LA SOCIÉTÉ HELLY HANSEN CANADA LIMITED

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDES D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE
DÉPOSÉES PAR LA SOCIÉTÉ
HELLY HANSEN CANADA LIMITED
CONCERNANT
DES TRICOTS TRAME ENDUITS
LE 19 MARS 1999

TABLE DES MATIÈRES


Demandes Nos : TR-97-015, TR-97-016 et TR-97-020

Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant
Raynald Guay, membre
Peter F. Thalheimer, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Agent de la recherche : Peter Rakowksi


Préposé aux statistiques : Julie Charlebois


Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault


Agent à la réception et à la
distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs canadiens qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 6 mars 1998, trois demandes de la société Helly Hansen Canada Limited (Helly Hansen), de Dartmouth (Nouvelle-Écosse). La première (TR-97-015) portait sur la suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, du tricot trame de fils de polyester, enduit sur un côté de polyuréthanne non alvéolaire, du numéro tarifaire 5903.20.29 de l’annexe du Tarif des douanes [3] , devant servir à la confection de vêtements. Le tissu en question est connu dans le commerce sous l’appellation de Techmaflex PE et sert d’étoffe extérieure dans les pantalons et les blousons à capuchon isolés et élastiques.

La deuxième demande (TR-97-016) porte sur la suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations en provenance de tous les pays, du tricot trame de fils de poly(m-phénylène-isophthalamide) (Nomex), enduit sur un côté d’un polyuréthanne non alvéolaire, du numéro tarifaire 5903.20.29, devant servir à la confection de vêtements. Le tissu est connu dans le commerce sous l’appellation de Techmaflex Nomex Z et sert d’étoffe extérieure dans les blousons et pantalons isolés et ignifugés.

La troisième demande (TR-97-020) porte sur la suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations en provenance de tous les pays, du tricot trame de fils de nylon, enduit sur un côté d’un polyuréthanne non alvéolaire, du numéro tarifaire 5903.20.29, devant servir à la confection de vêtements. Le tissu est connu dans le commerce sous l’appellation Techmaflex et sert d’étoffe extérieure dans les blousons et les salopettes des membres de la Garde côtière canadienne.

Le 4 septembre 1998, convaincu que les dossiers de demandes étaient complets, le Tribunal a regroupé les trois demandes et a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a été distribué et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 19 septembre 1998 [4] . L’avis d’ouverture d’enquête décrit les intrants qui font l’objet d’une demande d’allégement tarifaire comme étant des « tricot[s] trame de polyester, de nylon ou de poly(m-phénylène-isophthalamide), enduit[s] sur un côté de polyuréthanne non alvéolaire, du numéro tarifaire 5903.20.29, devant servir à la confection de vêtements » (les tissus en question).

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs éventuels de tissus identiques ou substituables. Un questionnaire a aussi été envoyé à un utilisateur et importateur éventuel des tissus en question. Il a aussi été demandé au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de fournir des renseignements à jour sur toute restriction quantitative imposée sur les importations des tissus en question et une lettre a été envoyée au ministère de l’Industrie pour l’aviser de la réception des demandes et lui demander de fournir les renseignements et avis pertinents. Le ministère des Finances a aussi été avisé de la réception des demandes.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Helly Hansen et des autres parties intéressées, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Les tissus en question sont utilisés comme étoffe extérieure dans divers vêtements, y compris des blousons à capuchon, des blousons de luxe, des pantalons et des salopettes, des blousons et des salopettes élastiques, des blousons et des salopettes isolés, et des blousons et des salopettes isolés et ignifugés. Ils sont composés d’un support, soit un tricot, enduit au moyen d’un procédé d’enduction par transfert. Dans l’enduction par transfert, un enduit de polyuréthanne ou de polychlorure de vinyle est d’abord appliqué en couches sur un support papier jusqu’à l’épaisseur voulue. Le produit a alors l’apparence de rouleaux de papier revêtus d’une membrane imperméable. Le support en tricot et le papier enduit sont ensuite introduits dans les machines d’enduction par transfert. L’enduit est alors transféré, depuis le support en papier vers le support en tricot. Un autre type de procédé d’enduction appelé enduction directe sert principalement pour les tissus (tissés). L’enduction directe comporte l’application de polychlorure de vinyle ou de polyuréthanne directement sur les tissus, en suffisamment de couches pour atteindre l’épaisseur voulue. Bien que divers tissus et certains tricots soient enduits directement au Canada, il n’existe aucune production nationale connue de tricots enduits par transfert.

Le Ministère du Revenu national (Revenu Canada) a avisé le Tribunal que les tissus en question sont présentement classés dans le numéro tarifaire 5903.20.29 et sont passibles de droits de douane de 16,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 14,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPG et de 7,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et du tarif du Chili; les tissus en question entrent en franchise de droits de douane en vertu du tarif des États-Unis.

OBSERVATIONS

Helly Hansen

Helly Hansen, située à Dartmouth, emploie plus de 100 personnes. Elle a soutenu qu’elle demande l’allégement tarifaire sur les importations de tissus en question étant donné la position désavantageuse dans laquelle elle est placée au moment de l’importation. Helly Hansen a soutenu qu’elle versait des droits de douane sur ses achats de tissus en question et qu’elle doit recouvrer ces frais auprès de ses clients en leur demandant un prix plus élevé, ce qui pouvait avoir comme conséquence une diminution des ventes. Helly Hansen a aussi soutenu que les droits de douane plus élevés sont à l’origine de vêtements finis moins compétitifs, d’un niveau d’emploi moins élevé et d’une pression à la hausse sur les prix. Helly Hansen a en outre affirmé que, si les tissus en question entraient au Canada en franchise de droits de douane, elle aurait l’occasion d’augmenter ses ventes sur le marché des États-Unis, ce qui entraînerait une expansion de la capacité de son usine et une augmentation de l’emploi au Canada.

Helly Hansen a dit avoir déployé des efforts considérables pour déterminer si des tissus substituables étaient disponibles. Elle a déclaré avoir communiqué avec 14 fournisseurs de tissus pour déterminer s’ils produisaient des tissus substituables. Helly Hansen a allégué qu’aucun des fournisseurs susmentionnés n’a été en mesure de lui faire parvenir d’échantillons de tissus substituables aux tissus en question et qu’il n’y a pas de tissus substituables disponibles au Canada [5] .

Dans le cadre de sa revue du dossier réuni par le personnel du Tribunal et des exposés des autres parties, Helly Hansen a présenté des points supplémentaires.

Premièrement, Helly Hansen a soutenu que les tissus en question sont des tricots enduits par transfert et qu’un examen fait ressortir de façon évidente la différence entre un tissu (tissé) et un tricot. Helly Hansen a soutenu que l’enduction par transfert d’un tricot est un procédé unique qui donne des vêtements imperméables élastiques légers que beaucoup d’utilisateurs finals préfèrent et demandent, et qu’aucun des producteurs des tissus censément identiques ou substituables n’est capable de fabriquer un tricot enduit par transfert. De plus, Helly Hansen a affirmé que même les tissus dont il est dit qu’ils sont substituables aux tissus en question n’ont pas la même utilisation finale que ces derniers.

Deuxièmement, en réponse aux préoccupations de la branche de production nationale selon laquelle l’allégement tarifaire pourrait permettre à une vaste gamme de tissus d’entrer au Canada en franchise de droits, Helly Hansen a souligné que Revenu Canada a fourni une proposition de libellé aux fins du classement tarifaire qui empêcherait vraisemblablement une telle chose de se produire.

Troisièmement, Helly Hansen a affirmé que, depuis qu’elle a déposé ses demandes, elle a obtenu davantage de succès dans la promotion de ses produits grâce à leurs attributs supérieurs. Plus précisément, elle a soutenu avoir acheté le Techmaflex Nomex Z, qui sert dans la fabrication de vêtements ignifugés souples et légers, parce qu’elle croyait en l’avenir de ce type de produit. En outre, elle a soutenu avoir obtenu un contrat substantiel concernant des survêtements ignifugés faits avec un des tissus en question et que les facteurs déterminants ont alors été les qualités de son tricot enduit par rapport aux tissus (tissés) enduits présentement disponibles. Pour démontrer que les producteurs nationaux des tissus censément substituables ne pouvaient pas satisfaire le besoin visé dans le contrat mentionné, Helly Hansen a fait valoir qu’aucun des fabricants de vêtements qui ont fait opposition aux demandes d’allégement tarifaire n’a soumissionné en vue dudit contrat.

Quatrièmement, Helly Hansen a indiqué que, si l’allégement tarifaire était accordé, ses ventes futures de vêtements confectionnés avec les tissus en question seraient sensiblement plus élevées que celles indiquées par les données incluses dans les demandes qu’elle a déposées au début de 1998. Elle a aussi soutenu qu’elle subira une pression accrue dans sa concurrence avec les fabricants de vêtements finis importés, qui sont produits à des coûts de main-d’œuvre moindres, si l’allégement tarifaire n’est pas accordé, ce qui pourrait entraîner la perte d’emplois au Canada.

Enfin, en réponse aux allégations selon lesquelles ses importations ont un caractère exclusif et résultent d’un accord de licence passé avec sa société mère norvégienne, Helly Hansen a réitéré qu’aucun tricot enduit par transfert n’est produit au Canada et qu’elle ne peut donc pas s’approvisionner en tissus identiques ou substituables auprès de sources nationales. En outre, Helly Hansen a déclaré qu’elle est une société canadienne fermée et que, bien qu’elle ait passé un accord de licence avec la société Helly Hansen AS, de Norvège, l’accord ne porte que sur l’utilisation de la marque de commerce Helly Hansen. Helly Hansen a ajouté que, aux termes de l’accord de licence, elle a la liberté entière d’acheter des tissus de n’importe quel fabricant de son choix et a soutenu qu’elle achète plusieurs autres types de tissus au pays, y compris des tissus de la société Consoltex Inc. (Consoltex).

Helly Hansen a soutenu qu’elle demande un allégement tarifaire uniquement pour promouvoir le créneau du marché qu’elle dessert, et non pour décourager la production des fabricants de tissus enduits. Elle a conclu en indiquant que, selon les renseignements contenus dans ses mémoires, les tissus en question ne font pas concurrence aux produits actuels des fabricants canadiens et qu’il est impossible de trouver des tissus substituables au pays. À la lumière des faits susmentionnés, Helly Hansen a demandé que l’allégement tarifaire soit accordé.

Ranpro Inc.

La société Ranpro Inc. (Ranpro), de Simcoe (Ontario), fabrique des vêtements de protection pour l’industrie depuis le milieu du XIXe siècle. Depuis 30 ans, elle confectionne des vêtements de pluie industriels, y compris des cirés pour les pêcheurs commerciaux.

Ranpro a soutenu que l’enduit de polyuréthanne combiné au type de support en tricot que l’on retrouve dans les tissus en question permettaient de confectionner un vêtement extrêmement confortable et qu’elle n’a pas pu trouver de tissus identiques ou substituables de source nationale. Elle a aussi allégué que, bien qu’il n’y ait que quelques enducteurs de tissu en exploitation au Canada, aucun ne produit de tricot enduit. Elle a dit appuyer les demandes d’allégement tarifaire et a soutenu que, puisqu’elle ne peut obtenir de tissus identiques ou substituables au pays, une réduction du taux de droits l’aiderait à mieux concurrencer les produits finis importés d’Europe.

Consoltex

La société Consoltex, dont le siège social est situé à Montréal (Québec), emploie plus de 500 personnes. Elle est le plus grand producteur canadien de tissus artificiels et synthétiques et produit du nylon, du polyester, des tissus constitués de mélanges polyester et coton, polyester et nylon, polyester et rayonne, nylon et coton, acétate et rayonne et autres pour le marché des vêtements ainsi que pour les marchés des produits à usage domestique, industriel et non vestimentaire. Consoltex a soutenu qu’elle produit et vend des tissus enduits de polyuréthanne non alvéolaire faits avec un support en tissu de nylon, de polyester et de mélanges. De plus, Consoltex a dit vendre des tissus de support à diverses sociétés d’enduction et de laminage, tant au Canada qu’aux États-Unis. Elle a aussi soutenu que la production de tissus spécialisés qui répondent à des critères spécifiques en fonction des utilisations finales indiquées dans les demandes, comme les blousons et les salopettes des membres de la Garde côtière canadienne ou les blousons et les salopettes isolés et ignifugés, fait partie de son activité de base.

Quant aux avantages énumérés dans les demandes de Helly Hansen, Consoltex a soutenu que, sauf lorsqu’un accord de libre-échange s’applique, tout fabricant de vêtements est tenu de verser des droits de douane sur ses importations de matières premières et que ces droits font partie du coût du produit, commun à la plupart des fabricants, et s’appliquent non pas seulement à Helly Hansen. Consoltex a en outre soutenu que le simple fait que des tissus identiques ne sont pas fabriqués au Canada ne justifie pas l’allégement tarifaire lorsque des tissus substituables sont fabriqués au Canada. Consoltex a conclu en affirmant que l’allégement tarifaire allait entraîner, chez les producteurs nationaux, une pression inéquitable sur les prix et une perte importante de bénéfice brut et de ventes. Par conséquent, Consoltex a fait opposition aux demandes pour le motif qu’elle produit et vend des tissus enduits substituables.

Stedfast Inc.

Située à Granby (Québec), la société Stedfast Inc. (Stedfast) enduit des tissus (tissés) de polychlorure de vinyle, de polyuréthanne ou de caoutchouc, ses produits devant servir à la confection de vêtements imperméables, principalement pour des applications industrielles. Stedfast a allégué qu’elle est capable de produire des tissus identiques ou substituables et que, en 1993, elle a démontré sa capacité de produire un tissu enduit identique ou substituable aux tissus en question. Stedfast a soutenu que, si l’allégement tarifaire est accordé, une vaste gamme de tissus pourrait alors entrer au Canada en franchise de droits de douane, ce qui aurait une incidence sur la gamme entière des tissus enduits qu’elle produit. De plus, Stedfast a soutenu qu’elle sera capable de produire des tricots enduits par transfert en avril 1999. Par conséquent, Stedfast a fait opposition aux demandes.

Compagnie des tissus industriels Dominion

La société Compagnie des tissus industriels Dominion (CTID), de Montréal, a soutenu que ses clients qui effectuent l’enduction et le laminage sont capables de produire des tissus enduits identiques ou substituables aux tissus en question. Elle a soutenu que, si ses clients sont placés dans une position où ils doivent faire concurrence avec les importations de tissus en question, en franchise de droits de douane, ils s’attendront à obtenir des prix réduits de CTID ou verront leur chiffre d’affaires diminuer, ce qui entraînera des pertes de ventes pour CTID. Elle a aussi fait valoir qu’elle file tous ses propres fils utilisés pour faire ses tissus grèges et que toute perte au niveau du tissu aurait donc aussi une incidence sur sa production. Par conséquent, CTID a fait opposition aux demandes.

Beckwith-Bemis Inc.

La société Beckwith-Bemis Inc. (Beckwith), de Sherbrooke (Québec), est un fabricant et convertisseur à contrat de tissus, de pellicules et d’adhésifs enduits de matière plastique, faits sur mesure. Beckwith a soutenu que la contexture des tissus qu’elle produit à son usine de Sherbrooke est similaire ou identique à celle des tissus en question. Elle a fait opposition aux demandes d’allégement tarifaire parce qu’elle est d’avis que la définition des tissus en question est trop vaste et qu’elle supprimerait ainsi les barrières tarifaires conçues pour protéger les fabricants canadiens contre une concurrence étrangère déloyale. Beckwith a aussi fait valoir qu’elle est capable de produire des tissus substituables et que l’allégement tarifaire, s’il est accordé, aura une incidence négative sur les sociétés d’enduction et les fabricants de textiles canadiens qui dépendent dans une grande mesure des ventes canadiennes.

Mustang Survival Corp.

La société Mustang Survival Corp. (Mustang), de Richmond (Colombie-Britannique), est un producteur de survêtements de survie; elle a dit livrer directement concurrence à Helly Hansen quant à certains des produits auxquels servent les tissus en question. Mustang a soutenu que les produits finals sont faits de tissus enduits de nylon faits au pays que Mustang a développés et qu’elle produit présentement. Elle a en outre fait valoir que l’allégement tarifaire sur les tissus en question, s’il est accordé, peut placer Mustang dans une position désavantageuse pour la concurrence qu’elle livre à Helly Hansen et peut mettre en péril les travaux de développement que Mustang a menés avec Consoltex. Par conséquent, Mustang a fait opposition à l’octroi de l’allégement tarifaire sur les tissus en question.

Canadian General-Tower Ltd.

La société Canadian General-Tower Ltd., de Cambridge (Ontario), a déclaré qu’elle ne produit pas de tissus identiques ou substituables et, par conséquent, qu’elle ne fait pas opposition aux demandes d’allégement tarifaire présentées par Helly Hansen.

Institut canadien des textiles

L’Institut canadien des textiles (ICT) a fait observer que l’avocat de Helly Hansen avait déclaré que l’initiative visant à trouver des producteurs nationaux de tissus identiques ou substituables avait été infructueuse. Cependant, l’ICT a soutenu que plusieurs sociétés ont indiqué qu’elles sont capables de produire des tissus identiques ou substituables, y compris Consoltex, CTID, Stedfast, Beckwith et Mustang.

L’ICT a déclaré que les tissus en question sont imperméables, qu’ils doivent servir dans la confection de vêtements, et qu’ils se composent d’un tissu textile et d’un composant en matière plastique appliqué par un procédé d’enduction ou de laminage. L’ICT a soutenu que les tissus en question relèvent d’une classe connue sous l’appellation de tissus imperméables. Cette classe de produits, selon l’ICT, est bien représentée par les tissus fabriqués par les producteurs canadiens comme Consoltex, Stedfast et autres.

L’ICT a soutenu que Helly Hansen, en formulant ses demandes d’une telle manière, n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve selon lesquels plusieurs producteurs nationaux sont activement engagés dans la fabrication et dans la vente de tissus qui sont identiques ou substituables aux tissus en question. L’ICT a aussi déclaré qu’il semblerait que Helly Hansen ait adopté le point de vue qu’il n’existe pas de tissus « identiques ou substituables » à moins qu’un producteur national ne produise présentement de tissu qui réponde aux spécifications exactes déterminées par la société mère de Helly Hansen, située en Europe. L’ICT a soutenu qu’il s’agit-là d’une interprétation incorrectement trop étroite de l’expression tissu « identique ou substituable ». L’ICT a en outre soutenu que les spécifications des tissus en question sont, selon toute apparence, une propriété exclusive et que, par conséquent, aucun producteur national n’est susceptible de vraisemblablement produire des tissus identiques étant donné l’absence de demande. L’ICT a aussi soutenu que les demandes soulèvent une vaste opposition.

L’ICT a souligné que Helly Hansen a introduit la notion que les tricots enduits par transfert de polyuréthanne ne sont ni substituables aux tissus censément substituables que produisent Stedfast ou Consoltex, ni ne sont-ils en concurrence directe sur le marché national avec ces tissus. L’ICT a dit ne pas être d’accord sur cette notion et a affirmé que la présente enquête n’a été ni entreprise ni menée relativement aux tissus enduits par transfert et que la notion de non-substituabilité et de non-concurrence est dénuée de tout fondement. En outre, l’ICT a soutenu que des tissus enduits par transfert (en utilisant n’importe quelle contexture de support, y compris celle des tissus en question) pourront être obtenus de Stedfast en avril 1999.

L’ICT a soutenu que l’affirmation de Helly Hansen, selon laquelle la différence entre un tricot enduit et un tissu (tissé) enduit ressort manifestement à l’examen, néglige le point fondamental que les tissus en question sont des tissus enduits. L’ICT a en outre allégué que les différences, qui peuvent être observées lorsque des tricots sont comparés avec des tissus (tissés), ne sont pas du tout évidentes si les étoffes comparées sont enduites, parce que le support textile est masqué sur un côté par l’enduit. L’ICT a aussi soutenu que Helly Hansen n’a produit aucun élément de preuve concernant le fait que les utilisateurs finals ont spécifié ou demandé que le tissu enduit utilisé dans les vêtements imperméables soit produit au moyen d’un procédé d’enduction par transfert.

En réponse à l’argument de Helly Hansen selon lequel cette dernière commercialise activement ses produits spécialisés et consolide le créneau du marché qu’elle a créé, l’ICT a déclaré que cela suppose que toute augmentation des ventes prévue sera réalisée par le déplacement de vêtements confectionnés avec des tissus enduits. Cependant, l’ICT a allégué que certains éléments indiqueraient que Helly Hansen n’a pas le matériel nécessaire pour confectionner des vêtements avec des tissus enduits. Le cas échéant, l’ICT a soutenu que l’occasion qui existe sur le marché quant aux tissus enduits ne peut être accaparée que par d’autres fabricants de vêtements de pluie qui sont équipés pour se servir des tissus enduits dans la fabrication de leurs produits finals.

À la lumière des faits susmentionnés, l’ICT a soutenu qu’il n’existe aucun fondement qui permette de raisonnablement réduire, et encore moins d’éliminer, le taux de droits de douane comme il l’a été demandé.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a avisé le Tribunal que le Canada n’impose pas de contingent sur les tissus en question classés dans le numéro tarifaire 5903.20.29. Ces tissus ne sont donc pas soumis à des restrictions quantitatives à l’importation.

Revenu Canada a déclaré que l’administration de l’allégement tarifaire demandé pour les tissus en question n’entraînerait aucun coût en sus de ceux déjà supportés par le Ministère, si l’allégement tarifaire était accordé. Il a aussi fait savoir au Tribunal que ni le laboratoire de Revenu Canada ni les laboratoires commerciaux ne sont en mesure de distinguer spécifiquement les tissus enduits par transfert et les tissus enduits par d’autres méthodes.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs qui entrent en ligne de compte et notamment la possibilité de substituer les tissus en question aux tissus nationaux, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval et la compétitivité de ces industries en aval, au Canada et à l’étranger. Par conséquent, toute recommandation d’allégement tarifaire du Tribunal est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

Les demandes de Helly Hansen englobent un type particulier de tissu, à savoir, les tricots imperméables qui sont enduits au moyen d’un procédé d’enduction par transfert. Les tissus en question ne sont pas détenus en propriété exclusive et sont achetés, principalement, en Belgique. Ainsi qu’il a déjà été expliqué, les tricots enduits par transfert servent à produire des vêtements imperméables élastiques et légers que beaucoup d’utilisateurs finals préfèrent et demandent. Helly Hansen a soutenu qu’il n’y a pas de tissus nationaux identiques ou substituables aux tissus en question, et que, à au moins deux reprises, elle a été l’adjudicataire de contrats de grande importance du fait que ses vêtements avaient été confectionnés avec un tricot enduit par transfert.

En réponse, plusieurs producteurs nationaux ont soutenu qu’ils sont capables de produire des tissus identiques ou substituables. Les sociétés qui ont présenté un tel argument incluent Consoltex, Stedfast, CTID et Beckwith. De plus, Mustang, un producteur de survêtements de survie [6] , s’oppose à l’octroi de l’allégement tarifaire sur les tissus en question parce que, censément, elle livre directement concurrence à Helly Hansen relativement à certains des mêmes clients. Beaucoup de sociétés susmentionnées ont indiqué qu’elles subiraient des pertes considérables, tant en termes de ventes qu’en termes de profits, si l’allégement tarifaire était accordé. Pour sa part, l’ICT a soutenu que les demandes s’appuient sur une définition trop étroite de la notion de substituabilité et qu’il ne peut y avoir de tissu « identique ou substituable » disponible auprès d’un producteur national à moins que ledit tissu satisfasse les spécifications précises déterminées, en Europe, par la société mère de Helly Hansen.

Deux caractéristiques des tissus en question sont au cœur des présentes demandes, à savoir, leur support doit être un tricot et l’enduit doit être appliqué selon un procédé appelé enduction par transfert. Selon le Tribunal, après examen des divers échantillons et des éléments de preuve présentés par les producteurs nationaux, il ne se produit pas au Canada de tissus identiques aux tissus en question. Cependant, avant de compléter la présente analyse, le Tribunal doit déterminer si les tissus enduits (au moyen d’un procédé d’enduction directe), qui sont disponibles auprès des producteurs nationaux, sont substituables aux tissus en question.

Une des raisons principales pour lesquelles Consoltex fait opposition aux présentes demandes se rapporte au fait qu’elle produit et vend des tissus enduits substituables qui, selon elle, entrent en concurrence avec les tissus en question devant servir à la confection de vêtements. Cependant, tous les échantillons de tissus fournis par Consoltex étaient des tissus (tissés) enduits par la méthode d’enduction directe, tandis que les marchandises en question sont à la fois un tricot et sont enduites par transfert. Le Tribunal est d’avis que les tissus (tissés) enduits par enduction directe et les tricots enduits par transfert présentent des caractéristiques physiques sensiblement différentes. Plus précisément, les tricots enduits par transfert sont beaucoup plus élastiques. De plus, le Tribunal fait observer que, des cinq grands clients désignés par Consoltex en tant qu’utilisateurs de ses tissus et, donc, des concurrents de Helly Hansen, les deux premiers ne confectionnent aucun vêtement qui soit en concurrence avec les vêtements de Helly Hansen. Les trois autres grands clients produisent des vêtements destinés à l’industrie forestière, un secteur où la présence de Helly Hansen est négligeable. À la lumière de ces éléments de preuve, il n’existe donc, selon le Tribunal, qu’un degré limité de substituabilité entre les tissus que produit Consoltex et les tissus en question.

Bien que Stedfast ait allégué qu’elle enduit des tissus qui sont substituables aux tissus en question, trois des six produits désignés par Stedfast comme étant substituables sont de fait des tissus (tissés) et non des tricots. En outre, les trois tricots enduits par Stedfast sont des produits haut de gamme imper-respirants qui ne sont habituellement pas substituables aux tissus en question. Par rapport aux tissus de Stedfast, les tissus en question ne sont pas un produit imper-respirant, et ils sont habituellement plus légers et plus souples. De plus, tous les tissus de Stedfast ont été enduits directement et non par transfert. Le Tribunal n’est donc pas convaincu que les tissus enduits pas Stedfast sont substituables aux tissus en question.

Bien que Beckwith ait dit produire des tricots substituables aux tissus en question, les tricots de Beckwith sont beaucoup plus lourds que les tissus en question. Comme tel, le Tribunal n’a pas trouvé d’élément de preuve qui motiverait la conclusion selon laquelle les tissus produits par Beckwith sont substituables aux tissus en question et sont en concurrence avec ces derniers en vue des mêmes utilisations finales.

L’argument de CTID selon lequel elle subira des pertes si l’allégement tarifaire est accordé est fondé sur la prémisse que ses clients qui font l’enduction et le laminage sont capables de produire des tissus enduits directement qui sont substituables aux tissus en question. Cependant, CTID n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de cet argument.

Enfin, Mustang a allégué qu’elle livre concurrence sur les mêmes marchés de produits finals que Helly Hansen. Le Tribunal reconnaît que cela peut être le cas, mais il fait observer que, lorsqu’une telle concurrence intervient, elle ne se rapporte qu’aux produits de Helly Hansen qui ne sont pas fabriqués avec les tissus en question. Le Tribunal ne croit donc pas que Mustang subira des pertes si l’allégement tarifaire est accordé.

Après avoir examiné l’ensemble des exposés et des éléments de preuve, le Tribunal conclut qu’il n’existe qu’un degré limité de substituabilité entre les tissus de production nationale et les tissus en question sur les secteurs de marché relativement étroits concernant les utilisations finales susmentionnées. Dans la plupart des applications, un tissu enduit directement ne sera pas substituable aux tissus en question, ni vice versa. Une telle conclusion est renforcée du fait que les cinq grands acheteurs du tissu que Consoltex affirme être substituable aux tissus en question, n’ont pas fait concurrence à Helly Hansen relativement à un contrat important. Bien que le Tribunal reconnaisse que les deux types de tissus puissent faire l’objet d’une certaine concurrence dans les applications propres à l’industrie forestière, le Tribunal est d’avis que le niveau de substituabilité global est minime.

Quant à l’analyse des coûts-bénéfices, les producteurs nationaux de tissus censément substituables ont avancé que l’octroi de l’allégement tarifaire pourrait se traduire par des coûts substantiels sous forme de diminution des ventes et des marges bénéficiaires brutes. Leurs estimations sont fondées sur deux hypothèses : la première voulant que les producteurs nationaux produisent présentement un fort volume de tissus qui sont directement et étroitement substituables aux tissus en question; la deuxième, que l’allégement tarifaire permettra à une vaste gamme de tissus enduits d’entrer au Canada en franchise de droits de douane, ce qui aurait pour conséquence de faire baisser les prix de vente et les volumes de vente des producteurs nationaux. Selon le Tribunal, seule la dernière hypothèse pourrait être fondée, du moins en partie.

Pour garantir que seuls les tissus visés dans les demandes fassent l’objet d’un allégement tarifaire, le Tribunal est d’avis que l’addition d’une condition, selon laquelle les tissus en question doivent être certifiés par l’exportateur comme ayant été enduits par transfert, réduira considérablement la gamme de tissus susceptibles d’être importés en franchise de droits de douane si l’allégement tarifaire est accordé. Le Tribunal conclut donc que les affirmations de la branche de production nationale quant aux coûts associés à l’octroi de l’allégement tarifaire sont en grande partie dénuées de fondement.

En outre, Helly Hansen a affirmé que, si l’allégement tarifaire est accordé, ses ventes de produits Techmaflex seront considérablement plus élevées que celles qui avaient été prévues dans les demandes. Il s’ensuivrait des bénéfices plus élevés à long terme. Ces bénéfices devraient sensiblement dépasser 100 000 $ et amélioreront les possibilités de ventes au Canada, ainsi que sur les marchés à l’exploitation.

Le Tribunal conclut par conséquent que, bien que les producteurs de textiles canadiens puissent devoir assumer certains coûts modestes et que le prix de certaines gammes de produits puisse subir des pressions à la baisse, les gains prévus l’emporteront sur les coûts. Par conséquent, l’octroi de l’allégement tarifaire assurera des gains économiques nets au Canada.

Durant la période d’enquête, le Tribunal a été avisé que, d’ici à avril 1999, Stedfast devrait disposer des machines et appareils de production de tricots enduits par transfert. Cependant, le Tribunal fait observer que Stedfast n’a fourni aucun élément de preuve qui pourrait aider le Tribunal à déterminer la fiabilité d’un tel renseignement. Dans diverses affaires [7] , le Tribunal a indiqué qu’il incombe aux producteurs nationaux de fournir des éléments de preuve, et non seulement des affirmations ou des allégations, quant à leur capacité de produire des tissus identiques ou substituables. Par conséquent, le Tribunal n’est pas disposé à accueillir les déclarations des producteurs nationaux selon lesquelles il y aura, dans un proche avenir, des quantités commerciales de tissus de production nationale qui sont identiques ou substituables aux tissus en question. Cependant, si l’allégement tarifaire est accordé, le Tribunal serait disposé à examiner, à l’avenir, une demande de réexamen, lorsque Stedfast sera en mesure de soumettre des éléments de preuve qu’elle peut produire et vendre des quantités commerciales de tissus qui sont identiques ou substituables aux tissus en question.

Finalement, quant à l’observation de l’ICT selon laquelle la présente enquête n’a pas été entreprise relativement aux tricots enduits par transfert, le Tribunal fait observer que les demandes déposées par Helly Hansen indiquaient tout à fait clairement que les tissus en question étaient des tricots enduits par transfert. En outre, les échantillons fournis aux participants à l’enquête étaient des tricots enduits par transfert, un fait que lesdits participants auraient découvert lors d’un examen. Par conséquent, le Tribunal conclut que tous les participants ont découvert, ou auraient dû découvrir, que les tissus en question étaient des tricots enduits par transfert.

RECOMMANDATION

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande par la présente au Ministre d’accorder l’allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, des tricots trame de polyester, de nylon ou de poly(m-phénylène-isophthalamide), enduits sur un côté de polyuréthanne non alvéolaire, certifié par l’exportateur comme ayant été enduits par transfert, de la sous-position no 5903.20, devant servir à la confection de vêtements.

Patricia M. Close
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Patricia M. Close
Membre présidant


Raynald Guay
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Raynald Guay
Membre


Peter F. Thalheimer
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Peter F. Thalheimer
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Vol. 132, no 38 aux pp. 2452-2453.

5. En même temps que les présentes demandes, Helly Hansen a déposé trois autres demandes (TR-97-017, TR-97-018 et TR-97-019) portant sur différents tissus. Cependant, en partie à cause de la nature de la procédure du Tribunal, Helly Hansen a réussi à identifier un fabricant national capable de produire des tissus identiques ou substituables. Helly Hansen a donc retiré les autres demandes.

6. Il s'agit de produits utilisés par l'équipage et les passagers d'hélicoptères et dans certaines activités en mer.

7. Voir, par exemple, Rapport au ministre des Finances : Demande d'allégement tarifaire déposée par Camp Mate Limited concernant certains tissus constitués de fils continus de nylon non-texturés, demande no TR-95-051, le 10 juin 1996 ; Rapport au ministre des Finances : Demandes d'allégement tarifaire déposées par Lady Americana Sleep Products Inc. et Ameublement El Ran Ltée concernant certains tricots chaîne liés par couture, demandes nos TR-95-064 et TR-95-065, le 12 février 1997; et Rapport au ministre des Finances : Demande d'allégement tarifaire déposée par Cambridge Industries concernant des filets, demande no TR-98-001, le 12 février 1999.


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Publication initiale : le 22 mars 1999