EDUCOM TRAINING SYSTEMS INC.

Décisions


EDUCOM TRAINING SYSTEMS INC.
Dossier no : PR-99-037

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le mercredi 3 mai 2000

Dossier no : PR-99-037

EU ÉGARD À une plainte déposée par EDUCOM Training Systems Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.



Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

Date de la décision :

Le 3 mai 2000

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda

   

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Tamra Alexander

   

Partie plaignante :

EDUCOM Training Systems Inc.

   

Conseiller pour la partie plaignante :

Peter N. Mantas

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseillers pour l'institution fédérale :

Susan D. Clarke

 

David M. Attwater

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

PLAINTE

Le 16 décembre 1999, EDUCOM Training Systems Inc. (EDUCOM) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 à l'égard du marché public (numéro d'invitation EN875-9-0718/A) du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère) visant la prestation, au Ministère, de services de soutien d'ingénierie de troisième niveau pour les systèmes et sous-systèmes de bureau par des professionnels en technologie de l'information.

EDUCOM a allégué que, contrairement à plusieurs dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 , de l'Accord sur les marchés publics 3 et de l'Accord sur le commerce intérieur 4 , le Ministère, dans le cadre de la tenue de l'invitation à soumissionner en cause, s'est placé dans une situation de conflit d'intérêts en collaborant avec un fournisseur potentiel dénommé (ci-après le fournisseur préféré) et les « titulaires »5 pour les aider à remporter le marché. Un tel comportement a rendu la procédure de soumission suspecte, partiale et discriminatoire. Plus précisément, EDUCOM a allégué que le Ministère a transmis au fournisseur préféré et aux « titulaires » des renseignements qui n'ont pas été mis à la disposition d'EDUCOM et qu'il a fixé des délais incorrects pour la soumission de propositions dans le but de favoriser le fournisseur préféré et les « titulaires ». EDUCOM a dit avoir été particulièrement préoccupée du fait que le Ministère était disposé à modifier la date de clôture de la demande de propositions (DP), à l'avantage du fournisseur préféré, même si une telle modification était considérée impossible une semaine plus tôt.

EDUCOM a demandé, à titre de mesure corrective, de recevoir un dédommagement du Ministère en reconnaissance du comportement de ce dernier dans le cadre de cette invitation à soumissionner et d'être autorisée à déposer une proposition d'indemnisation dans les 30 jours suivant la réception des motifs du Tribunal. En outre, EDUCOM a demandé le remboursement des frais raisonnables qu'elle a engagés pour la préparation d'une réponse à l'invitation à soumissionner et pour le dépôt et le traitement de la plainte.

Le 7 janvier 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte, puisque cette dernière répondait aux conditions énoncées à l'article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 6 . Le 12 janvier 2000, le Tribunal a ordonné au Ministère de différer l'adjudication de tout contrat lié à l'invitation à soumissionner en cause jusqu'à ce que le Tribunal se soit prononcé sur la validité de la plainte.

REQUÊTE

Le 2 février 2000, le Ministère a déposé un avis de requête visant le rejet de la plainte par le Tribunal pour le motif qu'elle n'a pas été déposée dans les délais prévus à l'article 6 du Règlement et, accessoirement, la prorogation du délai de dépôt du rapport de l'institution fédérale (le RIF). Le 9 février 2000, EDUCOM a répondu à la requête du Ministère et a déposé un avis de requête incidente visant la récusation du conseiller du Ministère inscrit au dossier, Me David Attwater, pour le motif que sa présence donne lieu à un conflit d'intérêts et que sa participation soutenue dans cette affaire créerait une raison pour une crainte de partialité par le Tribunal. EDUCOM a aussi demandé que le Tribunal statue sur la validité de la plainte à partir des pièces déjà au dossier, puisque, selon EDUCOM, le Ministère n'a pas respecté le délai prescrit pour déposer le RIF ou demander une prorogation du délai de dépôt du RIF.

Dans sa réponse à la requête du Ministère, EDUCOM a dit avoir déposé sa plainte auprès du Tribunal le 16 décembre 1999. Le 21 décembre 1999, le Tribunal a avisé EDUCOM qu'il y avait des lacunes dans sa plainte et a demandé à cette dernière de les corriger avant la fermeture des bureaux le 30 décembre 1999, ce qu'elle a fait.

EDUCOM a soutenu avoir déposé sa plainte à temps, puisque sa communication du 16 décembre 1999 avec le Tribunal a été faite dans les 10 jours ouvrables suivant le 9 décembre 1999, la date à laquelle elle a découvert les faits à l'origine de sa plainte. En outre, EDUCOM a soutenu s'être conformée à la directive du Tribunal qui établissait au 30 décembre 1999 la date limite du dépôt des renseignements complémentaires. Le Tribunal, selon EDUCOM, a le pouvoir d'établir de tels délais et, si besoin est, celui de proroger ou d'écourter les délais prévus par les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 7 ou de se permettre de déroger à une règle ou de la modifier, notamment par adjonction, afin d'éviter une injustice.

Quant aux faits à l'origine de la plainte, EDUCOM a soutenu que ce n'était que le 9 décembre 1999 qu'il est devenu manifeste que le Ministère adaptait l'invitation à soumissionner de façon à ce qu'elle convienne à un soumissionnaire particulier, au lieu de tenir une procédure ouverte et équitable d'appel d'offres.

De plus, EDUCOM a déclaré que, puisque le Tribunal avait déjà décidé d'enquêter dans cette affaire, une décision incluant la détermination par le Tribunal que le délai de dépôt de la plainte avait été respecté, le Tribunal n'a pas compétence pour réexaminer sa décision. Finalement, EDUCOM a soutenu que, étant donné que le Ministère a omis de signifier la requête à EDUCOM, ladite requête contrevient au paragraphe 24(3) des Règles de procédure et est nulle ab initio.

Le 16 février 2000, le Ministère a déclaré qu'il avait interprété la plainte d'EDUCOM comme comprenant les trois motifs de plainte distincts suivants : 1) EDUCOM avait subi un préjudice et, par conséquent, avait été incapable de déposer une proposition dans les délais prescrits en raison de certaines communications par courrier électronique émanant du Ministère; 2) les délais initiaux fixés par le Ministère étaient irréguliers et non fondés sur une situation d'urgence et avaient été imposés pour favoriser un soumissionnaire particulier; 3) les modifications apportées à l'invitation à soumissionner favorisaient injustement les titulaires. Le Ministère a dit conclure, à partir de la réponse d'EDUCOM à la requête, que cette dernière n'a pas l'intention de donner suite aux deux premiers motifs. Quant au troisième motif de plainte, le Ministère a soutenu qu'EDUCOM a pris connaissance des faits s'y rattachant le 9 décembre 1999. Dans de telles circonstances, le Ministère a soutenu que, puisqu'EDUCOM n'a jamais soulevé d'objection auprès du Ministère sur ce point et qu'il a déposé sa plainte concernant ce motif seulement le 30 décembre 1999, ladite plainte, par conséquent, a été déposée après le délai prescrit par le paragraphe 6(1) du Règlement.

Le Ministère a soutenu que, puisque le délai de dépôt d'une plainte est prescrit par le Règlement, le Tribunal ne peut pas, conformément à l'article 8 des Règles de procédures, reporter le délai de dépôt de la plainte. Quant à l'affirmation d'EDUCOM selon laquelle elle s'est fiée à une lettre du secrétaire du Tribunal datée du 21 décembre 1999 qui l'avisait qu'elle avait, sans condition, jusqu'au 30 décembre 1999 pour corriger les lacunes de sa plainte tout en respectant les délais prévus aux termes de l'article 6 du Règlement, le Ministère a soutenu, inter alia, qu'EDUCOM a été avisée, dans ladite lettre, que des renseignements complémentaires étaient requis avant que la plainte puisse être réputée déposée et que, une fois les renseignements complémentaires reçus, le Tribunal déterminerait la question de savoir si la plainte avait été déposée dans les délais prescrits.

Pour ce qui est de l'allégation d'EDUCOM selon laquelle elle n'a pas déposé sa plainte dans les délais prescrits en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, le Ministère a soutenu qu'EDUCOM admet dans sa réponse à la requête que les renseignements complémentaires auraient pu être envoyés au Tribunal plus tôt. Le Ministère a soutenu que, dans de telles circonstances, l'alinéa 6(3)a) du Règlement ne s'applique pas.

En ce qui a trait aux délais pour déposer le RIF et pour demander une prorogation dudit délai de dépôt du RIF, le Ministère a déclaré ne pas avoir reçu la plainte d'EDUCOM avant le 10 janvier 2000 et qu'il pouvait donc, jusqu'au 4 février 2000, déposer le RIF conformément au paragraphe 103(1) des Règles de procédure ou demander une prorogation du délai conformément au paragraphe 103(4). Le Ministère a aussi abordé la question du conflit d'intérêts suscité par la présence de Me Attwater. Dans sa réponse, EDUCOM a retiré sa requête incidente relativement à cette question.

DÉCISION SUR LA REQUÊTE

EDUCOM a soulevé deux questions préliminaires. La première se rapportait à la question de savoir si la requête déposée par le Ministère était nulle ab initio parce qu'elle n'a pas été signifiée à EDUCOM par le Ministère, comme le prescrit le paragraphe 24(3) des Règles de procédure. Cependant, le 3 février 2000, le Tribunal a envoyé une copie de la requête du Ministère à EDUCOM et a fixé au 10 février 2000 la date limite à laquelle EDUCOM devait déposer ses observations sur la requête. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que l'omission du Ministère de signifier la requête à EDUCOM n'a pas causé de préjudice à EDUCOM. Étant donné que l'article 6 autorise le Tribunal à déroger aux Règles de procédure ou à les modifier, notamment par adjonction, et étant donné que l'article 7 prévoit qu'aucune procédure devant le Tribunal ne peut être déclarée invalide en raison d'un vice de forme ou d'une irrégularité technique, le Tribunal est d'avis que la requête a été correctement formée même si le Ministère a omis de la signifier à EDUCOM.

La deuxième question préliminaire se rapportait à la question de savoir si le Tribunal a compétence pour entendre une requête fondée sur le présumé dépôt tardif de la plainte après avoir déterminé, aux termes du paragraphe 30.12(3) de la Loi sur le TCCE, que la plainte est conforme au paragraphe 30.11(2). Le Tribunal fait observer que l'alinéa 10c) du Règlement autorise le Tribunal, en tout temps, à ordonner le rejet d'une plainte qui n'est pas déposée dans les délais prévus. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il a compétence pour entendre la requête.

La principale question visée dans la requête était celle de savoir si la plainte a été déposée en temps opportun. À la lumière des éléments de preuve et des exposés à la disposition du Tribunal au moment de la requête, le Tribunal est d'avis qu'EDUCOM a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte le 9 décembre 1999. C'était à cette date qu'EDUCOM a su que la date de présentation des soumissions avait été reportée au-delà du 1er janvier 2000, nonobstant le refus antérieur du Ministère de ce faire, parce que les soumissions devaient avoir été reçues avant le 1er janvier 2000 en raison des questions afférentes au passage à l'an 2000.

Le 16 décembre 1999, le Tribunal a reçu une lettre d'EDUCOM dans laquelle cette dernière présentait une plainte et une demande d'examen du marché public. Dans une lettre datée du 21 décembre 1999, le Tribunal a précisé à EDUCOM les points à corriger dans la plainte ainsi que les mesures à prendre pour que ladite plainte soit conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE. Le Tribunal a précisé que le délai imparti à cet effet prendrait fin le 30 décembre 1999, à 17 h. Les points à corriger l'ont été, dans le délai imparti.

L'article 30.12 de la Loi sur le TCCE prévoit que le Tribunal, dès réception de la plainte, le 16 décembre 1999, devait entreprendre les mesures suivantes :

30.12 (1) Le Tribunal avise le plaignant par écrit de la réception de la plainte.
(2) Lorsqu'il détermine que la plainte n'est pas conforme, le Tribunal notifie sa décision au plaignant en précisant les points à corriger, ainsi que les mesures à prendre et le délai imparti à cet effet.
(3) Lorsqu'il détermine que la plainte est conforme, le Tribunal notifie sa décision au plaignant, à l'institution fédérale concernée et à toute autre partie qu'il juge intéressée.

Le Tribunal est d'avis que le paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE impose au Tribunal une obligation substantielle d'aider la partie plaignante à se conformer aux exigences du paragraphe 30.11(2). En outre, le pouvoir qu'a le Tribunal de préciser « le délai imparti », relativement aux mesures à prendre, doit être interprété à la lumière d'une telle obligation.

Le Ministère avance que le pouvoir qu'a le Tribunal aux termes du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE de préciser le délai imparti, relativement aux mesures à prendre, est limité par l'article 6 du Règlement, qui prévoit ce qui suit :

6. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal en vertu de l'article 30.11 de la Loi doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte.
(2) Le fournisseur potentiel qui a présenté à l'institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l'institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s'il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de l'opposition.
(3) Le fournisseur potentiel qui omet de déposer une plainte dans le délai prévu aux paragraphes (1) ou (2) peut déposer une plainte dans le délai prévu au paragraphe (4) si le Tribunal conclut, après avoir pris en considération toutes les circonstances entourant le marché public, y compris la bonne foi du fournisseur, que la plainte :

a) soit n'a pas été déposée en raison de circonstances indépendantes de la volonté du fournisseur au moment où le dépôt aurait dû être fait pour satisfaire aux exigences des paragraphes (1) ou (2);
b) soit porte sur l'un des aspects de nature systémique du processus des marchés publics ayant trait à un contrat spécifique et sur la conformité à l'un ou plusieurs des textes suivants : le chapitre 10 de l'ALÉNA, le chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur et l'Accord sur les marchés publics.

(4) La plainte visée au paragraphe (3) est déposée dans les 30 jours suivant la date où le fournisseur potentiel a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte.

Effectivement, le pouvoir qu'a le Tribunal de « préciser la date » est une simple question de procédure dénuée d'élément substantiel. Le Tribunal doit donc déterminer la nature du pouvoir que lui confère le paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE.

Le Tribunal est d'avis que le pouvoir qu'il a de préciser la date limite relativement aux mesures à prendre constitue un élément clé et nécessaire de son obligation d'informer la partie plaignante des points à corriger dans la plainte. Pour que le Tribunal puisse se décharger de cette obligation, le pouvoir de préciser la date limite relativement aux mesures à prendre doit être substantiel. Si le Tribunal ne pouvait pas fixer une date qui laisse suffisamment de temps à la partie plaignante pour répondre, compte tenu des circonstances en l'espèce et de l'objet des dispositions de contestation des offres, l'aide qu'apporte le Tribunal à la partie plaignante lorsqu'il fait part à cette dernière des points à corriger dans la plainte, particulièrement à la fin du délai de 10 jours ouvrables, pourrait être vide de sens ou dénuée d'effet. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que le paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE lui confère l'autorité substantielle de préciser la date limite de la réponse de la partie plaignante, y compris une date qui se situe au-delà de la fin du délai de 10 jours prévu dans le Règlement.

Le Tribunal fait observer le principe d'interprétation des lois bien établi selon lequel les règlements (la législation par délégation) ne peuvent « modifier, changer, étendre ou limiter les termes substantiels d'une loi »8 [traduction]. Étant donné que le Tribunal conclut que son pouvoir de fixer la date limite de réponse de la partie plaignante est substantiel, le Tribunal est d'avis que les dispositions du Règlement faisant partie de la législation par délégation n'annulent pas et ne peuvent annuler un tel pouvoir.

Une telle interprétation est appuyée par les considérations très pratiques auxquelles le Tribunal est confronté au début d'une procédure. Souvent, l'information initiale fournie par la partie plaignante n'est pas suffisante pour que le Tribunal puisse déterminer à quel moment la partie plaignante a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les motifs à l'origine de la plainte. Le Tribunal demande des renseignements complémentaires, aux termes du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE, pour arriver à une telle décision et ainsi déterminer si la plainte a été déposée dans les délais prévus par le Règlement. Cependant, le paragraphe 30.12(2) prévoit que le Tribunal doit préciser la date limite relativement aux mesures à prendre. Si les termes du Règlement devaient annuler l'autorité du Tribunal de fixer une date de communication de renseignements complémentaires qui corrigent les lacunes, laquelle dépasse la limite de 10 jours prévue pour le dépôt d'une plainte, l'efficacité du paragraphe 30.12(2) s'en trouverait réduite énormément et cela desservirait les parties plaignantes qui se fient aux directives du Tribunal et se fient à la date fixée par le Tribunal. Permettre l'exercice substantiel par le Tribunal de la disposition en cause, compte tenu de la nécessité d'une procédure de contestation des offres rapide et efficace qui n'entrave pas indûment la capacité du gouvernement fédéral d'accomplir efficacement sa tâche, est conforme aux buts et aux objectifs de la Loi sur le TCCE et des accords dont découlent les obligations du gouvernement fédéral en matière de contestation des offres9 .

En ordonnant à EDUCOM de corriger les lacunes, le Tribunal a exercé son pouvoir discrétionnaire substantiel de fixer la date limite relativement aux mesures à prendre. Le Tribunal a exercé son pouvoir discrétionnaire de fixer cette date en tenant compte de l'objet des dispositions afférentes à la contestation des offres et de l'importance qu'elles accordent à un règlement rapide des différends. La plainte a été soumise dans les 10 jours ouvrables prévus par le Règlement et le délai imparti relativement aux mesures à prendre précisé par le Tribunal n'a prorogé le délai initial de « dépôt » correct de la plainte10 que dans la mesure nécessaire pour accorder à EDUCOM une période suffisante pour répondre, compte tenu du délai que le Tribunal a dû prendre pour communiquer la liste des lacunes à corriger à EDUCOM.

Finalement, le Tribunal fait également observer que le paragraphe 6(3) du Règlement permet à une partie plaignante de déposer une plainte après le délai de 10 jours ouvrables établi au paragraphe 6(1) du Règlement lorsque la partie plaignante n'a pas déposé la plainte dans le délai susmentionné en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Le Tribunal est d'avis que, compte tenu de l'obligation qui lui incombe d'aider la partie plaignante à satisfaire aux exigences du paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, lorsque le Tribunal met un temps considérable (dans le contexte du délai de 10 jours ouvrables) pour aviser la partie plaignante des lacunes à corriger dans la plainte, l'omission de la partie plaignante de déposer la plainte dans le délai de 10 jours ouvrables est attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté de la partie plaignante. Par conséquent, dans le contexte de cette affaire, le Tribunal est d'avis que le délai prolongé de 30 jours prévu au paragraphe 6(3) du Règlement s'applique. Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal a rejeté la requête du Ministère et déterminé que la plainte avait été déposée en temps opportun.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, EDUCOM a soulevé deux questions dans sa requête incidente. Elle a demandé que le Tribunal statue sur la plainte en se fondant sur les renseignements au dossier administratif dont le Tribunal disposait déjà et sans le RIF parce que, selon EDUCOM, le RIF n'a pas été soumis dans les délais prévus par les Règles de procédure et qu'il n'y a pas eu de demande de prorogation du délai de dépôt du RIF soumise dans les délais également prévus dans les Règles de procédure. Le paragraphe 103(4) des Règles de procédure prévoit que le Ministère peut demander une prorogation du délai de dépôt du RIF au plus tard 25 jours suivant la date à laquelle le Ministère reçoit du Tribunal une copie de la plainte. Comme le démontre la marque du timbre-dateur sur la copie du Ministère de la lettre d'envoi du Tribunal, le Ministère a reçu la plainte le 10 janvier 2000. Étant donné qu'EDUCOM n'a présenté aucun élément de preuve pour contester ladite date de réception, le Tribunal accepte cette date comme étant la date de réception par le Ministère. Le Ministère, par conséquent, avait jusqu'au 4 février 2000 pour présenter sa demande de prorogation de délai. Puisque la demande a été présentée le 2 février 2000, le Tribunal a conclu qu'elle avait été présentée dans les délais prévus et a rejeté ce motif de la requête incidente.

Dans sa réponse du 22 février 2000, EDUCOM a retiré sa demande visant la récusation de Me Attwater à titre de conseiller inscrit au dossier pour le motif que sa participation soutenue à cette affaire donnerait lieu à une crainte raisonnable de partialité étant donné ses fonctions antérieures à titre de conseiller au Tribunal. Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal a rejeté la requête incidente déposée par EDUCOM.

Le 9 mars 2000, le Ministère a déposé un RIF auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles de procédure. Le 21 mars 2000, EDUCOM a déposé ses commentaires sur le RIF auprès du Tribunal. Les 28 et 31 mars 2000, le Tribunal a demandé au Ministère de répondre à diverses questions. Le 5 avril 2000, le Ministère a répondu aux questions du Tribunal. EDUCOM a déposé ses commentaires sur la réponse du Ministère le 12 avril 2000. Le même jour, le Ministère a aussi déposé un exposé. Le 13 avril 2000, EDUCOM et le Ministère ont déposé des exposés complémentaires auprès du Tribunal et, le 14 avril 2000, EDUCOM a déposé des derniers exposés auprès du Tribunal.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Pour en simplifier l'administration et obtenir un contrat plus cohérent et mieux défini, le Ministère a décidé de faire l'acquisition de divers services de soutien de troisième niveau, auparavant acquis par l'entremise de nombreux contrats auprès de sept entreprises différentes, en passant un seul contrat avec un fournisseur.

Le 12 novembre 1999, une DP a été diffusée sous la forme d'un avis de projet de marché (APM) par l'entremise du Service électronique d'appels d'offres canadien (MERX) et de Marchés publics.

La date initiale de clôture indiquée dans la DP était le 10 décembre 1999. Le délai ainsi accordé réduisait de 15 jours la période de soumission minimum normale, soit 40 jours, prévu par l'ALÉNA et l'AMP. Le Ministère désirait un délai plus court pour garantir un service ininterrompu et lui permettre d'être en bonne position pour traiter tout problème susceptible d'émerger durant la période dite de passage à l'an 2000.

Au cours de la période de soumission, le Ministère a reçu un nombre de questions et de commentaires de la part de fournisseurs potentiels concernant la nature restrictive de certaines conditions obligatoires énoncées dans la DP. Plus précisément, le 19 novembre 1999, un soumissionnaire éventuel, autre qu'EDUCOM ou le fournisseur préféré, a demandé que la période de soumission soit prorogé « d'au moins » trois semaines. Le Ministère n'a pas fait droit à la demande susmentionnée parce qu'il fallait qu'un contrat soit en place avant la fin de décembre 1999 étant donné la période critique du passage à l'an 2000. Selon le RIF, le Ministère a supposé que les problèmes soulevés dans la demande étaient particuliers au demandeur. Le 3 décembre 1999, un autre soumissionnaire, encore autre qu'EDUCOM ou le fournisseur préféré, a demandé une prorogation « de quatre à six semaines » du délai de présentation des propositions étant donné la nature complexe des besoins. Le 7 décembre 1999, le Ministère a informé les soumissionnaires que les conditions obligatoires établies dans l'Énoncé du travail (ÉT) et les critères d'évaluation seraient modifiés afin de leur donner un caractère moins restrictif. Au même moment, les soumissionnaires ont été informés que la date de clôture des soumissions avait été reportée au 10 janvier 2000, afin de donner aux soumissionnaires le temps de réagir, si nécessaire, aux changements apportés à l'ÉT et aux critères d'évaluation.

EDUCOM a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 30 décembre 1999.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

Quant à l'allégation d'EDUCOM selon laquelle le Ministère a modifié la DP, y compris la date de clôture des soumissions, pour aider le fournisseur préféré, le Ministère a soutenu qu'aucun élément de preuve n'a été produit à l'appui d'une telle allégation. Plus précisément, le Ministère a soutenu qu'aucun élément de preuve n'a été produit à l'appui de l'allégation d'EDUCOM selon laquelle le Ministère savait que la DP posait des problèmes particuliers au fournisseur préféré, que ce dernier n'était pas capable de présenter une offre conforme avant le 10 décembre 1999, que le Ministère avait des motifs d'aider le fournisseur préféré, que la modification des conditions obligatoires et de la date de clôture des soumissions visait à procurer un avantage au fournisseur préféré, et que ladite modification a tout particulièrement favorisé le fournisseur préféré.

Le Ministère a soutenu que, contrairement à ce qu'EDUCOM a affirmé, le vendeur préféré n'a pas demandé une prorogation de la date de clôture des soumissions. De plus, le Ministère a affirmé ne pas avoir rencontré le fournisseur préféré durant la période de soumission ni communiqué par quelque moyen que ce soit avec ce dernier aux fins alléguées par EDUCOM. De même, contrairement à l'affirmation d'EDUCOM, les modifications apportées à la DP n'ont pas changé, de quelque façon que ce soit, la condition selon laquelle le personnel des services de soutien de troisième niveau devait travailler sur place.

Le Ministère a dit avoir prorogé la période de soumission parce que, après avoir reçu plusieurs questions et commentaires sur la nature restrictive de certaines conditions obligatoires énoncées dans la DP, il était devenu manifeste qu'un nombre de fournisseurs potentiels avaient de la difficulté à monter une proposition, ce qui mettait en péril le caractère concurrentiel de la procédure et l'acquisition des services requis. Puisque, selon le Ministère, plusieurs des conditions pouvaient être modifiées ou supprimées sans porter atteinte à l'acquisition des services de qualité voulus, le Ministère en a modifié certaines et octroyé aux soumissionnaires potentiels un délai satisfaisant pour qu'ils puissent examiner les changements et y répondre, comme le prescrivent les accords commerciaux.

Le Ministère a demandé le remboursement des frais liés à la plainte qu'il a engagés et a souligné dans son exposé final que la plainte d'EDUCOM était frivole et vexatoire et représentait un abus de procédure.

Position d'EDUCOM

EDUCOM a soutenu que l'acceptation par le Ministère de modifier la date de clôture des soumissions n'était que le « dernier indice » qui lui a permis de comprendre que la DP, telle qu'elle était rédigée, favorisait le fournisseur préféré. La période de soumission, selon EDUCOM, a été écourtée inutilement et sans motifs valables. La raison en a été, selon EDUCOM, que le Ministère croyait que les titulaires, par l'intermédiaire d'un fournisseur unique, soit le fournisseur préféré, seraient les soumissionnaires retenus. EDUCOM a soutenu que seulement les titulaires auraient pu satisfaire aux conditions telles qu'elles étaient rédigées dans la DP initiale. Ce n'est que lorsque les titulaires ont été informés qu'ils pourraient contrevenir à la Loi sur la concurrence 11 et que certains d'entre eux se sont retirés de l'entente de travail en exclusivité qu'ils avaient passée avec le fournisseur préféré12 que le Ministère, prenant conscience que la proposition du fournisseur préféré pourrait ne pas être conforme, a convenu de proroger la date de clôture des soumissions et de remanier le besoin portant sur les ressources requises. Tel est, selon EDUCOM, la nature de sa plainte, c.-à-d. le traitement de faveur accordé au fournisseur préféré.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal est tenu, lorsqu'il mène une enquête, de limiter son étude à l'objet de la plainte. En outre, à la fin de l'enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des procédures et autres exigences établies par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l'article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux dispositions de l'ALÉNA, de l'AMP et de l'ACI.

Les alinéas 1012(2)a) de l'ALÉNA et XI (2)a) de l'AMP mentionnent qu'une entité fera en sorte que, dans les procédures d'appel d'offres ouvertes, le délai de réception des soumissions ne soit pas inférieur à 40 jours à compter de la publication de l'APM. Le délai susmentionné peut être écourté à un minimum de 10 jours ouvrables, lorsque, par exemple, un état d'urgence, dûment justifié, fait qu'il est matériellement impossible d'observer le délai de 40 jours13 .

EDUCOM a allégué que le Ministère a en l'espèce écourté inutilement la période de soumission. Le Tribunal conclut qu'EDUCOM aurait vraisemblablement dû découvrir ce motif de plainte le ou vers le 12 novembre 1999, soit à la date de diffusion de la DP. Cependant, EDUCOM n'a soulevé cette question dans la plainte qu'il a déposée auprès du Tribunal que le 30 décembre 1999, une date qui dépasse clairement le délai de 10 jours ouvrables prévu au paragraphe 6(1) du Règlement pour le dépôt d'une plainte. Par conséquent, ce motif de plainte n'a pas été présenté dans les délais prescrits et le Tribunal n'en examinera pas le bien-fondé.

En ce qui a trait à l'allégation d'EDUCOM selon laquelle le Ministère a omis d'accorder à tous les soumissionnaires un traitement égal comme le prévoient l'article 1008 de l'ALÉNA et l'article VII de l'AMP, le Tribunal conclut que ladite allégation est dénuée de fondement.

EDUCOM a avancé diverses affirmations selon lesquelles le Ministère a agi, au cours de la procédure de passation du marché public, de façon à aider et à faciliter la réussite du fournisseur préféré et des titulaires, au détriment des autres soumissionnaires. L'examen du dossier de l'espèce ne permet pas au Tribunal de trouver d'élément de preuve convaincant d'un tel comportement de la part du Ministère. Ni le RIF, ni les renseignements complémentaires fournis par le Ministère le 5 avril 2000 en réponse aux demandes de renseignement du Tribunal des 28 et 30 mars 2000, ni la plainte d'EDUCOM, ni les commentaires de cette dernière ne contiennent d'élément de preuve en ce sens. En fait, les éléments de preuve au dossier montrent que ce sont d'autres fournisseurs que le fournisseur préféré qui ont demandé les prorogations et que ce sont d'autres fournisseurs que le fournisseur préféré qui ont demandé des éclaircissements officiels. En outre, le Tribunal ne trouve aucun élément de preuve au dossier qui montrerait que le Ministère a favorisé le fournisseur préféré ou les titulaires par rapport à tout autre fournisseur ou que la modification de certaines conditions obligatoires et la prorogation de la période de soumission jusqu'au 10 janvier 2000 ont particulièrement aidé le fournisseur préféré. EDUCOM a cité un exemple concret d'une condition présumée modifiée spécifiquement pour aider à rendre la soumission du fournisseur préféré conforme à la DP. Cependant, la condition mentionnant que le personnel de soutien de troisième niveau en technologie de l'information devait travailler sur place, qui était énoncée dans la DP initiale, n'a pas, en fait, été changée dans le cadre des modifications de la DP.

Le Ministère a demandé le remboursement de ses frais en l'espèce. Le Tribunal a décidé que les circonstances de l'affaire ne justifient pas d'accorder de frais contre EDUCOM. Bien que la plainte d'EDUCOM ne soit pas fondée, le Tribunal est d'avis que ladite plainte n'est ni frivole ni vexatoire.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public a été passé conformément aux exigences des accords commerciaux et que, par conséquent, la plainte n'est pas fondée.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA].

3 . Annexe 4 de l'Accord sur les marchés publics, 15 avril 1994, en direct : page d'accueil de l'Organisation mondiale du commerce <http://www.wto.org/wto/french/govtf/govagreem.htm> [ci-après AMP].

4 . Signé à Ottawa (Ontario), le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].

5 . Dans la présente détermination, le terme « titulaire » renvoie individuellement ou collectivement aux personnes qui exécutent présentement les services qui font l'objet de la présente invitation à soumissionner. Ces personnes sont des experts-conseils qui travaillent pour divers fournisseurs.

6 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

7 . D.O.R.S./91-499 [ci-après Règles de procédure].

8 . Philips c. Atlantic Lottery Corp., [1992] N.B.J. no 570 (C.A.), citant Opron Inc. c. Emco Limited (1980), 29 N.B.R. (2e) 422. Voir, aussi, Friends of the Oldman River Society c. Canada (ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3; Belanger c. Canada (1916), 54 R.C.S. 265.

9 . Par exemple, l'alinéa 1017(f) de l'ALÉNA prévoit que le délai octroyé à un fournisseur pour engager une contestation ne pourra en aucun cas être inférieur à dix jours ouvrables à compter de la date à laquelle le motif de la plainte aura été connu ou aurait raisonnablement dû être connu du fournisseur.

10 . Article 96 des Règles de procédure.

11 . L.R.C. 1985, c. C-34.

12 . EDUCOM a soutenu que les titulaires ont signé des ententes de non-concurrence avec le fournisseur préféré à l'appui de la soumission du fournisseur préféré.

13 . Alinéas 1012(3)(c) de l'ALÉNA et XI (3)(c) de l'AMP.


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Publication initiale : le 5 juin 2000