BRENT MOORE & ASSOCIATES

Décisions


BRENT MOORE & ASSOCIATES
Dossier no : PR-99-040

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le jeudi 4 mai 2000

Dossier no : PR-99-040

EU ÉGARD À une plainte déposée par Brent Moore & Associates aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47;

ET EU ÉGARD À une décision d'enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article 30.14 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n'est pas fondée.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

Les raisons de la décision du Tribunal seront publiées à une date ultérieure.
 
 

Date de la décision :

Le 4 mai 2000

Date des motifs :

Le 12 mai 2000

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close

   

Gestionnaire de l'enquête :

Randolph W. Heggart

   

Agent d'enquête :

Paule Couët

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Partie plaignante :

Brent Moore & Associates

   

Conseiller pour la partie plaignante :

Ronald D. Lunau

   

Intervenant :

Intertask Limited

   

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

   

Conseiller pour l'institution fédérale :

Christianne M. Laizner

 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 21 décembre 1999, Brent Moore & Associates (BMA) a déposé une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , à l'égard du marché public de la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC), une composante du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le Ministère), pour l'obtention de services de gestion de réunions, lorsque besoin est, réalisé par la passation d'offres à commandes individuelles et ministérielles (OCIM)2 auxquelles la DGSCC, agissant pour le compte de divers ministères gouvernementaux et organismes fédéraux, aurait accès exclusif.

BMA a allégué que le Ministère, dans la procédure de passation de ce marché public, n'a pas défini, dans la demande d'offre à commandes (DOC) (numéro d'invitation EP045-9-1001/A), les termes « prime » (« principale ») et « back-up » (« de réserve ») appliqués aux soumissionnaires retenus. BMA a par ailleurs allégué que le Ministère, en insistant sur un « droit de premier refus » de la part des soumissionnaires retenus classés par ordre de mérite, a introduit une procédure de commandes différente de celle décrite dans la DOC.

BMA a demandé, à titre de mesure corrective, que le Ministère permette aux utilisateurs des OCIM d'avoir accès aux entreprises qualifiées de leur choix dans la région de la capitale nationale, en passant des commandes sans accorder un droit de premier refus aux entreprises en fonction de l'ordre de classement. Accessoirement, BMA a demandé une indemnité qui tient compte de l'occasion qu'elle a perdue. En outre, BMA a demandé le remboursement des frais raisonnables engagés pour la préparation d'une soumission à l'invitation et pour le dépôt et le traitement de cette plainte.

Le 5 janvier 2000, le Tribunal a avisé les parties qu'il avait décidé d'enquêter sur la plainte puisque cette dernière répondait aux exigences énoncées au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics 3 . Le 13 janvier 2000, le Tribunal a informé les parties qu'Intertask Limited (Intertask) avait été autorisée à intervenir dans l'affaire.

Le 31 janvier 2000, le Ministère a déposé un avis de requête dans lequel il demandait que le Tribunal rejette la plainte pour le motif que le Tribunal n'avait pas compétence pour entendre cette affaire parce que le marché en cause n'est pas relatif à un « contrat spécifique » tel que prévu au paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE et tel que défini au paragraphe 3(1) du Règlement. Le 25 février 2000, le Tribunal a rejeté la requête du Ministère et a publié ses motifs le 29 mars 2000. Le 3 avril 2000, le Ministère a déposé un rapport de l'institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal en application de l'article 103 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 . Le 13 avril 2000, Intertask et BMA ont déposé auprès du Tribunal leurs commentaires sur le RIF.

Les renseignements au dossier permettant de déterminer le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu'une audience n'était pas nécessaire et a statué sur la plainte sur la foi des renseignements au dossier.

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC

Le 30 avril 1999, la DGSCC a demandé la mise en place d'OCIM pour l'acquisition de services de gestion de réunions pour une période d'un an et deux autres périodes optionnelles de un an chacune. Selon le RIF, les OCIM étaient destinées à être des instruments de dernier recours pour les besoins urgents des ministères clients de la DGSCC.

Le 29 juillet 1999, un avis de projet de marché (APM) a été publié par l'intermédiaire du Service électronique d'appels d'offres canadien (MERX) pour le besoin décrit dans la DOC. L'APM se lit, en partie : « Il est prévu qu'un maximum de trois (3) offres à commandes individuelles et ministérielles (OCIM) seront autorisées pour la région de la capitale nationale, c.-à-d. une (1) offre à commandes principale et deux (2) offres à commandes de réserve par suite de cette demande d'offre à commandes ». [Traduction]

Voici des extraits de la section I, « General Terms and Conditions » (« Conditions générales »), de la DOC :

Offres à commandes (multiples)

Il est prévu qu'un maximum de trois (3) offres à commandes individuelles et ministérielles (OCIM) seront autorisées pour la région de la capitale nationale, c.-à-d. une (1) commande principale et deux (2) offres à commandes de réserve par suite de cette demande d'offre à commandes.

Agent de projet

Selon ce qui est indiqué dans chaque commande.

L'agent de projet est responsable de toutes les questions concernant le contenu technique du travail requis. Tout changement proposé à la portée des travaux doit être discuté avec l'agent de projet, mais les changements qui en découlent ne peuvent être autorisés que par une modification, émise par l'autorité contractante.

Autorité contractante

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada

Direction générale des services de coordination des communications

L'autorité contractante est responsable de l'établissement de l'offre à commandes, de son administration, et de toute question contractuelle touchant les commandes subséquentes.

[Traduction]

La section II, « Submission Instructions » (« Instructions pour la soumission »), de la DOC se lit, en partie :

Présentation de l'offre

La sélection s'effectuera en fonction de la meilleure valeur globale pour la Couronne, selon le mérite technique et le coût, c'est-à-dire en divisant le prix proposé par les points (accordés aux soumissionnaires qualifiés), ce qui permet de déterminer le plus bas coût par point. Aux fins de l'évaluation, un scénario d'établissement des coûts de 100 jours pour chaque tâche définie dans les modalités de paiement sera utilisé.

Il est prévu qu'un maximum de trois (3) offres à commandes seront autorisées pour la région de la capitale nationale, c.-à-d. une (1) offre à commandes principale et deux (2) offres à commandes de réserve par suite de cette demande d'offre à commandes.

[Traduction]

Les procédures de commande ci-après font partie de la section III, « Requirement » (« Besoin ») de la DOC :

L'agent de projet remettra à l'offrant une description de la ou des tâches à accomplir.

L'offrant ou les offrants soumettront, par écrit, au représentant de la DGSCC et à l'agent de projet :

- une compréhension des produits livrables pour le projet et des échéanciers associés;

- une répartition de prix détaillée conformément aux coûts indiqués dans les modalités de paiement et détaillant les efforts déployés (heures à facturer) pour la réalisation du projet.

[Traduction]

La date de clôture de la DOC était le 16 août 1999; toutes les offres présentées ont été transmises aux membres du comité d'évaluation le 18 août 1999. Le 15 octobre 1999, l'évaluation terminée, quatre OCIM avec limite de commande de 250 000 $ ont été autorisées pour la région de la capitale nationale (une offre à commandes principale et trois offres à commandes de réserve). Le Ministère en a informé BMA, par lettre, le jour même. La lettre se lisait, en partie :

Quatre (4) offres à commandes sont autorisées pour la région de la capitale nationale :

1) une offre à commandes principale à Pacific Rim Incentives Ltd.

2) des offres à commandes de réserve, classées dans l'ordre suivant : Wilson Young & Associates Inc., The Intertask Group of Companies Inc., et Brent Moore & Associates.

[Traduction]

Le 27 octobre 1999, BMA a assisté à une séance de compte rendu avec le Ministère. Le 28 octobre 1999, une copie de leur document d'offre à commandes a été envoyée à tous les fournisseurs retenus.

POSITION DES PARTIES

Position du Ministère

Le Ministère a dit que l'OCIM précisait que les entreprises seraient choisies en fonction de la meilleure valeur globale pour la Couronne. L'offre à commandes principale représenterait la meilleure valeur globale pour la Couronne et il était prévu que des offres à commandes de réserve pourraient être établies. Le Ministère a fait valoir que, s'inspirant de la décision rendue par le Tribunal dans Polaris Inflatable Boats (Canada) Ltd. 5 , il a structuré le marché public de manière à ce qu'il y ait une façon transparente et objective non seulement de choisir qui recevrait des offres à commandes mais encore d'établir comment les commandes seraient passées en vertu des offres à commandes.

En réponse aux allégations de BMA selon lesquelles la DOC manquait de clarté parce qu'elle ne renfermait pas de définitions précises de ce qu'étaient des offres à commandes « principale » et « de réserve » et que l'application des procédures de commande différait de celle décrite dans la DOC, le Ministère a expliqué que, lors de la publication de la DOC, tous les soumissionnaires étaient au courant de ces deux éléments. BMA n'a pas soulevé ce motif de plainte dans les délais prescrits et, a fait valoir le Ministère, il est trop tard pour le faire maintenant.

Accessoirement, le Ministère a soutenu que le sens des mots « principale » et « de réserve » ressort du contexte et qu'ils n'avaient pas besoin de faire l'objet d'une définition ou d'une explication particulière dans la DOC. Les sens ordinaires desdits mots s'appliquaient dans les circonstances de ce marché public (c.-à-d. « prime » [« principale »] signifie « first in rank, authority or significance » [« premier en rang, autorité ou importance » ou « principal »]; « back-up » [« de réserve »] signifie communément « one that serves as a substitute or alternative » [« qui sert de substitut ou de solution de rechange »])6 . Le Ministère a en outre fait observer que la proposition de BMA elle-même renfermait plusieurs mentions du terme « de réserve » pour signifier la disponibilité d'une ressource secondaire ou de remplacement en cas d'insuffisance ou de non-disponibilité de la ressource principale, ce qui confirmait donc qu'elle comprenait l'usage ordinaire du mot.

Le Ministère a avancé que les procédures de commande décrites dans la DOC étaient identiques à celles reprises dans l'offre à commandes de BMA. En outre, le Ministère a fait valoir que, eu égard au libellé ordinaire utilisé pour les procédures de commande dans la DOC, il n'y a aucun fondement à l'assertion de BMA selon laquelle les offres à commandes principale et de réserve seraient sur le même pied et que la décision relative aux commandes serait laissée au ministère client, qui devrait évaluer lui-même le caractère approprié et le niveau d'effort proposé par chaque détenteur d'une offre à commandes. Le Ministère a soutenu que le point de vue de BMA, selon lequel le statut des « offres à commandes de réserve » devrait nécessairement être interprété comme autre chose que des offres à commandes à utiliser en cas de non-disponibilité, de retrait ou autre défaillance du détenteur de l'« offre à commandes principale », n'est absolument pas justifié par les dispositions de l'APM, de la DOC et des offres à commandes. De fait, le Ministère a soutenu que l'allégation de BMA s'appuie nécessairement sur l'hypothèse erronée selon laquelle il ne devrait pas y avoir de distinction entre les termes « principale » et « de réserve ».

Le Ministère a soutenu que la mesure corrective proposée par BMA, que les ministères clients choisissent n'importe quel fournisseur qualifié sans égard à son ordre de classement et donnent par la suite instruction au Ministère de passer une commande au fournisseur choisi, contredirait : 1) la position du Ministère comme seul organisme autorisé à passer des commandes en vertu des OCIM; 2) l'intention du Ministère de recourir au fournisseur offrant la meilleure valeur pour la Couronne, selon la méthodologie d'évaluation et de sélection exposée dans la DOC; 3) l'adjudication d'offres à commandes principale et de réserve, conformément à l'APM et aux conditions de la DOC; 4) l'application d'un processus concurrentiel à l'adjudication des offres à commandes et à la passation des commandes.

BMA a allégué que, dès le début de la procédure, il lui a été donné à entendre que le Ministère passait des offres à commandes multiples aux fournisseurs désireux et capables et permettrait aux ministères clients de recourir aux services des entreprises de leur choix. À cet égard, le Ministère a soutenu que, à aucun moment pendant la période des soumissions ou après la fermeture de la période d'appel d'offres, un représentant du Ministère n'a donné à BMA, en réponse à ses demandes de renseignements, des renseignements verbaux ou autres qui auraient pu mener BMA à croire que les ministères clients pourraient choisir les fournisseurs de leur choix à partir d'une liste de détenteurs d'offres à commandes. Il ne conteste pas que BMA ait pu tirer cette impression de marchés publics antérieurs du Ministère, mais cela n'était pas le cas en l'occurrence. De fait, l'APM et la DOC indiquaient clairement qu'il serait établi différentes catégories de détenteurs d'OCIM par suite de cette DOC. Le Ministère a aussi demandé la possibilité de présenter des soumissions sur le remboursement des frais.

Position de BMA

BMA a soutenu que sa plainte concerne la façon dont le Ministère applique le processus de commande, qui, à son avis, est incompatible avec les conditions de la DOC. En réponse à l'assertion du Ministère selon laquelle sa plainte a été déposée en retard, BMA a soutenu que sa plainte a respecté les délais prévus au paragraphe 6(2) du Règlement. BMA a indiqué avoir appris que le Ministère avait l'intention de passer des commandes selon une méthodologie de « droit de premier refus » le ou vers le 27 octobre 1999, au cours d'une séance de compte rendu avec le Ministère. BMA s'est opposé à cette approche dans une lettre datée du 3 novembre 1999, et le Ministère a répondu à l'objection de BMA le 6 décembre 1999, affirmant non seulement que les propositions ont fait l'objet d'une évaluation équitable, mais encore que toutes les offres à commandes ont été adjugées d'une façon rigoureusement conforme aux dispositions de la DOC. BMA a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 21 décembre 1999, date qui, a fait valoir BMA, respecte le délai prescrit de 10 jours ouvrables.

BMA a soutenu que la façon dont le Ministère passe les commandes dans ce cas n'est pas compatible avec la DOC ni n'est autorisée par cette dernière, qu'elle réduit ou élimine la concurrence, qu'elle crée une distorsion dans l'industrie, qu'elle enlève aux agents de projet la capacité de contracter avec le fournisseur qualifié de leur choix et qu'elle cause un tort économique aux fournisseurs « en réserve ». BMA a soutenu que, contrairement à la directive que le Tribunal a donnée dans Polaris, qui oblige à indiquer dans la DOC non seulement les critères selon lesquels l'offre à commandes sera adjugée à un fournisseur qualifié mais encore les critères selon lesquels un fournisseur qualifié pourrait se voir adjuger le contrat final suite à une commande d'un client gouvernemental, le processus de « droit de premier refus » proposé en l'occurrence n'a pas constitué un critère qui expose les besoins particuliers d'un client gouvernemental, n'a pas expliqué comment les soumissions seront évaluées après l'émission de l'offre à commandes et, de toute façon, n'a pas été décrit dans la DOC.

BMA a soutenu que les termes « principale » et « de réserve », employés dans la DOC, étaient, au mieux, vagues et ne donnaient pas aux soumissionnaires un avis suffisant de l'intention du Ministère d'appliquer un processus de « droit de premier refus » pour la passation de commandes subséquentes. Cela est particulièrement vrai, puisqu'il s'agit d'une nette dérogation aux pratiques antérieures du Ministère.

BMA a allégué qu'il incombe à l'autorité contractante non seulement de fournir les meilleurs renseignements possibles dans les documents d'appel d'offres, mais encore de le faire d'une manière claire et intelligible pour tous les fournisseurs, et que ce fardeau ne peut être rejeté sur les soumissionnaires.

BMA a également fait valoir que, même s'il est raisonnable d'interpréter les mots « principale » et « de réserve » comme donnant un avis convenable d'un ordre de classement entre deux catégories de soumissionnaires, ces mots n'ont pas créé un système de classement entre les fournisseurs « de réserve ».

Position d'Intertask

Intertask a affirmé qu'elle-même et BMA n'ont été informés de l'intention du Ministère de modifier la façon de passer des commandes subséquentes à l'offre à commandes qu'après la fermeture des soumissions, pendant des séances de compte rendu distinctes.

Intertask a affirmé qu'elle n'a pas vu la nécessité de demander des précisions ou de s'opposer aux mots « principale » et « de réserve » dans la DOC, puisque cette dernière était presque identique à celle émise en 19967 . Intertask a affirmé que, pour elle, ces mots, ainsi que le ton, le contenu et tout le reste de la DOC, traduisaient l'intention de maintenir les pratiques administratives et les précédents suivis par la DGSCC. Intertask a soutenu qu'elle a procédé avec la DOC en croyant comprendre qu'un client qui voudrait modifier ses règles d'acquisition après plus de 26 ans se servirait de bonnes pratiques d'affaires et de la courtoisie professionnelle habituelle pour informer ses partenaires, en termes précis, dès le début du processus concurrentiel. Ce qui, selon Intertask, n'a pas été fait.

Par ailleurs, Intertask a soutenu que la DOC ne disait rien quant à passer des commandes rigoureusement selon l'ordre de classement établi suite à l'évaluation des propositions, et qu'Intertask ne donnerait pas ce sens aux termes « principale » et « de réserve » dans cette DOC ou dans tout autre contexte de DOC.

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'article 30.14 de la Loi sur le TCCE exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l'objet de la plainte. En outre, une fois l'enquête terminée, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction des procédures et autres exigences établies pour le contrat spécifique. L'article 11 du Règlement prévoit, notamment, que le Tribunal est tenu de déterminer si le marché public a été passé conformément à l'Accord sur le commerce intérieur 8 .

Relativement à l'allégation de BMA selon laquelle le Ministère n'a pas défini, dans la DOC, les termes « principale » et « de réserve » appliqués aux soumissionnaires retenues, le Tribunal juge que ce motif de plainte n'a pas été déposé dans le délai prescrit et, par conséquent, qu'il n'en examinera pas le bien-fondé. De l'avis du Tribunal, il était clair que la DOC ne comprenait pas de définitions particulières des termes « principale » et « de réserve ». Si elle trouvait à redire à cette situation, BMA aurait pu en saisir le Ministère ou le Tribunal dans le délai prescrit à l'article 6 du Règlement, c.-à-d. dans un délai de 10 jours ouvrables après le 29 juillet 1999, date à laquelle l'APM a été publiée dans MERX et la DOC a été mise à la disposition des fournisseurs potentiels. Cependant, ce n'est que le 21 décembre 1999 que BMA a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

Le paragraphe 506(6) de l'ACI exige, notamment, que les documents d'appel d'offres indiquent clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l'évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d'évaluation des critères. Dans ce contexte, le Tribunal décidera si, en insistant sur un droit de premier refus de la part des soumissionnaires retenus, le Ministère a introduit dans ce marché public une procédure de commande différente de celle décrite dans la DOC.

BMA a fait valoir que les termes « principale » et « de réserve » employés dans la DOC étaient, au mieux, vagues et ne donnaient pas aux soumissionnaires un préavis suffisant que le Ministère appliquerait un processus de « droit de premier refus » lorsqu'il passerait des commandes. Pour sa part, Intertask a affirmé que, pour elle, ces mots ainsi que le ton, le contenu et tout le reste de la DOC traduisaient l'intention du Ministère de maintenir sa pratique passée et d'accorder à tous les soumissionnaires qualifiés un accès égal aux commandes à venir.

Le Tribunal juge que la DOC indiquait, à plusieurs endroits, que des offres à commandes « principale » et « de réserve » seraient passées par suite de cette invitation. Le Tribunal est aussi convaincu que, en l'absence de définitions particulières dans la DOC des termes « principale » et « de réserve », ces termes doivent avoir leurs sens ordinaires, c.-à-d. que « principale » signifie « au premier rang » et que « de réserve » signifie « qui sert de substitut ou de solution de rechange ».

La DOC précisait en outre clairement que le choix des soumissionnaires s'effectuerait en fonction de la meilleure valeur globale pour la Couronne, en divisant le nombre de points accordés pour le mérite technique par le coût. Dans ce contexte, le Tribunal est d'avis que la DOC indiquait clairement aux fournisseurs potentiels que leurs propositions seraient classées en « principale » et ou « de réserve » en fonction de la meilleure valeur globale pour la Couronne.

Le Tribunal a du mal à comprendre comment BMA et Intertask peuvent conclure, à l'étude de la DOC en question, que les OCIM, spécifiquement conçues pour l'utilisation exclusive du Ministère, n'étaient pas différentes des anciennes offres à commandes individuelles et régionales (OCIR), qui étaient accessibles directement par les ministères clients. En outre, le Tribunal a du mal à comprendre que ces deux fournisseurs potentiels, qui ont été étroitement associés d'une façon ou d'une autre à ce genre de marché public, ont supposé que les termes « principale » et « de réserve », appliqués aux offres à commandes, et non inclus dans les documents d'invitation pour les OCIR antérieures, n'avaient pas de signification pratique en ce qui concerne les commandes. Malgré la tendance naturelle que peuvent avoir les fournisseurs qui transigent depuis longtemps avec le Ministère à lire et à interpréter les documents d'invitation à la lumière de leur expérience passée, de l'avis du Tribunal, chaque document d'invitation est indépendant et il faut accorder son sens propre à chacun de ses termes.

Le Tribunal conclut que la conséquence de la désignation « principale » selon la DOC serait que toute les commandes seraient d'abord offertes au titulaire de l'offre à commandes « principale ». Si ce dernier était incapable ou non disposé à remplir le contrat, alors, aux fins de la commande en question, un nouveau titulaire d'offre « principale » devrait être nommé parmi les titulaires d'offres « de réserve ». Conformément à la DOC, la nouvelle offre « principale » serait choisie en fonction de la meilleure valeur globale pour la Couronne. L'effet serait un classement des entreprises faisant partie de l'offre à commandes. Le Tribunal est d'avis que, bien que le Ministère aurait pu mieux décrire ce qui arriverait si le titulaire de l'offre « principale » était incapable ou refusait de remplir un contrat (commande), la DOC renferme néanmoins les éléments essentiels pour permettre au Ministère d'appliquer l'approche du « droit de premier refus » comme il l'a fait.

BMA a soutenu que la méthode des commandes à utiliser en l'occurrence est contraire à la décision que le Tribunal a rendue dans Polaris. Dans Polaris, le Tribunal a statué, notamment, que « la manière dont le Ministère se sert de l'offre à commandes en tant que méthode d'approvisionnement concurrentiel des besoins fédéraux de CPCR [canots pneumatiques à coque rigide] ne répond pas aux exigences [...] du paragraphe 506(6) de l'ACI, étant donné que la DOC ne décrit pas pleinement les biens et services à acquérir ni n'établit les critères qui régiront la sélection d'un produit particulier et, par conséquent, l'adjudication des marchés »9 . Autrement dit, Polaris est le cas affirmant que les DOC doivent non seulement comprendre des critères clairs régissant l'émission d'offres à commandes, mais encore des critères clairs régissant le passage de commandes subséquentes à une offre à commandes. Reconnaissant cette proposition en l'occurrence, le Tribunal conclut que le critère de « la meilleure valeur globale pour la Couronne » exposé par le Ministère dans la DOC satisfait à cette exigence.

Le Ministère a demandé, dans le RIF, l'occasion de présenter d'autres exposés relativement au remboursement des frais dans cette affaire. Le Tribunal a décidé que les circonstances de l'affaire ne justifient pas le remboursement de frais par BMA. Bien qu'elle ne soit pas valide, la plainte de BMA n'était pas sans fondement10 . Par conséquent, il n'est pas nécessaire de présenter des soumissions à ce sujet, et aucuns frais ne seront remboursés.

DÉCISION DU TRIBUNAL

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal détermine que le marché public a été passé conformément aux exigences de l'ACI et que, par conséquent, la plainte n'est pas fondée.

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

2 . Une OCIM est définie comme une offre à commandes dans le cadre de laquelle seul le Ministère peut faire des demandes au nom d'utilisateurs identifiés précis. Source : Guide des Approvisionnements, article 5.156.

3 . D.O.R.S./93-602 [ci-après Règlement].

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . (8 mars 1999), PR-98-032 [ci-après Polaris].

6 . Webster's Ninth New Collegiate Dictionary, 1983, s.v. « prime » et « back-up ».

7 . Numéro d'invitation EN918-6-BB03/A.

8 . Signé à Ottawa (Ontario), le 18 juillet 1994 [ci-après ACI].

9 . Supra note 5 à la p. 9.

10 . Flolite Industries, Addendum (7 août 1998), PR-97-045 (TCCE).


[ Table des matières]

Publication initiale : le 5 juin 2000