquoi le Ministère n’a reçu que cinq soumissions.

Safety ajoute que seulement deux organisations au Canada, elle-même et l’APAI de concert avec son partenaire commercial, DNV, peuvent dispenser la formation menant à une accréditation reconnue des vérificateurs de programmes de sécurité. En ce qui concerne l’APAI, Safety soutient de plus que cette organisation ontarienne subventionnée par le gouvernement se sert, depuis le début des années 70, en vertu d’un accord contractuel, du système d’évaluation de la sécurité de la International Loss Control Institute, d’Atlanta (Géorgie), acheté il y a environ cinq ans par DNV. De plus, Safety soutient qu’une bonne partie du financement de l’APAI provient de la Commission des accidents du travail de l’Ontario, qui a aidé le Ministère à rédiger les exigences de la DP en question.

Safety soutient que, bien que les attributions et les titres des membres du comité de sélection soient imposants, aucun d’eux n’est un professionnel expérimenté dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. De plus, tous ont des liens directs ou indirects avec l’APAI.

En ce qui concerne l’évaluation de sa proposition par le comité de sélection, Safety soutient avoir inclus, dans sa proposition, relativement au numéro 1 des « Critères de sélection » à l’appendice « E », « Compétence et capacité pour l’exécution des travaux » de la DP, le curriculum vitæ de quatre experts-conseils, tous certifiés à titre de vérificateurs accrédités. De plus, trois des quatre experts-conseils susmentionnés avaient satisfait aux normes de qualification pour l’obtention d’une licence en vérification en santé et sécurité au travail, et deux des experts-conseils étaient également certifiés à titre de vérificateurs de programmes de sécurité dans le cadre du système DNV/APAI. Safety a aussi documenté, dans sa proposition, son expérience antérieure de l’exécution complète de projets similaires ou d’une plus grande valeur financière.

Pour ce qui est du numéro 1.1a) de l’appendice « E » de la DP où elle a perdu un point d’évaluation, Safety soutient que la DP n’a pas défini quelles qualités devaient être mesurées ni de quelle façon elles le seraient et, de toute façon, avance que la valeur de la combinaison d’expérience pratique et de qualités commerciales démontrées, alliées à 60 ans d’expérience en gestion, devrait dépasser la valeur d’un baccalauréat, théorique, en administration. Quant au numéro 1.1b), où elle n’a reçu aucun des cinq points possibles, Safety soutient que sa proposition énonce clairement qu’« une douzaine d’autres vérificateurs et formateurs compétents et expérimentés pourraient agir à titre de substituts au besoin » [traduction] et qu’il aurait été insensé et exagéré de soumettre les 12 curriculum vitæ avec la proposition. Quant aux numéros 1.2, « Expérience », et 1.3, « Vérification des références », où elle n’a reçu aucun point, Safety soutient que le Ministère a omis de lire sa proposition avec soin, y compris le curriculum vitæ des experts-conseils. De plus, bien qu’elle ait soumis comme références, dans sa proposition, le nom de trois corporations internationales, le Ministère n’a jamais communiqué avec ces dernières.

En ce qui concerne le numéro 2 de l’appendice « E » de la DP, « Compétence pour fournir une approbation et une accréditation en vérification », où elle n’a pas non plus reçu de point, Safety fait valoir l’absence d’organisme de réglementation au Canada, ou même dans le monde, autorisé à évaluer et à approuver les fonctions de vérification interne selon des normes reconnues. Safety soutient que de telles normes sont établies par des organismes ou des associations indépendantes et ajoute : « Donc, DNV/APAI ont établi leurs propres normes, et [Safety] a établi sa propre norme en 1982 » [traduction]. Quant à l’affirmation du Ministère selon laquelle la proposition de Safety ne contient aucun élément qui démontre un lien entre Safety et un organisme d’accréditation, Safety fait valoir que : a) elle est le représentant canadien de l’Institute of Chemical Engineers qui élabore présentement une norme internationale pour les vérificateurs en sécurité au travail, santé et environnement; b) elle possède la marque de commerce et les titres de propriété du 5 Star Health & Safety Management System (Système de gestion de la sécurité et de la santé cinq étoiles); c) elle est l’organisme de formation et d’examen des vérificateurs accrédités agréés par le 5 Star Health & Safety Institute; d) elle forme les vérificateurs selon la norme requise aux fins de la licence en vérification en santé et en sécurité au travail, la norme la plus élevée en termes de compétence en vérification en santé et en sécurité au travail; e) elle entretient de nombreuses alliances stratégiques, par exemple, avec le Conseil canadien de la sécurité, le British Safety Council, la World Safety Organization, etc.; f) elle est reconnue par Lloyd’s of London. Safety soutient que tous les renseignements susmentionnés valaient certes quelques points. Safety ajoute que la DP n’exigeait pas la production d’un code de conduite et qu’elle ne doit donc pas être pénalisée pour ne pas en avoir inclus un dans sa proposition.

Pour ce qui est de la gestion des travaux, au numéro 3.1 de l’appendice « E » de la DP, « Programmation », Safety soutient que le recours à un programme du type calendrier, bien qu’il puisse ne pas remporter la totalité des points en termes de son apparence, était une façon acceptable d’illustrer le déroulement global et la réalisation des produits à livrer et aurait dû mériter quelques points d’évaluation. De même, Safety soutient qu’elle a incorrectement été pénalisée pour des incohérences de programmation alors que la difficulté s’est posée uniquement en raison du manque de compréhension de sa proposition par les évaluateurs. Quant aux numéros 3.2, « Contrôle des travaux », et 3.3, « Produits à livrer », Safety soutient que le contrôle de sa qualité est intégré à ses processus de travail et que la vérification des références en aurait confirmé le fait. De même, les produits à livrer étaient clairement énoncés dans sa proposition.

En résumé, Safety soutient que le comité de sélection, parce qu’il se souciait de faire en sorte que le contrat soit adjugé à DNV, a omis de reconnaître le mérite de la proposition de Safety et de lui accorder correctement le mérite qui lui revenait. Par conséquent, la proposition de Safety n’a pas été examinée convenablement, le système de gestion de sécurité que Safety a proposé n’a pas été lu ni compris, et personne n’a communiqué avec les sources de référence que Safety avait soumises. Safety soutient qu’il ressort de tout ce qui précède que son offre a été évaluée bien au-dessous du minimum requis pour pouvoir faire l’objet d’examen ultérieur et peut-être remporter le marché.

Dans ses observations finales datées du 14 août 1998, Safety soutient que, chaque fois que le Ministère fournit des observations ou des éclaircissements, il déplace les « poteaux des buts ». Par exemple, Safety fait valoir que le Ministère ne définit nulle part dans ses prescriptions l’expression « organisme reconnu ». Safety soutient qu’elle s’est désignée elle-même à titre d’organisme reconnu et que, selon les termes de la DP et l’information incluse directement ou par renvoi dans sa proposition, cela aurait dû suffire pour l’établir en tant qu’organisme accrédité. De même, Safety soutient que la définition de « norme reconnue » avancée par le Ministère n’a jamais été indiquée dans les textes originaux. En outre, l’exigence visant la recertification ou de nouveaux stages sur une base continue en tant que partie intégrante de la « norme reconnue » dont le Ministère fait mention est une exigence qui n’était pas incluse dans l’Énoncé des travaux. La question des alliances stratégiques est également une nouvelle exigence, puisqu’il n’en avait pas été fait mention dans les textes originaux. La nouvelle information susmentionnée, selon Safety, confirme deux conclusions qu’elle avait déjà tirées, à savoir, que le résultat de l’invitation à soumissionner en question était un « fait accompli » en faveur de DNV depuis le tout début et que le comité de sélection a manqué de professionnalisme, d’intégrité et d’objectivité dans la conduite du processus de sélection.

Position du Ministère

Le Ministère soutient qu’il ne se souciait pas de faire en sorte que DNV soit l’adjudicataire, ainsi que l’a affirmé Safety. Il soutient que la proposition de Safety a été évaluée en conformité avec les conditions énoncées dans les documents d’appel d’offres. Le Ministère soutient avoir affiché publiquement tous les critères de sélection aux soumissionnaires avant la date de clôture des soumissions et qu’en aucun temps durant la période de soumission un soumissionnaire n’a demandé que les critères de sélection soient révisés.

Plus précisément, en ce qui concerne le numéro 1.1a) de l’appendice « E » de la DP, le Ministère soutient que la proposition de Safety n’a pas démontré qu’elle était accréditée en gestion de projet. De plus, il soutient que les titres et qualités se rapportent à la formation et non à l’expérience, qui est évaluée au numéro 1.2. Le Ministère soutient que, au numéro 1.1.b), ce qu’il voulait voir c’était un plan de réserve par rapport à l’équipe principale de travailleurs. Étant donné la complexité et la durée du projet (deux ans), le Ministère soutient que les principaux experts-conseils pourraient, en tout temps, ne plus être disponibles pour une raison ou pour une autre. Par conséquent, le Ministère affirme qu’il était crucial que les soumissionnaires fassent la preuve qu’ils disposaient d’un deuxième groupe d’experts-conseils et que celui-ci était aussi compétent que le premier. Le Ministère soutient que Safety a omis de le démontrer dans sa proposition et que, par conséquent, cette partie de sa proposition n’a pas pu être évaluée.

Le Ministère soutient en outre que Safety a perdu deux points au numéro 1.2 de l’appendice « E » de la DP, « Expérience », parce qu’elle a omis de mentionner dans sa proposition, comme elle l’affirme maintenant, que trois des membres de son équipe avaient reçu la certification relative au système DNV/APAI.

Selon le Ministère, Safety a perdu trois points au numéro 1.3 de l’appendice « E » de la DP, « Vérification des références », parce que sa proposition ne traitait pas de la question de la formation des vérificateurs dans aucune des entreprises pour lesquelles elle avait effectué des travaux dans le passé. En ce sens, Safety a omis d’établir le lien entre son expérience et les conditions de l’Énoncé des travaux.

Quant au numéro 2 de l’appendice « E » de la DP, « Compétence pour fournir une approbation et une accréditation en vérification », où Safety a perdu 15 points, le Ministère soutient que Safety a omis d’indiquer dans sa proposition tout rapport ou lien que ce soit avec des organismes d’accréditation reconnus. Le Ministère soutient que Safety a présenté des documents supplémentaires au Tribunal, avec sa plainte, et a ainsi documenté, en partie, une alliance stratégique avec la Lloyd’s of London. Une bonne partie des documents susmentionnés n’étaient pas inclus dans la proposition de Safety et, donc, selon de Ministère, ne peuvent être invoqués relativement à la position de Safety.

Quant au numéro 3 de l’appendice « E » de la DP, « Gestion des travaux », où Safety a perdu 8 des 15 points possibles, le Ministère soutient que Safety a soumis dans sa proposition des renseignements incomplets, insuffisamment clairs et d’une qualité qui ne correspond pas à un projet d’une telle valeur.

Le Ministère concède que deux points ont été omis dans le calcul du total des points techniques de Safety au numéro 1.2, « Expérience », et que, par conséquent, compte tenu du facteur de pondération, Safety aurait dû recevoir 40 points supplémentaires. Cependant, le total révisé de Safety pour les points techniques demeure bien inférieur au minimum de 860 points requis pour accéder à l’étape de la présentation orale du processus d’évaluation.

Quant à l’affirmation de Safety selon laquelle les vidéocassettes qu’elle a fournies avec sa proposition n’ont pas été considérées au moment de l’évaluation, le Ministère soutient que celles-ci ont été fournies au Ministère sous pli séparé le 28 novembre 1997. Étant donné qu’elles ne faisaient pas partie de la proposition de Safety, elles n’ont pas fait l’objet de visionnement préliminaire du comité de sélection. Le Ministère soutient de plus qu’il n’y a pas eu erreur dans la pondération des points de sélection, qu’il n’y a eu aucun apport de l’APAI à l’élaboration de l’Énoncé des travaux relatif au marché de surveillance en santé et sécurité au travail et qu’aucune restriction n’a été imposée aux soumissionnaires quant à l’identité des personnes qui pouvaient être présentes pour les aider au moment de la présentation de leur exposé oral.

En conclusion, le Ministère soutient que la proposition de Safety a été évaluée en conformité avec les termes de la DP et strictement d’après son contenu. Les données qui n’avaient pas été incluses dans la proposition au moment de la clôture de la période de soumission ne pouvaient être considérées.

Dans ses exposés supplémentaires, le Ministère indique qu’un « organisme reconnu » en matière d’accréditation de la vérification est un organisme, comme la Lloyd’s of London, la Lloyd’s Germanischer ou l’Accredited Safety Auditors Association, qui bénéficie d’un certain rang et d’une bonne réputation au sein de la collectivité dans son ensemble. Le Ministère ajoute que l’expression « norme reconnue » devait signifier une méthode que la plupart des organismes appliqueraient pour élaborer une norme ou une désignation devant servir à évaluer les personnes désireuses de recevoir l’accréditation. La norme comporterait normalement une évaluation des connaissances d’une telle personne, de son expérience, de sa formation et de ses compétences en termes de vérification dans le domaine de la sécurité et de la santé. Un organisme reconnu tiendrait également à faire en sorte que, même avec le passage du temps, toute personne accréditée continue de mériter de l’être.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l’article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu’il a décidé d’enquêter, de limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête, il lui faut déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le marché en question. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit notamment que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences de l’Accord de libre-échange nord-américain [4] (ALÉNA), de l’Accord sur les marchés publics [5] (AMP) ou de l’Accord sur le commerce intérieur [6] (ACI), selon le cas.

En résumé, Safety a soutenu que le processus d’appel d’offres afférent à l’invitation à soumissionner en question favorisait DNV. Safety a soutenu que, de ce fait, non seulement les spécifications afférentes au besoin favorisaient un groupe particulier d’associations de sécurité mais que, de plus, le Ministère a omis, lorsqu’il a évalué sa proposition, d’appliquer équitablement les critères d’évaluation indiqués dans la DP.

Les alinéas 1008(1)a) et b) de l’ALÉNA et le paragraphe 1 de l’article VII de l’AMP prévoient qu’une partie fera en sorte que les procédures de passation des marchés publics suivies par ses entités soient appliquées de façon non discriminatoire et soient conformes aux dispositions des articles 1009 à 1016 de l’ALÉNA et des articles VII à XVI de l’AMP. L’article 501 de l’ACI prescrit que les fournisseurs potentiels doivent avoir un accès égal aux marchés publics.

L’alinéa 1015(4)d) de l’ALÉNA et le paragraphe 4 c) de l’article XIII de l’AMP prévoient que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ». Le paragraphe 506(6) de l’ACI indique, notamment, que les « documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères ».

Le Tribunal doit déterminer si les critères de sélection et les facteurs de pondération ont été indiqués clairement dans la DP et si, dans l’évaluation de la proposition de Safety, le Ministère a appliqué équitablement les critères de sélection et les conditions essentielles spécifiées dans la DP.

En ce qui concerne la clarté des critères de sélection et des facteurs de pondération indiqués dans l’appendice « E » de la DP, le Tribunal est convaincu que lesdits critères et facteurs sont clairs. De plus, ainsi que le démontre le contenu de la deuxième modification de la DP, certains soumissionnaires ont demandé une confirmation de la signification de certains critères. Si Safety éprouvait encore un certain malaise après la diffusion de l’information susmentionnée, ou était, selon ses termes, préoccupée de la nature partiale de certains critères, elle aurait dû soulever la question auprès du Ministère ou du Tribunal dans les délais prescrits. Elle ne l’a pas fait.

Pour ce qui est de l’évaluation de la proposition comme telle de Safety, le Tribunal est convaincu qu’elle a été faite par un comité de sélection compétent et objectif, en conformité avec les critères et les facteurs de pondération indiqués dans la DP.

Le Tribunal fait observer, en premier lieu, que les trois membres du comité de sélection assument présentement des charges dans le domaine de la sécurité et de la santé du travail. Par ailleurs, deux des membres du comité sont de l’extérieur du Ministère, à savoir, du ministère de la Santé et du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Tribunal fait également observer que chacun des éléments cotés de la proposition de Safety a été examiné par le comité de sélection et évalué selon la méthode indiquée dans la DP. À cet égard, le Tribunal fait observer que le comité de sélection a fait preuve de cohérence dans l’attribution des points aux éléments à cotation numérique. Lorsque, selon son jugement, un élément de la proposition d’un soumissionnaire répondait aux conditions de la DP, le comité a accordé à un tel élément tous les points numériques qui s’y rattachaient. De même, il n’en a accordé aucun aux éléments particuliers qui, selon son jugement, ne répondaient pas aux conditions de la DP. Une telle façon de procéder explique les valeurs nulles présentes dans l’évaluation de la proposition de Safety, comme dans l’évaluation de la plupart des autres soumissions.

Le Tribunal fait également observer que le Ministère a limité son évaluation de la proposition de Safety au contenu de la proposition telle qu’elle avait été soumise à la date de clôture de réception des soumissions. C’est pour la raison susmentionnée que le Ministère n’a pas examiné, aux fins de l’évaluation des soumissions, ni les vidéocassettes qui ont été envoyées par Safety le 28 novembre 1997 ni l’information qui a été fournie par Safety dans sa plainte auprès du Tribunal et qui n’était pas incluse dans sa proposition. Le Tribunal est convaincu que le Ministère a agi en conformité avec les exigences des accords commerciaux lorsqu’il a limité son examen de la proposition de Safety aux documents qu’elle lui avait soumis avant la clôture de la période de soumission.

Quant à l’affirmation de Safety selon laquelle le Ministère a omis de demander des éclaircissements ou de communiquer avec les sources des références que Safety avait indiquées dans sa proposition, le Tribunal est d’avis que le Ministère n’était pas tenu, en l’espèce, de demander des éclaircissements ni de communiquer avec les sources indiquées par Safety avant d’avoir terminé la première étape de l’évaluation.

Un aspect important du litige entre Safety et le Ministère, en l’espèce, est celui de savoir si Safety a répondu aux conditions essentielles indiquées au numéro 2 de l’appendice « E » de la DP qui traite de l’approbation et de l’accréditation en vérification. Dans sa proposition, Safety, en résumé, se propose elle-même en tant que l’organisme reconnu qui lui a conféré le pouvoir et la compétence d’évaluer et d’approuver les fonctions de vérification interne selon une norme reconnue. Le Ministère a jugé cette affirmation insuffisante comme réponse à la condition essentielle indiquée au numéro 2a). Le Tribunal estime qu’une telle détermination par le Ministère était raisonnable, d’après les renseignements contenus dans la proposition de Safety. Bien que Safety ait présenté dans sa plainte certains renseignements qui auraient bien pu démontrer qu’elle répondait à cette condition, pour les raisons qui ont déjà été indiquées, il aurait fallu que Safety soumette lesdits renseignements au Ministère avec sa proposition pour que le comité de sélection en tienne compte.

Safety soutient que l’action du Ministère, et plus précisément le fait qu’il n’ait pas reconnu Safety comme un organisme accrédité, projette une image négative à son endroit et cause un dommage grave à sa réputation internationale. Selon le Tribunal, le Ministère n’a pas évalué la capacité de Safety, en tant qu’entreprise commerciale, à satisfaire aux conditions essentielles indiquées dans la DP et ne s’est pas prononcé sur la capacité de Safety à exécuter de tels travaux. Selon le Tribunal, le Ministère a tenu une évaluation objective de la proposition de Safety en conformité avec les critères de sélection et les facteurs de pondération indiqués dans la DP. À la suite de l’évaluation susmentionnée, le Ministère a conclu que la proposition ne répondait pas aux conditions essentielles pour passer à la deuxième étape de l’évaluation. Le Tribunal conclut qu’un tel comportement du Ministère n’a rien d’incorrect.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine, relativement à l’objet de la plainte, que le marché public a été passé conformément à l’ALÉNA, à l’AMP et à l’ACI et que, par conséquent, la plainte n’est pas fondée.


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. DORS/93-602, le 15 décembre 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 26 à la p. 4547, modifié.

3. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18 à la p. 2912, modifiées.

4. Recueil des traités du Canada, 1994, no 2 (R.T.C.), signé le 17 décembre 1992.

5. Signé à Marrakech le 15 avril 1994 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1996).

6. Signé à Ottawa (Ontario) le 18 juillet 1994.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 23 septembre 1998